Deuxième partie de notre interlude consacré au dialogue dans le cadre de la production phonographique. La semaine dernière, j'ai peut-être mis la charrue avant les boeufs et cet épisode aurait certainement dû être publié en amont… Le hasard de l'inspiration en a voulu autrement et comme le dit ce vieil adage : vieux motard que j'aimais !
Psy-losophie
Cela en surprendra peut-être certains mais pour qu’un dialogue se passe au mieux, il faut avant toute chose savoir… écouter ! En effet, un dialogue sans écoute de part et d’autre ne se résume finalement qu’à la superposition de monologues, ce qui n’est pas la chose la plus fertile qui soit.
Si nous nous recentrons sur le cas de la production phonographique du point de vue du technicien son / directeur artistique, comment imaginer obtenir un rendu sonore répondant aux attentes de chacun des intervenants sans avoir pris la peine de cerner ces dernières en premier lieu ? C’est bien évidemment impossible, il faut toujours connaître l’énoncé d’un problème avant de pouvoir espérer le résoudre. Moralité, avant de planifier la moindre séance d’enregistrement, je vous invite à discuter et surtout écouter chacun des intervenants (auteur, compositeur, musiciens, etc.) afin de connaitre la « vison sonore » que chacun d’eux a du titre à produire. Une fois cela fait, le travail consiste alors à trier le grain de l’ivraie de façon à accorder au mieux ces différentes conceptions de l’oeuvre pour que tout le monde puisse apporter sa pierre à l’édifice. Bien entendu par la suite, tout ça se traduira en pratique par des choix techniques au niveau de l’enregistrement, du mixage, etc.
Ce paragraphe vous parait-il encore beaucoup trop abscons ? Peut-être qu’un exemple plus concret vous parlera plus, même s’il ne me vient pas de mon expérience en studio mais de ma pratique du « live »…
Il y a 7 ans de ça, j’ai fait un remplacement d’une semaine en tant que « sondier » pour une salle de concert orientée musiques du monde. Je me suis retrouvé à devoir sonoriser des instruments pour le moins exotiques comme le saz, le balafon, ou bien encore l’erhu… Ayant jusque-là essentiellement exercé dans le milieu des musiques actuelles, autant vous dire que je n’avais absolument aucune idée de la façon dont il fallait procéder pour capter correctement la plupart de ces instruments. C’est alors que je me suis souvenu d’une chose que mon prof de philosophie de terminale me répétait sans cesse : « Lorsqu’on ne sait pas, il faut oser demander et surtout oser écouter. Celui qui écoute, c’est celui qui apprend ! ». Du coup, j’ai tout simplement demandé conseil aux principaux intéressés, les musiciens eux-mêmes. Après tout, c’est encore eux qui connaissent le mieux leur joujou !
Je leur ai donc demandé de me parler du son de leur instrument : d’où provenait le son exactement, quelles étaient les principales caractéristiques sonores (tessiture, plage dynamique, etc.) qui les démarquaient des autres, comment avait-il l’habitude d’être sonorisé, etc. Je les interrogeais aussi sur leurs attentes en matière sonore (couleur, grain, fonction au sein des compositions, etc.). Et bien entendu, je leur demandais également de me jouer un petit morceau histoire de familiariser mon oreille à ces sons d’un nouveau genre pour moi. Après les avoir écoutés attentivement, j’ai confronté toutes ces nouvelles informations à mes propres connaissances en matière de prise de son afin d’envisager les différentes options techniques à ma disposition. Puis, j’ai mis en oeuvre la solution me paraissant la plus adaptée à la situation et en l’espace d’un ou deux échanges avec le musicien pour affiner le résultat, je parvenais généralement à quelque chose d’assez satisfaisant… En tout cas suffisamment satisfaisant pour que ce remplacement d’une semaine dure finalement près de 6 mois !
Voilà, c’est de cela dont je parle lorsque je vous dit que l’écoute est un prérequis essentiel à tout dialogue. C’est à mon sens la meilleure façon de faire avancer le Schmilblick !
« Oui, il est bien gentil notre Nantho mais il oublie un peu vite que je suis tout seul moi dans mon home studio… » Que nenni les amis ! J’ai parfaitement conscience que la majorité d’entre vous oeuvre seul dans une chambre obscure en mode « Alone Studio ». D’ailleurs, c’est également mon cas lorsque je travaille sur mon propre projet. Mais alors, comment faire lors de ces séances d’onanisme créatif ? C’est ce que nous verrons la semaine prochaine…