Le K702 est un des modèles les plus récents que nous testons dans cette série de casques "de référence". Sorti en 2008, il s'est rapidement imposé par sa précision sonore, alliée à un prix relativement peu coûteux. Le voici arrivé dans notre banc d'essai...
Ce mois-ci, nous ajoutons à nos tests, qui d’habitude suivent les sorties récentes, un passage en revue de six casques qui ont plus que fait leurs preuves : les indéboulonnables, les classiques, ceux que l’on trouve comme écoute de référence dans de nombreux studios, mais aussi dans d’autres domaines où la captation sonore joue un rôle phare (radio, cinéma, TV, régie…). Il s’agit également de six références qui font toujours partie des meilleures ventes chez leurs constructeurs respectifs, et cela plusieurs décennies après leur première production. Chacun d’entre eux est connu pour quelque aspect particulier (confort, isolation, solidité, légèreté…). Certains tirent vers le « neutre » (si tant est que cette notion existe pour des transducteurs), d’autres sont franchement du côté de l’écoute « effet loupe ».
Certains de ces casques avaient fait l’objet d’un comparatif AF il y a maintenant… douze ans ! Maintenant que notre méthode de test s’est affinée et que nous avons sous la main notre propre testeur, il nous a paru intéressant d’établir ces six tests « de base », auxquels tous nos lecteurs pourront se référer.
Et cette fois-ci, nous nous penchons sur le K702 d’AKG
Présentation/déballage
Spécifications
Le K702 est un casque de type circum-aural, ouvert, avec un transducteur dynamique de 45 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
- impédance : 62 ohms, donc tout juste utilisable avec un appareil portable, il s’en tirera mieux avec un amplificateur dédié.
- réponse en fréquence : 10 Hz - 40 kHz
Le câble détachable se connecte à l’écouteur gauche avec un mini-XLR 3 points, et se termine à son autre extrémité par une prise jack 3,5 mm TRS, plus son adaptateur 6,35 mm TRS. Le câble, droit, fait 3 m de long, donc plus adapté pour l’usage en (home-)studio que dans la rue.
La connectique mini-XLR (côté mâle comme femelle) a l’air bien robuste. On ne peut pas en dire autant des matériaux utilisés pour les oreillettes, ni pour la connexion de l’arceau en faux cuir : beaucoup de plastique moyennement solide et surtout pas protégé contre les chocs (nous y reviendrons). Le casque n’étant pas pliable (là aussi, nous y reviendrons), on craint pour sa longévité, si son utilisateur devait l’emporter régulièrement en déplacement.
Démontable
Complètement, mais cela demande plus de délicatesse que d’autres casques de cette série.
On peut, dans un premier temps, retirer les mousses. Pas la peine de tirer dessus : il suffit de leur imprimer une rotation de quelques degrés, et elles se détachent toutes seules.
Pour détacher le transducteur, en revanche, il va falloir passer par l’arrière.
Là aussi, pas besoin de forcer, il suffit de tourner légèrement. Pour cela, il faut trouver un outil adéquat : personnellement j’ai utilisé une petite pince à bec rond, en plaçant les bouts du bec dans les trous de la grille.
On note au passage : cette pièce est fragile – on trouve sur le Net des tutoriels vidéos où les bricoleurs de casque tordent cette grille ou agrandissent ses trous en forçant dessus. Attention à utiliser le bon outil !
On découvre alors deux petites vis : celles-ci retirées, la pièce en plastique se déclipse facilement et révèle…
…une autre grosse vis cruciforme qui relie l’armature de l’arceau à l’oreillette. Retirons -là :
L’oreillette est maintenant détachée de l’arceau (je l’ai retournée pour que les deux câbles ne soient plus croisés). Cependant je dois m’arrêter là : voilà pourquoi…
La pièce annulaire qui bloque le transducteur se détache maintenant toute seule de l’oreillette (voir partie entourée en vert), mais pour la retirer il faudrait dessouder les deux câbles, et je peux difficilement aller jusque là sur un casque prêté par un distributeur. Remarquez le « système AKG », inventé par la marque il y a des décennies et désormais copié par d’autres (Superlux par exemple) : la connexion entre les HP droite et gauche se fait par les deux arceaux métalliques (isolés grâce à une gaine plastique noire) – les câbles des HP sont directement soudés sur l’arceau, qui sert de conducteur. Chapeau !
Une recherche rapide sur la toile révèle la disponibilité des pièces de remplacement suivantes :
- mousses (en diverses matières)
- câble (droit ou torsadé)
- bandeau d’arceau
Confort
Excellent.
Grandes oreillettes qui entourent bien toute l’oreille, mousse en velours confortable, serrage suffisant, mais pas excessif, et pareil pour le poids : bref, c’est un gros casque, mais qui sait se faire oublier. En plus il est léger pour sa taille (à 235 grammes, c’est le plus léger des « gros » casques testés). Bien sûr, les formes de tête, c’est comme les goûts et les couleurs… Chacun à la sienne, et mon expérience n’est pas universelle.
NB : Certains modèles précédents étaient munis d’un bandeau avec des bourrelets. Des utilisateurs se plaignaient d’inconfort à la longue. Le bandeau est maintenant lisse, et nettement plus confortable.
Isolation
Casque ouvert, donc rien à signaler. En revanche, j’ai trouvé que le casque « fuyait » beaucoup lors du benchmark, nettement plus que le HD650.
Transport
Ce n’est pas le point fort du casque : léger certes, mais pas pliable du tout, et l’on craint d’abîmer certaines pièces très apparentes (les fines glissières en plastique transparent, ou les fragiles grilles arrières) si jamais on transporte le casque dans un sac avec d’autres objets un tant soit peu « contondants ».
Et en plus : pas de sac de transport ! Vraiment dommage…
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion harmonique totale (THD), réalisées dans notre atelier.
Réponse de fréquence :
Quelques constatations :
- Un grave en retrait, avec une montée progressive jusqu’à 300 Hz
- Un premier (léger) creux à 800 Hz
- Une remontée encore plus forte de 800 Hz à 2 kHz
- Suivi d’un premier pic d’accentuation à 4 kHz
- Un creux important à 6 kHz
- Un pic très accentué à 8 kHz
- Un bon suivi jusqu’à 20 kHz
On s’attend donc à un casque très généreux dans l’aigu, très aéré, avec un médium séparé entre haut-médium en avant (on devrait avoir des voix très « articulées », très « aérées ») et allant de plus en plus en retrait plus on s’approche du bas médium. Les basses devraient être également en retrait, mais à peine plus que le bas médium. Les transducteurs sont très bien appairés.
Distorsion
Majoritairement très légèrement au-dessus de 0,2 % (au-dessous de 1 kHz), c’est la mesure la moins bonne de l’ensemble de casque que nous avons sélectionné, même si la différence se joue à quelques centièmes de pourcentage.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Tout de suite, l’écoute confirme ce que montrent les mesures : une reproduction sonore qui favorise l’aigu et le haut médium, une voix très articulée, en avant, une grande qualité de détails (son de plectre, plosives, très bon suivi des queues de réverbe). L’image stéréo est excellente, très large, avec un suivi précis du panoramique (réverbe de la scie s’ouvrant un peu plus vers la gauche). Le médium n’est pas tant en retrait que « neutre », pas très excitant pour l’écoute récréative, mais sûrement très adapté pour le mix. Le grave est en retrait, ce qui le rend à la fois assez précis pour le mix (on y percevra mieux un léger changement d’EQ que sur un casque trop « grassouillet du bas »), mais qui risque de donner des envies de suraccentuation.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. En effet, ça se confirme : le grave n’est pas son fort. Un signe simple : l’amplitude sonore des notes (le volume si vous voulez), mais aussi l’impression de présence physique de la note, varie selon la hauteur – plus c’est grave, moins c’est présent. La reproduction du grave est donc irrégulière. En revanche, pour ce qui est du détail des timbres (attaque du clavier-basse vs attaque de la grosse caisse, par exemple) pas de problème, le casque ne noie pas l’information. La voix, nasale d’origine, l’est encore un peu plus avec cette bosse à 4 kHz, ce qui n’est pas nécessairement un avantage.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Très belle image stéréo : le panoramique est large, les instruments se placent de façon précise. L’extrême grave n’est tout simplement pas là, pas la peine de chercher. Les sifflantes sur la voix ne sont pas accentuées au point de devenir gênantes, mais la voix souffre un peu d’un rendu « nasal » ou « fermé » : quelques fréquences sont trop accentuées à notre goût.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Le médium très neutre du casque fait ici son effet : la masse instrumentale est rendue de façon détaillée, et si les instruments graves sont en retrait, c’est plutôt un bien, car l’ensemble s’en trouve plus équilibré et lisible. Les cymbales sont en avant, au risque de presque « manger » les cuivres, mais pas tout à fait heureusement. La réverbe, assez large, sur la petite excursion solo du saxophone est bien suivie, bien révélée par l’image stéréo et l’accentuation des hauts médiums.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. C’est très bien pour une écoute analytique : placement des instruments, rendu des nuances, suivi de la réverbe acoustique… tout y est. On sent vraiment sur ce morceau le potentiel « loupe » du casque, mais pas seulement, car il se marie bien à un médium neutre et précis, l’ensemble favorisant une écoute critique et le repérage de défauts. À noter toutefois : à ce point de l’écoute, un début de fatigue auditive se fait sentir, il est temps de prendre une pause.
Conclusion
Il nous a semblé, durant ce test, que le K702 était un casque intéressant, mais peut-être à privilégier plutôt comme instrument d’écoute analytique, ou comme un « outil » spécifique de mix, que l’on pourra exploiter si l’on en connait la signature sonore. Car attention à une fausse impression de présence de l’aigu, ou d’absence du grave : le casque a un profil très spécifique, qui méritera soit une petite correction pour mieux le « neutraliser », soit un usage en connaissance de cause. Ceci est plus une mise en garde qu’une critique, car au-delà de ce déséquilibre qui lui est propre, le K702 nous a paru précis, avec des médiums neutres (pas ultraflatteurs, mais c’est tant mieux) et une image stéréo très large et détaillée. C’est pour cela que, même si nous noterons comme « moins » objectif le manque de grave du casque, nous ne comptons pas cet élément pour la note : ne l’achetez pas pour mixer des grosses basses sub, tout comme vous n’achèteriez pas un piccolo pour jouer du death metal.
Quelques critiques alors ? Eh bien oui, et plutôt sur l’aspect mécanique de l’objet : léger, mais difficile à transporter, confortable, mais laissant fuir beaucoup de son (eh non, ce n’est pas aussi prononcé sur tous les casques ouverts !), pas très robuste, mais vendu sans sac de transport… Pour un casque d’environ 140 euros, nous ne nous attendons pas à une facture irréprochable, mais dans cette gamme de prix, d’autres casques testés dans notre série ont au moins l’avantage de la robustesse, ou du pliage…
Reste un casque vraiment intéressant, probablement un bon outil de mix à utiliser en complément d’un autre plus linéaire, ou avec des basses plus prononcées.