Sortie il y a maintenant plus de deux ans, la tablette d'Apple continue de faire un carton et ses parts de marché restent à la limite de l'insolence. Il est donc normal que certaines marques de l'audio prennent le train en marche et proposent des solutions logicielles ou matérielles dédiées à l'iPad. Cette fois-ci, c'est Mackie qui s'y colle en proposant une petite table de mixage incorporant la tablette en son sein.
Il faut dire que la tablette pommée reste une référence hardware, avec sa finition soignée, son écran tactile précis et très réactif. De plus, son OS permet aux développeurs de coder relativement facilement des applications toujours plus créatives.
Alesis, IK Multimedia ou encore Behringer ont été parmi les premières marques à proposer des produits autour de l’iPad, et c’est maintenant au tour de Mackie de sortir la DL1608, une console orientée live et laissant la part belle à la fameuse tablette.
Touch me, I want to feel your body
Avant tout, une analyse étymologique s’impose : DL pour Digital Live et 1608 pour 16 entrées, 8 auxiliaires. La première chose qui surprend agréablement, c’est la taille de l’engin par rapport au nombre de voies proposées : avec des dimensions de 291 × 40/95 × 391 mm et un poids de 3,1 kg, il est possible de glisser la DL1608 dans un (gros) sac à dos ! Il existe d’ailleurs un sac chez Mackie, moyennant quelques euros, évidemment.
Le look de la DL1608 est assez sobre, et laisse la part belle à l’iPad qui trônera fièrement au centre de la console. La coque est en plastique et seules quelques pièces sont en métal : la grille devant et les tiges qui tiendront l’iPad bien en place. Nous avons d’ailleurs une remarque à faire : la console a laissé des traces sur notre tablette chérie que nous avons pu retirer en frottant un peu… Ouf ! Il est très possible néanmoins qu’à la longue la DL1608 endommage l’iPad à cause de ces fameuses tiges en métal qui viennent frotter contre l’aluminium de la tablette. Notons qu’il sera possible de locker l’iPad dans la console en vissant une pièce supplémentaire empêchant la tablette de bouger ou d’être volée par inadvertance (PadLock pour l’iPad et Kensington lock pour la DL1608).
Prises et boutons
Une des grandes forces de la DL1608 est visible au premier coup d’oeil : il y a peu de boutons et parait donc assez simple à utiliser. Jute au-dessus de l’iPad se placent les potards de gain, logiquement au nombre de 16, et on retrouve aussi la prise casque et le potard de volume associé.
Sur le panneau arrière se situent les prises XLR, 18 au total : 16 entrées (niveau micro et ligne) et 2 sorties. 4 des entrées sont de type combo XLR/Jack TRS 6,35mm et on retrouve aussi 6 sorties jack 6,35mm pour les auxiliaires. Notons aussi la présence des switchs de mise sous tension et de l’alimentation fantôme. Enfin, derrière l’engin se situe la prise d’alimentation (bloc secteur externe), et la prise RJ45 afin de relier la console à un réseau existant ou un routeur WiFi.
Le tout semble d’assez bonne qualité, bien qu’une grande partie de la console soit en plastique. Les connecteurs sont des Neutrik, les potards caoutchouteux sont assez espacés les uns des autres et offrent une résistance parfaite. La construction est sérieuse, mais cela semble quand même le minimum vu le prix de la console (un peu plus de 1000€). Il y a quand même un peu trop de plastique à notre goût…
Un tour sur l’App Store
Avant de lancer l’application à proprement parler, parlons des différentes configurations possibles avec la DL1608. La console peut fonctionner de manière simple en glissant l’iPad dans le dock, ce dernier sera alimenté/rechargé par la même occasion. C’est la configuration recommandée, car fatalement plus stable que le WiFi, lorsque vous assurerez le mix « façade » lors d’un concert. Car la DL1608 permet aussi de connecter le ou les iPad en WiFi, pour peu que vous disposiez d’un routeur WiFi… En effet, la console ne propose qu’une petite prise RJ45 et n’a pas de WiFi intégré. C’est dommage, car si la salle de concert ne possède pas de routeur WiFi, il faudra ajouter une centaine d’euros à la facture pour en acheter un, si possible Dual Band (l’iPad est compatible avec la bande WiFi 5 GHz, beaucoup moins encombrée que la classique 2,4 GHz). Nous vous conseillons l’Airport Express d’Apple, qui est petite, Dual Band, facilement configurable via une application iOS et qui ne coûte « que » 99€. Et même si ça n’a rien à voir avec la console que nous testons aujourd’hui, l’Airport Express est compatible AirPlay, protocole d’Apple permettant d’envoyer le son de votre iPad/iPhone via WiFi, ce qui est très sympa à la maison…
Une fois le routeur WiFi configuré, il sera possible de connecter jusqu’à 10 iPad (!) afin de gérer la façade, mais aussi les retours musiciens. Eh oui, vous l’aurez compris, chaque musicien pourra se faire lui-même son petit mix via son iPad personnel… Mais nous verrons ça plus tard.
Pour ce test, nous avons utilisé un iPad troisième génération. Notons tout de même que les tablettes de quatrième génération ne fonctionneront pas avec la DL1608, à cause du nouveau connecteur Lightning… Pour être tout à fait exact, il sera possible de les utiliser, mais seulement en WiFi. Le constructeur précise dans une vidéo qu’il est possible d’utiliser l’adaptateur d’Apple pour mettre l’iPad 4 dans le dock, mais cette solution nous semble un peu bancale. De plus, l’iPad ne pourra plus être protégé contre le vol avec le PadLock car il dépassera un peu…
Après avoir téléchargé l’application gratuite sur l’App Store (pas Retina à l’heure de la rédaction de cet article), on la lance sur notre tablette. Elle propose une mise à jour pour le firmware de la console que nous exécutons, cette dernière est étonnamment longue, mais se déroule sans souci.
Et tu lances l’appli
Au lancement de l’application, on se retrouve face à une interface graphique nous rappelant une console classique : des faders verticaux, des boutons solo et mute… Pour chaque tranche de la partie mixer (16 entrées, Reverb, Delay et iPad), il y a donc un mute, un solo, un fader, une panoramique, un bouton permettant de renommer et associer une photo à la tranche, et enfin un bouton qui ouvre la fenêtre des traitements. En appuyant sur ce bouton, on accède aux réglages de l’égaliseur 4 bandes paramétrique, du gate et du compresseur. Notons que ces traitements sont disponibles pour toutes les tranches, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Côté égaliseur, nous avons donc 4 bandes, avec deux filtres de type « bell » et deux de type « bell » ou « shelve », au choix. Ajoutez à cela un coupe bas (réglable jusqu’à 700 Hz!), un inverseur de phase, et vous obtenez un joli EQ, classique, mais pratique. Le gate et le compresseur sont dans la même veine, avec la possibilité de modifier les paramètres sur la partie graphique ou via des sliders. Au menu : seuil, attaque, relâchement, gain, ratio, range… Bref, tout ce qu’il faut, avec en prime deux modes, hard et soft knee, pour le compresseur.
Si on continue de balayer l’écran vers le bas, on retrouve les réglages de la réverbe (9 algorithmes, quand même) : Pre Delay, atténuation, déclin, rolloff, et les réglages du délai qui propose 5 modes : mono, tape écho, stereo, ping-pong et multi-tap. Comme ces deux traitements sont cette fois-ci communs à toutes les voies, on retrouve aussi deux envois. La réverbe et le délai se retrouveront sur la page mixer, à côté des entrées micros et de la voie « iPad ». Cette dernière permettra de lire un fichier son à partir de n’importe quelle application et de le mélanger au mix. De quoi lire quelques morceaux avant un concert, par exemple. Il sera en revanche impossible d’enregistrer la performance via la sortie main stéréo et de lire en même temps un fichier sur l’iPad, dommage. À noter aussi que l’iPad ne pourra enregistrer que lorsqu’il est « docké » dans la DL1608, pas en WiFi.
Sur le bandeau supérieur de l’application, on retrouve les valeurs des paramètres que nous sommes en train de modifier, mais aussi un bouton preset permettant de charger des réglages pour une voix entière, mais aussi pour un traitement seulement. C’est assez bien pensé et donne beaucoup plus de flexibilité à l’utilisateur. Parlons aussi du système de snapshots permettant de rappeler toute une configuration de console, avec la possibilité d’exclure certaines voies. C’est aussi très pratique et bien pensé.
Enfin, la partie Master, permettra de permuter entre le mix « Main » qui sort des deux XLR à l’arrière de la console et qui alimentera la façade, et les différents mix auxiliaires (6 au total) alimentant les retours musiciens via les sorties Jack TRS 6,35 mm. Par ici, nous pouvons aussi accéder aux circuits auxiliaires de la réverbe et du délai. Sur chaque Mix, l’utilisateur pourra accéder à un égaliseur graphique, afin d’égaliser la façade ou un retour en toute fin de chaine.
On termine avec les réglages généraux permettant de connecter le ou les iPad à la DL1608 en WiFi ou en câblé, de changer la fréquence d’échantillonnage (44,1 ou 48 kHz), et la résolution (16 ou 24 bit).
J’ai un iPad, tu as un iPad, nous avons des iPad
Nous avons été plutôt séduits par la simplicité de la console, qui offre pas mal de possibilité, en tout cas largement assez pour un concert à taille modérée. On pourra régler la façade, avec tous les traitements possibles : égaliseur paramétrique, gate, compresseur, égaliseur graphique, délai et réverbe, et il sera même possible d’envoyer jusqu’à 6 mix différents aux musiciens, ce qui semble assez pour la majorité des configurations. La seule critique que l’on peut faire, c’est qu’il n’y ait pas de deuxième réverbe… Pour le reste, il faut avouer que c’est assez plaisant de pouvoir se balader dans la salle et sur la scène, avec l’iPad dans les mains, et d’affiner ses réglages avant le concert. En WiFi, nous n’avons pas eu un décrochage, mais nous vous recommandons de glisser l’iPad dans la tablette pendant le concert, histoire d’éviter ce genre de désagrément. En plus, la batterie se rechargera tranquillement…
Il est aussi à noter que toutes les voies ne sont pas visibles dans la partie mixer, et qu’il faut « swiper » afin de faire défiler la table de mixage virtuelle. C’est un détail qui peut s’avérer critique lors d’un concert : s’il faut par urgence baisser une voie et qu’elle n’est pas à l’écran, il va falloir tout d’abord la chercher, puis la baisser. On perd quelques secondes ce qui peut être une éternité en live… De plus, nous émettons quelques réserves sur le côté quasiment « tout tactile » de la DL1608. Si le système est assez séduisant de premier abord, il faut avouer que l’on perd un peu en vitesse d’exécution et que même si l’écran de l’iPad est une référence côté réactivité, il arrive que l’on rate son coup, et ce beaucoup plus souvent qu’avec une console dotée de faders et potards « physiques ».
Une autre chose nous a ennuyés : il n’existe pas, pour le moment, d’application iPhone pour les musiciens sur scène. C’est assez dommage vu que le téléphone est beaucoup plus répandu que la tablette… De plus, nous aurions aimé avoir une interface graphique différente et simplifiée pour les retours musiciens. En effet, ces derniers disposeront de la console entière, ce qui nous semble un peu « overkill » : on le sait bien, un musicien sur scène est concentré sur sa musique et il lui faut quelque chose de simple et efficace s’il veut refaire rapidement la balance de son retour. De plus, la majorité des musiciens ne sont pas des ingénieurs du son et se retrouveront rapidement perdus face à l’interface de l’application « Master Fader », même si elle reste simple dans l’absolu. On aurait aimé avoir une version simplifiée de l’appli, à la manière de ce que peut faire Presonus pour ses consoles StudioLive sur iPhone : un seul fader permettant au musicien de régler les niveaux de son instrument et du reste du groupe. C’est simple et efficace. Nous espérons vraiment que Mackie sorte une application iPhone/iPad spécialement conçue pour les retours musiciens !
Du son
La partie sonore de la console est relativement sans surprise, car c’est finalement ce que Mackie sait faire de mieux : les préamplis sont des Onyx que nous et certains de nos lecteurs connaissons déjà et les convertisseurs des Cirrus Logic 24 bit. Cela nous semble être largement suffisant pour sonoriser des concerts de taille moyenne. Nous avons fait deux prises de guitare acoustique (une Takamine P3NC électro-acoustique), en enregistrant directement avec l’application iOS Master Fader de Mackie. Nous avons utilisé deux micros Oktava MK-012–01, un placé vers le chevalet, un vers la jonction corps/manche, en plus de la sortie directe du préampli de la guitare en passant un boitier D.I.
Nous avons fait deux prises, une sans effets, et une avec sur chaque piste : un égaliseur, un compresseur, et de la réverbe. Les traitements nous ont paru tout à fait acceptables et les présets (que nous avons utilisés pour l’occasion) plutôt bien pensés. Nous avons dû pousser les préamplis jusqu’au trois quarts de la course (plus de 40 dB), afin d’avoir un niveau correct, ce qui est du niveau d’une carte son moyenne gamme. Il n’y a donc pas une réserve de gain extraordinaire, mais les préamplis ne soufflent pas. Les convertisseurs sont du même acabit, et suffisant pour des petits/moyens concerts.
- Guitare Dry 00:20
- Guitare FX 00:22
Conclusion
Nous avons vraiment aimé la compacité et la légèreté de la DL1608, permettant de la glisser dans un gros sac à dos sans problème, ce qui est très rare pour une console intégrant 16 préamplis. Côté son, ces derniers et les convertisseurs ont fait et continuent à faire leurs preuves et restent tout à fait adaptés pour des représentations à taille modérée. L’application iPad est simple et complète, car elle propose un égaliseur, un compresseur et un gate pour chaque voie, en plus du délai et de la réverbe en auxiliaire. À l’utilisation, on aurait aimé avoir une appli iPhone et un mode simplifié pour les musiciens, ainsi qu’une deuxième réverbe. Nous avons aussi été déçus par le fait qu’il faille acheter un routeur WiFi séparément, ce qui rajoute une petite centaine d’euros à la facture qu’il faudra prévoir si l’on veut profiter pleinement de la DL1608. Au final, le côté entièrement tactile peut paraitre séduisant, mais il faudra peut-être un peu de temps avant d’être aussi efficace que sur une console classique. Vu son prix avoisinant les 1200€, nous conseillons l’acquisition de cette console aux personnes ayant déjà un iPad, déjà habituées aux interfaces tactiles et amenées à transporter souvent la console. Car pour un tout petit peu plus cher chez Mackie, on peut trouver l’Onyx 1640i, possédant elle aussi 16 entrées micro, des faders et potards bien physiques, mais un poids et un encombrement bien supérieur. Chacun voit midi à sa porte…
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)
Mise à jour 1.3 de l’appli iPad L’appli a été mise à jour peu après la publication de l’article, elle est désormais rétina et donne la possibilité de bloquer l’accès à certaines fonctions, afin que les musiciens sur scène ne fassent pas de bêtises ! On pourra bloquer l’accès : au mixe master et aux mixes auxiliaires, aux traitements, aux mute et solo, aux presets et aux snapshots. Une bonne mise à jour, en attendant une quelque chose d’encore plus simplifié. |