On ne compte plus le nombre de fuzz disponibles sur le marché des pédales pour guitare. Pourtant, certaines marques arrivent encore à sortir du lot en renouvelant l’approche de cet effet classique parmi les classiques. Caroline Guitar Company est de ceux-là, et intrigue avec sa fuzz Shigeharu grâce à une technologie analogique hybride, ainsi que l’intégration d’un footswitch pour appuis momentanés.
Établi à Colombia en Caroline du Sud, le fabricant d’effets Caroline Guitar Company s’impose petit à petit dans l’univers de la pédale, et marque par sa capacité à allier tradition et innovation. Ainsi, de la réverbe à la distorsion en passant par le delay, Caroline distille son savoir-faire et décline de diverses manières son footswitch momentané « Havoc », apportant un peu de folie à des recettes maintes fois éprouvées.
La Shigeharu, la nouvelle fuzz du fabricant, se démarque donc par l’intégration au cœur de la pédale d’un second circuit de saturation ajoutant une octave supérieure, et que l’on peut activer à la volée par l’intermédiaire du sélecteur Havoc. Mais ce n’est pas tout, puisque l’architecture même de la Shigeharu est particulière avec plusieurs étages de gains placés en cascade et basés sur une technologie hybride mêlant un amplificateur opérationnel et un transistor BC184. Le résultat ? Une fuzz censée combiner le son massif d’une Big Muff à une clarté et une définition inédites sur ce type d’effet. Découvrons tout de suite si cette alléchante promesse est tenue !
Hajimemashite
La Shigeharu reprend le boîtier désormais classique de Caroline Guitars. Les dimensions de 11,5 × 9 × 3,5 cm sont très raisonnables pour une pédale avec double footswitchs, et le châssis est robuste. Le look est sobre, et se démarque principalement par la présence d’icônes pour distinguer les 5 potards en lieu et place des sérigraphiques habituelles.
Quatre gros potards sont attribués aux réglages de volume, de gain, de tonalité, et du « corps ». Un bouton plus petit vient compléter cela. Il règle le volume de la pédale lorsque l’octave supérieure est activée via le footswitch Havoc, à la manière d’un boost. Les boutons sont solides, et offrent assez de résistance pour être précis. Quant aux sélecteurs au pied, ils sont très agréables d’utilisation.
Précisons que la Shigeharu nécessite une alimentation de 9 volts, mais peut aussi fonctionner avec une pile. Enfin, l’entrée et la sortie jack 6,35 mm se trouvent à l’arrière du châssis, et la pédale est câblée à la main aux États-Unis.
Subarashii
Trêve de bavardages, il est temps d’écouter notre pédale. Tous les extraits ont été enregistrés avec une guitare Ibanez FR2620 Prestige. Cette guitare a deux micros humbucker pouvant être splittés par l’intermédiaire d’un sélecteur à 5 positions, et nous naviguons régulièrement entre les positions dans les exemples sonores. La Shigeharu est connectée à un ampli Fender '65 Twin Reverb combiné à un simulateur de HP Two Notes Torpedo VB-101 et une carte son Steinberg UR22.
Voici un premier extrait avec le gain à 0, la tonalité au premier tiers, et le corps aux 2/3. Dans un premier temps, le volume de la guitare est baissé (la tonalité est donc modifiée).
La saturation est très proche de l’overdrive, mais avec le grain d’une fuzz, notamment dans les aigus. En baissant le volume de la guitare, on obtient quasiment une véritable overdrive avec une saturation très douce. C’est vraiment excellent, et la fuzz répond à la moindre attaque. Elle est très subtile que ce soit avec des micros simples ou doubles. Le liant entre les notes est vraiment étonnant aussi. Reste à voir s’il en va de même lorsque le gain augmente…
Pour le deuxième extrait, tous les boutons sont placés à midi.
Le caractère « fuzzy » prend le dessus lorsqu’on augmente le gain, mais chaque note des accords est étonnement bien défini pour une fuzz. Nous avons affaire à une sorte de distorsion/fuzz ultra réactive et épaisse. Même en augmentant le gain, on constate donc que le respect de la dynamique et le liant entre les notes sont incroyables.
En baissant le potard de volume et en utilisant des micros simples, on obtient a nouveau cette fuzz quasi-overdrive. On passe facilement d’un son façon ZZ Top aux riffs endiablés de Jack White. Quel plaisir !
Ce troisième exemple audio présente les sonorités de la Shigeharu lorsque le gain est au maximum. La tonalité est à 12 h, et le corps à 1/4.
À pleine puissance, la fuzz est dévastatrice tout en gardant ce côté très punchy. Le liant et l’intelligibilité des notes sont présents même avec un humbucker en position manche, c’est assez impressionnant. Pour autant, le son est évidemment lissé par l’effet fuzz, et la pédale pardonnera certaines de vos erreurs (un glissé mal maîtrisé par exemple). L’équilibre est parfait entre la dynamique et la compression qu’entraîne ce son massif. La pédale commence par contre à émettre un peu trop de bruit, mais une fois que l’on joue on ne le remarque plus.
Cette fois, intéressons-nous à l’influence du bouton Body, qui modifie le « corps » de la fuzz. Le gain est au maximum, et la tonalité à midi.
Le bouton body change complètement les sonorités de la Shigeharu. Le son devient plus massif, plus rond, notamment dans les aigus. Cette polyvalence est utile, et permet de s’adapter à différents styles musicaux ou de sortir d’un mix.
Écoutons maintenant l’incidence du réglage de tonalité. Le gain est au maximum, et le contrôle body à la moitié.
La tonalité agit principalement sur les aigus. En utilisant les positions aux deux extrémités du potard, le son devient trop sourd ou, inversement, trop perçant. Utilisé avec parcimonie, le Tone sera utile dans toutes les conditions, mais les réglages prononcés sont pertinents uniquement en interaction avec le contrôle body qui épaissit, mais arrondit aussi le son de la fuzz.
Il est temps de se pencher sur le sélecteur Havoc. Dans le premier extrait, nous l’utilisons pour ajouter une octave. Dans le second, le footswitch est placé en mode Kill Switch (il faut activer un petit sélecteur interne pour cela).
- Extrait 6 01:24
- Extrait 7 00:54
De base, appuyer sur le footswitch ajoute une octave supérieure qui ne modifie pas drastiquement le son. La différence est peu perceptible à volume égal. Le son est un peu plus épais, et surtout, évidemment un peu plus aigu. Plusieurs utilisations sont certainement trouvables, mais il parait assez évident que l’effet est surtout pensé pour agir comme une sorte de Treble Booster permettant de faire ressortir certaines notes ou un solo. Le fait de pouvoir modifier le volume lorsque l’octave est ajoutée corrobore cette idée qu’il s’agit avant tout d’un type de Boost.
En mode Kill Switch, on entend trop distinctement le clic du sélecteur au pied. En utilisation live, on ne devrait pas y prendre garde, mais il n’en est pas de même pour un enregistrement par exemple. C’est dommage ! Cette fonction est de toute façon secondaire, puisqu’un Kill Switch au format pédale ne peut rivaliser avec un bouton directement intégré à la guitare, et il servira avant tout à créer quelques effets sporadiques.
Terminons notre tour sonore avec un dernier réglage dont nous n’avons pas encore parlé. En plus du sélecteur de mode pour le footswitch Havoc, la pédale renferme dans ses entrailles un autre contrôle : un petit trim pot qui modifie la quantité et la nature de la saturation. Écoutons cela avec l’ensemble des autres réglages à midi :
Le Trimpot interne modifie complètement les sonorités de la pédale. L’on passe d’un son très ouvert, massif, avec beaucoup de sustain, à des sonorités lo-fi, avec une gate très prononcée. Si l’on ajoute à cela les différents réglages présents à l’extérieur de la pédale, les possibilités sont incroyables. Ce réglage Bias/Gate aurait d’ailleurs mérité d’être plus accessible tant il permet de naviguer entre différents styles musicaux que l’on pourrait souhaiter mêler au sein d’un même set.
Otsukaresama desu
Le son de la Shigeharu de Caroline Guitar Company est fantastique, tout comme les sensations de jeu qu’elle offre. Rarement nous avons été aussi convaincus par une fuzz. C’est une grande pédale, avec une identité unique qui rappelle la clarté et la définition de certaines overdrives et distorsions, tout en préservant le grain typique d’une fuzz. Les contrôles permettent d’obtenir un grand panel de sonorités, et le trim pot interne agissant sur le caractère de la saturation augmente les possibilités de manière encore plus drastique. Enfin, sans faire une différence majeure, le footswitch Havoc apporte un peu d’originalité, surtout en mode « octave ». Attention toutefois, vous n’obtiendrez pas un effet d’octave fuzz très prononcé, mais plutôt une sorte de boost qui ravira les amateurs de solos.
Pour autant, Caroline n’a pas non plus délivré une machine parfaite. Le tarif de 249 € est particulièrement élevé pour une fuzz, même si la qualité est au rendez-vous. On regrettera également qu’il faille ouvrir la pédale pour modifier profondément le grain de la fuzz, et que le footswitch Havoc soit trop bruyant en mode Kill Switch. Pour autant, les sonorités de la Shiheharu sont tellement convaincantes, que l’on oublie volontiers ces défauts.