L’année 2019 aura été pleine de nouveautés pour le géant américain. Nous l’avons vu récemment avec la sortie de la nouvelle série Vintera, Fender a profité de cette nouvelle année pour terminer le renouvellement total de son catalogue, des modèles d’entrée de gamme proposés par Squier aux modèles Vintage Reissue (rebaptisés American Original). La série Mexican Standard, appelée maintenant « Player », a également subi quelques modifications. Concentrons-nous sur la Stratocaster, modèle phare de la marque depuis sa sortie en 1954.
Un classique revisité à la sauce Mexicaine
La Stratocaster Standard a longtemps été le modèle avec lequel Fender a essayé d’améliorer le design original de Léo Fender datant de 1954. Au fil des années, on a pu voir apparaître des innovations techniques qui ont forgé la réputation du modèle tout en conservant les caractéristiques en faisant un instrument ergonomique et polyvalent. La série Player qui a remplacé la Standard reprend cette philosophie et propose quelques améliorations tout en gardant l’identité de la guitare.
À première vue, la guitare semble bien finie, le vernis polyester très brillant est appliqué de manière régulière. Le corps en aulne bénéficie des contours traditionnels et de la forme originale de la Stratocaster. En effet, cette forme si iconique s’est vue quelque peu modifiée au fil du temps ; l’épaisseur du corps a été changée tout comme les chanfreins. La Stratocaster Player annonce un retour au design original sculpté à la main en suivant les cotes originales. Le manche est en érable, serti d’une touche en Pau Ferro qui possède 22 frettes contre les 21 frettes de la série précédente. Le radius de la touche est de 9,5 pouces. Le profil du manche appelé « Modern C » est confortable et autorise de nombreuses acrobaties bien que l’accès aux aigus ne soit pas plus aisé. La plaque qui maintient le manche vissé au corps est carrée et ne possède pas de découpe ergonomique pour faciliter l’accès aux aigus. C’est dommage d’autant plus que cette découpe était présente sur le modèle précédent. La plaque choisie par Fender arbore le logo de la marque : un « F » majuscule gravé dans le métal.
Le dos du manche est recouvert d’un vernis satiné, alors que le devant de la tête dispose d’un vernis brillant. Le confort de jeu a été favorisé pour l’arrière du manche alors que le look « glossy » a été choisi pour la face avant de la tête qui arbore un logo dit « Spaghetti ». Le vernis satiné apporte un réel agrément à l’instrument qu’on peut jouer durant de nombreuses heures sans être dérangé par un vernis qui accroche trop.
L’accastillage est chromé et cette Stratocaster Player est équipée du bloc vibrato à 2 points d’ancrage. Ce modèle a été choisi pour sa stabilité supérieure au bloc à 6 points d’ancrage. Ce vibrato dispose de 6 pontets en acier et d’une tige qui offre un angle plus ouvert. Cet angle évite que la tige ne soit trop saillante par rapport au corps de la guitare. En revanche, le système de fixation de la tige n’a toujours pas été amélioré alors que les concurrents de la Fender proposent tous des systèmes beaucoup plus ingénieux. Les mécaniques chromées sont fermées et tiennent assez bien l’accord. La plaque à 3 plis, les boutons de potentiomètres et le bout du sélecteur de micros sont blanc crème.
Si la lutherie a subi quelques modifications qui visent à rendre la guitare plus authentique, Fender a également revu sa copie en ce qui concerne l’électronique de l’instrument.
La Stratocaster telle qu’elle est apparue en 1954 est équipée de 3 micros simple bobinage. Sur cette Stratocaster Player, ces micros ont été modifiés pour développer un son typique de Stratocaster mais avec davantage de puissance. Pour ce faire, Fender a choisi d’équiper ces nouveaux micros d’aimants Alnico 5 surbobinés, célèbres pour développer plus de basses et d’aigus et globalement plus de puissance. C’est une légère touche de modernité apportée à la sonorité classique de la Stratocaster.
La firme américaine a également modifié le câblage de ces micros. En effet, une Stratocaster dite « standard » dispose de 2 potentiomètres de tonalité, un pour le micro manche et l’autre pour le micro central. Sur cette nouvelle Stratocaster Player, le premier réglage de tonalité affecte le micro manche et le micro central alors que le second potard ajuste la tonalité du micro chevalet. C’est une modification intéressante dans la mesure où le micro aigu est souvent trop criard et que le seul moyen d’y remédier et d’intervenir sur l’égalisation de l’ampli, ce qui affecte la sonorité des autres micros. Avec ce potentiomètre de tonalité individuel, le micro chevalet dévoile toute sa polyvalence, et on peut désormais y soustraire la quantité d’aigus souhaitée.
Sur le papier, cette Stratocaster Player possède des arguments convaincants qui revisitent ce classique tout en conservant ses caractéristiques presque vintage.
Fender dans la Strato-sphère ?
Si au premier coup d’œil l’instrument semble bien fini, la première prise en mains n’est pas si réjouissante. On est immédiatement frappé voire blessé par le côté anguleux du bord de la touche. Une légère opération de ponçage du bord de la touche est obligatoire tant les arêtes des frettes sont saillantes. C’est dommage mais on comprend un peu mieux les méthodes de fabrication de Fender relativement au prix du produit. Le poids de la guitare est normal pour une Stratocaster, pas de mauvaise surprise de ce côté-là. En regardant de plus près et avec attention, on s’aperçoit que la touche en Pau Ferro est très claire et sèche. Un nettoyage est nécessaire pour lui donner une teinte plus sombre. La nourrir avec de l’huile de citron est également une bonne astuce pour lui rendre sa teinte foncée d’origine. Il est quelque peu déplaisant de devoir effectuer des opérations de maintenance comme le ponçage des frettes ou le nettoyage de la touche sur un instrument neuf.
En revanche, le vernis satiné au dos du manche est une très bonne surprise. Sous une description légèrement « gadget », il est vrai que ce vernis confère à l’instrument davantage de confort. La guitare semble presque familière quand on la joue pour la première fois. Une fois nettoyée et nourrie, la touche en Pau Ferro est agréable à jouer. Légèrement moins rugueux que le palissandre, le Pau Ferro est utilisé depuis longtemps dans la confection de touches de guitare ; on a pu l’apercevoir sur le modèle signature Stevie Ray Vaughan par exemple.
Le bloc vibrato à 2 points est bien réalisé et ne désaccorde pas la guitare s’il est bien réglé. Les 2 points d’ancrage lui assurent un bon retour dans sa position dite « de repos » et contribuent à la stabilité de l’accord.
Les nouveaux micros Alnico 5 surbobinés sont extrêmement brillants. Il est vrai qu’ils développent un niveau de sortie légèrement supérieur aux micros Alnicon5 traditionnels, mais ils ajoutent beaucoup d’aigus au son. Fender a essayé de donner à ces nouveaux micros une sonorité vintage très chargée en aigus. Dans certains cas et pour certaines utilisations, c’est un son qui fonctionne, mais dans la plupart des cas, il est nécessaire d’agir sur les potentiomètres de tonalité pour atténuer légèrement ce côté brillant. L’identité sonore de la Stratocaster est cependant respectée.
En son clair, la guitare excelle et retranscrit avec fidélité et précision les sollicitations du guitariste. Pour un instrument de cette gamme, la guitare est très généreuse et donne beaucoup. Le potentiomètre de tonalité qui équipe le micro chevalet ouvre de nouvelles perspectives sonores et permet notamment d’exploiter ce micro en sons clairs, démarche quasi-impossible auparavant. En effet, le réglage de tonalité permet d’enlever le côté tranchant et agressif du micro tout en en conservant l’attaque. Pour des arpèges en son clair, le micro chevalet fonctionne très bien.
La Stratocaster, particulièrement utilisée par de nombreux bluesmen, d’Eric Clapton à Stevie Ray Vaughan en passant par Joe Bonamassa révèle tout son potentiel en son crunch. L’attaque des micros devient plus franche et le léger incrément du niveau de sortie conféré par le surbobinage des micros se révèle très utile. En effet, on conserve toujours l’identité sonore de l’instrument tout en gagnant en précision et en équilibre. Les 5 positions de micros sont exploitables en son crunch et dévoilent la grande polyvalence de l’instrument. En jouant sur un bon ampli à lampes, on peut obtenir des sonorités très variées en agissant simplement sur le potard de volume et le sélecteur de micros. Par l’ajout d’une pédale de boost de bonne facture on peut facilement obtenir trois sons complètement différents en jouant simplement sur le volume de la guitare.
En son saturé, on remarque encore une fois le caractère des aimants Alnico 5 qui tordent le son avec davantage de puissance. On le ressent en jouant l’instrument, les micros réagissent mieux à la saturation ; ils restent cependant des micros simples, et il faudra utiliser les positions 2 et 4 pour profiter d’une absence de souffle et de buzz. Pour attaquer un registre Classic Rock, ces micros offrent le bon compromis entre dynamique et puissance.
- Clean – All pickups + tone down bridge pickup02:59
- 80's rock – bridge01:40
- Crunch – All pickups03:09
- Lead – bridge – in between dynamic02:17
Changement de Strat(égie)
Fender a su proposer, avec cette Stratocaster Player, un instrument polyvalent et répondant aux exigences des guitaristes modernes. Les nouveaux micros alliés au nouveau câblage incluant un réglage de tonalité pour le micro chevalet, délivrent des sonorités modernes tout en conservant le grain typique et familier de la Strat. Si quelques détails techniques sont les bienvenus, comme l’accès au truss-rod par la tête de l’instrument, on regrette un manque de soin dans la finition du manche. La plaque carrée, même si elle rappelle les premières Stratocaster, reste un frein lorsqu’on essaie d’accéder aux frettes les plus aiguës, d’autant qu’elle est très anguleuse. De plus, le manche comportant désormais 22 frettes contre 21 précédemment, on peut se demander pourquoi le chanfrein n’a pas été conservé. L’instrument est globalement bien fini et même agréable à jouer. Il reste désagréable de devoir poncer légèrement le bord des frettes et de devoir nettoyer et nourrir la touche d’un instrument neuf …
Cette Stratocaster Player proposée aux alentours de 600 € reste une valeur sûre et propose un bon rapport qualité-prix. On regrette cependant l’absence de housse.