Doit-on y voir un signe des temps ? La marque française Arturia sort cet automne sa nouvelle gamme "Mini", qui répond à un appel du marché pour les petits interfaces plug and play, nomades et peu coûteuses. Alors, qu'est-ce que ça donne le mini en version Arturia ?
C’est la tendance actuelle : les interfaces petites, simples à prendre en main, et qui répondent à la démocratisation de l’enregistrement audio aujourd’hui. Le home-studio devient de plus en plus simple, de plus en plus nomade (moins home et moins studio, en somme), pour s’adapter à la nouvelle demande des podcasters, youtubers, et autres créateurs de contenu numérique.
De plus en plus de constructeurs se vantent désormais de proposer, dans une gamme monétairement attirante, des interfaces de qualité (d’après eux), malgré leurs limitations au point de vue des entrées et sorties. Arturia saura-t-elle tirer son épingle du jeu ?
Déballage
Comme souvent sur ce genre interface, le paquet impressionne peu par son contenu : en ouvrant le carton on trouve la petite interface, très légère et un câble USB-C vers USB. Les instructions de mise en service sont imprimées directement dans la boîte : économie ou écologie ? Les deux à la fois, probablement. En tout cas, on comprend tout de suite que les minifuse sont totalement auto-alimentées. De plus, Arturia a eu la bonne idée de les rendre class compliant.
Immédiatement on remarque également que tout ce qui faisait l’originalité de l’Audiofuse (dont on a dit beaucoup de bien sur AF) a disparu au profit d’un design beaucoup plus banal. Et plus chiche : peu d’entrées, peu de sorties, peu de contrôles, une construction moins solide. Bien sûr les minifuse n’ont pas pour fonction de rivaliser avec leur grande sœur qui, au demeurant, reste produite par Arturia, mais l’on est un peu déçu de ne pas y retrouver l’approche si originale et si séduisante, qui avait jusqu’ici fait la signature de la marque grenobloise.
Quelle différence existe entre le modèle 1 et le modèle 2 ? Principalement les entrées et les sorties. En effet au niveau des préamplis embarqués et des convertisseurs, on est sur le même matériel. La Minifuse 1 propose le minimum vital pour enregistrer des sources sonores, micro ou instrument : en façade une entrée combo jack 6,35 mm-XLR, avec son potentiomètre de gain et son commutateur d’impédance pour en faire une entrée instrument. On trouve également un commutateur 48 volts. Les boutons sont tous rétro-éclairés lorsqu’ils sont enclenchés. Ce n’est pas révolutionnaire, mais c’est toujours une bonne idée. Ceux des potentiomètres s’allument lorsque ils reçoivent du signal, en bleu clair puis en orange lorsque l’entrée sature. Là aussi on sent de la part du constructeur une volonté de rendre la prise en main le plus instinctif possible. Suivent le gros bouton pour le niveau de monitoring, une sortie casque avec son potentiomètre et un bouton « direct monitor » qui permet de router l’entrée directement vers les moniteurs.
Et la Minifuse 2 alors ? Elle reprend le même modèle mais ajoute une seconde entrée (totalement similaire à la première), un potentiomètre pour régler le mix entre l’entrée direct et le retour USB, accompagné d’un bouton « direct mono » permettant d’écouter en direct (et en mono bien évidemment) les entrées. À l’arrière, Arturia dispose un hub USB un peu léger (mais qui a le mérite d’exister), avec une prise USB libre pour les contrôleurs ou les clefs. Les sorties moniteur se font sur jack TRS 6,35 mm, et la Minifuse 2 ajoute en plus une entrée et une sortie midi. On remarque qu’aucune de ces fiches (jack, DIN ou USB) ne sont fixée à la façade arrière : ce n’est pas la première fois que nous faisons remarquer ce défaut sur des interfaces d’entrée de gamme, et cette pratique (économique) a ses risques : les solicitations mécaniques de ces entrées et sorties risquent de mettre à rude épreuve la solidité des soudures. On remarquera que sur la façade avant, au moins, les entrées combo Jack XLR sont maintenus par des vis.
Pour résumer : on est donc sur une configuration très simple, qui offre l’avantage d’une séparation évidente entre l’arrière (les sorties) et l’avant (les entrées). Lors de nos essais, l’interface pêche clairement par un manque de stabilité lorsqu’on branche ou débranche les jack ou XLR. Bref, elle a exactement les défauts typiques de sa gamme. C’est excusable, mais cela reste dommage.
Voyons maintenant si l’interface que faire la différence avec ses concurrents au point de vue du son.
Logiciel et Bundle
Pour la partie logicielle, le MiniFuse Control Center nous a laissé un peu dubitatif. Encorte une fois, le logiciel reprend le look de l’interface, ce qui fait qu’on trouve ses marques très facilement. Le point faible soulevé par Red Led pour l’AudioFuse, est toujours là, mais un peu différemment : la fenêtre peut être redimensionnée selon des tailles précises (50%, 60%…), mais les dimensions les plus petites donnent des résolutions assez basses et difficiles à lire. Dommage ! Toujours pas de gestion des sorties et donc pas de possibilité de gérer des mixs différents pour les sources provenant directement des entrées, problème déjà signalée sur l’audioFuse. Bref, un control Center avec le minimum vital; encore une fois : prise en main facile, certes, mais on ne peut pas aller plus loin. C’est un peu frustrant.
Du côté du bundle, Arturia n’est pas radin pour des interfaces d’entrée de gamme : en plus d’Ableton Live Lite, Arturia vous offre son propre Analog Lab Intro, avec 500 presets des instruments de la Collection 5, et les plugins Arturia FX, 4 émulations d’effets de modulation vintage (chorus, réverbe à plaque…). À cela, vous pouvez ajouter les émulations de guitares, d’amplis et de haut-parleurs de Native Instruments. De plus, pour une durée plus limitée, vous recevrez une inscription gratuite de 3 mois à Auto-Tune, et un abonnement de trois mois également à Splice Creator.
Benchmark
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible. Dans les cas où la comparaison est éclairante, je teste avec des gains plus faibles.
Commençons donc avec les entrées lignes :
J’envoie un sweep de 1 Vrms dans l’entrée 1 et je mesure le signal aux sorties moniteur 1 et 2, non atténuées.
Linéarité : alors là, ça commence très fort ! C’est vraiment bon : ±0,055 dB, très proche de ce que propose Antelope… et mieux que l’Apollo Twin X4. Deux desktop à un prix tout autre ! Et c’est mieux que l’Audiofuse.
THD : En gros 0,006% tout le long du spectre audio. C’est moins impressionnant. Disons que l’on est sur un résultat assez peu surprenant dans cette gamme de prix, moins bon que l’Audiofuse.
Testons maintenant les entrées micros :
Ici j’envoie un sweep de 100 mVrms et je mesure le signal aux niveau des sorties moniteurs.
Linéarité : Encore meilleur, avec ±0,019 dB de déviation. On est vraiment sur un design de préamp très droit, qui joue dans la cour des grands.
THD : Comme pour l’entrée ligne – 0,006% – mais c’est plutôt bien de voir qu’avec la sensibilité plus élevée de l’entrée micro, la distorsion harmonique n’augmente pas.
Le rapport signal/bruit, mesuré à 1 kHz est de 99,591 dB. Encore une fois, pas mal pour la gamme de prix, mieux que chez M-Audio.
Pour continuer le test, j’ai voulu vérifier la réponse de la sortie casque :
On reste sur les entrées Mic, mêmes conditions de test. Du côté de la linéarité, on a l’habituelle perte dans les aigus, typique de nos tests de sortie casque, en revanche, le THD est assez fort, avec une augmentation significative à partir de 800 Hz et qui atteint 0,1% à 20 kHz.
Pour finir, voyons l’entrée instrument, sur sorties monitoring (signal de 200 mVrms en entrée) :
Linéarité toujours irréprochable, ±0,029 dB. On se rend progressivement compte que c’est vraiment là le point de fort de cette interface : ne flancher dans aucune partie du spectre audible.
THD : Un peu plus forte, avec des oscillations au dessus de 0,006 %, jusqu’à atteindre 0,01 %. Cela reste très correct.
Conclusion
Au final que penser des interfaces Minifuse d’Arturia ? On se pose la question, tant on est partagé entre un sentiment de légère déception et une impression de grande qualité à la lecture des résultats du benchmark. Déception parce que, connaissant l’originalité et la générosité des interfaces déjà proposées jusqqu’ici par le constructeur grenoblois, on pouvait s’attendre à plus : plus original, plus d’E/S, plus robuste… La simple idée d’une interface portative avec un couvercle était brillante (parfait pour garder des réglages en place lors de déplacement). Pourquoi s’en débarrasser ? On trouve donc le design de l’ensemble un peu banal, avec seulement le minimum vital pour une pratique home-studio. La Minifuse 4 sortira au premier trimestre 2022, et elle proposera plus d’options E/S et un port USB de plus dans le hub. Elle constitura probablement la meilleure option dans cette série. Quid du prix ? On le découvrira alors. Mais peut-on vraiment râler lorsqu’on voit de tels résultats lors du benchmark ? En linéarité, c’est absolument irréprochable, et la THD est plus que correcte. On en vient même à se demander si, dans cette gamme de prix, pour cet encombrement, et en auto alimentation en plus, on ne tiendrait pas là les meilleurs résultats que l’on n’ait vus chez AF. Alors, si vous recherchez une interface très plug and play, et que vos besoins d’entrées et de sortie sont limités, vous pourrez certainement faire confiance aux Minifuse d’Arturia pour leurs résultats sonores. En revanche, si vous êtes un praticien plus chevronné du home-studio, ces interfaces pourraient vous paraître un peu limitées. Chacun fera son choix…