Voici donc la tête de file de la nouvelle série Quantum, de la marque américaine PreSonus : la HD-8, pour huit entrées micro, mais aussi dix sorties stéréo, rien que ça. Pour quels résultats ? À l'oreille, ses caresses seront-elles aussi douces que du vin ?
Annoncée en mai dernier, la nouvelle série d’interfaces PreSonus arrive aujourd’hui sur notre banc d’essai : nommée Quantum, elle se décline en quatre modèles, allant de la petite interface desktop 3 entrées/4 sorties à la plus grosse HD-8, celle qui nous occupe aujourd’hui, au format adapté pour rack 19 pouces, taille 1U, avec beaucoup d’entrées, beaucoup de sorties, beaucoup de protocoles différents… Le tout permettant d’envisager l’appareil comme une carte son, un contrôleur de monitoring, un convertisseur A/D et D/A, une plateforme de contrôle pour système surround…
Et, bien sûr, comme toujours avec PreSonus, le prix est très compétitif (999 euros prix constructeur à sa sortie). Reste à savoir si, derrière toutes ces annonces, le matériel (hardware et software) est à la hauteur.
Présentation
La première impression d’ensemble, pour qui a déjà eu du matériel PreSonus entre les mains, c’est un vrai saut en avant du point de vue de la qualité de construction : presque entièrement réalisée en métal, l’interface paraît solide, robuste, avec une face avant épaisse et un corps pas trop lourd (toujours bien pour le rack), des connecteurs de qualité, souvent solidement vissés sur le châssis. C’est déjà un très bon point.
Décrivons maintenant l’interface en nous concentrant premièrement sur ses faces avant et arrière.
De manière logique pour un appareil qui a été pensé pour être installé dans un rack, les seules E/S présentes à l’avant sont celles à utilisation « ponctuelle », c’est-à-dire les entrées instrument et les sorties de réamplification et pour l’écoute au casque.
On trouve donc, de gauche à droite :
- Les deux E/S instrument
- Huit boutons permettant de sélectionner les entrées
- Deux boutons pour commuter l’alimentation 48 V et la fonction Autogain
- Un écran haute-résolution qui permet le contrôle de presque tous les paramètres depuis le hardware (on reparlera de l’utilisation sans STAN)
- L’encodeur qui permet de régler les niveaux des sorties et des entrées (selon un nombre de sorties configuré dans le logiciel), et d’accéder aux différents menus puis d’y naviguer
- Un bouton Main pour sélectionner la sortie de monitoring principale et la régler
- Un bouton Mute/Dim (fonction sélectionnée dans le logiciel)
- Un double VUmètre à segments, placé à l’horizontale
- Les deux sorties HP, avec leurs boutons de sélection
- Le commutateur de mise en marche de l’appareil
Sur la face arrière, de droite à gauche cette fois-ci :
- Huit entrées ligne-micro sur prises combo XLR/jack 6,35 mm TRS
- Dix sorties sur prises jack 6,35 mm TRS
- Une paire d’E/S Wordclock, sur BNC
- Deux paires d’E/S numériques (ADAT) sur port optique
- Deux paires d’E/S MIDI et S/PDIF sur port D-sub DE-9 (avec un adaptateur vers coaxial et DIN 5 broches, voir ci-contre)
- La prise secteur sur prise IEC C14 (Schuko)
C’est donc très complet, avec non seulement beaucoup d’E/S mais aussi beaucoup de formats différents permettant d’envisager de nombreuses solutions de routage du signal. On peut très bien employer les dix sorties analogiques pour configurer un système surround, augmenté potentiellement des sorties ADAT qui permettent (avec une deuxième HD-8, ou une autre interface) de router dix canaux de signaux numériques entrant vers des sorties analogiques, pour atteindre le format Dolby Atmos 7.1.4.
L’écran est assez petit, mais clair et d’une grande netteté. Une simple pression sur l’encodeur permet de passer de l’affichage des voies analogiques (entrées ou sorties) aux voies numériques (entrées ou sorties ADAT). Une pression plus longue ouvre un menu qui permet de régler différentes fonctions visuelles (luminosité de l’écran, des LED…), la source de l’horloge, la résolution, et de sélectionner le mode de fonctionnement sans STAN.
Ce mode autonome (standalone) existe en deux formats d’utilisation : « Mixer » pour l’employer comme une console, ou « ADAT » qui dirige les entrées ADAT vers les sorties analogiques, et les entrées analo vers les sorties ADAT. Cela ouvre donc de nombreuses possibilités d’emploi de l’interface, en studio comme sur scène ou en régie, et lui permet de dépasser la simple fonction d’ensemble d’E/S dédiées à l’enregistrement.
Jusqu’ici on est plutôt très convaincu par l’interface. Passons au logiciel, pour essayer d’explorer plus profondément ses fonctions.
Logiciel
Le logiciel se présente en deux éléments principaux : la page d’accueil qui vous permet de sélectionner votre interface, et contient le driver nécessaire au fonctionnement, et le mixer, sur lequel nous allons nous concentrer, car c’est lui qui contient le plus de fonctionnalités.
Comme on le voit ci-contre, il se compose de tranches d’entrées et de sortie. Dans le coin supérieur droit, vous pouvez également voir un bouton « paramètres », qui permet d’accéder à un ensemble d’éléments sélectionnables. Entre autres, vous pouvez y choisir de faire apparaître ou non les E/S ADAT et votre circuit de réinjection (Loopback). Dans l’exemple ci-contre on trouve les huit entrées, dont on voit comment la simple insertion d’une fiche XLR ou Jack déclenche la sélection automatique de la sensibilité micro ou ligne.
Sur chaque tranche on trouve un réglage de gain en entrée (réglable aussi depuis l’interface), avec un filtre passe-haut, l’alimentation fantôme, l’atténuateur –20 dB et, en mode micro seulement, le réglage automatique de gain (accessible aussi depuis l’interface). Suivent un réglage de panoramique, les sélecteurs Mute et Solo, et ensuite sur le trajet du signal un fader (pas contrôlable depuis l’interface). Toutes les tranches sont renommables en double-cliquant sur leur nom en bas. Par défaut, l’envoi du signal se fait sur les sorties « Mains » (tranche la plus à droite), mais l’on peut aussi choisir d’envoyer le signal sur les paires 3/4, 5/6, 7/8, 9/10 grâce à quatre petits contrôleurs à glissière horizontaux, situés entre le panoramique et le gain de chaque tranche d’entrée. Ces envois peuvent ensuite être monitorés en sortie grâce à la tranche « Retours » et son fader.
On ne peut pas contrôler au VUmètre et au fader les quatre niveaux en même temps (c’est un peu dommage). Toutefois, le mode « Fader Flip » accessible dans les paramètres permet de reporter les réglages d’envois au niveau des entrées sur les faders des tranches : en clair, sélectionnez les sorties 3–4, et tous vos faders d’entrée afficheront le niveau d’envoi de ces voies vers les bus 3–4 (reproduisant, en plus précis, le réglage du petit fader horizontal de chaque tranche). Cela permet de visualiser le mix de chaque paire clairement, et d’effectuer des réglages de précision.
Dans les paramètres, on trouve les assignations de fonctions spéciales aux boutons de l’interface : qu’est-ce que l’encodeur contrôle, quel bouton sert à changer de paires d’enceintes (pratique pour des comparatifs), quelle source est envoyée vers les casques 1 et 2 …?
On trouve aussi les paramètres du logiciel : temps de maintien des crêtes, affichage des E/S numériques ou non, coloration des tranches…
Et pour finir les paramètres généraux : contournement total du mixeur (pour ne travailler qu’avec votre logiciel préféré), mode « Fader Flip », réinitialisation…
Pour conclure ce tour de l’environnement numérique, précisons que tous les réglages effectués peuvent être sauvegardés sous le nom de « Scènes ».
Dans l’ensemble, on dira que ce logiciel nous a paru bien conçu, simple à prendre en main. Les envois vers les différentes paires, et le monitoring sur une seule tranche ne permet pas d’avoir une vue d’ensemble des entrées et sorties du système surround. C’est un léger défaut, mais probablement le seul que nous avons pu détecter.
Benchmark
Précisons-le d’abord, la Quantum HD-8 travaille dans une résolution max de 32 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Gain max mesuré : 74,87 dB
Plage dynamique mesurée (pondération A) : 109,407 dB
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,149 dB
THD+N : 0,003 % THD : 0,003 %
Rapport signal/bruit : 99,810 dB
Distorsion d’intermodulation : –82,592 dB
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,149 dB
THD+N : 0,005 % THD : 0,005 %
Rapport signal/bruit : 101,335 dB
Distorsion d’intermodulation : –76,553 dB
On notera qu’en utilisant le réglage automatique de gain, la machine nous propose un gain moindre de 5 dB, et un meilleur résultat en THD, ce qui est signe d’un réglage bien pris en charge par la machine :
Qu’en est-il de la sortie casque ?
Déviation : ±0,175 dB
THD+N : 0,0035 % THD : 0,003 %
Rapport signal/bruit : 99,983 dB
Distorsion d’intermodulation : –79,969 dB
Ce sont les résultats avec une charge fictive (principalement résistive) de 300 ohms. Avec une charge de 150 ohms, et toujours réglé en mode « haute impédance » on obtient des résultats en THD légèrement moins bon dans l’aigu :
Conclusion
Soyons clair, la HD-8 rassemble un certain nombre de points très positifs : beaucoup d’entrées et de sorties avec beaucoup de « protocoles » différents (analogique, ADAT, S/PDIF, MIDI), et le moyen de diriger n’importe quel signal d’entrée vers n’importe quelle sortie, donc une grande capacité d’adaptation à des besoins différents, un logiciel plutôt bien conçu, une construction robuste avec un design élégant, un emploi sans STAN facile, y compris comme pur convertisseur entre ADAT et analogique, un système de réglage automatique du gain bien au point, plus des petits éléments pratiques comme la fonction « fader flip », qui est bien utile lorsque l’on travaille en surround. L’on ajoutera à cela la latence plutôt basse, mais qui n’arrive pas à détrôner RME, les champions dans la catégorie… Mais l’on n’est pas sur les mêmes ordres de prix.
Le seul point contre lequel on bute — à part l’impossibilité de contrôler les master faders de chaque paire de sorties simultanément (un détail, on s’y fera) — c’est sur les résultats à la mesure, qui ne sont pas mauvais, loin de là même, mais qui, dans la gamme du produit, ne sont pas tout à fait à la hauteur de la concurrence : un exemple suffira, l’AudioFuse 16Rig, à juste 100 euros de plus, fait beaucoup mieux sur la THD, le rapport S/B et la distorsion d’intermodulation, ainsi que sur sa plage dynamique disponible.
Reste donc un très bon outil, très polyvalent (et qui, par cela, joue fortement sur les plates-bandes d’Antelope dans le domaine des interfaces qui proposent beaucoup de fonctions) et qui, plus que tout, représente certainement la meilleure interface que l’on ait testée à ce jour chez PreSonus.