Quand Zoom décide de produire une interface qui promet l'élimination de toute possibilité d'écrêtage, cela donne l'UAC-232, premier modèle de ce qui pourrait bien devenir une nouvelle branche dans la production de cette marque quarantenaire. Quarante ans, l'âge des doutes, et l'heure du test !
Ainsi, il y a à peine plus d’un an, Zoom introduisait cette nouvelle interface qui promet de simplifier la vie de beaucoup d’utilisateurs novices ou plus chevronnés, et qui nous apparaît comme une sorte de réponse personnelle à la multiplication des fonctions de réglage automatique du gain sur les interfaces de début de gamme.
En effet, la grande particularité de cet appareil, qui nous paraît être une sorte de réponse aux nombreuses fonctions de réglage automatique du gain (autogain) que l’on voit fleurir sur les nouvelles interfaces produites depuis 1 ou 2 ans, c’est l’absence de réglage de gain analogique, et l’importante plage dynamique couverte par l’interface, permettant sur le papier d’enregistrer des sons du plus pianissimo au plus fortissimo sans avoir besoin de chercher un réglage préalable, en en pouvant seulement retoucher le gain numérique, soit depuis le petit logiciel mixer fournit par Zoom, soit dans la STAN. C’est aussi le fonctionnement en 32 bits virgule flottante, qui permet potentiellement de récupérer la forme intégrale du signal en cas d’écrêtage numérique, option vraiment intéressante, mais… il y a un « mais », et on en reparlera dans l’article.
Pour l’instant, passons rapidement par une présentation de la machine en elle-même.
Présentation
L’UAC-232 se présente sous la forme d’une boîte légère (355 g), toute faite en plastique, et dotée d’arceaux latéraux permettant potentiellement d’accrocher des câbles pour consolider son installation. Cela est explicité dans le manuel d’utilisateur, en revanche, ce qui n’est pas spécifié, et semble donc involontaire, c’est que les pieds en plastiques glissés sur ces arceaux tournent, ce qui fait que l’interface a tendance à rouler de gauche à droite sur le bureau. En cas de session ennuyeuse, on peut même se divertir et la pousser en faisant « vroum vroum », comme une petite voiture d’enfant.
Effet un peu comique et pas très pratique, ni bien pensé d’ailleurs… Cependant, s’il y a bien quelques petits défauts dans sa présentation extérieure, nous pouvons déjà dire que, dans l’ensemble, l’interface est plutôt convaincante.
Ainsi sa façade…
…présente deux entrées sur combo XLR/jack 6,35 mm, avec chacune son bouton pour activer l’alimentation +48V (alim fantôme indépendante donc, c’est bien !) et l’option d’une impédance adaptée aux instruments à cordes électriques (Hi-Z) sur l’entrée 1. Tous les boutons sont rétroéclairés, et la détection du signal à l’entrée est signalée par une LED s’allumant au-dessus de chaque prise. Seul léger défaut, le bouton « GUITAR/BASS » est peut-être un peu trop serré entre les deux connectiques, et pas très facile à atteindre si elles sont employées toutes les deux (même si l’avoir mis un peu plus haut que la zone médiane de la façade doit aider un peu).
Problème un peu similaire pour le bouton de réglage du gain de l’ampli casque, un peu trop proche de la prise 2, et assez petit. Sous lui, la prise casque, sur jack 6,35 TRS. Et à côté, le gros bouton de réglage de l’atténuation du signal en sortie. Entre ces deux potentiomètres, un bouton rétroéclairé pour router le signal directement depuis le préampli d’entrée vers la sortie (sans latence, donc) et un indicateur lumineux qui s’affiche lorsque la fonction 32 bit virgule flottante est active.
L’arrière…
…est tout aussi simple, avec deux prises jack 6,35 mm, pour les sorties vers enceintes actives, et les prises E/S MIDI sur format DIN 5 broches (cela fera plaisir aux aficionados). La connexion à l’ordinateur et l’alimentation se fait sur prise USB-C, avec la possibilité d’utiliser une alimentation 5V externe lorsque l’interface est employée avec une tablette, par exemple.
Du point de vue de la construction, nous n’avons pas de critique substantielle à formuler, au-delà des quelques remarques de placement des boutons, mais cela est moins dû à un manque de prévoyance dans le dessin général de l’appareil, qu’à un problème très simple de place : la UAC-232 est petite, et pour gagner de la place il faut faire des compromis.
Ajoutons à ce portrait d’ensemble qu’elle ne nécessite l’utilisation d’un driver qu’avec Windows. L’installation est simple et rapide, et le logiciel attenant est très facile à prendre en main (cf. partie suivante).
Pour ce qui est du fonctionnement en résolution à 32 bit virgule flottante, il faut préciser : l’interface ne peut bien entendu pas le forcer, et la résolution n’est donc possible qu’avec les applications ou logiciels compatibles. Zoom en précise la liste sur son site (la liste date de 2022 et n’est peut-être plus complète), mais il faut aussi remarquer que sous Windows le driver est également important, et si l’interface répond bien à Asio, ce n’est pas le cas avec les drivers spécifiques à l’environnement Windows comme Wasapi. Il y a donc une limite et tout utilisateur devra faire attention à son usage s’il veut pouvoir bénéficier du 32 bits.
Logiciel
Et puisque l’on parle de l’environnement numérique, décrivons rapidement le logiciel :
Comme on le voit immédiatement, c’est très simple : le design représente de gauche à droite la chaîne sonore. On a donc les deux entrées (1 et 2, à gauche) dont on peut régler l’affichage par deux curseurs : il s’agit bien entendu d’un gain numérique, et non d’un simple réglage de visualisation. Ensuite viennent deux fenêtres en défilement constant où s’affiche, en temps réel, la forme du signal entrant, et qui permet de visualiser son gain et son possible écrêtage. Chaque voie est ensuite envoyée vers son entrée numérique USB IN 1 et 2.
En gris, opacité moyenne, on voit le trajet du signal depuis les entrées, vers la sortie principale et le circuit casque, en monitoring direct. Chaque voie bénéficie de son sélecteur de niveau et de son panoramique, permettant par exemple de créer un mix pour le monitoring direct, et un autre au sein de la STAN.
En mode « streaming », les contrôles de gain et panoramique agissent simultanément sur le mix de monitoring direct et les entrées USB.
Pour finir, une fonction loopback permet de renvoyer un canal de sortie de l’ordinateur vers les entrées et de le mélanger avec les programmes de IN 1 et 2.
On le comprend donc, le logiciel est fort simple, c’est sa force et son défaut : il est très facile à prendre en main, le plus facile qu’on n’ait jamais vu, je pense, mais il ne contient aucun des éléments utiles (phase, dim, mute, auxiliaire, effets embarqués…) que l’on rencontre sur de plus grosses interfaces — au final, cela se contrôlera depuis le logiciel séquenceur utilisé.
Pour finir, ce gain, comment se règle-t-il ? Car oui il y a bien un réglage numérique interne, qui se fait au niveau du logiciel de mix, mais qui est surtout lié au confort de travail lors de la prise, car l’idée principale de cette interface est de se passer de la nécessité d’un réglage au moment de l’enregistrement, en travaillant en même temps avec un double convertisseur A/N (un à gain fort pour les signaux faibles et, passé un certain seuil, un à gain faible pour les signaux forts), qui permet une très grande plage dynamique sans distorsion, et le l’enregistrement de fichiers en 32 bit virgule flottante, qui permet après coup de traiter les questions de niveau du signal dans le mix avec une excellente résolution (en cas d’augmentation du gain), et une récupération des données au-delà des seuils d’écrêtages numériques.
Cela étant dit, oui vous pouvez faire saturer les préamplis, mais à des niveaux extrêmement forts, difficilement atteignables dans un contexte d’enregistrement — ou qu’on ne désirerait pas forcément atteindre car ce serait déraisonnable, tout simplement. Donc les limitations du logiciel et de l’interface elles-mêmes apparaissent comme découlant d’une certaine logique, si l’on considère ce produit comme étant avant tout conçu (il nous semble) pour permettre la mise en place et la diffusion du système double converto/32 bit virgule flottante.
Benchmark
Précisons-le d’abord, l’UAC-232 travaille dans une résolution max de 32 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Le buffer sur 32 samples en 44,1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5,850 ms
Le buffer sur 64 samples en 44,1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 7,619 ms
Le buffer sur 128 samples en 44,1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 10,113 ms
Le buffer sur 256 samples en 44,1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 16,122 ms
Le buffer sur 32 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5,094 ms
Le buffer sur 64 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5,427 ms
Le buffer sur 128 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 7,131 ms
Le buffer sur 256 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 9,593 ms
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision. Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Plage dynamique : 123 dB
Gain max mesuré : 72 dB
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,137 dB
THD+N : 0,02 % THD : 0,01 % (@ 1 kHz)
Rapport signal/bruit : 85 dB.
Distorsion d’intermodulation : –72,4 dB
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,125 dB
THD+N : 0,02 % THD : 0,009 %
Rapport signal/bruit : 80,9 dB.
Distorsion d’intermodulation : –72 dB
Qu’en est-il de la sortie casque ?
En restant sur l’entrée micro…
Déviation : ±0,102 dB
THD+N : 0,03 % THD : 0,04 %
Rapport signal/bruit : 75 dB
Distorsion d’intermodulation : –57,6 dB
Conclusion
L’UAC-232 nous a paru être une sorte de premier essai réussi : un modèle très intéressant, même si pourvu de quelques défauts, et à partir duquel on imagine sans mal Zoom développer des produits plus complets et un peu plus développés. En l’état, on remarquera quand même qu’il s’agit d’une interface très attrayante, d’abord pour ses qualités technologiques assez innovantes, ensuite pour un prix plutôt doux, ce qui en fait un produit que l’on voudrait conseiller à des musiciens novices, leur garantissant qualité sonore et facilité d’usage. Et si, à notre sens, le design devrait être partiellement revu, les résultats à la mesure sont tout à fait satisfaisants pour cette gamme de prix, et le couple doubles convertisseurs/32 bit devrait apporter une aisance d’utilisation ainsi qu’une certaine qualité sonore. En bref, un produit prometteur et enthousiasmant.