Après des mois et des années d’attente, l’éditeur IK Multimedia sort enfin la troisième version de son lecteur d’échantillons multitimbral, SampleTank 3, qui disputait à quelques autres le titre de logiciel le plus longuement attendu. L’attente est-elle récompensée ?
C’est peu dire que les utilisateurs de logiciels attendent parfois des mois, voire des années avant que leurs outils de prédilection ne profitent des avancées d’une technique (le passage de 32 à 64 bits par exemple) ou d’une mise à jour assurant la compatibilité avec un tout nouveau système d’exploitation (le passage du 32 au 64 bits par exemple, pardon…).
La plupart de ces outils est maintenant compatible avec les systèmes les plus récents. Il en reste quand même quelques-uns à la traîne (au hasard Sylenth1…) et SampleTank, le rompler (lecteur d’échantillon) d’IK Multimedia (première version sortie en 2001…), faisait, jusqu’à ce jeudi 24 juin, partie des logiciels dont on attendait à la fois une refonte et une compatibilité certifiée avec les OS et logiciels 64 bits (dans notre cas, Logic X et Mavericks). Certifiée, car sur certaines configurations, SampleTank 2.5 fonctionne (avec quelques bugs et plantages) en standalone (voir capture d’écran). Bien sûr, comme la majorité des plugs d’effets et instruments restés en 32 bits, il pouvait être utilisé dans Logic X par exemple avec l’excellent bridge de SoundRadix, 32 Lives, mais on ne pouvait considérer cette solution ni accepter les problèmes en version autonome comme définitifs.
La progression de ST2.5 vers ST3 a beaucoup fait parler, ricaner, jaser, s’énerver les propriétaires du logiciel (et ceux de la concurrence), puisqu’elle aura pris quasiment quatre ans pour s’effectuer, avec une attitude de l’éditeur souvent velléitaire (« ça sort bientôt » répété à l’infini). C’est pourquoi l’annonce de sa sortie effective a aussitôt fait tout autant de bruit, puisque la pression est quand même forte. Qu’est-ce qui a bien pu faire que l’éditeur, par ailleurs très actif dans des tas d’autres domaines (notamment pour iPad, iPhone et tous les « aille » quelque chose), ait attendu quatre ans pour fournir cette mise à jour ? Du coup, on peut espérer de très grandes choses. Ou simplement un outil pleinement fonctionnel. Voire un mélange des deux. Des questions qui devraient trouver leurs réponses dans ce test.
Introducing IK Multimedia SampleTank 3
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Pour les deux types de mises à jour, depuis ST2 XL ou Philharmonik, depuis n’importe quel autre logiciel ou matériel IK, ou pour un premier achat, IK Multimedia propose trois tarifs : 146, 194 et 292 euros (les tarifs annoncés par IK dans ses communiqués sont hors taxes) jusqu’au 30 septembre, puis passeront après cette date à 194, 244 et 342 euros.
L’éditeur propose le logiciel sous forme boîte ou via téléchargement. Ce dernier procédé comporte l’installeur de l’application et huit dossiers compressés séparés constituant la bibliothèque sonore (à peu près 25 Go à télécharger). On charge la nouvelle version de l’Authorization Manager, on autorise avec le numéro de série fourni (on dispose de 10 autorisations simultanées !) puis il ne reste plus qu’à définir un dossier pour l’installation des sons, chaque dossier contenant son propre installeur. Pas de problème à signaler, tout va bien, application autonome, plug-ins VST 2 et 3, AAX, AU 64 bits sont placés aux endroits adéquats. Tout juste peut-on signaler que les installeurs sont toujours considérés comme des « apps en provenance d’un développeur non identifié », selon la terminologie chère à Apple (et que l’installeur pose un dossier compressé nommé « Audio.zip » contenant les plugs dans la bibliothèque, sans que l’on en comprenne l’utilité, puisqu’une fois à la poubelle, rien n’a changé).
On importera via la commande prévue toutes les anciennes banques (Philharmonik, Sonic Synth 2, SampleMoog, etc.), en n’oubliant pas (si le logiciel ne l’effectue pas) la première réactualisation de la base de données (qui se fait automatiquement ensuite). Un reproche, le logiciel pourrait ne scanner que la dernière acquisition, il devient en effet vite pénible d’attendre la fin d’un scan complet pour un seul son importé… Selon les bibliothèques, certains sons ne passent pas, un message d’erreur précisant lesquels. L’éditeur suggère aux utilisateurs de lui faire remonter rapidement les infos, et promet des corrections rapides (le test a commencé sur la première mouture et s’est poursuivi avec la mise à jour 3.0.1).
Attention, si l’on désire continuer à utiliser SampleTank 2.x, car la procédure d’import de ST3 regroupe les trois fichiers .sti, .stp, .stw ou le seul .stip sous une nouvelle forme, .pak, qui ne pourra être reconnue par les précédentes versions. Ne pas mettre trop vite toutes les anciennes banques à la poubelle, donc…
Changement complet
Le premier constat à l’ouverture est d’ordre graphique : le design a changé du tout au tout. Du coup, on espère qu’il en est de même des fonctionnalités ; il serait dommage qu’une telle attente ne soit récompensée que par des changements cosmétiques ou ergonomiques, aussi réussis soient-ils.
Le principe de la fenêtre unique a vécu, place à une organisation sur trois pages : Play, Mix et Edit, accessibles via la barre d’outils inamovible, qui regroupe aussi un lien vers le magasin en ligne, les réglages de Preferences et Audio/MIDI, l’affichage des mentions légales et de la version ainsi que l’icône de lancement du Manager. La première page offre l’accès au navigateur situé sur la gauche, lui-même proposant le choix entre Multi, Instrument, Pattern et Live, ainsi que le menu d’import, Save, etc., le champ de recherche, l’ouverture de l’onglet Info (image de l’instrument, poids, description et assignation des Macros) et l’outil de scan de la bibliothèque. Le mode Live permet de charger des Songs (64 maximum), contenant jusqu’à 16 Multis, avec numéro assignable de Program Change.
Au centre, cinq colonnes offrent numéro de Part, de canal MIDI, mute, solo et effacement du son sélectionné, dont le nom apparait sur la droite. Pour finir, deux curseurs volume et pan et un indicateur de niveau (tout cela par Part, évidemment).
Au-dessus du clavier virtuel (en standalone, on peut ouvrir une fenêtre transformant le clavier de l’ordi en clavier, hélas uniquement en Qwerty…) se trouve la barre des réglages des Macros et FX (voir ci-dessous). Tout en bas, les menus de MIDI Learn, d’assignations aux rotatifs des Macros avec plage d’action et fonctionnement en Latch ou non (par Part, bravo), le bouton Panic, l’indicateur de tempo, la sélection de la tonalité et le bouton de lecture (hein ?).
Bouton de lecture, car ST3 intègre maintenant un séquenceur MIDI, permettant de piloter un son via différentes séquences MIDI pré-programmées (plus de 2000). De rythmiques de batterie complètes à des arpèges, des riffs ou autres motifs, les patterns sont variés, bien programmés et (relativement) caractéristiques du style abordé. Ils permettent de constituer très rapidement une base, d’autant qu’ils peuvent être exportés dans la STAN de son choix par glisser-déposer. Deux problèmes : d’abord, alors que certains patterns permettent l’enchaînement en continuité rythmique (on lance le rythme, et on change en cours de route de variations sans que le pattern ne redémarre à zéro), la plupart des boucles de batterie ne le permettent pas (redémarrage sur le premier temps). Ensuite, quand on double-clique dans le navigateur (procédure de chargement normale), les boucles se chargent par défaut sur le clavier de façon chromatique, à partir de C0, ce qui fait qu’elles se superposent aux KeySwitches des instruments en disposant… Heureusement, on peut les glisser-déposer directement sur le clavier de ST3.
Effets et macros
Le système de boutons Macros change, puisqu’il n’est plus partagé avec les huit pages de ST2 (Synth, Filter, ENV 1 et 2, Velocity, LFO 1 et 2, Range). À moins de basculer en mode FX, on garde donc toujours sous la main les huit raccourcis vers les fonctions primordiales (tous automatisables ou pouvant être pilotés via surface de contrôle). Les kits de batterie en profitent notamment, puisqu’ils ne disposaient que de quatre assignations dans ST2 ; maintenant, les huit réglages sont assignés, la plupart du temps aux volumes de chaque élément d’un kit (kick, snares, etc.).
On ne perd donc son affichage (mais pas ses fonctions…) que lorsqu’on bascule en mode FX. Un changement aussi, puisque les effets restaient toujours affichés, avec un mode Bypass, et les différentes sections Part, Send et Master. Ces deux dernières ne sont accessibles que dans la nouvelle page Mix, ainsi que les menus de sauvegardes de présets (voir l’article). Du côté des effets fournis, ST3 gagne énormément, puisque sont inclus de nombreux modules directement issus de T-RackS et Amplitube (par exemple les compresseurs Black 76, White 2A, les amplis American Vintage T, Jazz Amp 120, SVT Classic, les effets Uni-V, Chorus C1, liste non exhaustive), pour un total de 55 effets (dont 22 nouveaux).
Mixage et édition
Autre page d’importance, Mix, qui propose des fonctionnalités identiques à une console, même si plus limitées (ça dépend aussi de quelle console on parle…). 16 tranches, quatre retours stéréo et un Master sont les principales constituantes de la table, auxquelles on ajoute cinq inserts par tranches, quatre départs indépendants avec fonctionnement Pre ou Post-Fader (indépendant lui aussi), une sauvegarde de présets d’effets hélas seulement en chaîne, et non plus élément par élément et le Lock habituel, prévenant toute modification accidentelle. Tous les faders et rotatifs réagissant à la molette de la souris, enfin… Seul reproche, on ne peut pas se déplacer horizontalement dans la console via la molette, dommage. Tous les paramètres de la table (et de ST3) peuvent être facilement automatisés, via un MIDI Learn extrêmement simple. Cette partie fait indéniablement de ST3 un outil sonore bien plus performant, notamment pour le live si l’on utilise plusieurs claviers et/ou canaux MIDI.
La partie Edit est elle aussi très pratique, puisque l’on évite l’un des écueils des premières versions, celui de ne pas disposer de tous les réglages sous les yeux (pour le détail de qui fait quoi, on se rapportera au test de l’ami Los Teignos, ici). Sur cinq rangées, toutes les fonctions sont classées par type d’action ou section de synthèse. Dans la première, la gestion de la Part, avec les réglages de base (polyphonie, transposition, plage de notes et de vélocité, pan et volume), les Mute et Solo, et l’activation de l’édition en mode Zone, l’une des forces du rompler : on y applique tous les réglages indépendamment par chaque partie d’un son défini comme Zone, sachant que cela peut être une seule note. Et quand on parle réglage, on entend aussi les trois moteurs de synthèse différents : une zone en resampling, l’autre en Pitch Shift, une autre en Stretch Note, etc.
Trois moteurs que l’on trouve dans la partie Sample (plus le Stretch Phrase) ainsi que les réglages s’y rapportant. Nouveauté, la section Round Robin, pouvant être activée à loisir, et la sélection de l’articulation ou de l’élément chargé ; là aussi, réglages totalement indépendants suivant l’élément/articulation, ce qui, ajouté aux Zones, commence à rendre bougrement puissant le logiciel. Aux trois filtres résonants multipente de ST2, IK a ajouté des émulations des filtres Moog (Ladder), des Peak, Notch, Formant et Phaser, ainsi qu’une pente supplémentaire (troisième ordre, 18 dB/oct.) et un Overdrive. Voilà une section très puissante, avec de belles saturations et résonances (attention aux oreilles et aux baffles) et qui sonne bien mieux que celle de son prédécesseur. Les sections Velocity, LFO et Env (AHDSR, miam) se montrent quasi identiques à celles de ST2 et l’on retrouve aussi les quatre modes de jeu, Poly, Legato 1 et 2 et Mono.
Tout ça multiplié par 16 Parts, bien entendu. Attention quand même à la consommation CPU, ça peut monter très vite avec plusieurs modes de synthèse et les meilleurs effets en provenance d’Amplitube ou T-RackS…
Copieuse bibliothèque
L’éditeur offre avec ST3 une bibliothèque bien fournie, plus de 33 Go de sons, et affiche 4000 instruments en 21 catégories, ainsi que plus de 2500 kits, éléments séparés de batterie et percussions. Une mise au point tout de suite : il n’y a pas réellement 4000 instruments séparés, mais un certain nombre (désolé, je n’ai pas eu la patience de les compter) plus des variations. Cela n’est pas grave en soi, mais il fallait le mentionner. On en trouvera la liste détaillée ici. Un clic sur les sons ouvre la plupart du temps un player audio (qui ne contient pas toutes les articulations, ne rêvons pas non plus).
On appréciera les batteries, diverses et polyvalentes, offrant en général jusqu’à six niveaux de vélocité et 10 échantillons de Round Robin pouvant être activés ou non (une des nouveautés de ST3, en lecture et au niveau de l’édition), les nouveaux pianos acoustiques (deux Grand Concert, un Baby Grand, un droit et un bastringue) assez réussis pour des pianos de workstation, et doté de deux nouveaux effets assez convaincants gérant la résonance sympathique ainsi que l’ouverture/fermeture du capot. On se débarrassera en revanche immédiatement du Stereo Imager qui est ajouté dans les présets…
On trouve de nouvelles guitares (toujours convaincantes en arpège ou notes séparées, moins en rythmique) et basses (dont des filets plats plutôt rares, bien vu), une section de cuivres et vents pop (les saxes de ST2, grâce au moteur Stretch et aux Legato étaient parmi les plus réalistes des workstations à base d’échantillons, les trompettes, en revanche…), les pianos électriques (plutôt les Rhodes et CP que les Wurli, bénéficiant des nouveaux effets) ou encore des instruments symphoniques avec de nombreuses variations et techniques de jeu, et intégrés en instrument unique avec KeySwitches (une autre des grandes nouveautés du logiciel). Ces derniers sons sont tous hérités et déclinés des banques créées par Miroslav Vitous, précédemment intégrés par IK dans Philharmonik, donc pas vraiment de première jeunesse mais souvent efficaces (pupitres enregistrés avec le Czech Philharmonic Orchestra dans le Dvorak Symphony Hall, au siècle précédent…).
L’éditeur fournit aussi des sons de ST2 XL dans une version remaniée pour ST3, notamment au niveau des effets, car il n’y a pas de layers ou Round Robin supplémentaires.
J’ai longtemps hésité à fournir des exemples sonores pour le test, mais IK a fourni tellement de matière qu’il serait vain de rivaliser sauf problèmes rédhibitoires, ce que je n’ai pas trouvé (hors appréciation personnelle de sons, je parle ici de bouclages horribles, de clics, etc.). On trouvera tous les exemples sonores ici et là (allergiques, attention, en raison de la très forte contenance en Rudess…).
Bilan
Pour l’attendre, on l’a attendu. Du coup, on est content de retrouver ce qui faisait ses qualités, notamment au niveau de la synthèse, et les nouveautés, agencement de l’ensemble, nouveaux sons (très souvent de qualité, notamment l’inclusion des Philharmonik), effets sans reproche en provenance d’Amplitube et T-RackS, Round Robin et KeySwitches. Indéniablement, ST3 est devenu une belle bête de course, à la hauteur de ses concurrents si l’on se limite à la banque de sons fournie d’usine, et non à ses possibilités globales. On peut certes chipoter sur tel ou tel son, mais globalement l’offre est bien pensée et réalisée. D’autant que les grooves et patterns MIDI sont une bonne idée, elle aussi très bien réalisée.
Mais on est aussi désappointé par l’absence d’avancée majeure dans la gestion de samples externes, ce qui permet de répondre définitivement à une question (jusqu’à la 4 ?) : non, SampleTank 3 n’est pas un sampleur au sens où Kontakt ou MachFive, voire l’exs24 le sont (même s’ils n’échantillonnent pas directement…), il est avant tout un lecteur de banques de sons devant être créées par des éditeurs externes. De ce côté, nombre d’extensions avaient été développées, notamment par Sonic Reality. Mais elles ont vieilli. Et il semble peu probable que l’on arrive à la qualité des banques prévues pour Kontakt par exemple, pas en termes de son, certes, mais en regard des étonnantes possibilités de scripting incluses. En ce sens, SampleTank 3, ayant tout juste inclus Round Robin et KeySwitches, fait pâle figure : faudra-t-il attendre 10 ans pour voir du scripting ?
Pourtant, certaines annonces laissent présager du meilleur en ce qui concerne l’avenir sonique de l’engin.
Alors, en l’état, ST3 reste un excellent outil de création, de maquettes (voire plus pour certains sons) ainsi que pour la scène, sur laquelle la qualité globale des sons et la variété des présets devraient répondre à toutes les attentes. Seule la qualité de futures extensions dira si l’on souhaite garder le logiciel quand la concurrence ne manquera pas de progresser à grands pas, et que l’on souhaitera utiliser un outil polyvalent (rompler, sampler, synthé) plutôt que spécialisé…