Il est fort à parier que 2003 marquera le signe d'une profonde mutation de l'informatique musicale dans l'esprit des professionnels. Jusqu'ici fortement liés aux machines hardware (samplers, effets, expandeurs,...), les professionnels (et les amateurs !) découvrent, apprécient et utilisent de plus en plus le tout virtuel...
Évidemment, cette situation n’aurait pu avoir lieu sans des machines toujours plus puissantes et surtout grâce à des efforts prodigieux des éditeurs dans les domaines de la programmation, de l’émulation et de la modélisation. Le virtuel bouleverse la donne : finis les câbles midi, les bruits parasites, les set-up fastidieux, les investissements coûteux… Au contraire ! Bienvenue à la souplesse d’utilisation, aux rapports qualité/prix imbattables… Et bien sûr… Aux joies du crack et de la copie pirate illégale. C’est précisément là où le bât blesse.
Ce dossier n’a pas pour but de créer des polémiques mais plutôt de faire prendre conscience à chacun des conséquences du piratage, argumentation à l’appui. Voici un simple rappel de chiffres communiqués par le BSA fin 2002 :
En France, 1 logiciel sur 2 est une copie illicite.
- 4 logiciels sur 10 dans le monde sont des copies illicites avec pour conséquence des pertes s’élevant à près de 12 milliards d’euros.
- 79,4% des futurs ingénieurs font des copies illégales de logiciels sur leur ordinateur personnel.
- 40% des petites entreprises en Europe seraient concernées par le piratage sur Internet.
- 76 % des entreprises en Europe ne connaissent pas les sanctions prévues par la loi en cas d’utilisation frauduleuse de logiciel (73,2% en France).
- 63 % des entreprises seulement ont mis en place une politique logicielle (la France faisant figure de mauvais élève avec 38%).
- Moins de 50 % des entreprises effectuent régulièrement des audits de leurs logiciels.
L’étape où le crack commence à être ennuyeux, c’est généralement quand il devient source de revenus directs (revente de versions piratées et contrefaçons) ou indirects (création de valeur ajoutée).
La première source est généralement traitée par les pouvoirs publics et la police. La deuxième l’est plus durement par le BSA. Ce dernier point concerne toutes les personnes physiques (travailleurs indépendants, intermittents du spectacles…) ou personnes morales (studio d’enregistrement, studio de post-production…) générant de la richesse grâce à des outils issus du crack ou de la copie illégale.
Selon la loi, ces personnes sont passibles d’amendes pouvant atteindre 5 millions de francs et leurs dirigeants peuvent encourir jusqu’à 2 ans de prison. Pour la petite histoire, il n’est pas rare de voir des salariés enclins à des conflits avec leur hiérarchie dénoncer leur société dans ce domaine pour se venger !
Les particuliers « collectionneurs » de CD-R marqués au feutre noir avec à l’intérieur des programmes piratés ne sont pas non plus à l’abri. Théoriquement, à tout moment (le matin vers les 6h00), ils pourraient faire l’objet d’une descente de police avec mandat de perquisition pour une vérification de la bonne conformité de leur « collection » de logiciels. Eh oui, posséder des copies illégales ou des cracks équivaut à posséder des téléviseurs volés, qu’on les utilise ou non. La justice ne fait pas la différence et le BSA non plus.
Quelques idées reçues sur le crack et la copie illégale :
« Le crack participe à la publicité et à la vulgarisation d’un soft »
VRAI pour la version 1.0 d’un logiciel. FAUX, si en version 2.0 les ventes ne décollent pas en raison d’un piratage accru. C’est la pérennité du logiciel qui est en jeu. Dans certains cas, c’est la survie de l’éditeur qui est en cause. Dommage, car dans l’univers musical, les éditeurs et développeurs sont aussi passionnés que les musiciens qui utilisent leurs logiciels. Les heures de travail ne sont pas volées et il n’est pas exagéré de dire que certains travaillent 7 jours sur 7 pour créer des logiciels dédiés au musicien.
« L’éditeur vend ses logiciels hors de prix : il s’en met donc plein les poches »
FAUX. Par exemple sur un soft acheté chez un revendeur 100 euros TTC, il faut retirer la TVA (19.6%), la marge brute du revendeur, la marge brute du Distributeur/Importateur et l’on obtient alors la marge brute de l’éditeur. A tous ces intervenants, il faut également soustraire les frais de communication (participations aux salons, expositions, publicité dans les magazines, mailings, agence de presse…), les frais de transports, les frais de stockage, la masse salariale etc. Autant dire que la quantité de produits vendus est primordiale pour tenter d’espérer une quelconque rentabilité et donc une pérénité du logiciel.
« Les logiciels de musique sont chers »
Un synthétiseur coûte cher aussi ! Ce n’est pas pour autant qu’on ne le paye pas. Les logiciels chers sont le plus souvent voués au marché des professionnels car ils sont à même de les rentabiliser grâce à leurs activités. Acquérir un plug-in de musique à 1000 euros pour un studio qui facture ses demi journées à 250 euros n’est pas forcément cher et plutôt vite amorti. De plus, comparés à ses homologues hardware, les instruments virtuels, par exemple, sont bien meilleur marché.
« Je ne l’utilise rarement ou jamais »
Malheureusement la version crackée possédée par le musicien qui répond ceci satisfera certainement l’une de ses connaissances, cette dernière en faisant probablement un très bon usage, évitant de surcroît un achat plannifié. Dommage pour l’éditeur, mais aussi à terme pour le musicien pirate qui tue les éditeurs les plus faibles à terme.
« Les versions de démonstration sont nulles et ne me permettent pas bien d’évaluer le soft »
1 point pour le pirate. Il n’empêche que s’il commence à utiliser et à apprécier le logiciel, il doit l’acheter. En faisant cela, le musisien soutient son développement, participe à la croissance d’un secteur économique assez difficile et obtient de bien meilleures choses par la suite (du service notamment, mais aussi une continuité dans l’évolution des logiciels).
Conclusion : tout est histoire d’éducation, de responsabilité et de conscience personnelle.
Ce texte est tiré de l’article écrit par Sébastien Monneret pour Apacabar.
Publié sur AudioFanzine avec son aimable autorisation et adapté par Philippe Raynaud.