Si vous êtes du genre à vous intéresser à la technologie de l'enregistrement (ce qui doit être votre cas puisque vous lisez ceci) vous avez dû tomber sur des interviews de grands noms de l'ingénierie et de la production sonores qui conseillent aux preneurs de son en herbe de "ne pas utiliser leurs yeux, mais leurs oreilles" lorsqu'on parle de choix de mixage ou d'autres aspects de la production. A priori, voilà une de ces remarques évidentes avec lesquelles on est tous d'accord. Cela étant dit...
Il arrive que ce conseil-là pousse les musiciens qui enregistrent à ignorer certains des indices visuels que les stations audionumériques et autres logiciels d’enregistrement nous apportent. Je ne parle même pas des nombreuses sortes de visualiseurs dont on dispose et dont les affichages nous sont extrêmement utiles pour évaluer des variables telles que la corrélation de phase, le niveau RMS, ou si une coupure a été effectuée. Il est clair qu’on serait bien en peine de repérer précisément à l’oreille ces éléments que l’écran nous offre. Non, ce dont je vous parle ici c’est bien de ce qui apparaît à l’affichage de la forme d’onde créée par votre STAN pour représenter visuellement une piste sonore.
L’oeil sur la piste
Des pistes différentes créeront des formes d’onde différentes. Les instruments brièvement forts ou staccato comme la batterie sont plus pointus et courts, alors que les instruments legato tels qu’un son de synthé continu vont avoir une allure différente. Cette capture d’écran vous montre une grosse caisse (en haut), une simple note de synthé continue (au milieu) et une piste vocale (en bas).
L’info qui est probablement la plus utile dans une forme d’onde tient dans l’affichage des endroits où le niveau de la piste change au cours d’un morceau ou d’une section. Par exemple, si je veux égaliser le volume d’une piste de A à Z, je peux, en jetant un oeil à la forme d’onde, voir immédiatement là où il faut faire des ajustements de volume. Evidemment, je vais aussi écouter pour vérifier, mais rien qu’avec le visuel, je peux très rapidement trouver les points à retravailler. Au cours d’un mixage, ça fait gagner du temps.
Il est également utile de comparer les hauteurs des formes d’onde à l’écran si l’on souhaite égaliser le volume de plusieurs chansons sur un album, ou différentes sections d’une production longue durée telle qu’une vidéo ou un podcast. Par exemple, la capture d’écran ci-dessous vous montre une piste audio où la section du milieu est visiblement plus forte que le reste de la piste. Un rapide coup d’oeil, et vous voyez où apparaissent les fluctuations dans l’enregistrement.
Débusquons les problèmes
On peut aussi se servir de ses yeux pour voir certains types de problèmes particuliers dans les formes d’onde audio. Les consonnes occlusives — comme un « P », un « B » sec, ou un autre son consonantique dur — sont des choses qu’on peut apprendre à repérer assez facilement. Leur aspect est spécifique en regard d’autres types de formes. Ci-dessous, les sections en pointe sur la capture d’écran sont des occlusives. On peut apprendre à les repérer assez facilement, ce qui permet de les sélectionner et de les traiter plus rapidement. En général il vaut mieux réduire fortement leur niveau en utilisant l’automation de volume ou le contrôle de gain de votre STAN que de les couper complètement.
Les clics sont plutôt faciles à repérer, dans la mesure où ils sont représentés par des pics fins et hauts. La capture ci-dessous représente une piste de guitare qui inclut des clics. Si vous n’en trouvez que quelques-uns, vous pouvez les éditer manuellement. Si votre piste est envahie d’un grand nombre de clics, il vous sera plus efficace de recourir à un plug-in de traitement doté de fonctions de suppression des clics (iZotope RX4, par exemple), ou toute autre fonction de ce type intégrée à votre STAN.
Il est également possible de se servir de la forme d’onde à l’écran pour repérer les notes tronquées. Il s’agit là des notes qui dépassaient 0 dB lors de l’enregistrement et que l’on reconnaît facilement aux « sommets plats » qui apparaissent sur la forme d’onde. Dans l’exemple ci-dessous, on peut voir la différence entre sections tronquées et sections non tronquées.
D’un coup d’oeil sur une piste on peut bien souvent glaner d’autres infos concernant son contenu. J’ai annoté la piste ci-dessous : vous voyez que la zone au-dessus de la lettre A est plus forte en volume que le reste, que la zone B entourée en rouge contient du son superflu capté par le micro, et que la zone C entourée correspond au souffle du chanteur.
Pour résumer
Ce que j’ai voulu montrer dans cet article, c’est qu’on peut tirer beaucoup d’enseignement en examinant visuellement une forme d’onde à l’écran, et que vous pouvez travailler plus rapidement lorsque vous comprenez ce que vous montre l’affichage d’une piste. Au bout du compte vos oreilles seront bien l’ultime juge du résultat, mais ça ne signifie pas que vos yeux vous trompent.