À l’occasion de son anniversaire, la firme allemande Beyerdynamic réédite son fameux M88. Retour sur une légende de l’audio.
La firme allemande Beyerdynamic a lancé, à l’occasion de son 90e anniversaire, une nouvelle édition de son légendaire micro dynamique M88. Cette version spéciale reprend le look original des premiers micros, c’est-à-dire un corps plus clair et une grille argentée. Evidemment, vu le nombre très limité de micros produits, peu de gens pourront mettre la main sur cette édition spéciale. Mais comme elle possède les mêmes caractéristiques audio que les versions classiques actuelles, nous en avons profité pour faire un test de ce micro, qui est devenu au fil des années un standard de l’audio.
Ce microphone dynamique très populaire est réputé pour sa polyvalence, son bas généreux, sa résistance aux très hauts niveaux de pression acoustique et sa solidité à toute épreuve. Il diffère également des autres micros de même gabarit par sa directivité hypercardioïde, un peu moins répandue que cardioïde chez les dynamiques, ainsi qu’un niveau de sortie relativement élevé (sensibilité : 2.9 mV/Pa contre 1.9 mV/Pa pour le SM58).
Il est très apprécié sur les cuivres, les amplis guitares (souvent couplé au SM57), les amplis basses, les percussions (surtout les graves), notamment sur la grosse caisse, seul ou couplé à un micro statique sur la peau de résonance. La version TG du M88 fonctionne également sur certaines voix, grâce à sa nouvelle grille qui réduit davantage les plosives.
En termes de courbe de fréquence, le M88 aurait encore une réponse droite à 1 m. Comparativement, passé l’effet de proximité, le SM57 aurait une réponse droite à 5 cm, au-delà il perd en grave et légèrement en aigus.
De par sa directivité hypercardioïde et sa sensibilité aux sons ambiants plus faibles qu’avec les micros statiques, le M88 est également utile sur les tournages (notamment en milieu réverbérant), malgré son poids au bout d’une perche. Il est également chéri par les ingénieurs du son lors des scènes de hurlements.
Il fait partie des micros que l’on peut utiliser quand on cherche à s’éloigner de la brillance outrancière des micros dernière génération (très à la mode chez les nouveaux micros statiques), pour des enregistrements plus chauds sans nécessairement perdre en précision. Il est souvent comparé au MD 421 de chez Sennheiser, avec cependant des aigus moins prononcés (« moins baveux » pour ceux qui défendent le M88).
Envoyez le son
Les micros ci-dessous, ont été comparés tour à tour au studio d’enregistrement Montmartre Recording à Paris sur un préampli API 3124+ à gain égal, orientation et placement de capsule identiques, convertis en numérique via le Aurora 16 de Lynx Technology. Les gains ont ensuite été matchés, pour pouvoir, comme d’habitude, mieux se concentrer sur leur son :
- Beyerdynamic M88 Limited Edition
- Shure SM57
- Audix i5
- Sennheiser MD421
- ElectroVoice RE20
Ainsi qu’occasionnellement :
- Wunder Audio CM7fet
- Neumann U87 vintage (édition allemande)
- AKG C414 XLSII
Voici le rapport des gains des micros dynamiques, que nous avons noté par rapport au M88 (le plus élevé) :
- Shure SM57 : –4 dB
- Audix i5 : –3,7 dB
- Sennheiser MD421 : –1,5 dB
- ElectroVoice RE20 : –3,3 dB
Ces gains peuvent varier d’un instrument à l’autre (et parfois d’un micro à un autre du même modèle), mais ce rapport permet déjà d’avoir une idée quant à leur niveau de sortie.
Grosse caisse
- Kick M88 00:10
- Kick MD421 00:10
- Kick RE20 00:10
– M88 : l’attaque est franche et ronde, on a un beau bas et un bon sub. On récupère bien le grave de la grosse caisse. La texture est également bien définie dans les aigus, le résultat est chaud et équilibré.
- MD421 : il y a moins de bas, ce microphone est un peu plus restreint sur le kick, l’attaque est un peu rêche. En comparaison aux autres, il manque de bas médiums et il semble moins plein, moins naturel.
- RE20 : il y a un peu moins de bas que le M88, mais plus que le MD421 et une couleur plus naturelle.
Tom médium
- Tom M88 00:06
- Tom SM57 00:06
- Tom MD421 00:06
– SM57 : l’attaque est presque synthétique, très aiguë, on a une sensation de boost à partir de 5 kHz. Le son est très claquant et peu consistant en comparaison des autres micros. Il y a très peu de bas.
- M88 : l’attaque est un peu effacée dans les aigus et extrêmes aigus, la texture du son est plus centrée sur la fondamentale et les premières harmoniques du tom, tout en restant cohérent (cependant on perçoit une petite bosse entre 2,5 et 4k qui type un peu le son).
- MD421 : l’attaque est bien présente, mais plus atténuée qu’avec le SM57, il y a une bonne définition dans les médiums (harmoniques du tom). Le résultat est équilibré, et représente un compromis entre l’attaque du SM57 (adoucie) et le corps du M88.
Caisse claire
- Snare M88 00:07
- Snare M88 ORIGINAL 00:07
- Snare SM57 00:07
- Snare MD421 00:07
- Snare RE20 00:07
- Snare I5 00:07
– SM57 : le bas du spectre est bien présent, et les aigus sont vifs et plus claquants, ce qui est agréable sur la caisse claire.
- M88 : le bas-médium est proéminent, la texture définie dans l’aigu, mais plus atténuée qu’avec le SM57. En switchant entre le M88 et le SM57, on a vraiment une sensation d’EQ qui placerait la bosse des aigus de la caisse claire dans différentes zones : le M88 autour de 3 kHz et le SM57 autour de 6 kHz – avec plus d’extrêmes aigus.
- I5 : Il semble perdre une partie des fréquences du SM57, on a une sensation de filtrage en peigne dans les aigus (indépendamment du placement de micro identique). Sa bosse aiguë semble être, quant à elle, entre 4 et 5 kHz. Le résultat est objectivement moins naturel que celui du SM57.
- MD421 : Il réagit assez violemment à la caisse claire avec une sorte de résonance à 4 kHz. Le résultat est peu naturel, comme avec le i5.
- RE20 : Il se rapproche un peu plus du SM57, avec des extrêmes aigus un petit peu plus doux
Le SM57 semble être le seul à avoir une réponse vraiment naturelle sur la caisse claire, mais le M88 (malgré son manque d’aigus) peut être intéressant dans des styles plus jazz ou sur certaines caisses claires trop synthétiques.
Guitare électrique
- Elec Guit M88 00:24
- Elec Guit SM57 00:25
- Elec Guit MD421 00:25
- Elec Guit RE20 00:24
- Elec Guit i5 00:25
– SM57 : on a une bonne définition et un bon équilibre entre toutes les fréquences, un bon corps et de la précision. On reconnait bien le son de l’ampli, le SM57 n’a pas volé sa réputation de micro à tout faire !
- M88 : encore une fois les bas et bas médium sont chauds, le crunch de l’ampli semble ronronner. Les aigus plus doux rendent le son plus feutré qu’avec le SM57, la couleur est douce et ambrée.
- I5 : on est assez proche du SM57 en termes de définition, une petite différence se fait ressentir dans le médium (un poil plus de bas médium, un peu moins de médiums) et les aigus du crunch sont un tout petit peu moins ouverts, malgré cette petite bosse caractéristique autour de 4/5 kHz.
- MD421 : on récupère du grave et même du sub par rapport au i5, ainsi que de l’extrême aigu qui vient malheureusement réveiller les grésillements de la saturation moins esthétiques que le crunch
- RE20 : on revient encore une fois vers la couleur du SM57, un peu moins ouvert, ce qui le rend un peu plus « à l’ancienne », mais dans un équilibre similaire entre les fréquences, ce qui le rend fidèle au son de l’ampli.
Saxophone
- Sax M88 00:17
- Sax SM57 00:16
- Sax MD421 00:17
- Sax RE20 00:17
- Sax I5 00:16
– SM57 : on a une bonne clarté, des hauts-médiums un peu sensibles
- i5 : il y a plus de bas médium que le SM57, donc un grave un peu plus moelleux mais il reste une petite acidité vers 2 kHz qui vient « clarinettiser » un peu le sax
- MD421 : la couleur est similaire au SM57 avec cependant plus de bas médium, et plus de grave que le i5.
- RE20 : le son est plus équilibré sur cet instrument, le bas est présent, mais plus taillé que ces prédécesseurs, et les aigus sont similaires au SM57 avec cependant des médiums plus doux et moins nasillards
- M88 : le son est plus rond qu’avec tous les micros précédents, des hauts-médiums et aigus très doux, mais pas enterrés, le rendu est assez boisé et la couleur est vraiment appréciable !
Petit bonus, nous avons également testé trois micros à condensateur réputés :
- Sax CM7 fet 00:17
- Sax C414 00:16
- Sax U87 00:16
– CM7 fet : très étrangement, malgré la différence de technologie avec les précédents micros (condensateur), le rendu sonore du CM7 fet flirte avec celui du M88 avec tout de même plus de pièce. On note une légère petite brillance en plus autour de 3 kHz, caractéristique de ce microphone vintage.
- C414 : ici, rien à voir, beaucoup de basses et bas médium et des extrêmes aigus bien présents. La couleur demeure équilibrée et intéressante, mais dans un tout autre style, beaucoup plus moderne.
- U87 : la couleur est proche du SM57 avec cependant un peu moins d’aigus, et la dynamique se trouve légèrement réduite, on sent un peu plus de difficulté à encaisser le niveau sonore, en particulier dans les fréquences médiums.
Guitare acoustique 12 cordes
- Acoustic Guit M88 00:10
- Acoustic Guit SM57 00:10
- Acoustic Guit MD421 00:10
- Acoustic Guit RE20 00:10
- Acoustic Guit I5 00:10
- Acoustic Guit CM7f 00:10
- Acoustic Guit C414 00:10
- Acoustic Guit U87 00:10
- Acoustic Guit Ze Couple (Bonus) 00:10
Sur ce test nous avons placé le micro à 40 cm de la jonction du manche de la guitare.
– SM57 : l’ensemble est un peu pauvre en basses, probablement dû à la distance
- i5 : meilleure réponse dans le bas, aigus aussi bien présents et un peu moins claquants qu’avec le SM57, ce qui rend l’ensemble un peu plus doux et cohérent
- M88 : on s’y attendait un peu, le son des cordes est bien claquant dans les hauts médiums avec bonne pêche dans le bas. Il y a encore ces aigus adoucis et pourtant les attaques sont bien définies. Sa couleur radicalement différente choque toujours à la première écoute, mais après avoir fait le tour des autres micros c’est toujours bon d’y revenir !
- RE20 : Il reste assez équilibré malgré la distance, sa réponse est proche de celle du SM57, mais avec des aigus moins synthétiques, légèrement plus en retrait et plus naturels.
- MD421 : encore une fois ce micro semble moins naturel que ses collègues dans les aigus, avec une sorte de résonance cette fois vers 5,5 kHz qui ressort beaucoup en comparaison avec les autres microphones.
Conclusion
L’édition spéciale du Beyer M 88 TG remet sur le tapis les caractéristiques mythiques de ce dynamique dont la réputation n’est plus à faire, avec en bonus une sensibilité accrue et un look du plus bel effet. Les extraits sonores parlent d’eux-mêmes, ce micro apporte sur les sources sa fameuse « patate douce » si typique : un bas du spectre très généreux, de bonnes transitoires et des aigus un peu en retrait sans jamais perdre en définition. Cependant, comme toute chose singulière, le M88 présente les défauts de ses avantages, et son aspect feutré peut jouer en sa défaveur et devenir un manque d’aigus pour des enregistrements et productions plus modernes…
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)
Studio d’enregistrement Paris 18
www.montmartrerecording.com