En 1964, Rupert Neve inventa l’une des premières consoles d’enregistrement à transistors. Dès lors, de nombreux artistes ont branché leur instrument directement dans la table de leur ingé son pour obtenir tout une palette de sons acides, jusqu’aux distorsions les plus radicales. Il aura fallu attendre pile-poil 50 ans pour qu’un jeune fabricant de pédales « boutique » propose d’obtenir ce type de son à portée de pied.
Mister Tweak
L’histoire de JHS Pedals a tout de la success-story à l’américaine. En effet, elle débute en 2007 lorsque Joss Scott répare pour la première fois une Boss BD-1 dans sa chambre. La passion du jeune Américain pour le tweaking est alors si dévorante qu’il décide de se lancer corps et âme dans la confection d’effets pour guitaristes et bassistes. Sept ans plus tard, il est à la tête d’une équipe comprenant une douzaine de personnes et il vend des centaines de pédales dans le monde entier avec un catalogue qui ne cesse de s’étoffer. Le design retenu, avec ses couleurs vives et ses logos rapidement identifiables, a sans doute joué un rôle important dans cette expansion fulgurante. Mais c’est surtout le son chaleureux de certaines perles, comme la Morning Glory ou la Pulp 'N’ Peel qui a hissé JHS au rang des fabricants avec lesquels il faudra désormais compter.
Évidemment, tout ou presque est fabriqué entièrement à la main au beau milieu des États-Unis d’Amérique.
English sound from Kansas City
La dernière trouvaille du tweaker américain se présente sous la forme d’une pédale entièrement analogique reprenant la topologie du préampli du mythique module 1073 créé par Neve en 1970 (toujours commercialisé de nos jours). On est donc en présence d’un concept de pédale relativement inédit, utilisable en tant qu’overdrive entre une guitare ou une basse et un ampli, mais aussi avec une voix ou tout autre instrument, avant d’attaquer une carte son ou une table de mixage.
Je vous propose donc de commencer ce test par le tour des connectiques embarquées.
Plug in baby
Le combo XLR/Jack n’est certes pas très « vintage », mais on est bien content de trouver la prise mixte sur la face est de cette grosse pédale (115 × 93 × 50 mm selon mon mètre-ruban) pour pouvoir y brancher toutes sortes de choses. Deux petits switchs nécessitant un petit outil (ou des ongles très longs) permettent de choisir le type de signal entrant (Inst/XLR) et l’atténuation de ce dernier (-20 dB).
Les sorties se situent logiquement de l’autre côté de la pédale, avec un XLR pour envoyer le signal en direct dans une table et un jack TS standard pour se connecter à un ampli. Quant à la prise pour l’alimentation, elle se trouve sur la face nord de l’appareil. Le transfo 18V qui s’y connecte sait détecter le voltage du courant délivré par le réseau et l’adaptateur pour prises européennes est fourni. La pédale étant déjà remplie comme un œuf, le courant ne pourra être fourni par des piles et l’alimentation fantôme nécessaire aux micros statiques ne sera malheureusement pas de la partie.
La foire au gain
Pour comprendre l’utilité des 3 boutons rouges présents sur la façade, il faut savoir que la Colour Box ne dispose non pas d’un, mais de deux préamplis montés en série. Ainsi, le Master joue son rôle habituel, à savoir le réglage du volume général ; le Pré-Vol gère la quantité de signal passant au second préampli tandis que le bouton step permet d’augmenter le gain des deux préamplis à la fois, à l’aide d’un sélecteur cinq positions, calées à 18, 23, 28, 33 et 39 dB.
La foire aux Hertz
Une égalisation 3 bandes est embarquée sous la forme de potards crantés de couleur bleue, placés juste en dessous les réglages de gain. La course de ces derniers ratisse large : la Coulour Box propose +/- 17 dB de gain par bande, JHS situant les graves à 120 Hz, les fréquences moyennes à 1 kHz et les aigus à 10 kHz. À cela s’ajoute un filtre passe-haut avec un potard permettant de choisir la fréquence de coupure (de 60 à 800 Hz), accompagné de son indispensable switch on/off. On pourra donc allègrement tailler dans le bas du spectre, et ce jusqu’aux bas médiums.
Enfin, le footswitch, qui soit dit en passant inspire confiance quant à sa durée de vie, est secondé d’une lumière bleue signalant la mise en route de l’engin ; la LED étant placée juste à côté du push-push, on n’aura confirmation de l’efficacité de son coup de pied qu’après l’avoir retiré.
Avec une guitare
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J’ai d’abord branché la pédale entre une Telecaster Standard et un Triamp MkII en laissant les différents EQ en position neutre.
La Colour Box enterre les bas médiums pour ne laisser que le grain du son : tel un jus d’orange pasteurisé, la Tele perd toute sa pulpe et on se retrouve avec un rendu proche de celui d’une Stratocaster.
Voyons alors le rendu avec un humbucker en position manche, en cherchant la fameuse distorsion Neve-like. Afin de faciliter la comparaison, j’ai joué l’extrait dry, puis avec la JHS enclenchée pour finir avec le canal crunch du Hugues & Kettner. J’ai également branché la pédale en direct dans la 01-V, vous entendrez ainsi le son DI sur l’ensemble des extraits qui vont suivre.
- ColourBox LP manche 00:28
- ColourBox LP manche DI 00:07
La coloration est assez fidèlement identifiable et le « grain DI » est respecté, tant dans l’ampli que dans la table.
Autant je vois un certain nombre d’applications possibles en studio, en l’utilisant pour du reamping par exemple afin d’apporter un peu de « fuzz granuleux » à un son trop « lisse », autant le caractère extrême de la coloration délivrée paraît ingérable en live, où la définition du son reste primordiale sous peine d’inintelligibilité totale de l’autre côté de la scène.
Finissons les essais guitares avec une Stratocaster Gilmour, en utilisant cette fois le passe-haut aux trois quarts.
- ColourBox Strat central 00:52
- ColourBox Strat central DI 00:41
Là encore, ce genre de son propice aux cocottes pourra vous permettre de percer dans le mix en complément d’une piste dry, mais sera difficile à exploiter dans un concert de rock qui tache.
Avec une basse
Place aux graves avec deux extraits joués à l’aide d’une Precision Waters dans un Trace Elliot V-Type tout lampes. Je n’ai pas réussi à obtenir de coloration convaincante en son clair, et les décrochages intempestifs (à la manière d’un mauvais octaver) sont un peu agaçants en son saturé, car la couleur rappelant les vieilles diodes au germanium est tout à fait sympathique.
- ColourBox PB sat 00:42
- ColourBox PB DI sat 00:35
Mélangée à une piste dry dans le mix, on peut obtenir une distorsion un peu extrême, mais tout à fait exploitable.
À noter pour les guitaristes comme pour les bassistes : le rendu est fortement impacté par le niveau de sortie du/des micro(s) équipant votre planche de bois préférée. Ainsi, il ne faudra pas hésiter à jouer avec le sélecteur –20 dB pour s’adapter à la source, même s’il s’agit d’une guitare passive standard. Même chose pour les bassistes qui devront essayer avec et sans pad, que la basse soit elle-même dotée d’un préampli ou non.
Avec un synthé
Puisque cette pédale est censée pouvoir s’adapter à tout type d’instrument, je l’ai également essayée avec un vieux Korg Delta.
- ColourBox Synth DI 00:24
- ColourBox Synth DI dry 00:24
Avec les gains à fond, on obtient un peu de distorsion, mais c’est principalement la compression induite qui caractérise le rendu final. On voit clairement le Master bus du Pro Tools passer d’une petite dizaine à moins d’un décibel de dynamique. Une arme pour la loudness war ? N’étant pas claviériste, je vous laisse juger par vous-même de la pertinence d’un tel effet.
Avec une voix
Enfin, j’ai sans prétention poussé la chansonnette dans un SM58 pour que vous puissiez entendre le type de grain obtenu sur une voix, toujours en direct dans la 01V.
Trouver un réglage efficace est assez rapide et le rendu me semble tout à fait utilisable, en complément d’une piste Dry. On peut donc obtenir un effet de type « mégaphone » convaincant, y compris en live, mais le prix de la Coulour Box me semble bien trop élevé pour envisager son acquisition uniquement pour cet usage.
Si vous n’avez pas trouvé votre bonheur dans les extraits ci-dessus, n’hésitez pas à faire un tour sur le site de la marque, car il regorge d’exemples divers et variés.
Révolution ?
En rupture de stock au moment où votre serviteur écrit ces lignes, JHS semble avoir conquis un certain nombre de musiciens avec sa grosse pédale blanche. Ce n’est que justice étant données l’originalité et la qualité de fabrication de l’engin.
Ainsi, si vous souhaitez avoir le son de guitare distordu des Fab Four (en particulier celui du morceau sus-cité) ou si vous cherchez une disto polyvalente et très typée pouvant gérer correctement la dynamique d’une voix, la pédale de JHS pourra vous combler. A contrario, si vous êtes plutôt du genre « tout à fond et vaille que vaille », vous risquez d’être rapidement décontenancé, car il faut parfois plus d’un quart d’heure avant d’arriver à trouver le réglage adapté à son instrument lorsque celui-ci existe. Et s’il est toujours utile d’essayer soi-même le matériel musical, la confrontation à votre propre matos est ici indispensable tant la variation du niveau d’entrée joue sur le rendu de la JHS.
Une pédale atypique et exclusive, destinée aux inconditionnels fortunés (399€).
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