Premier synthé à mémoires signé Dreadbox, le Typhon propose une version simplifiée de la synthèse analogique à un tarif très serré. Voyons si le son est qualitatif et les arbitrages judicieux…
Dreadbox est une société athénienne fondée en 2012 par Yiannis Diakoumakos et Dimitra Manthou. Elle est spécialisée dans les modules de synthèse et d’effets analogiques, sous différents formats : desktop, Eurorack, pédale, assemblés ou en kit. Fière de concevoir et produire ses instruments au pays de Vangelis, elle fait appel aujourd’hui à une bonne dizaine d’intervenants dans différents domaines, conception, production, ventes, administration… Si les circuits analogiques n’ont plus de secrets pour elle, sa production se limitait jusqu’à présent à des produits sans mémoires. Fin 2020, le Typhon est venu casser ce plafond de verre, proposant un synthé monodique programmable doté d’un séquenceur. Désormais fiabilisé et commercialisé dans le monde entier, nous avons réussi à nous procurer un exemplaire équipé de l’OS V3.1.1 (un OS 4 beta est disponible sur le site du constructeur, mais il n’était pas stabilisé au moment du test, nous avons donc préféré ne pas l’installer). Maintenant que l’échauffement est terminé, place à l’action…
Starting blocks
Un écran OLED 128×64 points permet d’afficher le nom des programmes et différentes pages de menu. On est donc en accès direct pour les paramètres de synthèse essentiels et en navigation dans les menus pour les assignations de modulation, le séquenceur et les commandes globales. La prise en main de la partie synthèse est vraiment immédiate, pari gagné de ce point. Les potentiomètres et les curseurs peuvent être paramétrés indépendamment pour répondre en mode saut ou seuil. Il manque cependant des fonctions fort utiles sur un synthé à mémoires, telles que Compare / Manual / Init. De même, on regrette que la manipulation des rotatifs ne se reflète pas à l’écran, on se croirait sur un vintage à mémoires. Toute la connectique est située à l’arrière : sorties audio gauche/droite en jack 6,35, sortie caque stéréo en mini-jack, entrée audio mono vers le filtre en mini-jack, entrée + sortie Midi DIN (notes, commandes, CC de tous les paramètres, avec sortie commutable en Thru) et prise USB type B. Cette dernière sert à la fois d’alimentation et de transfert de données. L’OS V4 va ajouter la gestion du Midi et une interface audio bidirectionnelle à 48 kHz via USB. Mais où est passé l’interrupteur secteur ? A ben y’en a pas, on branche l’USB et ça part direct !
A vos marques…
Les niveaux sonores sont bons, nous n’avons pas remarqué de pollution USB avec notre configuration, que ce soit avec un bloc secteur pour smartphone ou notre PC portable, le Typhon entrant dans une table de mixage analogique envoyée à la carte son. Mais suivant l’installation, l’alimentation USB peut causer des perturbations sonores ; il faut donc essayer de séparer les flux, ou alors passer en audio over USB lorsque l’OS V4 sera finalisé (les plus courageux peuvent d’ores et déjà télécharger une version beta non fiabilisée sur le site du constructeur, comme déjà évoqué). Le Typhon est tout de suite calibré et ne nécessite pas de recalibration, ses VCO sont très stables à l’usage.
Nous avons été agréablement surpris par la diversité sonore, compte tenu du peu de paramètres de synthèse en façade, cela cache quelque chose dans les menus, comme des possibilités de modulation intéressantes… nous y reviendrons. Point fort, les basses en tout genre, énormes, pesantes, claquantes, qu’elles soient ouvertes, fermées ou résonantes. La résonance du filtre passe-bas n’écrase pas les graves, ce qui permet de garder une présence incroyable dans le bas du spectre. Le Typhon est aussi à l’aise dans les émulations de TB-303 ou autres EDMeries, avec cette résonance pincée, un peu de distorsion et une séquence bien tournée. On trouve aussi des pads planants en mono, gorgés de réverbération longue, au passage très réussie. La bibliothèque fournie ne manque pas d’effets spéciaux, beaucoup plus variés et chaotiques que le petit nombre de commandes en façade ne pourraient le laisser présager, là encore. Bref, pas mal de bonnes surprises à première écoute.

- Typhon_1audio 01 Giorgio Bass00:56
- Typhon_1audio 02 Orion Echoes00:44
- Typhon_1audio 03 Uranus Weight00:38
- Typhon_1audio 04 Titan Voice00:25
- Typhon_1audio 05 Tee Bee01:00
- Typhon_1audio 06 Hoover00:59
- Typhon_1audio 07 Dread FM00:48
- Typhon_1audio 08 Ulysses Reverb01:04
- Typhon_1audio 09 Bass FX01:17
- Typhon_1audio 10 Audio Noise00:22
Prêêêêêts…
De même, on ne peut pas choisir indépendamment les formes d’ondes des deux VCO. On n’a qu’un potentiomètre Wave pour aller en quasi continu d’un mélange d’ondes à un autre, en passant par deux dents de scie, une dent de scie sur le VCO2 seul, un carré sur le VCO1 + une dent de scie sur le VCO2, un carré à largeur d’impulsion variable sur le VCO1 seul, un carré sur le VCO1 + un triangle sur le VCO2, un triangle sur le VCO2 seul et un carré sur le VCO1 modulé en fréquence par le triangle du VCO2. Le potentiomètre Wave peut être modulé par différentes sources, nous le verrons. C’est un choix original pour aller vite, mais pas forcément judicieux pour aller loin… Autres éléments cruciaux aux abonnés absents : une synchro des VCO, une véritable balance entre les VCO et un générateur de bruit…
Partez !
Le son passe ensuite dans un VCA, qui est directement modulé par une deuxième enveloppe ADSR là aussi exclusive (c’est-à-dire pas réutilisable pour moduler autre chose), dont on peut tout aussi directement régler le facteur de temps global. C’est original de mettre des réglages directs pour les facteurs de temps plutôt que pour des paramètres de VCO ou VCF, mais c’est à l’usage très efficace pour passer rapidement d’une enveloppe très punchy à une enveloppe trèèèèèèèèèèès lente… Quelques paramètres de synthèse additionnels sont accessibles via une page du menu : temps de portamento, volume des deux VCO (mais pas de balance !), suivi de clavier du VCF (ouf !), modulation de fréquence du VCF par l’onde triangle du VCFO2 (super !) et volume du programme (bien vu !). On les règle directement avec les 5 curseurs verticaux ; le switch Shift permet quant à lui d’enclencher le legato (LGT) dans cette même page, donc on ne perd pas beaucoup de temps dans les menus pour la partie synthèse, tant mieux !
Grandes foulées
Parmi la liste des destinations, dix sont préassignées pour chaque cordon : pitch, fréquence du VCO1, fréquence du VCO2, mélange d’ondes des VCO, coupure du VCF, FM du VCF, niveau du VCA, mix de chaque effet. Trois destinations sont assignables parmi 32 : aux 10 déjà citées s’ajoutent le volume des VCO (global, dommage), la résonance du VCF, la coupure du HPF numérique (cf. section effets), les temps des enveloppes de VCF et de VCA, le niveau de l’enveloppe de VCF, des modulations de modulations, les paramètres d’effets, la division temporelle du séquenceur et le tempo. Assez original comme ergonomie et bigrement puissant. Via le menu, on peut aussi régler les quantités de modulation bipolaires des contrôleurs physiques externes (molette de modulation, vélocité, pression, suivi de clavier, CC n°2), pour chacune des destinations décrites précédemment, énorme !
Triathlète
Enfin, on trouve 5 types d’effets d’ensemble : délai stéréo, délai pingpong, réverbe copieuse, réverbe discrète et réverbe granulaire. On doit donc choisir entre délai et réverbe, choix toujours cornélien. Là encore, 5 paramètres sont disponibles, suivant le type d’effet, dont la balance du signal sec/mouillé. Tous les paramètres d’effets sont modulables en temps réel via la matrice et les contrôleurs physiques, bravo ! La qualité des effets est excellente, que ce soit les saturations, les ensembles ou les réverbes, vraiment belles et souples. Tout sauf un gadget !
Dernier tour
Ce qui nous manque en fait, c’est un peu d’exotisme dans ce séquenceur assez classique, comme des Glides entre les pas, des Ratchets (quitte à regrouper les réglages d’octave et de note sur un seul curseur, certes moins précis) ou des modes de lecture alternatifs (arrière, pendulaire, aléatoire…). En lecture, on peut transposer la séquence en temps réel via un clavier Midi externe lorsqu’elle est lancée au préalable via la touche de lecture ou une commande Midi (il manque le déclenchement automatique au clavier). Les notes séquencées sont transmises en Midi, ce qui est une très bonne chose. Les séquences sont mémorisées dans chaque programme, elles font donc partie intégrante du son, tout comme les effets.
Ligne d’arrivée