Présenté à Frankfort 2013 dans sa version quasi finale, le Pulse 2 signe le retour de Waldorf à ses amours analogiques. La marque vient tout juste de nous en prêter un, au moment où elle met les premiers exemplaires commerciaux sur le marché… slurp !
À Frankfort 2012, Waldorf présentait une maquette du Pulse 2. Ce n’est toutefois qu’à l’édition 2013 que nous avons pu entendre une version fonctionnelle mais pas finalisée. Certains d’entre nous avaient d’ailleurs failli perdre leurs deux oreilles et une partie de ce qui se trouve entre, car le petit turbulent avait tendance à envoyer des décibels incontrôlés quand on changeait de programme. Mais ça, c’était avant… aujourd’hui, nous pouvons mettre les doigts sur une machine aboutie, propulsée par son OS 1.11 fraichement installé. Après Korg et Novation, bien secoués par le MiniBrute d’Arturia, c’est donc le grand retour de Waldorf à ses amours analogiques, pour notre plus grand plaisir. 17 ans après les premiers Pulse / Pulse+, voyons ce que notre nouveau petit ami a dans les tripes…
French touche
Le Pulse 2 est tout petit. Carrossé dans une coque métallique noire sérigraphiée en vert, il reprend les formes générales du module Blofeld. La face avant est on ne peut plus explicite : à gauche, un écran LED graphique 128 × 64 points à contraste ajustable affiche les programmes et le paramètre en cours d’édition (mais pas la valeur stockée). Il surplombe 2 boutons d’édition / sélection, un potard de volume et un encodeur cranté d’édition / sélection. Sur une large partie droite se trouve la matrice d’édition des sons, avec les paramètres sérigraphiés en façade regroupés par section de synthèse. On y accède par 6 touches (9 lignes) et 6 encodeurs lisses (6 colonnes). Les rotatifs ont une réponse ferme et peu de jeu sur leur axe, bien que les commandes ne soient pas vissées à la coque. Tout cela inspire confiance. Leur look est classieux, avec un capuchon inox satiné du plus bel effet. L’appréciation des couleurs est une affaire de goût, ceux qui ne sont pas contents n’ont qu’à se plaindre à Axel Hartmann !
La face arrière comprend l’ensemble de la connectique, judicieusement choisie : interrupteur et borne pour alimentation externe (bloc universel à extrémités interchangeables, il va falloir qu’on s’y habitue…), USB, port antivol Kensington, MIDI In / Out, sorties CV/Gate (merci !), entrée audio (merci, merci, merci !), sorties stéréo et sortie casque. Tous les jacks sont au format 6,35 mm, aucun horrible mini-jack en vue. À l’intérieur, tout repose sur une unique carte électronique occupant toute la surface ; les composants sont montés en surface sur le dessous, comme cela on y accède tout de suite, malins les gars ! Seuls les potards et l’écran sont montés sur l’autre face, sinon on n’aurait pas pu s’en servir, vraiment malins les gars ! Les plus observateurs remarqueront, sur la photo de la carte électronique, une phrase tirée de la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau : « On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère ». Frédéric Meslin, ingénieur hardware français du Pulse 2, s’en expliquera à la fin de ce test…
Ergonomie exemplaire
Le Pulse 2 est un exemple d’ergonomie sur une surface ultra réduite.
Toutes les commandes sont accessibles en façade avec une édition matricielle très bien fichue : on sélectionne directement les sections (oscillateurs, LFO, enveloppes, VCF, VCA…) et on édite jusqu’à 6 paramètres en tournant les encodeurs, sans effet de saut. Ceux-ci sont bien dimensionnés et bien espacés, offrent une résistance parfaite et sont sensibles à la vitesse de rotation, permettant une édition à la fois précise et rapide sur les larges plages. On ne fait pas mieux que ce type d’encodeur pour l’édition, Waldorf nous y a habitués depuis longtemps. Une touche Shift (curieusement non sérigraphiée) permet d’accéder à des fonctions supplémentaires via le menu, telles que comparaison / rappel / initialisation / stockage / dump de son(s), transposition, paramètres MIDI, modes CV/Gate, auto-calibrage du filtre, réglage du LCD, gain de l’entrée audio, matrice de modulation… Cette dernière, qui vient compléter les réglages directs de synthèse par programme, est visible sur une seule page, super pratique à éditer.
Les 500 programmes bouclent dans les deux sens et peuvent être appelés par catégorie. Dès qu’on change un paramètre, un préfixe « E » remplace le « P ». Les modifications sont conservées même si on change les programmes, tant qu’on n’a pas éteint la machine ou utilisé la fonction Recall. Pour sauvegarder, un petit coup de Store… Plus de 400 programmes renferment des sons d’usine rééditables, que nous allons maintenant découvrir.
Ça sonne !
Le Pulse 2 est un synthé analogique monodique capable de fonctionner en mode paraphonique 8 voix, comme nous le verrons plus tard. Toute la partie audio est analogique, alors que les modulations sont numériques, ce qui permet à la fois un caractère sonore gras, une stabilité immédiate et la possibilité de faire déjanter le signal de manière complexe en temps réel. Dès les premiers essais, nous trouvons un grain agréable à nos oreilles : des basses bien basses, résonantes, claquantes, denses ; les leads vont de la plus propre dent de scie filtrée à connotation vintage aux abus transdistorsionnels les plus extrêmes. Dans le premier cas, on apprécie la possibilité d’entrer un signal un peu chaud dans le filtre, avec une légère saturation analogique. Dans le second, c’est l’effet de distorsion symétrique en sortie qui est poussé à outrance, les jeunes oreilles apprécieront.
Les adeptes des synchros d’oscillateurs seront servis et ils apprendront avec délectation que le Pulse 2 ne souffre pas d’artefacts numériques quand on pousse les fréquences vers le haut. Des formants de voix indiquent à la fois la présence d’oscillateurs capables de s’intermoduler et un filtrage élaboré. On apprécie les différentes pentes de filtrage en mode passe-bas et les différents autres types de réponse, passe-haut et passe-bande. Les percussions synthétisées nous rassurent immédiatement sur la détente des enveloppes, tout comme les effets spéciaux sur les possibilités de modulations complexes. Les programmes d’usine sont vraiment bons, on sent la qualité de l’équipe de programmeurs, au générique du petit manuel de prise en main livré avec la machine (le gros manuel V1.0 de 73 pages étant téléchargeable en anglais ou en allemand sur le site du constructeur).
- Pulse 2 001 00:48
- Pulse 2 002 00:29
- Pulse 2 003 00:27
- Pulse 2 005 00:21
- Pulse 2 009 00:17
- Pulse 2 010 00:36
- Pulse 2 011 00:29
- Pulse 2 012 00:36
- Pulse 2 017 00:36
- Pulse 2 018 00:45
- Pulse 2 021 00:39
- Pulse 2 023 00:17
- Pulse 2 033 00:36
- Pulse 2 040 00:18
- Pulse 2 057 00:13
- Pulse 2 080 00:22
- Pulse 2 102 00:26
- Pulse 2 113 00:50
- Pulse 2 142 00:33
- Pulse 2 231 00:22
- Pulse 2 232 00:15
- Pulse 2 254 00:34
- Pulse 2 028029030 00:17
Kolossale Oszillatoren
Le Pulse 2 est encore plus généreux que le Pulse au rayon des oscillateurs. Tout comme lui il offre 3 DCO, mais il va beaucoup plus loin comme nous allons le voir.
Les 3 DCO ne sont pas tous identiques, déjà dans le choix de la forme d’onde : dent de scie et triangle pour les 3 DCO, impulsion variable pour les DCO 1 et 2, carré fixe pour le DCO3 et APW pour le DCO1 (impulsion à énergie constante avec subharmonique à l’octave inférieure). Là où le Pulse 2 dépasse littéralement le Pulse, c’est dans des nouvelles formes d’onde plutôt exotiques en synthèse analogique : unisson, paraphonique et X-PWM. UNISON M crée un unisson monodique basé sur un ensemble de 8 impulsions, avec Detune modulable. Le son est très gros ! UNISON P utilise le même ensemble de 8 impulsions en polyphonie, allouées cette fois en fonction du nombre de notes jouées : une note = 8 impulsions désaccordées ; 2 notes = 4 impulsions désaccordées par note, etc. Les modes UNIAPW M et UNIAPW P fonctionnent de manière analogue, mais avec des impulsions APW (cf. ci-dessus).
Viennent ensuite les modes paraphoniques : PARA-8 permet de jouer des accords de 8 notes à une seule impulsion par note, cette fois sans unisson ; le paramètre Keytrack contrôle le fondu de la modulation de largeur d’impulsion, dont la vitesse dépend des segments AR de l’enveloppe d’amplitude. En mode PARA-4, la polyphonie tombe à 4 voix mais on peut empiler 2 impulsions accordées comme bon nous semble (2 DCO paraphoniques 4 voix). N’oublions pas au passage ce que signifie paraphonique : les 8 voix passent dans un seul VCF et un seul VCA, donc elles sont toutes modulées en même temps, par opposition à un synthé analo polyphonique qui utilise autant d’ensembles VCF / VCA que de voix.
Enfin, les modes X-PWM créent de la modulation en anneau entre les DCO 2 et 3 ou 2 et 1. Bref, de quoi bien s’amuser au sein même des oscillateurs de manière assez inédite. On peut substituer le signal du DCO3 par un signal audio externe ; l’enveloppe d’amplitude doit être déclenchée pour entendre le résultat, par une note jouée ou arpégée. Le DCO3 peut aussi créer une boucle de feedback entre la distorsion en sortie de VCA (cf. ci-dessous) et l’entrée du mixeur de sources ; cela produit un pic de résonance supplémentaire. Mieux, il peut moduler l’amplitude du DCO2, la fréquence du filtre ou le circuit de distorsion, avec quantité réglable et modulable. C’est franchement excellent d’avoir ces possibilités tout en restant dans le monde analogique ! Bien évidemment, on peut paramétrer (et moduler) la largeur d’impulsion des DCO 1 et 2, accorder les 3 DCO (+ ou – 48 demi-tons) et les désaccorder finement (+ ou – 64e de demi-ton). On peut aussi déconnecter le suivi de clavier sur les DCO 1 et 2, histoire de créer des formants lorsqu’ils sont modulés par le DCO3. Le DCO2 peut être synchronisé par le DCO3, décidément très actif, pour des effets de balayages ou d’arpèges très intéressants. Les 3 DCO (et éventuellement le signal externe) attaquent ensuite un mixeur où ils rejoignent le générateur de bruit rose épais à souhait. Les volumes sont individuellement réglables et modulables ; lorsqu’on pousse les niveaux, on crée une saturation naturelle très agréable.
VCF & VCA
La sortie du mixeur attaque un VCF multimode résonant très qualitatif. Il est capable de travailler en modes LP24, LP12, BP12 et HP12. On sent vraiment la différence de pente entre les modes LP 24 et 12 dB. Le mode BP est très efficace et permet la création de résonances internes gutturales. Le mode passe-haut permet des effets de zapping intéressants, combiné à une enveloppe rapide. La fréquence de coupure peut être directement modulée par une enveloppe dédiée, le suivi de clavier (0 à 200%) et la vélocité, le tout avec action bipolaire, merci ! La résonance n’écrase pas les fréquences voisines lorsqu’on la pousse loin. Elle va d’ailleurs jusqu’à l’auto-oscillation, dans tous les modes, où elle crée une onde sinusoïdale pure, que l’on peut accorder avec la fréquence et faire suivre le clavier avec précision. Le manuel recommande d’accorder régulièrement le filtre via une fonction intégrée au menu des utilitaires. Pure Analog Land…
La sortie du VCF est injectée dans le VCA final. Le signal peut alors passer par une distorsion analogique, avec dosage du gain et choix entre deux modes de saturation : Tube (distorsion asymétrique chaude et douce, typée vintage) et Fuzz (distorsion symétrique très agressive). Le tout passe ensuite dans un panoramique modulable avant de sortir définitivement du Pulse 2. Le volume final est modulable par une enveloppe dédiée et la vélocité de frappe, le tout de manière bipolaire, cool. C’est curieusement sur la ligne VCA que l’on trouve le réglage du volume du générateur de bruit, bon.
Modulations matricielles
Comme toutes les machines Waldorf sous contrôle numérique, le Pulse 2 excelle au rayon modulations. À commencer par 2 LFO dont la vitesse peut osciller de plus de 4 minutes à 100 Hz (niveaux audio). C’est rapide, mais moins que les 261,6 Hz (C3) du Pulse d’origine. La fréquence du LFO1 peut être synchronisée à l’horloge MIDI suivant différentes divisions temporelles (32 à 1/96 de note). Sur le LFO1, on peut choisir la forme d’onde parmi sinus, triangle, dent de scie, carré et aléatoire. Le LFO2 est pour sa part un simple vibrato qui se contente d’une onde triangle ; il a en revanche un délai programmable, ce que n’a pas (directement) le LFO1 (cf. matrice de modulation ci-après). Il manque des modes de redéclenchement des LFO pour être complet.
Les 2 enveloppes sont de type ADSR ; elles sont pré-assignées au VCF et VCA mais peuvent affecter d’autres destinations via la matrice. On apprécie leur rapidité et leurs différents modes de déclenchement : libre, trigger simple depuis le début, trigger simple en cours, retrigger depuis le début, retrigger en cours, forcé jusqu’au bout. Les enveloppes peuvent être bouclées : le mode A-D boucle entre les 2 segments éponymes, alors que le mode D-D boucle alternativement entre les valeurs maxi et mini de l’enveloppe à la vitesse du Decay, bien vu !
L’un des points forts du Pulse 2 est sans conteste sa matrice de modulation 24 × 30 à 8 cordons, avec modulations bipolaires. Parmi les sources : le LFO1 (direct ou modulé par la molette ou la pression), le LFO2 (direct ou modulé par l’enveloppe d’amplitude), les 2 enveloppes, la vélocité, le suivi de clavier (avec ou sans portamento), les molettes, la pression, un CC à choisir, la vitesse de relâchement et 6 modulations combinées dont nous allons reparler après. Parmi les destinations : le pitch global ou celui de chaque oscillateur, les PWM, les niveaux, le bruit, la coupure du filtre, la résonance, le volume, le panoramique, le LFO1, le Drive, la vitesse du Glide, les temps des enveloppes, le désaccord de l’unisson, le fondu en sortie de l’enveloppe de VCA en mode paraphonique, le swing de l’arpégiateur, le CV Out et les 6 modulations combinées. Ces dernières permettent de réaliser des fonctions mathématiques à partir d’une ou plusieurs sources : somme, multiplication, délai, filtrage passe-bas, mini, maxi. On assigne une ou plusieurs sources à ces destinations et on récupère la modulation résultante comme nouvelle source. Bien vu ! Enfin, un générateur de Glide à vitesse variable est disponible, avec différents modes de réponse : notes liés, détachées, relâchées. Ouf !
Arpégiateur programmable
Le Pulse 2 ne serait pas un Waldorf s’il n’avait pas un arpégiateur bien pensé. Doté de 16 pas, il se mémorise au sein de chaque programme. On peut régler la durée globale des pas (12 à 1600% de l’horloge), le swing (0 à 100%, 50% étant la valeur « droite »), le décalage global par rapport à l’horloge (avant / après), le nombre de pas (1 à 16), la source de modulation pilotant l’accentuation (même liste que la matrice). Chaque pas peut être édité un par un selon 3 paramètres, avec une page menu affichant graphiquement les réglages. On commence par le type d’évènement : OFF, SOFT (accent doux), NORM (accent médian), HARD (accent fort), EVEN (joué uniquement sur les cycles pairs), ODD (cycles impairs), OCT+ (une octave au-dessus de la note jouée), 1ST (seule la première note jouée est reproduite) ou RESET (note rejouée du début). Puis la durée individuelle du pas par rapport à la durée globale (25%, 50%, 75%, 100%). Enfin le Glide, qui permet de lier la note du pas à celle du pas précédent.
Pour ne pas partir de zéro, on peut copier un motif à partir d’un autre programme. Une fois le motif programmé, il peut être joué de différentes manières : haut, bas, alterné ou aléatoire. Les trois premiers modes peuvent être limités aux 16 premières notes jouées. L’arpégiateur peut être désactivé, activé et maintenu (ajout de notes dans la séquence). Il est capable d’opérer sur 1 à 10 octaves (!), être synchronisé à l’horloge MIDI (1 à 1/96 de note). On peut activer ou non la transmission des notes via MIDI et il se synchronise parfaitement au monde extérieur, en maître ou en esclave. Une belle réussite dont les concurrents pourraient s’inspirer, même sur de grosses bécanes !
Conversations intimes
Le Pulse 2 est doté d’une connectique lui permettant de discuter avec le monde extérieur toute génération confondue : CV/Gate, MIDI et USB. Avec le MIDI In ou l’USB, le Pulse 2 peut recevoir toute information MIDI : notes, CC / Sysex (synonyme d’automation), programmes et mises à jour d’OS. Dès qu’une info MIDI / USB est reçue, une petite LED témoin clignote en rythme, sympa. Réciproquement, le MIDI Out et l’USB disposent des mêmes fonctions en émission, sauf les mises à jour d’OS bien évidemment. La prise MIDI Out est capable de fonctionner en Thru.
Le Pulse 2 est rétro-compatible avec le Pulse, que ce soit au niveau des commandes (mode Legacy) ou des programmes (dump en Sysex). Le Pulse 2 travaille en modes CC, CC + Sysex ou Sysex, chacun ayant ses avantages et inconvénients : les CC ne sont pas assez nombreux pour gérer tous les paramètres, mais ils sont super simples à éditer dans tous les séquenceurs ; les Sysex sont complets mais très lourds à éditer ; finalement, le mode CC + Sysex est le meilleur compromis. Si on ne peut régler que 128 valeurs maxi par paramètre en direct et en MIDI, la résolution interne est de 15 bits minimum avec lissage ensuite ; on perçoit un poil les pas sur la coupure du filtre en réglage direct lent, beaucoup moins en réglage rapide.
Nous avons demandé à Waldorf si certains paramètres pourraient bénéficier d’une résolution plus fine avec les encodeurs ou le MIDI (par exemple sur 14 bits comme chez Moog) : cela dépendra des retours clients, sachant que la résolution maximale est préservée via la matrice de modulation. Là où ce type de problème n’existe pas, c’est avec les sorties CV/Gate que l’on peut utiliser pour piloter de purs synthés analogiques. Elles bénéficient en effet d’un DAC 14 bits pour convertir les modulations numériques en CV. Le CV fonctionne en Volt/Octave ou Hertz/Volt, ce qui permet de travailler avec la plupart des antiquités. Le CV transmet le Pitch (notes + notes arpégées, génial !), une tension unipolaire (utile, par exemple, pour une modulation créée à partir d’une enveloppe) ou une tension bipolaire (modulation issue d’un LFO). La tension de sortie est ajustable, pour le CV (pente + tension fixe) comme pour le Gate (polarité 0 ou 3,3 V). Ainsi le Pulse 2 fait office d’interface MIDI – CV/Gate pour le même prix, bravo !
Cœur à prendre
Le Pulse 2 perpétue la tradition des premiers Pulse dont il reprend en très grande partie l’architecture, à laquelle il ajoute des améliorations ou fonctions d’aujourd’hui : un filtre multimode, un véritable afficheur, l’automation de tous les paramètres, l’USB… tout en restant compatible avec son ancêtre. Mieux, il ajoute les modes unisson et paraphoniques qui étendent considérablement la palette sonore. En le manipulant ou en lisant les astuces du manuel, on sent que le synthé a été conçu par des connaisseurs pour des fondus de synthèse analogique. Mise à part la résolution un peu faible de certains paramètres (128 valeurs), c’est pratiquement un sans-faute que réalise l’équipe Waldorf, tant au niveau du son, de l’ergonomie que des fonctionnalités. Avec un prix de vente très raisonnable, que l’on soit novice ou confirmé, studioteur ou scénateur, le Pulse 2 est à envisager sérieusement. Quant à nous, après lui avoir décerné un Award Valeur Sûre 2013, il nous reste cette question existentielle : serons-nous les Saint-Preux de ce Pulse d’Etange ?
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Interviews des concepteurs
Stefan Stenzel, ingénieur software et boss de Waldorf Music
AF : Quel est ton parcours ?
Stefan : J’ai commencé chez Waldorf en 1991 comme programmeur, à tel point excité par l’opportunité de créer des synthétiseurs que j’ai quitté sans hésiter d’ennuyeuses études universitaires en informatique. En 2006, j’ai eu le plaisir de faire partie d’un groupe de personnes très motivées qui ont décidé de continuer Waldorf après une petite coupure d’environ trois ans.
AF : Tu as vécu différentes étapes – joies et peines – depuis la création de la marque Waldorf il y a 25 ans, peux-tu nous en dire plus ?
Stefan : D’abord je veux repréciser que je n’ai pas fait partie des membres fondateurs de Waldorf Electronics Gmbh en 1988, j’ai commencé en 1991. Il y a eu bien sûr des hauts et des bas, mais rien de spécial qui ne me fasse regretter ma décision de créer des synthés.
AF : Quelle était la ligne directrice lors de la conception du Pulse 2 ?
Stefan : Nous savions que le Pulse originel de 1995 était toujours très recherché, donc le premier objectif a été de rendre le Pulse 2 compatible sur le plan sonore. Mais s’arrêter là n’aurait pas été très intéressant, donc nous avons ajouté différents modes de filtrage, des circuits de distorsion, des routages de l’oscillateur 3 vers différents contrôles en tension et les modes paraphoniques à 8 oscillateurs pour permettre une flexibilité supérieure. Je pense que le résultat est un synthé analogique simple d’utilisation.
AF : Comment as-tu mis en place l’équipe de développement ?
Stefan : lentement. D’abord nous avons passé un contrat avec une entreprise pour réaliser les schémas matériels et l’architecture générale à partir de mes notes manuscrites, mais nous avons découvert bien trop tard que le travail livré ne correspondait pas à nos standards. Plus tard nous avons engagé un jeune ingénieur très talentueux, Frédéric Meslin, qui a totalement refait le développement hardware depuis zéro. Il a également participé au développement logiciel et coordonné les bêta tests.
AF : Quelles ont été les principales difficultés ? Comment les as-tu surmontées ?
Stefan : Le souci dans un synthé analogique est de s’assurer que chaque exemplaire sonne identique aux autres, tout du moins avec un certain degré de similitude. Nous avons beau sélectionner des composants de haute qualité, ils ne matchent pas suffisamment pour qu’on puisse se passer d’ajustements fins à chaque contrôle en tension. Pour y arriver au mieux, nous avons inclus un circuit numérique permettant de réaliser différentes mesures et ajustements automatiques pendant la production. Ce circuit est également utilisé pour la procédure d’accordage de filtre accessible à l’utilisateur dans l’OS actuel.
AF : Y a-t-il des améliorations pour l’OS du Pulse 2 à l’ordre du jour ?
Stefan : Oui, bien que les oscillateurs soient analogiques, le circuit est flexible au point où nous pourrions ajouter de nouvelles formes d’onde sans recours à des modifications matérielles. Nous écoutons également les propositions d’améliorations et demandes des utilisateurs.
AF : De quels développements ou orientations de futurs produits peux-tu nous parler ? Un Pulse 2 au format clavier ?
Stefan : Aucune révélation pour le moment, surveillez les nouveaux produits ou annonces au NAMM…
Frédéric Meslin, ingénieur hardware
AF : Qui es-tu et comment t’es-tu retrouvé chez Waldorf ?
Frédéric : Je suis développeur informatique autodidacte et j’ai par la suite suivi des études d’ingénieur en électronique et informatique industrielle à l’INSA de Rennes. J’ai toujours été intéressé par la musique électronique à l’origine pour accompagner des projets de jeux vidéo. Mon travail consiste à expérimenter de nouvelles techniques et développer les produits de Waldorf. J’interviens principalement dans la conception des cartes électroniques mais aussi dans le développement logiciel (embarqué et pour ordinateur). Dans le cadre du projet Pulse 2, je n’ai pas participé à la conception initiale du synthétiseur. Les choix techniques principaux ont été effectués avant mon entrée à Waldorf Music par Stefan Stenzel et Thorsten Feuerherdt (de Manikin Electronic). Les schémas du Pulse original ont servi de point de départ et ont été largement étendus pour offrir toutes les nouvelles fonctionnalités du Pulse 2. Mon premier travail a été d’analyser les différentes versions des prototypes réalisés pour en faire un produit industrialisable, respectant des exigences de qualité, de prix et adapté au savoir-faire de l’usine partenaire. Cette étape a nécessité un re-design de la partie électronique.
AF : Quelles technologies as-tu utilisées pour produire les différentes ondes des oscillateurs ?
Frédéric : Dans le jargon des synthésistes, il s’agit de DCO à la structure identique à ceux du Pulse original. Leur principe est le suivant : on vient charger / décharger un condensateur à l’aide d’un courant constant (proportionnel à la fréquence désirée) et un signal d’horloge vient périodiquement réinitialiser la charge. De cette manière, on peut produire les formes d’ondes habituelles : triangle, dent de scie ou PWM. Cette technique employée dans de nombreux instruments analogiques garantit une bande passante des oscillateurs importante, évite tout phénomène d’aliasing dans le cadre de modulations à fréquence audio et assure une stabilité reproductible en fréquence induisant un certain confort de travail. Quoi de plus dérangeant que d’avoir à réaccorder son synthétiseur pour que l’accord corresponde à celui des enregistrements de la veille.
AF : Comment sont conçus les différents filtres ?
Frédéric : la section filtre est articulée autour d’une structure de type échelle à transistors, modifiée afin de produire les différentes réponses LP24, LP12, BP12, HP12 offertes.
AF : Comment fonctionnent techniquement les modes unisson et paraphonique ?
Frédéric : Du point de vue matériel, les oscillateurs classiques sont désactivés et on exploite les signaux de contrôle pour générer 8 oscillateurs PWM afin de produire les voix nécessaires pour ces modes polyphoniques.
AF : Comment fonctionnent techniquement les modes X-PWM ?
Frédéric : Les modes X-PWM sont à comparer à un modulateur en anneau. Une opération de type « ou-exclusif » est effectuée sur les signaux de contrôle. Avec ce mode on peut ajouter des fréquences inharmoniques aux fréquences fondamentales des oscillateurs. Pratique pour les sons de cloches, métalliques.
AF : Quelles ont été les principales difficultés dans la conception du Pulse 2 ? Comment les as-tu surmontées ?
Frédéric : Le Pulse 2 est mon premier véritable projet. Deux ans plus tôt, j’avais très modestement participé au développement logiciel du MiniBrute pour Arturia mais je n’avais pas de responsabilité sur le design. Cette fois-ci, c’est différent. Il y a un monde entre les bricolages que l’on peut faire chez soi et le travail requis pour industrialiser un projet. Le plus dur a été de reprendre le produit en cours de développement et d’être efficace pour satisfaire les attentes de nos utilisateurs. Il a fallu aussi respecter la philosophie Waldorf dans le re-design du projet. De manière générale, pour surmonter les difficultés d’ingénierie, il faut faire preuve de patience, de persévérance et de logique. La bonne humeur et le dynamisme sont aussi de bons atouts !
AF : Pourquoi as-tu cité Rousseau sur la carte interne ?
Frédéric : Des philosophes dont j’ai pu lire peu de textes pendant ma scolarité, Jean-Jacques Rousseau et l’un des seuls qui m’ait marqué, par son indépendance et par la finesse de ses analyses sur la société contemporaine. Nous avons reçu de nombreux e-mails de musiciens ne sachant plus attendre la sortie du Pulse 2. C’est appréciable de voir l’intérêt que l’on porte à nos instruments mais cela nous rappelle aussi le temps qui avance. Dans Julie ou La Nouvelle Héloïse, Rousseau explique que ce qui apporte le plus de plaisir dans le désir, c’est l’attente de l’objet et non sa satisfaction. Les enfants connaissent bien cette maxime, notamment à l’approche de Noël. Il est peut-être encore un peu tôt, mais espérons qu’il y aura des Pulse 2 sous les sapins !