Voici que débarque la nouvelle version de Reason, septième du nom, incluant comme d’habitude un ensemble de nouvelles fonctions. Ces dernières amènent-elles le logiciel à une certaine forme de complétude, 13 ans après sa première sortie ?
Retour en arrière : à l’aube du XXIe siècle, l’éditeur Propellerhead est déjà responsable de ReCycle (1994), le seul et unique logiciel capable de créer des fichiers au format Rex (on y reviendra), de Rebirth RB-338 (1997), réunissant des émulations des mythiques TB-303 et TR-808 (Roland leur a même donné un argument marketing incontournable en demandant que soit incluse la phrase suivante sur l’emballage et la fenêtre d’infos : « Rebirth RB-338 was inspired by the TR-808 and TB-303, originally created by Roland Corporation. Their unique sounds and visual images have been re-born through digital simulation by Propellerhead Software. ») et du ReWire (1998), développé conjointement avec Steinberg (déjà associé dans le lancement de ReCycle, d’ailleurs) afin de permettre la communication entre Cubase et le logiciel RB-338. Un an après, ReWire sera ouvert à tous les développeurs souhaitant l’intégrer et sans que soient perçus de quelconques frais de licence, chose rare dans le milieu de la musique via informatique (petit rappel, on croit souvent que la commercialisation de fichiers au format .mp3 ne peut être que gratuite. Prendre soin de (re)lire les petites lignes…).
En décembre 2000, l’éditeur frappe un grand coup, avec la sortie de Reason, véritable studio virtuel, associant fonctionnement en rack comme dans la réalité et représentation graphique idoine : le coup du Tab pour voir le dos des racks d’instruments ou d’effets et l’enchevêtrement de câbles produisait son effet. Incluant un séquenceur, une table 14×2, compatible ReWire et ReWire 2, et les racks d’instruments SubTractor, Dr.REX, NN-19, ReDrum, le séquenceur Matrix et des effets au format demi-racks (réverbe, délai, distorsion, filtre, compresseur, chorus/flanger, phaser, et EQ 2-bandes), le logiciel est une petite révolution, et ses possibilités de communication via ReWire compensent le principal reproche effectué par ses détracteurs : son côté fermé (pas de Midi Out, pas d’Audio In, pas de gestion des plug-ins VST, etc.). C’est en même temps une de ses forces, garantissant sa stabilité (d’un point de vue logique, je serais d’ailleurs curieux de connaître le pourcentage d’utilisateurs de Reason depuis ses débuts qui conspuent Apple…).
|
Au fur et à mesure des nouvelles versions, l’outil s’est enrichi, et surtout ouvert à l’extérieur. Si l’on considère seulement les modules additionnels : Malström et NN-XT pour la version 2, RV7000, BV512, Scream 4, Spider Audio et CV pour la 2.5, MClass Mastering Suite, Combinator pour la version 3, nouvel Hardware Device, Thor, ReGrooveMixer, RPG-8 pour la version 4, Dr OctoRex et Kong pour la version 5, Pulveriser, the Echo, ID-8 et Alligator, Neptune pour la version 6. Les améliorations ergonomiques, fonctionnelles sont aussi très nombreuses, et l’on trouvera tous les détails et précédents tests sur la page dédiée d’AudioFanzine.
Les dernières évolutions marquantes sont celles de l’inclusion de Record, transformant ainsi Reason en une véritable DAW (version 6, avec autorisation via l’Ignition Key, et l’arrivée du 64 bits), de la création des Rack Extensions permettant aux développeurs le souhaitant de porter leurs plugs d’effets et instruments virtuels en un format propriétaire (version 6.5). Et donc la version 7, qui ajoute, entre autres, la dernière fonction longtemps souhaitée, après la possibilité d’enregistrer de l’audio (et si l’on considère que les Rack Extensions équivalent à une intégration de plugs VST ou AU, ce qui peut se discuter).
Introducing Propellerhead Software Reason 7
Le logiciel est disponible à la vente en version boîte ou directement sur le site de l’éditeur (plus ou moins 400 euros selon les revendeurs), et différentes solutions d’updates depuis Reasons Essentials + Balance, ou n’importe quelle version de Reason (129 euros), ou depuis les versions Adapted, Limited ou Essentials (299 euros) sont offertes. Par la même occasion, notons que Reason Essentials passe en version 2, gratuite pour tous ses utilisateurs.
Le temps de téléchargement sera bien entendu variable, en fonction de la vitesse de connexion, le fichier pesant 3,9 Go. Attention, cette version n’est compatible qu’à partir de Windows 7 et d’OS 10.7. Comme d’habitude, on dézippe le fichier, on le glisse dans le dossier Applications, et c’est réglé. Enfin, presque, puisqu’au premier lancement, il faudra laisser le logiciel installer une nouvelle extension pour l’autorisation (CodeMeter). Car l’éditeur nous gratifie d’une nouvelle possibilité, celle d’autoriser directement l’ordinateur hôte, portant ainsi le nombre d’autorisations à partir d’une même licence à trois : l’ordi, donc, la clé Ignition et une interface Balance. Sans oublier la possibilité de l’utiliser en mode Demo (pas de réouverture d’un projet sauvegardé, d’export audio ou de bounce, pas d’accès aux RE) ou via l’autorisation Internet (avec son identifiant et son mot de passe).
C’est carrément Byzance, puisque cela libère un port USB, et résout les problèmes éventuels de connexion Internet lors de déplacement. Et double Byzance (hein ?), les Rack Extensions dûment achetées sont aussi autorisées après leur mise à jour (utiliser la fonction Sync All sur son compte). Seules les RE en cours d’essai ne pourront être utilisées, puisque nécessitant toujours un accès Web. Un p’tit dernier effort de ce côté, siouplé m’sieur Prop’…
Autre chose, bien veiller à n’ouvrir qu’un seul Reason simultanément, vu que l’on ne pensera plus forcément à utiliser la clé : voulant vérifier sur le portable et la tour une fonction, je n’ai pas pensé à quitter sur l’un avant d’ouvrir sur l’autre. Résultat immédiat : un petit mail (en français, siouplé) de Propellerhead qui a détecté « un mauvais usage possible de mon autorisation », me demandant de faire attention, puisqu’au bout de trois fois, mon compte sera verrouillé…
À noter aussi : on ne pourra plus faire cohabiter Reason 7 et une version antérieure (par exemple la 6.5), chacune utilisant une extension CodeMeter différente, pas plus qu’une version antérieure de Reason avec le Reason Essentials 2 et vice-versa…
Que cela n’empêche pas d’apprécier les efforts de l’éditeur, qui offre peut-être les options les plus riches en termes de gestion des autorisations de son logiciel.
Boutons d’acmé
|
D’abord les nouveautés autres que modules et les améliorations du workflow, ces dernières recherches essentielles chez Propellerhead, puisque chaque nouvelle version nous en apporte son lot, dont on se demande après usage comment on a pu s’en passer. Ainsi les racks de pistes audio et instruments se voient dotées d’abord d’un mini-fader de volume et d’un pan pot, évitant ainsi de retourner à la console pour ces manipulations très fréquentes. On remarque la disparition du choix du stretch, on y reviendra. Autres apparitions, les boutons Seq et Mix, renvoyant respectivement à l’affichage du séquenceur ou de la console, d’un bouton doté d’une courbe, ouvrant le nouvel EQ/analyseur (voir encadré) et d’un menu déroulant donnant le choix de routage de la piste vers la section Master, ou bien vers un des Bus.
Eh oui, autre nouveauté, la création de Bus de sorties, permettant de faire des sous-groupes très simplement (c’était possible aussi avant, via diverses routines plus ou moins compliquées). Idéales pour les batteries, les sections, les voix, etc., ainsi que pour la réduction/bounce interne d’un groupe de pistes sur une autre. On les reconnaît de plus très facilement, leur fader devient rouge et le tour du fader et du vumètre adopte la couleur de la piste dès qu’une piste y est assignée.
Et ce n’est pas fini : quand on bascule en face arrière, on découvre deux nouvelles sorties nommées Parallel, qui, on le devine, permettent de router le signal vers un autre canal, sur lequel on pourra insérer une réverbe, un délai, un compresseur, etc., afin de pouvoir garder toute liberté dans le traitement du signal original, et disposer de l’équivalent d’un bus d’effet, sur lequel on pourra aussi égaliser, retravailler, mixer avec précision ledit effet.
Bien sûr, cela ne se limite pas aux pistes, puisqu’on dispose de cette fonction sur les nouveaux Bus de sortie ! Youpi. Évidemment, toutes les fonctions de Solo, Mute et Send réagissent intelligemment aux configurations ainsi créées.
7 une belle histoire
Avec la version 7 saute l’un des derniers grands reproches faits à Reason : l’absence de communication Midi avec l’extérieur. En effet, le logiciel intègre dorénavant un module nommé External Midi Instrument, permettant la communication avec toutes vos machines externes, et, tenez-vous bien, avec quelques astuces (et quelques inconvénients) avec les versions standalone de la plupart des synthés virtuels des divers éditeurs sur le marché. Propellerhead ne le mentionne pas, mais il semble impossible qu’ils n’aient pas prévu cette éventualité, vu les possibilités offertes par IAC, JackOSX, Soundflower et logiciels similaires.
On charge donc ce module, on choisit le port de l’interface Midi auquel est branché le synthé ou module matériel Midi visé, le canal, les éventuels Program Change et assignation d’un Midi CC au gros rotatif (qui peuvent être automatisés dans Reason, via une Lane dédiée) on enregistre sa partie Midi (il est conseillé de mettre le clavier en Midi Local Off s’il s’agit du même pour le jeu et la lecture) ou l’on utilise un fichier Midi existant, et ça fonctionne ! On peut évidemment aussi piloter des instruments logiciels situés sur une autre bécane. Ça fonctionne parfaitement bien, la latence est quasi inaudible et les deux mondes, logiciel et matériel, s’entendent comme larrons en foire.
Ne reste plus qu’à router les entrées dudit matériel sur une piste audio de Reason si l’on veut récupérer l’audio, et c’est là que ça se complique… Aucun problème pour l’enregistrement, bien entendu, mais, bien entendu aussi, se pose un problème évident, celui de la latence. Plusieurs solutions : si l’on est un bon joueur de clavier, on arrive à compenser cette latence en jouant un peu devant. Sinon (ou si l’on utilise des fichiers existants), il faudra recaler à la main, ou user de l’option de compensation de latence dans les Preferences du logiciel (voir la section Recording Latency Compensation du manuel .pdf dans Documentation, en anglais seulement). Cette latence dépend bien sûr des possibilités de votre carte son, et de la fréquence d’échantillonnage (en se souvenant que plus elle est élevée, plus la latence est faible). Un des tests effectués nous donne par exemple une latence d’à peu près 10 ms (445 échantillons) entre un fichier Midi jouant un instrument dans un ID8 et ce même fichier Midi jouant le SY99 du studio (par l’intermédiaire d’une Emagic Unitor 8 MkII), et enregistré en 44,1 kHz via la SK48 avec un buffer dans Reason de 64 échantillons.
Autre possibilité donc, récupérer l’audio d’instruments virtuels en standalone au sein du même ordinateur. Pour cela, un logiciel de routing, JackOSX dans notre cas, qui permet de router les sorties du synthé vers les entrées de Reason, et la sélection de Gestionnaire IAC dans l’External Midi Instrument et dans le synthé visé. Ça fonctionne parfaitement bien, là aussi au prix d’une (petite) latence. Un des essais, selon le même protocole que le précédent, sauf que le buffer de JackRouter est sur 32 échantillons, nous donne une latence de seulement 5 ms, en utilisant Kontakt 5 dont le buffer est aussi réglé sur 32 échantillons. Plutôt très convenable (c’est la latence du Prophet 5, le vrai), et l’on pourra au besoin recaler l’enregistrement effectué.
Concernant cette utilisation, rappelons, à condition de disposer d’une autre DAW, qu’il existe un moyen peut-être plus simple et en tout cas moins sujet à problème de décalage, phase, etc. : le mode ReWire…
7 assez bien vu
Comme si tout cela ne suffisait pas, Propellerhead a rajouté un autre module, le dénommé Audiomatic Retro Transformer, qui après plusieurs minutes passées à farfouiller dans les menus de Reason 7 sans comprendre où il pouvait bien être s’est révélé être une RE à télécharger sur le compte utilisateur. La raison en est que le module est aussi accessible à la vente pour les utilisateurs de Reason 6.5 et Reason Essentials… Mais cela l’exclut des modules utilisables sans condition (voir plus haut). Une décision un peu incompréhensible pour ceux qui passent à Reason 7.
Bref. L’outil propose 16 traitements sonores (on imagine qu’il s’agit de réponses impulsionnelles, sans garantie) de différents moyens de lecture ou de reproduction, du plus classique au plus improbable. Un bouton Gain d’entrée, un Dry/Wet, un volume de sortie et un Transform, taux d’application du traitement, ainsi que deux entrées CV pour Transform et Dry/Wet sont disponibles pour travailler le son. Tout n’est pas génial, mais on a là de quoi s’amuser, même si l’on pourra obtenir des résultats plus souples et parfois plus efficaces avec des filtres, des distos et des outils de modulation.
Voici quelques exemples commençant d’abord par la version sans traitement.
Autre apport, celui-ci de choix, puisqu’il s’agit d’une quasi-intégration de ReCycle au sein de Reason. On a vu que le menu Stretch a disparu du rack de piste, et pour cause, puisqu’il est donc remplacé par le découpage façon ReCycle (même s’il reste d’une certaine manière présent lors de calage temporel de l’audio). À l’import ou à l’enregistrement d’un fichier audio, les marqueurs sont placés automatiquement (on peut les désactiver après coup, et par fichier, s’il vous plaît). Sans disposer de tous les raffinements de ReCycle, on peut manipuler les marqueurs, en créer, quantifier, stretcher, transposer, etc., et même exporter sous forme de fichier Rx2 les fichiers ainsi traités, pour les réimporter dans Dr OctoRex, par exemple (on le trouvera dans le chutier, dans les samples inclus) et même d’exporter vers l’extérieur ledit fichier Rx2 ! On peut ainsi enfin créer des fichiers de ce type sans avoir ReCycle, c’est une grande première (sans tous ses raffinements et fonctionnalités, bien sûr…).
Un petit bémol quand même : Dr OctoRex montre des limites en termes de gestion de longueur de fichiers : ainsi sur un morceau de 90 secondes converti en Rx2, il n’a pu en importer que 16 secondes, correspondant à la limite des 99 slices, apparemment toujours en cours. On peut en revanche importer sur une piste audio un fichier comportant plusieurs centaines de slices/marqueurs. Voici quelques exemples de stretch et de transpose sur un des fichiers précédents, en précisant que les modifications sont effectuées très rapidement, sans long temps de calcul.
Bilan
On ne peut pas aborder ici toutes les petites choses encore présentes dans cette nouvelle version. Mais le moins qu’on puisse dire est que Propellerhead a mis les petits plats dans les grands. Et encore une fois serions-nous tentés de dire, car chaque nouvelle version est une véritable avancée, à la fois en termes ergonomiques, sonores et fonctionnels. Et tout cela sans nuire d’aucune manière à la légendaire stabilité du logiciel.
Quels sont les points faibles de cette version ? Si l’on considère ce qui est apporté, rien. Il faudrait être vraiment injuste pour ne pas saluer l’ouverture à l’extérieur, l’intégration de ReCycle (avec activation/désactivation par fichier !), les Bus, l’EQ/Spectrum, les pistes parallèles, l’autorisation sur disque dur, etc. Les manques sont ceux présents depuis longtemps et qui seront, si l’on suit la logique de l’éditeur, peut-être comblés dans de prochains updates. Il est vrai que l’on souhaiterait disposer d’éditeurs audio et Midi plus performants, par exemple. Ou pourquoi pas la gestion de la vidéo, même si pour cela il est plus simple de travailler en ReWire.
Bref, avec Reason 7, on dispose d’une version survitaminée, toujours plus puissante et musicale de ce qui devient au fil des mises à jour une DAW de poids qui, si elle n’est pas aussi complète que ses concurrentes, n’en offre pas moins nombre de fonctions et d’outils introuvables ailleurs, et reste pour beaucoup quasi incontournable. Réjouissons-nous, il reste de la place pour des progrès et améliorations, et l’on peut compter sur l’éditeur pour nous surprendre encore, là où d’autres restent sur leurs lauriers, quand ils ne donnent carrément pas signe de vie…
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)