Gros Bill de la séquence s'il en est, Cubase revient dans une 5e version plutôt alléchante, à l'heure où la guerre des séquenceurs est plus virulente que jamais. Dissection.
Gros Bill de la séquence s’il en est, Cubase revient dans une 5e version plutôt alléchante, à l’heure où la guerre des séquenceurs est plus virulente que jamais. Dissection.
Comptant parmi les plus anciens séquenceurs avec Logic (les plus anciens se souviendront de l’époque dorée de Pro 24 et Notator), Cubase a, au fil des versions, imposé à la concurrence plus d’un standard ergonomique, technologique ou même conceptuel. La sortie d’une nouvelle mouture du logiciel phare de Steinberg est donc toujours un petit événement en soi, même s’il faut bien admettre qu’aujourd’hui, les prétendants au trône du roi des séquenceurs sont nombreux. De ce fait, l’innovation et l’excellence ne sont plus le seul apanage de Cubase et, sans même parler des poids lourds de la séquence (Logic, Sonar, Pro Tools, Samplitude, Digital Performer et Ableton Live), la dernière décennie a vu arriver quelques petits nouveaux, plus ou moins chers, plus ou moins pros, mais bourrés de bonnes idées : Fruity Loops, Melodyne, Tracktion, Energy XT, Reaper… Sur un marché aussi concurrentiel, il est évidemment de plus en plus dur de se distinguer et de ce fait, la version 4 de Cubase en avait laissé plus d’un sceptique : profitant du lancement du standard VST3, Steinberg avait certes remis au goût du jour les effets et instruments virtuels accompagnant son séquenceur, inauguré un nouveau système de gestion des médias et l’on pouvait enfin déplacer un effet sur une tranche par simple drag & drop, mais tout cela relevait plus d’une remise au niveau de la concurrence que de vraies innovations… Plus originales, la gestion poussée du matériel externe (Yamaha notamment, puisque le constructeur nippon avait préalablement racheté Steinberg) et l’apparition de fonctionnalités liées à la Control Room étaient intéressantes, mais elles ne concernaient pas tous les utilisateurs et, à ce titre, ne justifiaient certainement pas à elles seules l’augmentation du prix du logiciel : 879 €. Fort heureusement, la sortie de l’excellent Logic 8 sous la barre des 500 € a poussé Steinberg à revoir ses tarifs en juillet dernier (Cubase 4 est repassé sous les 600 €) et sa copie, au gré de mises à jour 4.1 et 4.5 relativement intéressantes (gestion du side chain pour les effets, meilleure gestion du routing, banques de sons supplémentaires pour HALionOne, etc.), et de cette version 5 qui, quitte à tuer le suspense, s’avère enthousiasmante sur plus d’un point…
When I’m 64
La boîte du logiciel est lourde et c’est bon signe. Outre le dongle USB et le numéro de série qui vous permettra de vous enregistrer, elle contient en effet 2 manuels : un guide de démarrage rapide, et un gros manuel plutôt exhaustif qui n’aborde toutefois pas les effets et instruments virtuels livrés avec le logiciel, qui sont abordés dans des documents PDF. 4 DVD accompagnent tout cela : le DVD d’installation du programme, un DVD de sons et deux DVD vous permettant d’essayer pour 90 jours l’instrument HALion Symphonic Orchestra. À noter qu’en complément des manuels, le DVD d’installation comprend un grand nombre de vidéos pédagogiques, hélas en anglais, mais très bien réalisées et qui abordent pour leur part tous les aspects essentiels du logiciel. Quand on songe qu’à une époque, Steinberg livrait ses manuels au format PDF (ce qui faisait le beurre des éditions Eyrolles qui vendaient une version papier de ce dernier), on ne peut que remercier l’éditeur allemand d’avoir corrigé le tir de si belle manière.
L’installation se déroule sans problème particulier et après un double clic sur l’icône rouge, on se retrouve en terrain connu : la fenêtre d’arrangement. La première nouveauté de cette version ne saute pas aux yeux. Et pour cause, elle est invisible : Cubase profite de cette mise à jour pour passer en 64 bits. Ce n’était pas déjà le cas? Oui et non, car si Cubase 4 était compatible avec les OS 64 bits, son code n’avait pas fait l’objet d’une véritable réécriture de ce point de vue. On restait donc dans le cadre d’une application 32 bits qui tournait sur un système 64 bits, là où Cubase 5 est désormais proposé en full 64.
L’intérêt du 64 bits ? Il est simple : pour des raisons d’adressage, les systèmes d’exploitation 32 bits gèrent au mieux 3,2 Go de mémoire, tandis que les OS 64 bits peuvent pousser théoriquement jusqu’à 128 Go (théoriquement, car il n’existe pas de machine grand public capable de disposer d’autant de RAM). Un détail qui a son importance à l’heure où les ROMplers virtuels s’appuient sur des banques de plusieurs dizaines de Giga pour le rendu d’un instrument unique (BFD, superiorDRUMMER 2, Vienna, EastWest Symphonic Orchestra, Ivory Piano, etc), et qui simplifiera le quotidien de ceux qui font du son à l’image et qui doivent, HD oblige, gérer des vidéos énormes depuis leur séquenceur.
Propellerhead low tech!
Attention toutefois, tout n’est pas rose au pays du 64 bits. Sachez déjà que si Steinberg s’engage à supporter Mac OS X, Vista 64 et le prochain Windows 7, aucun support de Windows XP 64 n’est officiellement prévu (ça ne veut toutefois pas dire que ça ne marche pas). Pensez aussi à vérifier vos plug-ins : certains développeurs affichent d’ores et déjà une compatibilité 64 bits et Steinberg propose, via la technologie VST Bridge, un moyen d’utiliser des plugs 32 bits dans la version 64 bits de son séquenceur, mais il y a fort à parier qu’un ou deux vieux effets que vous traînez depuis des lustres dans votre répertoire VSTplugins plantent ou refusent de se lancer. L’utilisation de VST Bridge consomme en outre des ressources par rapport à l’usage d’un vrai plug-in 64 bits… En marge de ces petits désagréments, l’inconvénient majeur du tout 64 bits tient à l’incompatibilité des technologies de Propellerheads : si vous utilisez Cubase 5 64 bits sous un OS 64 bits, vous ne serez plus en mesure, en effet, d’utiliser le format de fichier REX, pas plus que la plateforme ReWire : adieu donc l’interconnexion de Cubase avec Reason, Ableton Live ou encore Melodyne, pour ne citer qu’eux… Certes, on n’ose imaginer que le développeur suédois laisse les choses en l’état, mais à l’heure actuelle, aucune annonce n’a été faite de ce côté… Que faire alors? Installer la version 32 bits de Cubase 5, qui tourne sans problème sur les OS 64 bits, en attendant que Propellerhead fasse avancer les choses. C’est énervant bien sûr, mais on ne pourra pas le reprocher à Steinberg et on passera sur cette nouveauté qui n’intéressera pas tous les utilisateurs pour en venir aux vraies avancées qui vont changer la vie de tous les Cubasiens.
Cogito, Ergonomic sum
Sans qu’on puisse parler de révolution en termes d’interface, le développeur allemand semble en effet s’être attaché, avec cette version, au moyen de rendre Cubase plus simple et plus productif. J’en veux pour preuve le tout nouveau Panneau d’Automatisation qui rassemble au sein d’une fenêtre les principales commandes liées à l’automation. Un clic suffit désormais à armer toutes les pistes en mode Read ou Write, cependant qu’on peut choisir d’afficher ou cacher les données d’automation, et d’embrayer/débrayer les fonctions de lecture ou d’enregistrement par type : Volume, Pan, EQ, Sends, Inserts. Là encore, le temps gagné est considérable : on n’a plus à déplier les tiroirs d’une piste de piste pour accéder à ces données et un simple clic sur Hide All permet de revenir à un affichage simple des pistes…
Côté contrôle, une foule de petites améliorations sont encore à évoquer, comme la présence d’un clavier virtuel vous permettant de jouer de la musique à partir d’un clavier AZERTY (pratique lorsqu’on est sur un portable, en déplacement, et qu’on n’a pas de clavier maître), ou encore l’application gratuite pour iPod/iPhone qui, si elle n’est toujours pas sortie à l’heure qu’il est, permettra de télécommander le bloc de lecture via WiFi… Sympathique, me direz-vous, mais pas de quoi justifier une mise à jour. Soit. Sauf que Steinberg a aussi profité de cette version pour exaucer des souhaits formulés par les utilisateurs, en intégrant en premier lieu une fonction d’export audio multipiste.
Alléluia Bounce!
Réclamée à corps et à cris depuis des lustres, la fonction d’export audio du logiciel permet enfin de faire un éclaté de pistes. Jusqu’ici sous Cubase, quand vous vouliez effectuer un rendu de 16 pistes audio pour, par exemple, les filer à un ami ou un studio travaillant sous un autre séquenceur sans passer par le format OMF, il fallait faire vos bounces piste à piste, en utilisant les fonctions Solo et Mute de la table : une horreur! Désormais, dans la fenêtre Mixdown, il suffit de cocher les petites cases en vis-à-vis de vos sorties, des pistes audio ou Instruments et des pistes Effets pour effectuer leur rendu d’un coup d’un seul. Il ne manque à cette fenêtre que la possibilité de pouvoir activer/désactiver les effets en inserts de piste, de manière à pouvoir facilement livrer un matériau brut, même si cela peut toujours être fait dans la console ou l’inspecteur de pistes. On aurait aimé aussi que le logiciel gère les formats audio lossless (Monkey Audio en tête). Quoiqu’il en soit, et même si Steinberg a moins innové sur ce coup que comblé son retard sur la concurrence, cette simple fonctionnalité vaut à elle seule la mise à jour de n’importe quelle version de Cubase vers cette nouvelle mouture…
Gloria Tempo!
Moins fondamentale pour les uns, mais primordiale pour les autres, on mentionnera également la présence de deux nouveaux types de pistes : la piste Tempo et la piste Signature qui permettent respectivement de programmer des changements de tempo et de signature rythmique dans vos projets. Certes, Cubase offrait déjà par le passé un éditeur de Tempo, mais il s’agissait justement d’un éditeur, ce qui n’avait rien de très ergonomique. Désormais, sans même quitter la fenêtre d’arrangement, vous pouvez ainsi faire varier signatures et tempo d’un geste de souris. Les grands consommateurs de rupture de rythme apprécieront. On regrettera toutefois qu’on ne puisse disposer que d’une unique piste Tempo et d’une unique piste Signature par projet : impossible donc d’avoir une piste en 3/4 et une piste en 4/4 jouant simultanément, ou encore une piste dont le tempo augmenterait pendant que les autres demeurent à un tempo fixe, même si ce type d’emploi relève plus de l’expérimentation et s’avère donc plutôt rare… L’adjonction de ces deux pistes devrait en tout cas grandement simplifier la tâche des compositeurs, qui seront également ravis de découvrir les nouveautés du logiciel au rayon MIDI.
Bain de MIDI
Commençons par les petites choses avec les plug-ins MIDI, qui font ici l’objet d’une refonte complète, tandis que deux petits nouveaux font leur apparition : MIDI Monitor, et Beat Designer que nous aborderons plus tard.
Le plug-in MIDI Monitor permet comme son nom l’indique de garder un oeil sur tous les messages MIDI transitant dans le séquenceur, ce qui en fait un outil extrêmement précieux lorsqu’il s’agit de diagnostiquer une panne ou un problème de connexion, d’autant qu’il permet d’exporter les logs dans un fichier TXT. Un plug d’autant plus utile qu’avec les autres outils ou plug-ins MIDI proposés, vous pouvez automatiser des programmations relativement complexes. Je pense notamment aux petites usines à gaz que sont l’éditeur logique, le Transformer et le transformateur d’entrée et qui donnent tout leur sens aux mots 'programmation MIDI’ (pour ceux qui n’auraient jamais mis les mains dans ce cambouis, il s’agit d’interfaces permettant de définir des actions en vis-à-vis de jeux de conditions, du plus simple au plus barré, du style « Si une note est plus longue que telle valeur, alors tu la décales de tant de secondes et tu affectes telle valeur à tel contrôleur continu ».
Moins ésotériques, mais tout aussi puissants, les autres plugs MIDI font l’objet de sensibles améliorations, que ce soit au niveau graphique, ou au niveau fonctionnel : c’est le cas du Chorder qui dispose désormais d’un mode MIDI Learn. Seul regret : ne pas disposer d’outils pensés pour simplifier la programmation MIDI d’instruments acoustiques (comme le Rythm’n’Chord de Musiclab), d’autant que le comportement aberrant de l’outil ligne rend toujours aussi délicat la programmation de strumming guitare (l’outil en question crée en effet des rafales de notes stériles quand il serait si judicieux qu’il permette de raboter les attaques ou les queues des événements MIDI). Sur le terrain de la programmation MIDI réaliste, Steinberg ne s’est toutefois pas tourné les pouces, comme on le voit avec VST Expression, une autre grande nouveauté de cette version 5.
Express Yourself!
De quoi s’agit-il? D’un système d’interfaçage permettant de gérer intuitivement, depuis le Piano Roll, le Drum Edit ou l’éditeur de partitions, les nombreuses articulations qu’on trouve dans les grosses banques de sons symphoniques (Vienna, Garritan, East West Symphonic Orchestra, etc.). À la manière d’un Drum Map simplifiant la saisie des parties de batterie, on peut ici créer des Expression Maps qui permettront de gérer simplement les contrôleurs continus (les key switches notamment) réservés à telle ou telle technique de jeu (staccato, glissando, trémolo, etc.). Une fois l’Expression Map créée, il suffira de programmer les changements d’articulations au bas du Piano Roll (dans la même zone réservée aux contrôleurs continus), ou encore de faire figurer les intentions de jeu sur la partition.
C’est tout bête, mais ça simplifie énormément le travail, comme on s’en rend compte avec la version de démo limitée à 90 jours d’HALion Symphonic Orchestra (une offre d’upgrade vers la version 16 bits du produit est d’ailleurs proposée au tarif attractif de 99 €) ou dans les cuivres, guitares et basse du HALion ONE Expression Set 01, et comme pour toutes les bonnes idées, on se demande pourquoi personne n’y avait pensé avant. Au-delà de la simplification de programmation, VST Expression promet aussi une portabilité de vos séquences d’une banque à l’autre, pour peu que vous ayez les Expression Maps correspondants. C’est d’ailleurs sur ce seul sujet qu’on aurait un motif de râler, car si Cubase contient des Expression Maps pour HALion One et HALion Symphonic Orchestra, il n’en propose aucune pour les poids lourds de la banque symphonique. Il faudra donc vous retrousser les manches pour bricoler ça vous-même, par le biais d’un éditeur relativement simple, ou attendre que les éditeurs ou des passionnés fassent le boulot, ce qui ne saurait tarder. Quant à savoir si VST Expression deviendra un standard repris par les autres séquenceurs, seul l’avenir le dira…
Vari Good!
Le bounce multipiste et VST Expression ont beau être des ajouts majeurs à Cubase, la fonctionnalité qui a fait couler le plus d’encre à la sortie de cette version 5 est très certainement VariAudio, qui n’est ni plus ni moins qu’un Melodyne-like intégré à Cubase. Dans l’éditeur audio (toujours accessible par un double-clic sur n’importe quel fichier ou segment audio) vous disposez ainsi d’un nouvel onglet nommé VariAudio. A l’activation de ce dernier, le logiciel entame une phase de reconnaissance de toutes les notes composant l’extrait audio, que vous pourrez ensuite éditer comme dans une vulgaire séquence MIDI. Vous pouvez ainsi jouer sur la hauteur comme sur le placement et la longueur des segments, cependant qu’une courbe vous indique l’évolution des formants. Ergonomiquement, l’intégration est parfaite : le survol de chaque note vous indique son nom et son écart de justesse par rapport au demi-ton le plus proche, tandis qu’un piano roll apparaît en surimpression pour faciliter les opérations de transposition. En comparaison avec le Melodyne Plug-in, on apprécie surtout la parfaite intégration de la fonctionnalité : on travaille en plein écran et non dans une fenêtre réduite, on ne se soucie plus des raccourcis clavier contradictoires entre Melodyne et Cubase et surtout, on ne se prend plus la tête avec des bounces pour effectuer des rendus. Fonctionnellement, on ne regrettera qu’une chose par rapport au logiciel de Celemony : VariAudio ne gère pas l’amplitude des différents segments. Steinberg se rattrape toutefois en intégrant une sympathique fonction de conversion Audio > MIDI. Vous pouvez ainsi transformer n’importe quel extrait audio monophonique en séquence pour piloter ensuite un instrument virtuel. Bien évidemment, selon la propreté de l’extrait audio et les contraintes de détection (avec ou sans prise en compte du pitch bend), la transcription sera plus ou moins fidèle, mais au prix d’un peu d’édition pour nettoyer la séquence, vous obtiendrez des résultats parfaitement exploitables…
Reste à parler maintenant de la qualité des algos utilisés par VariAudio et qui, s’ils n’ont pas à rougir devant ceux de la concurrence, ne sont toutefois pas au niveau de ceux de Melodyne dès qu’on s’essaye à des transpositions un peu extrêmes (plus ou moins une octave par exemple). Tout dépend évidemment du matériel audio que vous cherchez à traiter, certains timbres se prêtant très bien à l’exercice comme la basse électrique, tandis que d’autres plus complexes, comme les voix, ont vite fait de produire des artefacts (glitches, flange, etc.) dès qu’on dépasse les transpositions de plus de 3 demi-tons. Tout dépend aussi de la finalité de la piste traitée : planqués dans le mix, certains traitements seront à la fin indétectables, tandis que la combine sera grillée sur une écoute solo ou si l’instrument est très en avant. Quoi qu’il en soit, c’est un véritable bonheur de disposer d’un tel outil car que ce soit pour corriger la justesse et le placement d’une note un peu hasardeuse, ou même pour recomposer complètement le groove d’un riff ou la mélodie d’un phrasé, VariAudio se débrouille très bien.
Pour vous en convaincre, voici quelques exemples audio
Basse : original, variaudio1, variaudio2
Guitare : original, variaudio1
Saxophone : original, variaudio1
Voix : voice correct, voice correct pitch, voice duet, voice pitch
Dans le sillage de VariAudio qui est un outil d’édition, Steinberg nous livre en outre le plug-in d’effet Pitch Correct qui, comme son nom l’indique, permet de corriger la hauteur tonale des sons que vous lui soumettez, avec possibilité de contraindre la transposition sur une gamme avec une plus ou moins grande tolérance, de jouer sur les formants, etc. La grosse différence avec VariAudio vient du fait que le plug-in travaille en temps réel et qu’en marge de son rôle correctif qu’il remplit plutôt bien tant que la ligne à corriger n’est pas totalement fausse et que le plug est bien réglé (formant, vitesse, tolérance, etc.), Pitch Correct permet de faire pas mal d’effets spéciaux : Mickey sous oxygène pur (+ 2 octaves), Barry White de l’espace (-2 octaves), ou encore, via la possibilité de piloter le plug-in en MIDI comme un instrument virtuel, des voix écrasées à la 'Believe’ de Cher.
Bref, entre Pitch Correct, VariAudio et l’AudioWarp, vous avez tout loisir de bidouiller vos pistes comme s’il s’agissait de pâte à modeler. Un très bon point pour cette version 5, qui tient désormais la dragée haute à la concurrence en terme d’édition audio. Voyons ce qu’il en est à présent sur le terrain des effets et instruments fournis.
FX machine!
Avec la version 4, Steinberg avait revu le parc d’effets logiciels livrés avec Cubase, et ce sont maintenant pas moins de 58 plug-ins audio qui vous attendent dans cette cinquième mouture. Autant le dire, le package est complet et couvre tous les besoins : traitements spectraux (EQ, filtres, wah, enhancer), dynamiques (compresseurs, gates, expandeur, deesseur, transient designer), spatiaux (autopan, stereo widener), tonaux (octaver), effets à modulation (chorus, phaser, flanger, ring modulator), distorsions, simulateur d’ampli, accordeur pour guitare, générateur de signal, etc. etc. Histoire de jouer les empêcheurs de plugger en rond, on observera juste qu’il y a là dedans un peu de redondant, les mêmes effets étant parfois déclinés dans une version mono et une version stéréo à la manière parfaitement agaçante des bundles d’effets de Wave. Plutôt que d’avoir 4 delays différents, on aurait donc préféré un unique plug un peu plus sophistiqué…
L’effet magique d’Impulse
En revanche, on félicitera Steinberg pour avoir enfin doté son séquenceur d’une vraie réverbe de qualité par le biais du processeur à convolution REVerence, qui sonne la relève du très moyen RoomWorks (réverbe algorithmique toujours disponible par ailleurs). Il n’y a pas grand-chose à dire sur REVerence dont les fonctionnalités sont proches des autres processeurs à convolution (réglage des différents paramètres de la réverbe, égalisation paramétrique 3 bandes, mode reverse, pré-aperçu des programmes…). Précisons tout de même que le plug travaille en stéréo ou en surround et qu’il est livré avec une collection de réponses impulsionnelles : des réverbes uniquement, pas de HP pour les guitaristes, mais comme on trouve sur le net quantité d’impulses gratuites et que le soft peut importer les fichiers au format WAV ou AIFF, cela n’a rien d’embêtant.
Du coup, le seul reproche qu’on pourra adresser à cette nouvelle réverbe est le même que pour tous les processeurs à convolution : REVerence est un ogre en terme de consommation CPU. Pour bosser en stéréo, ça va. Mais pour l’utiliser en mode surround, il vaudra mieux avoir une machine de guerre… Quoi qu’il en soit, Steinberg comble avec ce plug-in un des principaux manques de Cubase 4 et inférieur. Si vous possédez déjà une réverbe à convolution, la chose vous sera sans doute égale, mais si ce n’est pas le cas, vous réaliserez ainsi une belle économie…
Même constat vis-à-vis de tous les plug-ins d’effets fournis qui – et c’est là leur principale qualité – permettent de mener à bien un projet de A à Z : rien ne manque et vous pouvez très bien bosser avec Cubase tel qu’il est livré. Quant à la qualité des effets et traitements, disons qu’elle n’a rien de mauvaise sans être toutefois au niveau des plug-ins de tierce partie, notamment pour ce qui concerne les EQs et les traitements dynamiques (on trouvera mieux sur ce point chez Flux, Sonnox, Wave, URS, PSP… mais pour un prix qui dépasse souvent celui du séquenceur!), ou celui des effets qu’on trouve dans un Samplitude par exemple…
Groovy Baby!
Complexant peut-être face aux machines à groove que sont Ableton Live ou encore Fruity Loops, Steinberg propose dans cette version 2 nouveaux instruments virtuels et un plug-in MIDI dédié aux rythmes électroniques : Groove Agent One, LoopMash et Beat Designer.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Groove Agent One ne reprend en rien la philosophie des Groove Agent de Steinberg mais s’inscrit plutôt dans la filiation de LM4… avec un look évoquant la célèbre MPC d’Akai. Il s’agit en effet d’un Drum Sampler dont les 16 pads virtuels peuvent être assignés à un fichier AIFF, WAV, MPC ou aux différents slices d’une boucle. Notez que GA1 gère jusqu’à 8 couches (layers) par pad, et que vous pouvez ensuite disposer de 8 banques de 16 pads. L’assignation à un pad se fait par simple drag & drop depuis la MediaBay, l’éditeur audio ou la fenêtre d’arrangement mais hélas pas depuis le bureau de Windows ou de Mac OS. En revanche, lorsque vous placez plusieurs fichiers sur un même pad, le logiciel crée automatiquement les layers correspondants en distribuant dynamiquement les plages de vélocité. Côté édition, Steinberg propose pas mal de chose : accordage/transposition de sample, courbe d’amplitude et filtre multimode modulables (mais pas résonnant, hélas), mode reverse… Bref, il y a de quoi s’amuser même si on regrettera que l’édition de sample ne soit pas un peu plus poussée (je ne suis pas parvenu à modifier le début et la fin de lecture d’un sample) et qu’on ne dispose d’aucun effet (disto, delay, etc.) Certes, on pourra remédier à cela dans la table de mixage en utilisant différentes sorties audio, mais c’est moins intuitif. De fait, en dépit de leur air de famille, ne vous attendez pas à faire avec Groove Agent One le quart des choses qu’il est possible de faire avec le Guru de FXpansion, ce qui n’a rien de scandaleux pour un logiciel offert…
Côté séquence, on pourra tout de même s’amuser avec un nouveau plug-in MIDI nommé Beat Designer. Reprenant l’ergonomie d’un Step Sequencer avec sa logique de Patterns (jusqu’à 64 steps par pattern avec différentes signatures rythmiques possible), ce dernier vous permettra de piloter vite et bien Groove Agent One ou n’importe quel autre synthé percussif ou Drums Sampler. Son usage est des plus simples : un clic pour ajouter un événement, un clic pour le supprimer, et un cliqué-glissé pour changer sa vélocité, cependant que des sliders permettent de jouer sur le placement de l’instrument pour faire claudiquer le rythme et lui insuffler du « swing ». Un petit séquenceur sympa même si, encore une fois, sa combinaison avec Groove Agent One est très loin d’offrir les possibilités et l’ergonomie d’un Guru…
Terminons avec le plus original du lot : LoopMash. Point de séquence ou de samples One Shot, on est cette fois dans la boucle jusqu’au cou, avec une approche qui n’est pas très éloignée du Miracle de PowerFX ou d’un Guru, encore et toujours. L’idée est en effet de combiner le groove d’une boucle Master avec le son de 7 autres boucles, sachant que le logiciel se base sur un algo de reconnaissance des sons, que vous pouvez doser l’usage de chaque boucle et que vous pouvez enregistrer jusqu’à 8 scènes rappelables d’un clic (un pas vers le live?). Les paramètres ne sont pas légion, mais on ne s’en plaint pas car cela permet à LoopMash de rester un outil simple et efficace pour trouver des idées originales, à plus forte raison si vous osez le mélange de boucles mélodiques et des boucles rythmiques. Si l’électro est votre tasse de thé, vous devriez adorer le principe. Si en revanche, vous êtes plutôt Jazz ou Rock, vous ne verrez pas grand intérêt à la bestiole, ni même à Groove Agent One et Beat Designer.
J’en profite pour pointer ce qui est désormais un des seuls vrais points faibles de Cubase en regard de certains concurrents : l’offre en matière d’instruments virtuels. Embracer, Monologue, Spector ou Halion One ont beau être sympathiques, ils sont en effet très loin d’offrir la puissance et la polyvalence du trio formé par Z3ta+, Dimension Pro et Rapture LE au sein de Sonar, ou de faire jeu égal avec les instruments proposés par Logic Pro 8 (pas de rhodes, pas d’orgue, etc.). La chose serait sans doute moins gênante si Cubase embarquait un vrai sampler logiciel (pourquoi HALion n’est-il pas fourni de base, histoire de donner le change à Dimension Pro ou EXS 24?), mais on ne dispose ici que du ROMpler Halion One dont la banque de sons va du correct façon Sampletank (la gestion des formants en moins) au très très moyen : les pianos acoustiques font notamment pâle figure, avec un sustain qui laisse apparaître un bouclage si évident qu’il rend l’instrument extrêmement artificiel.
À ce sujet, on aimerait vraiment que Steinberg propose une offre plus attractive, que ce soit par un biais marketing (en intégrant des versions allégées de plug-ins de tierce partie) ou en licenciant ou rachetant, pourquoi pas, les technologies ou produits d’un petit éditeur spécialisé.
Conclusion
Cette version 5 est indubitablement une réussite qui voit Cubase progresser dans plusieurs domaines. Plus ergonomique, plus puissant et mieux équipé, le bébé de Steinberg pète la forme! Certes, on en voudrait toujours plus (notamment côté instruments) mais les fonctions telles que VariAudio, VST Expression, les pistes Tempo/Signature ou l’export multipiste font de cette mouture une incontournable mise à jour. À la question « faut-il vous payer l’upgrade depuis une version 4 ou inférieure? », la réponse est donc 1000 fois oui, étant entendu que la version Studio du logiciel est dépourvue (et c’est une différence de taille) de la fonction VariAudio, entre autres choses.
Si en revanche, vous n’avez pas de séquenceur ou que vous envisagez d’en changer, le problème est plus épineux car, après un rapide tour de web, on constate avec une certaine stupéfaction qu’aucun éditeur, en dehors de Magix, Cakewalk ou Ableton, ne propose de version de démonstration de son logiciel. Et il est bien dommage qu’on ne puisse pas essayer avant d’acheter à l’heure où les différences entre les séquenceurs se résument souvent à quelques fonctionnalités et une ergonomie différente, soit des aspects parfois très subjectifs. Reste qu’en indécrottable Cubasien depuis une quinzaine d’années, je ne saurais que trop vous recommander cette version 5…
Et un carton rouge spécial à Propellerhead qui n’a toujours pas porté ReWire et le format Rex sous 64 bits |