Avant de rentrer d'emblée dans le vif du sujet, nous allons comme nous le faisons habituellement, distiller quelques bases théoriques utiles, en douceur, sans brusquer les rebelles aux maths et simplement dans le but de mieux comprendre les bases de ce que nous appliquons !
Le milieu de propagation
Il conditionne par sa nature, l’atténuation de l’amplitude du signal. L’onde sonore met en vibration le milieu conducteur. Ce dernier permet au mouvement de se propager, sans déplacement de matière. Ce milieu n’est pas forcément gazeux ou fluide : une onde sonore peut aussi se propager dans des matériaux solides (bois, métal…)
La vitesse du son
On avance habituellement les chiffres de 349m/seconde. Celle valeur est exacte dans l’air et à 30°C A 0°C, elle descend à 330 m/s. La température joue donc un rôle important dans la manière où se propage un signal acoustique et les réglages de mise en œuvre d’un système de sonorisation ne seront pas les mêmes sur une piste de ski à Avoriaz que sur la plage de Marbella ! À titre indicatif, même si cela nous concerne un peu moins, le son se propage dans l’eau à 1435m/s, et dans le sapin à 4500m/s. Le choix fréquent de cette essence de bois en facture instrumentale n’est donc sans doute pas tout à fait fortuit…
Définition d’un champ libre et d’un champ clos
Lorsqu’il n’y a pas d’obstacle à la propagation de l’onde, nous sommes en champ libre. Dès que l’onde sonore se heurte à une ou plusieurs parois, on peut parler de champs clos. En fait, ce n’est pas aussi simple que çà, et l’on admettra généralement que les situations d’extérieur se rapprochent du champ libre, alors que les installations en salle seront plutôt assimilables à du champ clos. En sonorisation, la frontière est parfois difficile à définir entre les deux : l’implantation d’un système de diffusion dans un hall d’exposition relève-t-il du champ libre ou du champ clos ? Et qu’en est-il d’un montage en extérieur, situé à proximité d’une haie et devant un mur ? Les cas limites et les contre-exemples entre l’un et l’autre ne manquent pas et les incidences sont loin d’être négligeables, comme nous le verrons un peu plus bas…
Lois de propagation du son
Les schémas suivants illustrent ce que peut devenir la trajectoire du son confrontée à un obstacle donc à un changement de milieu de propagation.
La Réflexion
Sur une surface lisse et plane, le son « rebondit » et repart en sens contraire suivant le même angle d’incidence qu’à l’arrivée. C’est ce qui se passera sur un « beau » mur en béton ou une paroi vitrée. Dans nos applications sonores, de vraies « galères » !
Sur une surface irrégulière, après le « choc », le son sera diffusé dans tous les sens. C’est ce qui explique l’utilisation de prismes complexes en laine de roche dans les chambres anéchoïques (chambres sourdes) : le signal heurte une surface complexe en matériau absorbant. S’il n’est pas totalement absorbé, il se diffuse sur d’autres surfaces identiques, avec une énergie qui s’amortit rapidement. On a « expérimenté » de manière artisanale, des dispositifs visant au même objectif : la « boîte d’œufs » ! Qu’on se le dise, efficacité proche de 0 jusque vers 18000Hz ! Et esthétique plutôt discutable !
Sur une surface courbe, telle une coupole, les différents impacts sonores peuvent se rejoindre en un même point après réflexion, il y a alors focalisation. Phénomène vérifiable sur le quai d’une station de métro : on peut parfaitement entendre chuchoter deux personnes sur le quai opposé, pour peu que l’on se trouve sur le point de focalisation… Amusant, mais catastrophique quand il s’agit d’une salle de spectacle !
La réfraction
Le son traverse un milieu de nature différente, il change alors d’ angle de trajectoire » et perdra en énergie. On exploite également souvent cette caractéristique lorsque l’on cherche à isoler phoniquement deux locaux contigus.
La diffraction
Le son passe par un petit orifice. Les rayons vont ressortir « en sphère » à l’autre bout, donnant naissance à une nouvelle source sonore. Phénomène également utilisé en isolation phonique.
Atténuation de l’intensité en fonction de la distance
En champ libre
Soit une source S et un récepteur R situé à 1m de la source. Si le récepteur s’éloigne du double de la distance donc 2m, on perdra alors 6dB. Si l’on double encore la distance donc cette fois-ci 4m on perdra à nouveau 6dB et ainsi de suite : chaque fois que l’on doublera la distance entre la source et le récepteur, la perte d’intensité sera de 6dB.
En effet, à 8m, « Pâquerette » entend appeler son nom avec une atténuation de 18dB |
En champ clos
A 8 mètres, M.Alfred entend le signal avec une atténuation de 9dB |
Le raisonnement est identique au précédent, mais la valeur d’atténuation est cette fois de –3dB, toujours à chaque fois que doublera la distance entre la source et le récepteur.
En champ libre, on estime que la « dispersion » du signal se fait dans une sphère, diffusant le signal omnidirectionnellement. Comme ce qui se passerait comme si l’on diffusait un signal audio du haut d’une tour : il se diffuserait à l’identique dans toutes les directions, avec un amortissement important, le volume d’expansion de la zone de diffusion augmentant considérablement. A l’opposé, la diffusion en « champ clos » d’un signal est considérée comme unidirectionnelle, dans un plan. On peut imaginer un tel type de diffusion sonore dans un couloir du métro, par exemple. On pourrait aisément vérifier que l’atténuation de la voix d’un chanteur, à une correspondance, est bien plus faible, compte tenu de la distance qui nous en sépare, que si nous entendions le même artiste à l’extérieur… Il ne s’agit bien entendu que « d’approximations », la parfaite réalisation des conditions n’étant que difficilement vérifiable : dans le cas d’une diffusion en champ libre, il finira bien par y avoir un obstacle, une surface de réflexion qui faussera le calcul, tout comme rien ne garantit l’absolue diffusion plane du signal dans notre couloir…
On peut aisément imaginer qu’en sonorisation, une atténuation de type « champ clos » est plus intéressante, dès lors que l’on veut diffuser un signal à grande distance sans trop « dépenser » de puissance. L’idéal serait donc de guider le signal au moment de son émission, de manière à ce que sa diffusion se fasse artificiellement dans un plan, et non dans une sphère. C’est le dispositif mis au point pour les systèmes à guide d’onde, ou qualifiés encore de Line Source ou Line Array, particulièrement populaires en sonorisation actuellement…
Un premier calcul simple
On prononce souvent pas mal d’imprécisions quand on essaie de faire la définition des caractéristiques d’un système de sonorisation, surtout pour de petites installations. En effet, on admettra que pour de très gros systèmes de sonorisation, il est préférable de faire appel à un technicien spécialisé qui fera la mise en place… Donc, les performances d’une sono ne s’expriment pas en Watts, même si c’est souvent ce dont on parle, au moins dans le cadre des petites prestations. Plus que la puissance, c’est le niveau de pression acoustique diffusé qui sera représentatif, précisément à cause des caractéristiques d’atténuation avec la distance que nous avons évoquées plus haut…
Les caractéristiques de l’enceinte JBL AC18/26. Noter les valeurs de « sensitivité » et de pression maxi. |
Si l’on dispose d’un système qui diffuse 96 dB à un mètre installé dans une salle de taille moyenne, ou peut considérer que nous sommes en champ clos, avec une atténuation de 3dB à chaque fois que la distance à l’enceinte double. Dans la réalité, ce ne sera pas tout à fait le cas, car notre salle est peut-être équipée de pendrillons (grands « rideaux » qui définissent latéralement l’espace scénique), et de fauteuils ou de revêtements au sol et au mur très absorbants. Qui plus est, sa forme plus ou moins complexe influencera les réflexions. Si l’on s’éloigne de 8 mètres de la scène, il nous « restera » 87dB de pression… ( 96 dB – (3dB x 3 doublements de distance)…), pas énorme (un public animé qui parle et rit dans une soirée n’est pas bien loin des 85dB !), mais respectable pour une musique d’ambiance. Si en revanche, on utilise le même système en extérieur, où l’on peut penser se rapprocher davantage d’une diffusion en champ libre (bien que là non plus, on ne soit pas parfaitement dans ce cas, le signal va se réfléchir sur le sol dur, sur des murs éventuels…), nous considérerons que l’atténuation avec la distance sera plus proche de –6dB par doublement de distance. À huit mètres de la scène où est installée notre sono, le niveau de pression moyen ne sera plus que de 78dB = 96 dB – (6dB x 3 doublements de distance), pour peu que… l’air ne soit pas trop humide et que ne souffle pas un vent contraire trop important, mais nous rentrons là dans l’analyse de paramètres qui dépassent largement nos propos ici… À titre de comparaison, la circulation sur une rue passante produira un niveau acoustique de l’ordre de 80 dB ! (A noter que l’OMS- Organisation mondiale de la santé – considère qu’il y a gène lorsque le niveau moyen dépasse 65dBA, on parle en général de LAeq – Niveau en dBA équivalent - correspondant à une mesure pondérée dans le temps). Autant dire que placée au bord du périphérique parisien, notre sonorisation sera particulièrement inefficace…
Déductions
On peut déduire de tout ça l’importance qu’a le niveau de pression « mesuré à un mètre » que l’on verra figurer sur la fiche de spécifications d’une enceinte compacte et le fait que plus il sera élevé, plus puissant sera le système de diffusion. Mais il ne faudra toutefois pas perdre de vue plusieurs données complémentaires :La bande passante de l’enceinte ou du système : les « porte-voix » utilisés lors de rassemblements publics ne délivrent pas une pression acoustique impressionnante, mais leur énergie est précisément concentrée sur la zone optimale de perception auditive de l’oreille, ce qui permet de les faire parfaitement entendre pour la compréhension de messages parlés. Il ne faudra en revanche, pas trop leur demander de diffuser de la musique avec un peu de qualité ! L’optimisation de la restitution d’une bande de fréquence et l’énergie utile pour la diffuser a conduit les fabricants à réaliser des assemblages têtes + caissons de basses afin de couvrir l’ensemble du spectre des fréquences avec le meilleur rendement possible ; en sortie de la console, on place un filtre qui alimentera différemment les amplis destinés aux aigus et aux graves. On est certain alors d’une couverture fréquentielle correcte, sans déséquilibre entre les zones graves et aiguës.
Le respect de la réglementation concernant les niveaux sonores impose un niveau maximal de 105dB à quelque endroit qu’on se trouve de la zone de diffusion. Si l’on a une zone importante à couvrir, et compte tenu des lois d’atténuation, on risque d’être tenté d’augmenter la puissance à la source afin de conserver des niveaux représentatifs un peu loin. En effet, si l’on applique notre calcul en sens inverse, si l’on veut 100dB à 32 mètres en champ libre, il nous faut… 130dB à un mètre ! De quoi rendre sourds les spectateurs placés devant la scène. Deux solutions : la multidiffusion, un second, voire un troisième plan d’enceintes à distance choisie permettra de maintenir un niveau de pression acoustique élevé aux différents emplacements de diffusion. Mais, précaution à prendre, il faudra mettre en place un retard permettant de « recaler » temporellement la transmission électrique vers ces enceintes (vitesse de la lumière) sur la propagation aérienne (vitesse du son) afin d’éviter des effets « d’écho » aux zones de recoupement… Seconde solution, le… Line Source! En travaillant sur le guidage de l’onde, l’atténuation diminue, comme nous l’avons vu plus haut. On peut alors accrocher une « grappe » d’enceintes de part et d’autre de la scène, chacune d’elle couvrant (après réglage minutieux !!!) une zone géographique précise…
Le logiciel permettant le « calage » des Line Array Nexo. En fonction des distances et des matériels, l’angle entre les boîtes doit être ajusté avec précision. |
Alors, je mets quoi?
Nous avons pu déjà nous faire une idée des difficultés à obtenir un niveau de pression homogène sur la surface de couverture. Il nous faut maintenant évaluer la puissance des amplificateurs utiles au bon fonctionnement du système. Si l’on observe la fiche des caractéristiques d’une enceinte « compact », elle mentionne le niveau de pression acoustique délivré à un mètre, pour… une amplification de 1Watt (sensitivité). Ce document indique également le niveau (Max SPL) maximal que l’enceinte sera capable de diffuser en continu.Prenons un exemple : l’enceinte S115V Yamaha est donnée pour une « sensitivité » de 98dB/1W/1m et un niveau maximal admissible de 129dB. Souvenez-vous, lorsque la puissance double, on « gagne » 3 dB… On se rend compte qu’il faut un ampli de 1kW pour atteindre le niveau Max SPL (128dB – 98dB = 30 dB. On doit multiplier par 10 la puissance d’amplification pour obtenir ce niveau). Évidemment, nous sommes au-delà des 105dB réglementaires, mais il s’agit d’un niveau maximum théorique. La réglementation parle d’un niveau de 120dB en crête, notre système serait parfaitement conforme avec un ampli de 500Watts à… 1 mètre ! Mais dès qu’on s’éloignera, la perte par atténuation avec la distance commencera… Oubliez donc la « cylindrée » de votre sono (elle « fait » 800W, 3 kW… ) et investissez plutôt dans un sonomètre : ce petit appareil vous permettra de mesurer les niveaux sonores que vous diffusez. Choisissez selon les styles de musique, de 90dB à… 105dB, ce dernier niveau faisant déjà beaucoup de bruit… Et si vous vous trouvez dans des lieux dépassant ce niveau, n’oubliez pas vos bouchons d’oreilles !