Un an après sa présentation au NAMM 2016, le MatrixBrute est enfin disponible dans les rayons de nos boutiques préférées. L’immersion au pays de la synthèse peut désormais commencer…
Il y a bientôt deux ans, lors de l’édition 2015 de la Musikmesse, le dirigeant d’Arturia nous avait dévoilé le prototype d’un synthé analogique très prometteur. Nous avions échangé sur les fonctionnalités, le design et le nom. Les grands principes de base étaient clairement posés et la carte électronique bien avancée. La façade relevable et la grosse matrice programmable impressionnaient déjà. Le nom de MatrixBrute circulait de manière confidentielle. Face à la bête, alors que le marché était orienté à la démocratisation des synthés analogiques, notamment grâce au MiniBrute, notre première réaction avait été de dire : « vous êtes de vrais malades ! ». Et pour cause, tout semblait avoir été pensé pour créer le synthé monodique analogique ultime, que ce soit par la puissance de synthèse, les capacités de modulation, l’expérience d’utilisation, les possibilités d’interfaçage et la qualité de construction. Face à cet Everest de la synthèse, il aura fallu patienter un an après l’annonce officielle au NAMM 2016 pour voir enfin débarquer le MatrixBrute sur le marché. Alors, cela valait-il le coup d’attendre ?
Fière allure
Et maintenant, place à un truc à la mode sur la toile, l’unboxing du matos : le MatrixBrute est livré dans un gros carton lourd et costaud avec le synthé dessiné dessus à l’envers ; du coup, on le pose une fois sur deux dans le mauvais sens. C’est pour cela qu’il vaut mieux le déballer. En ouvrant le carton, on découvre un modèle du genre, double épaisseur, ce qui contribue au poids et à la solidité. On apprécie le soin avec lequel la machine est emballée : cornières en carton haute densité placées de part et d’autre des cinq énormes pains de mousse qui entourent intégralement la machine. Nous décernons l’Award Audiofanzine Emballage 2017 au MatrixBrute !
Trêve de plaisanterie, cela inspire confiance et donne un côté précieux à l’instrument. C’est d’ailleurs un beau bébé bien trapu de 86×43×11 cm, affichant fièrement 20 kg sur la bascule.
Une fois installé sur notre stand, il reste à relever le panneau avant suivant l’une des trois positions prévues à cet effet ; le maintien est assuré par une plaque alu brillante gravée au nom de la marque Arturia, visible du fond d’une salle de concert. Ainsi prêt, le MatrixBrute a fière allure, c’est vraiment un bel instrument, avec sa couleur bleu-foncé anthracite, ses nombreuses commandes et cette impressionnante matrice lumineuse.
La qualité de construction mécanique est globalement très bonne, entre le métal (coque) et le bois (flanc et dessus du clavier), les 58 potentiomètres bien ancrés, les 7 encodeurs (très) résistants à la rotation, les 15 curseurs linéaires très fluides au capuchon mou, les 61 boutons poussoirs assez francs, les 2 molettes en alu agréables à manipuler, la connectique vissée ou sertie… sans oublier les 256 boutons poussoirs multicolores en caoutchouc mou de la matrice. Le clavier de 4 octaves répond parfaitement à la vélocité et à la pression ; nous avons trouvé le plastique des touches blanches assez fin, ce qui fait qu’on peut les tordre très facilement ; on note aussi un espace prononcé entre les touches noires et blanches, dans leur partie la plus fine, qui laisse apparaitre l’électronique en dessous…
Bien connecté
Côté ergonomie, le MatrixBrute est globalement une réussite : modules logiquement placés et facilement identifiables, commandes directes pour toutes les fonctions (et il y en a beaucoup !), mode de réponse des potentiomètres (saut/seuil/relatif), splendide matrice lumineuse 16×16 permettant de changer de programme, connecter une source à une modulation ou enregistrer une séquence en deux temps trois mouvements (nous reviendrons en détail sur ses fonctionnalités), mode Panel pour appeler instantanément les réglages physiques des commandes ou encore quatre encodeurs Macro permettant de modifier plusieurs paramètres en même temps assignés via la matrice. On regrette toutefois que les paramètres système (canaux MIDI, filtres MIDI, polarité des pédales, type de réponse des potentiomètres, courbe de vélocité du clavier, envoi MIDI des notes séquencées/arpégées) ne soient accessibles que par un logiciel externe (MIDI Control Center), alors que d’autres fonctions sont accessibles par des combinaisons de touches (Autotune, initialisation du programme/de la matrice/de la séquence en cours/des macros). On notera aussi que l’écran à encre situé au-dessus de la matrice n’est pas rétro-éclairé, ce qui le rend illisible dès que le jour tombe. Pourtant, les deux écrans à LED chargés d’afficher certaines valeurs (comme le numéro de programme, les offsets des encodeurs, mais pas les paramètres de synthèse !) et le tempo (séquenceur/arpégiateur) sont parfaitement lumineux…
À part la prise casque (jack 6,35 mm) placée judicieusement à l’avant gauche, toute la connectique est située en léger retrait sur le panneau arrière. Elle bascule avec la façade, comme sur un Minimoog (mais pas comme sur un Waldorf Wave ou un Schmidt Eightvoice). Elle est très généreuse : sortie audio stéréo (jack 6,35 mm asymétrique), boucle d’insertion d’effet (jack 6,35 mm TRS), 12 entrées/12 sorties CV (mini-jack 3,5 mm) liées à des paramètres de synthèse (VCA, quantité du LFO1, Cutoff 1, Cutoff 2, VCO2 Métal/PW/Ultrasaw/Pitch, VCO1 Métal/PW/Ultrasaw/Pitch), entrée audio (jack 6,35 mm asymétrique, interrupteur de niveau et potentiomètre de gain de 0 à 40 dB), interrupteur Audio Gate (pour déclencher les enveloppes à partir d’une source audio externe, selon un seuil ajustable), entrée/sortie Gate, entrée/sortie synchro, 3 prises pour pédales (2 continues, maintien), interrupteur de protection mémoire, trio MIDI, USB type B (MIDI uniquement) et interrupteur secteur avec prise IEC 3 broches universelles. Bref, il ne manque pas grand-chose, voire pour ainsi dire rien, bravo !
Territoires étendus
Le MatrixBrute est livré avec 240 presets heureusement réinscriptibles, car leur intérêt ne nous a pas sauté aux oreilles, avec trop de bruits, de sons métalliques, de drones tordus… pas franchement utilisables et caractéristiques de la machine. Il a donc fallu s’y coller ! Même si l’instrument est fait pour être programmé, c’est toujours sympa de partir de sons existants et de voir comment ils sont construits sur le plan des modulations, puisque la matrice permet de visualiser tout cela de manière très didactique. Les volumes audio sont élevés quand on monte les niveaux des formes d’onde, des entrées dans les filtres et des sorties de filtres. Trop les pousser crée de la saturation pas toujours ronde et chaude, il faut donc doser avec parcimonie si on souhaite arrondir les angles, ce dont le MatrixBrute est tout à fait capable.
Les territoires sonores couverts sont d’ailleurs impressionnants : grosses basses à la Moog ou agressives, leads tranchants ou flûtés, textures évolutives, sons de cloches, bruits métalliques, timbres FM, séquences qui bougent dans tous les sens, le MatrixBrute assure partout. Sans être un caméléon sur le plan du grain, il permet une riche variété de timbres, avec une coloration à mi-chemin entre vintage et moderne.
Quand on commence à touiller, on apprécie d’avoir tout sous la main, du moindre paramètre de synthèse à cette prodigieuse matrice programmable. Les oscillateurs sont hyper souples, les routages bien pensés, les filtres très complémentaires et les modulations pléthoriques. On note au passage la fluidité de réponse des paramètres continus, telles que les fréquences de coupure des filtres. Les enveloppes ont de la patate, le MatrixBrute a du coffre, des infrabasses aux médiums-aigus. Nous l’avons toutefois trouvé un peu sage dans les extrêmes aigus, comme si les filtres limitaient les hautes fréquences ; le constructeur nous a expliqué que les filtres coupaient dès 17 kHz, comme sur un MiniBrute ; pourtant, un face-à-face tend à prouver que le MiniBrute possède un peu plus d’aigus que son grand frère (cf. extrait audio Z1). Autre point de curiosité, le VCO1 de notre MatrixBrute de test n’est pas stable, il se met à décrocher par moment quand les deux potentiomètres de réglage de hauteur sont à 12 heures ; la réinstallation de l’OS et plusieurs Autotune après période de chauffe n’y ont rien changé ; certainement un défaut de fabrication (cf. extrait audio Z2). De même les VCO1/2 et le VCO3 ne sont pas parfaitement alignés ; ils sont de conception différente, si bien que leur suivi de clavier n’est pas pile-poil identique ; mais après tout, c’est un synthé analogique !
Ensuite, on constate que le filtre Steiner-Parker laisse repisser les sub-oscillateurs des deux premiers VCO : niveau de tous les VCO et Sub-VCO à zéro, aucun VCO routé, FC et sortie filtre complètement ouvertes, on entend clairement les basses fréquences passer par le canal gauche (cf. extrait audio Z3) ; si on change la couleur de l’onde d’un Sub, on l’entend clairement ressortir : mauvais calibrage des VCA en sortie d’oscillateur ? Enfin, le fait de changer de programme crée un « ploc-ploc » le temps que la machine mette à jour ses paramètres… tout cela a été remonté à Arturia et une mise à jour d’OS serait déjà dans les tuyaux pour ce dernier problème (OS 1.0.1.108 testé).
- 01 Bass Fat 00:49
- 02 Bass Res 00:44
- 03 Bass FM 00:56
- 04 Bass Seq 01:23
- 05 Para Brass 00:21
- 06 Para Tape 00:32
- 07 Lead 01:02
- 08 Sync 00:35
- 09 Split1 01:09
- 10 Split2 01:17
- 11 Split3 00:27
- 12 Seq1 01:04
- 13 Seq2 00:51
- 14 Metal Seq 00:49
- 15 Drums1 00:58
- 16 Drums2 01:46
- 17 BB2 Drone 00:28
- 18 Metal Drone 00:18
- Z1 Mini vs Matrix 02:17
- Z2 Anomalie VCO1 00:53
- Z3 Repisse Sub Steiner 00:12
Trio de VCO
L’unique voix du MatrixBrute est constituée de 3 VCO, 2 VCF et 2 VCA (nous verrons plus tard pourquoi ce second VCA caché). Les deux premiers VCO, très inspirés de la série Brute, sont de type exponentiel, comme sur la plupart des synthés analogiques. Cela permet de les accorder sur une grande plage de fréquences avec des tensions peu élevées, après toutefois un certain temps de chauffe. On retrouve la plupart des ingrédients qui font l’originalité des Brute : 3 formes d’ondes (dent de scie, impulsion et triangle) cumulables (avec dosages séparés des niveaux) et modifiables en contenu harmonique. L’onde dent de scie peut se transformer progressivement en Ultrasaw, en ajoutant deux autres ondes en dent de scie légèrement décalées. L’impulsion est variable de 50 à 90 %. Enfin, on peut progressivement ajouter des harmoniques aiguës à l’onde en triangle pour la rendre plus métallique.
Les VCO s’accordent par demi-ton sur plus ou moins deux octaves et finement sur plus ou moins un demi-ton. Le calibrage n’est pas tout à fait juste sur notre MatrixBrute de test, il faut un peu excentrer l’accordage fin, c’est ça l’analogique ! Chaque VCO possède un sub-oscillateur à l’octave inférieure, dont on peut progressivement saturer la forme d’onde en sinus pour ajouter des harmoniques. Tous ces réglages et dosages sont modulables en temps réel via la matrice, super ! Le troisième VCO est très différent des deux premiers. Plus simple, il est de type linéaire et peut se transformer en LFO, où il devient source de modulation dans la matrice. Il offre les ondes en dent de scie, carré, triangle et sinus, cette fois toutes statiques et non cumulables. On peut l’accorder par demi-ton sur plus ou moins deux octaves ou par division temporelle lorsqu’il est utilisé en modulateur (16–32–64–128 pieds) ; on peut également en déconnecter le suivi de clavier, pour simuler des formants ou créer des modulations constantes quelle que soit la tessiture (cf. interactions FM juste après). Vraiment bien pensé !
Les VCO peuvent interagir de différentes manières, ce qui donne une palette sonore bien plus large que la plupart des synthés concurrents. Commençons par la FM, avec action du VCO1 sur le VCO2, actions du VCO3 sur le VCO1 ou le VCO2 ; de quoi bien débuter ! On trouve aussi la FM sur les filtres, avec action du VCO3 sur le VCF1 ou le VCF2. Même le générateur de bruit s’y colle, avec action sur le VCO1 ou le VCF1. De quoi faire oublier l’absence de modulation en anneau ! Enfin, on peut synchroniser le VCO1 au VCO2, pour les effets typiques de variation de contenu harmonique lorsqu’on module la fréquence du VCO1, sa hauteur étant calée sur celle du VCO2 (on crée donc une nouvelle forme d’onde à la fréquence imposée par le VCO2, puisque le cycle du VCO1 n’est plus reproduit en entier). Les quantités de modulation sont des destinations potentielles de la matrice de modulation (mais hélas pas des sources audio, mis à part le VCO3 transformé en LFO3).
Dernière source audio interne, un générateur de bruit à quatre couleurs, c’est-à-dire à contenu harmonique plus ou moins filtré en basses ou hautes fréquences : bleu (beaucoup de hautes fréquences), blanc (équilibre des fréquences), rose (moins de hautes fréquences), rouge (peu de hautes fréquences). Très complet !
Duo de filtres
Le MatrixBrute propose deux filtres analogiques indépendants. Les cinq sources sonores (3 VCO, générateur de bruit et entrée externe) peuvent être finement dosées puis assignées à chaque filtre (l’un, l’autre ou les deux). Par ailleurs, les deux filtres peuvent être placés en série (ordre fixe VCF1 -> VCF2) ou en parallèle. Cela étend grandement le territoire sonore de la machine. Le premier filtre est de type Steiner-Parker multimode passe-bas/passe-haut/passe-bande/réjection de bande ; il a subi des évolutions depuis le MiniBrute, puisqu’il est maintenant capable de fonctionner en 2 ou 4 pôles. Il est vraiment original, avec un côté agressif très significatif et une résonance qui va de l’acidulé à l’auto-oscillante bouillonnante, sans affaiblir le reste du signal. Les différents modes de filtrage apportent des résultats très variés et souvent intéressants, surtout quand on module la fréquence de coupure et la résonance via la matrice. La mauvaise nouvelle déjà signalée, c’est que ce filtre laisse repisser les Sub-VCO, même réglés à zéro ; espérons que cela soit lié à l’étalonnage du pilotage des VCA qui commandent leurs niveaux et qu’une mise à jour d’OS puisse régler le problème. Sinon cela rend le filtre assez inutilisable lorsqu’on coupe jusqu’aux moyennes fréquences.
Passons maintenant au second filtre, totalement différent, puisqu’il s’agit de la célèbre échelle de transistors inventée par le Dr Moog (qui est crédité dans le manuel, merci pour lui). Il fonctionne en 2 ou 4 pôles et offre les modes passe-bas, passe-haut et passe-bande. On note peu de différences entre les réponses 2 et 4 pôles, un peu comme sur un JP-8. Le mode passe-bas est de loin le plus musical et permet au MatrixBrute de ne pas sonner que brute. Certains se sont déjà empressés de créer des démos basées sur ce filtre, afin de prouver que le MatrixBrute pouvait sonner aussi rond qu’un Moog et produire une belle auto-oscillation parfaitement jouable : parmi elles, les œuvres de l’ami Adrien Duchemole le bien-nommé, à qui l’ont doit également l’extrait audio comparant les ondes pures du MiniBrute et du MatrixBrute.
Dans les modes passe-haut et passe-bande, nous avons trouvé le filtre en échelle un peu pâlot, ce n’est pas son domaine de prédilection ; nous lui préférons de loin le caractère bien trempé du filtre Steiner-Parker. Signalons qu’il est possible de piloter simultanément les fréquences de coupure avec un gros encodeur (offset). Chaque filtre est doté d’un niveau de modulation par une enveloppe commune, un niveau de sortie, un Drive et un Brute Factor. Le Drive a peu d’effet et s’avère quasi inutile ; pour le Brute Factor, c’est l’inverse, puisqu’il commence à beugler à mi-course sans permettre de véritable contrôle. Rien à voir avec les réglages du MiniBrute, curieux. Si Arturia pouvait revoir son calibrage sur ce point aussi, si tant est que ce soit possible via logiciel…
Effets analogiques
En sortie des filtres, le signal passe dans le VCA principal puis une petite section d’effets analogiques. Celle-ci est basée sur des BBD, circuits électroniques dans lesquels de nombreux composants sont chargés les uns après les autres pour créer une chaîne de délai ; BBD est l’acronyme de Brigade Bucket Delay, par analogie aux chaînes humaines où l’on se passe des seaux de main en main pour acheminer de l’eau. On trouve cinq types d’effets mutuellement exclusifs : délai stéréo, délai mono, chorus, flanger et réverbe. Le délai stéréo crée un effet ping-pong gauche/droite d’une demi-seconde maximum. Le délai mono place toutes les répétitions au centre. Le chorus agit au moyen de courts délais (entre 5 et 50 ms) ; il élargit le son en stéréo sans excès. Le flanger utilise des délais encore plus courts (0,5 à 10 ms) ; son action est bien trop timide, le feedback n’est pas assez marqué. La réverbe utilise des délais de temps différents. Elle a un son métallique bouclé rappelant un peu une chambre d’écho… Chaque algorithme dispose de quelques réglages en façade, modulables en temps réel via la matrice : temps (avec possibilité de synchro), régénération (feedback), tonalité/vitesse (suivant l’effet choisi), largeur/profondeur (idem). Une petite section bienvenue, surtout appréciable pour les délais et le chorus.
Modulations classiques
Le MatrixBrute propose un certain nombre de sources de modulation, certaines pouvant agir directement sur des modules qui leur sont préassignés (on pense aux VCF et au VCA notamment), d’autres à assignation libre. Commençons par un petit Glide qui crée un portamento lisse entre notes liées, avec vitesse ajustable.
Passons aux trois enveloppes, de type ADSR. Chacune possède une LED de contrôle d’activation en façade (Gate). Les temps peuvent être très rapides (2 ms) et aller au-delà des 10 secondes, ce qui permet de faire claquer le son ou de créer de longs balayages quand on le souhaite. La première enveloppe est préassignée aux fréquences de coupure des VCF (avec quantité ajustable pour chaque VCF) ; on peut en moduler le niveau par la vélocité clavier. La deuxième enveloppe est préassignée au VCA final ; on peut également en moduler le niveau par la vélocité. La troisième enveloppe est assignable via la matrice de modulation ; elle n’a pas de modulation directe par la vélocité, mais un délai ajustable bien pratique. Il n’y a pas de paramètres exotiques tels que des courbes ajustables ou de possibilités de bouclage des enveloppes…
Enchaînons maintenant avec les LFO. Il y en a trois, tous différents. Les deux premiers ont un certain nombre de réglages similaires : forme d’onde (sinus, triangle, carré, dent de scie, rampe, S&H et aléatoire). Ils peuvent osciller de 0,06 à 100 Hz ou être synchronisés au tempo. Ils peuvent fonctionner librement ou être redéclenchés à chaque note (une seule fois ou à chaque fois). On peut ajuster la phase du LFO1 et le délai du LFO2 (c’est là leur seule différence).
Le troisième LFO est ni plus ni moins que le VCO3, déjà décrit, pour ceux qui suivent encore, que l’on remercie au passage. Enfin, le MatrixBrute offre quatre encodeurs macro, situés juste à gauche du clavier, assignables à un tas de destinations via la matrice de modulation, dont nous allons tout de suite parler.
Modulations matricielles
Le MatrixBrute est certes une Brute, mais il ne serait pas un Matrix sans cette magnifique matrice de modulation 16×16 points, en quelque sorte la version moderne des EMS Synthi. Pour la faire fonctionner, il faut au préalable passer en mode Matrix avec l’une des grosses pastilles lumineuses situées en partie supérieure, sinon on risque de changer de programme et perdre tous ses réglages, ce qui est arrivé plusieurs fois pendant le test ! Une fois dans le bon mode, l’ergonomie est exemplaire : les sources de modulation disponibles sont placées en ligne et les destinations en colonne. Pour connecter une source à une destination, on allume le bouton à leur intersection, puis on programme la quantité de modulation souhaitée avec le gros encodeur supérieur cerclé de LED représentant la valeur stockée (-99 à +99 %). Chaque point allumé en bleu dispose ainsi de sa propre quantité de modulation (le point en cours d’édition est allumé en rose), tout cela étant mémorisé dans chaque programme. Un concept absolument génial, immédiat, didactique, implacable. On peut ainsi monter à 256 points de modulations simultanés avec à chaque fois une quantité de modulation bipolaire différente !
Les sources sont constituées des 3 enveloppes, du suiveur d’enveloppe audio, des 3 LFO, de la molette de modulation (mais pas de celle de pitch bend), du suivi de clavier/séquenceur, de la pression, de la vélocité, de la ligne de modulation du séquenceur (on en parlera plus tard), des quatre encodeurs macro et des deux pédales d’expression (couplées aux encodeurs 3 et 4). Il n’y a donc pas de source audio (onde de VCO par exemple, mis à part le VCO/LFO3) comme sur les systèmes modulaires analogiques, les modulations audio étant définies dans le dur (cf. section relative aux VCO).
Les destinations sont plus souples, puisqu’on en trouve 12 fixées et 4 programmables. Les 12 destinations fixées sont des paramètres des deux premiers VCO (Pitch, Ultrasaw, PW, métaliseur), les fréquences de coupure des deux filtres, la quantité de LFO1 et le VCA. Pour programmer une des quatre destinations assignables, on maintient le bouton supérieur de la colonne choisie, puis on tourne un potentiomètre (rotatif ou linéaire) en façade, n’importe lequel, que ce soient les paramètres de synthèse, les quatre encodeurs macro ou encore les paramètres d’effets ; le MatrixBrute mémorise alors notre choix et affiche le paramètre sur l’écran à encre. Tiens, pas de bouton de panoramique au passage… Mais bon, c’est magnifique, enfantin, puissant, inédit, encore bravo !
Séquenceur-arpégiateur
Nous avons vu que la matrice permettait la sélection des 256 programmes et la création de 256 patches de modulation en temps réel. Sa troisième et dernière utilisation est la programmation du séquenceur (nous ne parlerons pas des jolis dessins que l’on peut faire en allumant les boutons). En mode séquenceur, les touches passent au rouge, avec le pointeur en rose. Le séquenceur offre jusqu’à 64 pas de 4 variables : activation du pas, accent, slide et modulation. La matrice représente 4 ensembles de 4 lignes de 16 pas. En appuyant sur un bouton d’une ligne de pas, on peut activer/couper ce pas ; en maintenant deux boutons de pas à un certain intervalle, on crée une liaison (l’intensité lumineuse des boutons de pas liés au premier pas est atténuée). La ligne d’accent permet quant à elle de tenir compte de la vélocité réglée pour les enveloppes 1 et 2. La ligne de slide permet pour sa part d’enclencher le Glide à chaque pas. Enfin la ligne de modulation active ou désactive la modulation à chaque pas, ce qui permet de moduler certaines destinations de manière séquentielle via la matrice.
L’enregistrement est possible, que le séquenceur tourne ou pas. S’il est arrêté, on peut sélectionner un pas donné et entrer la note, qui sera mémorisée avec sa vélocité. S’il tourne, les pas sont enregistrés en temps réel. La lecture des motifs se fait suivant différents sens (avant, arrière, alterné, aléatoire), divisions temporelles (1/4–1/8–1/16–1/32) et durée de notes (normales/triolet/pointées). On peut ajouter un peu de swing ou régler la durée de Gate. On peut aussi modifier le tempo (potentiomètre et touche Tap) ou synchroniser la machine via MIDI. Les séquences peuvent être transposées en temps réel à l’aide du clavier, en conjonction avec la fonction Hold. Les précieuses commandes de transport permettent de lire/stopper/continuer/recommencer la lecture des motifs, se localiser en un pas spécifique ou enregistrer ; bien pratique ! Les motifs de séquences disposent de leurs propres mémoires (256 emplacements), qui peuvent être liées aux programmes.
Mais cela n’est pas terminé, puisque le séquenceur du MatrixBrute peut également fonctionner en mode arpégiateur. Dans ce cas, les notes jouées tournent suivant différents motifs : vers le haut, vers le bas, alterné ou aléatoire. La quatrième ligne de la matrice indique alors le nombre de notes jouées (les boutons s’allument au fur et à mesure, dans la limite de 16), avec possibilité d’étendre le motif sur trois octaves. Le manuel décrit un mode combiné séquenceur/arpégiateur qui n’est pas encore intégré : il devrait permettre de jouer des arpèges de 4 notes en programmant leur ordre sur 16 pas. En appuyant simultanément sur les deux boutons idoines, la matrice se diviserait alors en deux : les pas, représentés en rouge sur la quatrième ligne, et l’ordre des 4 notes, représentées en bleu sur les 12 lignes suivantes (chaque groupe de 4 lignes permettant de programmer l’ordre dans lequel les notes sont jouées sur 1 à 3 octaves). À suivre, donc…
Relations extérieures
Tout ce qui tourne dans le MatrixBrute peut se synchroniser au tempo : LFO, séquenceur, arpégiateur, temps des effets de délai… Tous les potentiomètres (sauf l’accordage fin et les volumes globaux casque/ligne), encodeurs (sauf réglage des quantités de modulation de la matrice), curseurs, molettes et pédales transmettent et reçoivent des CC MIDI, via les prises DIN ou l’USB, ce qui permet une automation totale via une STAN. De même, le séquenceur et l’arpégiateur peuvent transmettre les notes, ce qui permet de les enregistrer dans une STAN ou un séquenceur externe.
Nous avons vu que le MIDI Control Center permettait de faire certains réglages inaccessibles avec la machine seule ; il permet aussi de gérer une bibliothèque de programmes et de séquences, le MatrixBrute étant incapable de gérer les dumps MIDI tout seul (on se croirait revenu aux débuts du MIDI). Enfin, signalons pour la forme les 24 entrées/sorties CV/Gate pour converser avec le monde analogique modulaire, faisant du MatrixBrute un partenaire de jeu idéal.
Vers la perfection
Nous voilà arrivés au bout de ce test tout en profondeur, sans mal de crâne ni gueule de bois. Le MatrixBrute ne laisse pas indifférent, dès lors qu’on l’a porté, déballé, installé, branché, touillé, écouté… En y travaillant, on sort des sentiers battus et rebattus. Il ouvre l’accès à des textures évolutives, des timbres FM métalliques, des chaos innommables et des drones intrigants. Mais le MatrixBrute est tout aussi capable du petit solo flûté avec délai ou de la grosse basse façon Moog, grâce à son filtre en échelle. Il reste toutefois quelques points à améliorer ou finaliser pour que le MatrixBrute soit à la hauteur des attentes qu’il a créées depuis qu’il a été présenté. Il n’en demeure pas moins une machine merveilleuse tant sur le point sonore qu’ergonomique, compte tenu de la puissance et des fonctionnalités embarquées. Une machine de rêve, unique en son genre, mais qui doit encore progresser. Nous lui décernons un Award Audiofanzine Innovation, souhaitant que cela encourage Arturia à polir son diamant !
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