Présenté pour la première fois en 2015, le C15 a récemment reçu de substantielles améliorations qui parachèvent le travail de longue haleine entrepris par son concepteur. Autant de bonnes raisons de le tester cet instrument aussi unique que rare…
Nonlinear Labs est une microentreprise berlinoise créée par Stephan Schmitt en 2011, par ailleurs fondateur de Native Instruments (à ne pas confondre avec Stefan Schmidt, le concepteur du EightVoice). Présenté en 2015, le C15 est son premier et pour le moment unique instrument. Ce n’est donc pas vraiment un petit nouveau, mais les évolutions majeures du firmware, l’ajout récent du Midi (enfin !) et le prêt d’un exemplaire par le très généreux Clarinette66 (merci l’ami !) nous ont poussés à tester ce synthé arrivé à maturité dans son firmware 21.25. C’est un instrument de musique élitiste par excellence, produit localement de manière artisanale au compte-gouttes. Il sort complètement des sentiers battus, que ce soit par l’interface utilisateur, le moteur sonore ou les modes de commercialisation. On peut ainsi acquérir le synthé selon différentes formules : achat comptant, location avec option d’achat, achat-revente (location simple), le tout sans intérêt ni dépréciation. On sent que Nonlinear Labs s’adresse certes à des clients premium, mais qu’il ne les prend pas pour des vaches à lait, bravo ! Voyons donc en détail, en texte puis en vidéo, ce qui fait du C15 un instrument si désirable…
Voici les exemples audio réalisés par Tinhu
- 01 Vibrations01:27
- 02 Un the ron01:02
- 03 Water celeste01:00
- 04 Clavi (multi)01:16
- 05 Snif… (multi)01:04
- 06 Femme à barbe00:20
- 07 Time to Toys (multi)01:02
- 08 Joint de culasse…01:01
- 09 Trop super !!!00:34
- 10 Percudingue01:14
- 11 Très très effrayaaaannnt !!! (multi)01:26
- 12 Heaven (multi)01:40
- 13 D Pomk00:37
- 14 Renaissance02:28
- 15 Grand départ01:13
- 16 Aspirine !01:02
- 17 Cap horn01:32
- 18 Cloud01:50
- 19 Deglingo mallet00:43
- 20 Lande sirupeuse00:56
- 21 Criket drone01:02
- 22 Vibes00:43
- 23 Ya qu_une télé…00:42
- 24 Il watoo… (multi, multi)02:00
- 25 Clem (multi,multi, multi)01:04
Voici les exemples audio réalisés par Pulsophonic
- Burning child00:32
- ça tri à Nice00:33
- Cachez les poules00:58
- End of time01:23
- Moderna injection00:37
- Satisfaction du C15.200:58
- Vangelis01:31
- Velocity lead00:54
- Very Daft example00:51
La grande classe
Le C15 est livré dans un robuste flight case sur mesure. L’intérieur est conçu comme un écrin qui protège le bijou qu’il renferme : mousse sur mesure pour le panneau de commande et le boitier clavier, découpes pour les pédales, emplacement pour les accessoires… ça commence bien ! Le déballage est jouissif, tellement l’instrument est beau : hêtre massif (finition claire ou foncée au choix), alu, acier, clavier long TP-8 Fatar (le haut de gamme des claviers semi-lestés, qui équipe tous les synthés élitistes tels que le Schmidt EightVoice, le Moog One, le Solaris de John Bowen, The River de Baloran ou le Waldorf Wave…). On assemble le panneau de commande au boitier clavier avec deux équerres qui lui donnent un angle de vision parfait, puis on relie les deux avec une petite nappe. L’ébénisterie est magnifique, les ajustements parfaits, la finition impeccable, c’est le synthé le plus soigné que nous ayons testés. Petite anecdote, on peut emmener le boitier clavier seul si on n’a pas besoin d’éditer les sons en détail, c’est lui qui embarque le moteur et la connectique. Complet, le C15 mesure 90 × 41 × 16 cm et pèse 14 kg.
L’interface utilisateur du panneau supérieur rappelle un peu le Synclavier ou certains synthés Ensoniq des 80’s, avec des boutons pour sélectionner la fonction à éditer et un encodeur central (avec touches d’incrémentation/décrémentation, retour à la valeur par défaut, résolution fine) pour modifier les valeurs. Ce n’est donc pas l’interface la plus moderne du marché, mais elle se révèle très efficace et plus pratique ici que ne le serait un grand écran tactile. Le panneau de commandes est divisé en cinq sections, quatre placées de part et d’autre de la section centrale, chargée de l’édition, de la sélection du mode de jeu et de la visualisation via un joli écran OLED graphique 256 × 64 points. Chacune des quatre sections représente un module de synthèse : enveloppes, oscillateurs, Shapers, filtres, mélangeurs, effets, macros… Nouvelle petite anecdote, la sérigraphie est réalisée sur des plaques magnétiques amovibles, ce qui permet d’en changer au fur et à mesure que le synthé se muscle, ce qui s’est déjà produit plusieurs fois ! En complément de l’édition directe, le C15 intègre un éditeur graphique pilotable en Wifi par n’importe quel navigateur sur PC, tablette ou mobile, avec zoom. L’interface permet également l’échange de programmes et la consultation du mode d’emploi HTML superbement rédigé.
Boitier clavier
Le clavier cinq octaves est sensible à la vélocité (initiale et de relâchement) et à la pression (monophonique, car les capteurs polyphoniques actuels n’ont pas été jugé assez précis). Juste au-dessus, on trouve deux grands rubans de 80 cm dotés de 33 LED de position à intensité variable, assignables à des paramètres de synthèse via un système de macro commandes ou utilisables comme curseurs géants pour l’édition des paramètres, ainsi qu’un génial pitchbend latéral à résistance magnétique sans cran central, qui rappelle celui des synthés Nord. La résolution des contrôleurs physiques (y compris les pédales) est exceptionnelle : 4.000 pas, ça change considérablement la vie par rapport aux 128 pas habituels ! On trouve un second écran OLED graphique (128 × 32 pixels) entouré de 4 touches, permettant de sélectionner les programmes, d’assigner des contrôleurs, d’éditer les sons ou de transposer le clavier (par demi-ton ou par octave), en plus basique que la section d’édition du panneau supérieur. C’est sur le devant du synthé que sont placés la sortie casque avec son potentiomètre de volume dédié à gauche et le potentiomètre de volume global à droite. Là encore, le C15 brille par sa qualité, avec des retraits très travaillés dans le bois, une connectique vissée et des potentiomètres solidement ancrés.
Le reste de la connectique, placée à l’arrière du boitier clavier, est plutôt minimaliste pour une machine de ce rang : deux paires de sorties audio gauche/droite dédoublées (jack 6,35 TRS et XLR), 4 entrées entièrement configurables pour pédales (modulation, CV avec autocalibrage, maintien continu…), une prise USB type A (le C15 étant au départ un hôte) et une borne pour alimentation externe (avec bloc central). On aurait évidemment préféré une alimentation interne universelle, une paire indépendante de sorties stéréo plutôt qu’une paire dédoublée (le synthé étant devenu bitimbral au cours du temps), des sorties CV/Gate pour piloter des synthés analogiques et un vrai trio Midi DIN (le synthé étant aussi devenu Midi très récemment, comme déjà signalé). Bref, un châssis qui demanderait une révision. Un mot sur l’USB : au départ, l’USB était destiné aux unités de type Device (clés USB, contrôleurs). Après l’ajout des fonctionnalités Midi, Nonlinear Labs vend un petit boitier optionnel aimanté (USB bridge) permettant de relier le C15 à un PC hôte. Le synthé peut ainsi être automatisé avec des CC (MSB ou MSB+LSB pour des résolutions de 7 ou 14 bits). En revanche, pas d’audio over USB à ce stade, le C15 peut juste enregistrer 80 minutes d’audio numérique stéréo au format FLAC 24 bits/48 kHz, en tâche de fond (boucle continue des 80 dernières minutes) ou manuellement, avec possibilité d’exporter tout ou partie de l’audio sans perte de qualité.
Singularités sonores
Le C15 a été pensé comme un instrument de musique pour le musicien. Cette phrase d’une banalité presque affligeante cache un positionnement pourtant bien affirmé : d’une part, on trouve un tas de contrôleurs à très haute résolution (4.000 pas, rappelons-le) pour occuper nos mains et nos pieds (clavier, pitchbend, rubans, pédales) ; d’autre part, on ne trouve pas certaines fonctionnalités pourtant habituelles, pour ne pas dire banales, surtout sur un synthé de ce pédigrée : potentiomètres, molette de modulation, LFO, séquenceur, arpégiateur. Le Midi faisait jusqu’à présent défaut, nous l’avons dit, mais les musiciens de studio ont été entendus par le concepteur. Le synthé est livré avec 4.500 Presets réinscriptibles et un nombre indéfini d’emplacements pour les sons utilisateur (la limite n’est pas connue). De quoi bien débuter et apprécier l’originalité de l’instrument. Le temps de chargement des sons est très rapide, avec transition lissée si besoin. Les premiers mots qui viennent à l’esprit à l’écoute des programmes sont musicalité, expressivité, précision, souplesse et complexité. La qualité audio est exceptionnelle, avec absence totale de souffle et niveaux de sortie élevés. L’équilibre sonore est parfait, avec une bande passante très étendue et une stéréo très large.
Le C15 est un instrument de musique organique et subtile, qui met en lumière la qualité de celui qui en joue et pas le contraire. Ses domaines de prédilection sont très variés : pianos électriques (avec modulations sur les tines, différentes couleurs et simulations d’amplis), cordes pincées (guitares, Clavinet, koto, harpes), percussions en tout genre (xylophones, vibraphones, marimba, cloches, gamelans, batteries électroniques), basses (acoustiques, électriques, FM), orgues (rock, classique), instruments à vent (bois et cuivres, en solos et ensembles, classiques et exotiques), cordes frottées (avec de magnifiques strings où l’on contrôle l’attaque d’archet), nappes évolutives en tout genre (textures hybrides façon synthèse vectorielle, sons FM, chœurs fairlighto-synclaviesques, ambiances d’outre-tombe), effets spéciaux à gogo. Entendons-nous bien, quand on parle de sons instrumentaux, il s’agit bien de sons synthétisés, donc on n’a pas le réalisme d’une grosse banque d’échantillons, mais on a le côté organique, vivant, expressif de véritable instruments. Le C15 se différencie également des synthés analogiques dont il n’a pas le grain, et c’est tant mieux, il y en a assez sur le marché ! Les effets internes sont de très grande qualité et parfaitement intégrés, ils embellissent le son. Les enveloppes sont rapides quand c’est nécessaire et surtout expressives et dynamiques, ce qui est crucial. Bref, le C15 tranche dans le mix et sort des sentiers battus.
C’est aussi un synthé qui se programme, notamment grâce à des fonctions fort pratiques : Undo/ Compare/ Recall / Init/ Transition/ Randomisation. La fonction Undo offre un historique complet et des possibilités de navigation dans l’arborescence des annulations. C’est le système le plus sophistiqué que nous ayons trouvé sur un synthé. On gagnera à se pencher de temps à autre sur la bonne dizaine de manuels très bien conçus, téléchargeables sur le site du constructeur (démarrage rapide, guide détaillé et ses mises à jour avec versions PDF et HTML, raccourcis clavier, excellents tutos de programmation, schémas individuels pléthoriques, le luxe !). L’utilisateur pourra ajouter des commentaires à ses programmes pour mieux les repérer. Pour les exemples sonores du test, nos talentueux amis Tinhu et Pulsophonic, heureux propriétaires de C15, nous ont concocté des extraits sonores de leur meilleur cru. Merci à eux, encore une fois !
Moteur audio
Le C15 est polyphonique 24 voix et bitimbral (modes split et layer). Son moteur audio, entièrement numérique et délicatement dénommé « Phase 22 », est l’aboutissement de nombreuses années de développements de modules de synthèse portés sur la plateforme Reaktor de Native Instruments, tels que Spark, Prism, Skanner ou encore Kontour. Il s’agit d’un système évolutif dans lequel les modules sont interconnectés et interagissent, grâce à de nombreuses boucles de feedback. La précision des réglages est diabolique, entre 250 et 15.000 pas, le plus couramment 1.000 pas. Toutes les grandeurs sont exprimées dans leur véritable unité, top ! Pour chaque voix, on dispose de 2 oscillateurs à modulation de phase, 2 Shapers, 2 mixeurs de boucle de retour, un double modulateur en anneau, 2 filtres, un mixeur de sortie et une section effets. De complexes routages permettent de prélever et réinjecter les signaux à différents étages, y compris entre les deux parties dans les modes bitimbraux.
On a donc une combinaison modulation de phase, FM, déformation d’ondes, modélisation physique de corps résonant (filtre en peigne + feedback) et synthèse soustractive. Des enveloppes et des contrôleurs physiques permettent de moduler une très large partie des paramètres disponibles. On pourra se reporter aux différents schémas d’architecture du signal pour se faire une idée globale de l’organisation des modules. La plupart des paramètres ont été conçus pour une grande précision dans les réglages, les modulations et les transitions, afin de rendre le C15 le plus expressif et musical possible, autrement dit organique. Les 24 voix (ou 12+12 en mode split ou 2×12 en mode layer) peuvent être jouées en polyphonie, à l’unisson polyphonique (1 à 12 voix empilées), avec priorité de note, legato et glide. Avec les réglages de dispersion de pitch, de phase et de panoramique en mode unisson, on peut obtenir de très gros sons !
Oscillateurs déformables
Allez, on lève le capot du C15. On commence par les deux branches oscillateurs + Shaper. Chaque oscillateur génère une onde sinus dont la phase peut être modulée de différentes manières pour faire varier son contenu harmonique. Cela s’apparente donc à de la distorsion de phase ou à de la FM linéaire. Il y a trois sources de modulation par oscillateur : automodulation (capable de générer une quasi-dent de scie quand on pousse le réglage, ascendante ou descendante selon le signe du feedback), intermodulation par l’autre oscillateur (permettant d’utiliser simultanément chaque oscillateur comme porteur et modulateur) et feedback (réinjectant la sortie du mixeur global de feedback, conduisant rapidement à différents bruits plus ou moins musicaux). Un filtre antialiasing permet d’éviter les effets numériques indésirables avant modulation. Voici la liste des paramètres disponibles pour chaque oscillateur : pitch (sur 15.000 pas !) avec tempérament clavier programmable, modulation du pitch par l’enveloppe C, suivi de clavier, fluctuations de pitch, fluctuations de l’enveloppe C, phase, automodulation de phase, automodulation par l’enveloppe de branche, automodulation par le Shaper de branche, cross-modulation par l’oscillateur et le Shaper de l’autre branche, cross-modulation par l’enveloppe de l’autre branche, modulation par le mixeur de feedback global, modulation d’amplitude par l’enveloppe de branche, filtre antialiasing. Bref, ça sort déjà des sentiers battus !
Chaque oscillateur entre alors dans un Shaper sinusoïdal, dont le but est de moduler la phase de manière périodique. Le signal est amplifié en entrée par un Drive, qui permet, selon le réglage, une saturation douce ou un repliement d’onde, créant des harmoniques non présentes au départ. Un paramètre d’asymétrie permet de décaler le signal modulé jusqu’à une octave, avant de le réinjecter dans le signal d’origine. La sortie d’une branche peut elle-même être réinjectée dans l’une des deux branches, puis les sorties de chaque branche sont multipliées (modulation en anneau). Le manuel regorge de graphiques expliquant l’action de chaque paramètre sur la forme d’onde initiale, qui finit par ne plus ressembler du tout à un sinus. Les enveloppes disponibles ont un rôle prépondérant pour moduler les paramètres des oscillateurs, des Shapers et des feedbacks. Voici la liste des réglages pour chaque Shaper : drive, modulation du drive par l’enveloppe de branche, repliement d’onde, asymétrie, mixage pré/post filtres, balance oscillateur + Shaper/feedback vers le mixeur, modulation du feedback par l’enveloppe C, mixage de modulation en anneau. Tous ces réglages étant disponibles pour chaque Shaper, on peut faire des intermodulations doubles et croisées. Là, on sort complètement des sentiers battus !
Filtres singuliers et pluriels
Mais ce n’est pas fini… En effet, le C15 est doté de deux puissants filtres complémentaires. Une partie du signal peut contourner l’un, l’autre ou les deux (se reporter au synoptique pour plus de détails). Le premier est un filtre en peigne. L’intérêt de ce filtre est de créer des effets de phase et de la modélisation physique par excitation d’oscillateur (résonateur). On peut ainsi simuler différents types d’instruments à vents, des cordes pincées et des cordes frottées. En entrée, on peut doser la balance des branches A et B. On règle ensuite la fréquence principale et ses modulations directes par l’enveloppe C et le suivi de clavier. Vient ensuite le déclin de la réinjection interne, son temps de Gate et sa modulation par le suivi de clavier. Puis la fréquence centrale du filtre All-Pass 2 pôles intégré, sa modulation par l’enveloppe C, sa modulation par le suivi de clavier et sa résonance. Toujours dans le filtre en peigne, on trouve un filtre passe-haut avec réglages de fréquence de coupure, modulation par l’enveloppe C et suivi de clavier. Enfin, on peut moduler la phase du filtre en peigne par la balance des signaux de sortie des deux branches oscillateur + Shaper.
Le second filtre est un filtre à variable d’état 4 pôles très sophistiqué. En entrée, il reçoit deux signaux : la balance de la sortie des deux branches A et B, ainsi que la balance entre la sortie du filtre en peigne et la sortie des deux branches (ce qui permet de créer des annulations de phase suivant le dosage). On peut régler la fréquence de coupure, sa modulation par l’enveloppe C et son suivi de clavier, ainsi que la résonance, sa modulation par l’enveloppe C et son suivi de clavier. Mieux, le filtre est divisible en deux filtres 2 pôles élémentaires dont on peut doser l’espacement entre les fréquences de coupure, modifier les variables d’état en continu (passe-bas > passe-bas, passe-bande > passe-bas, passe-haut > passe-bas, passe-haut > passe-bande, passe-haut > passe-haut) et la balance série > parallèle. Cela permet de créer une infinité de profils de filtrage sophistiqués en continu, en passant par la réjection de bande, la suppression de phase, etc. Enfin, on peut moduler les fréquences de coupure en audio par la balance entre les sorties des branches A et B. Bref, de quoi tailler dans les ondes sans modération, avec, là encore, une précision diabolique et des possibilités de modulation inédites.
Mélangeurs sonores
Il existe deux mélangeurs majeurs dans le C15. Le premier est un mélangeur de sortie audio, qui récupère les signaux à différents étages, pour les envoyer vers la section effets : sortie de la branche oscillateur + Shaper A, sortie de la branche oscillateur + Shaper B, sortie du filtre en peigne et sortie du filtre à variable d’état. On peut régler le niveau et le panoramique des quatre sources. Un Shaper intégré permet d’ajouter de la saturation ou du repliement de spectre avant la sortie. La sortie stéréo du mélangeur est modulable par le suivi de clavier ou une macro commande. Cela aurait été bien d’ajouter d’autres sources de modulation, comme l’enveloppe C ou un générateur aléatoire (faute de LFO).
Le second mélangeur est dédié à la réinjection audio. Il récupère la sortie du filtre en peigne, la sortie du filtre à variable d’état et la sortie des effets (avec réglage indépendant de la balance Wet/Dry pour la réverbe). Un Shaper intégré permet d’apporter de la distorsion ou du repliement de spectre. Le niveau de sortie peut être modulé par le suivi de clavier, avant que le signal ne soit réinjecté à différents étages : modulation audio des oscillateurs A et B, entrées des modulateurs en anneau A et B. Ces possibilités de routage et de traitements audio très puissantes font du C15 un instrument à part, qui n’est pas sans rappeler le Solaris, également doté de possibilités de mixage et de réinjection très sophistiquées. Lorsque le C15 utilise un programme bitimbral, le mélangeur de sortie d’un canal peut être injecté dans la section effets de l’autre canal. Il en est de même pour la sortie d’un mélangeur de feedback d’un canal, qui peut être réinjectée vers les modules de l’autre canal, c’est bien plus que deux sons en parallèle, génial !
Effets haut de gamme
La sortie stéréo du mélangeur de sortie attaque la section effets. Celle-ci est constituée de cinq effets dédiés placés en série : flanger, cabinet, filtre à écart, écho et réverbe. Ils offrent de 5 à 12 paramètres. Certains sont modulables en temps réel par une macro commande, mais aucun paramètre temporel n’est synchronisable à une quelconque horloge, puisqu’il n’y a ni LFO, ni arpégiateur, ni séquenceur. Peut-être serait-il judicieux de le prévoir maintenant que l’appareil intègre le Midi. Dans les modes bitimbraux, chaque canal dispose d’un ensemble d’effets distinct, qui peut, rappelons-le, traiter tout ou partie de l’autre canal, merci !
Le flanger est stéréo, avec modulation du temps par un LFO et une enveloppe, réglages de décalage de phase entre les canaux gauche/droit, délais stéréo modulables, filtre All-Pass modulable, réinjection dosable, cross modulation et atténuation des hautes fréquences. Le LFO du flanger peut également être utilisé pour générer un trémolo, avec effet stéréo suivant le décalage de phase entre les canaux gauche/droite. Le cabinet est un simulateur d’ampli avec saturation, repliement de spectre, réglage de symétrie et EQ. Le filtre à écart est un double filtre 4 pôles résonants agissant sur les canaux gauche et droit, avec réglage d’espacement de fréquence permettant de créer des effets stéréo intéressants. L’écho est un effet délai stéréo dont les temps peuvent être différenciés entre les canaux gauche et droit, avec crossfade et feedback. Enfin, la réverbe simule une pièce dont on peut changer le temps de manière drastique (de la pièce très courte à la cathédrale de Chartres), le prédélai, la couleur (de mate à brillante) et la densité (chorus). La qualité de cette section effet est excellente, rien de tarabiscoté, priorité à la qualité.
Modulations à étages
On commence par les trois enveloppes A, B et C. Les deux premières (A et B) sont destinées à moduler leur branche respective oscillateur + Shaper et le volume, alors que la troisième © est préassignée à d’autres paramètres dans les différents modules (fréquences d’oscillateur, fréquences de coupure des filtres, résonances, feedbacks…). Il s’agit d’enveloppes ADBDSR. Pour les temps : attaque à courbe variable (de convexe à concave), déclin linéaire, déclin exponentiel et relâchement exponentiel. Pour les niveaux : rupture (entre les deux déclins) et maintien (avant le relâchement), sans oublier le niveau maximum après l’attaque. Les temps varient de 0 à 16 secondes, chacun étant individuellement modulable par la vélocité initiale ou de relâchement, selon le cas. Les temps sont globalement modulables par le suivi de clavier. Les niveaux sont globalement modulables par la vélocité et le suivi de clavier. Temps et niveaux sont également modulables par les macro commandes (cf. ci-après). Sur la troisième enveloppe ©, les niveaux de rupture et de maintien sont bipolaires, bien vu ! Ces enveloppes sont vraiment souples, allant d’hyper percussives à lentement évolutives. Il manque cependant des possibilités de bouclage pour pallier l’absence de LFO ou autres fonctions cycliques.
Le C15 organise ses modulations physiques en trois étages : les contrôleurs physiques (clavier, rubans, pitchbend, pédales), les macro commandes (routages intermédiaires) et les destinations (routages finaux). Il y a 8 contrôleurs physiques définis comme tels : pression clavier, pitchbend, rubans 1–2, pédales 1–2–3–4, dont la position initiale (offset) et la quantité de modulation sont paramétrables pour chaque macro commande. Pour les rubans et les pédales, on peut spécifier le comportement lors du relâchement : aucun retour, retour à zéro, retour au centre. Il y a 6 macro commandes. Dès qu’un paramètre de synthèse est assignable, l’écran principal affiche la position de modulation (offset), le choix de la macro commande source (A, B, C, D, E ou F) et la quantité de modulation (bipolaire). La résolution hors norme de 4.000 pas, déjà signalée, explique l’expressivité sans pareille du C15. Avec le recul, on pourrait regretter l’absence de véritable matrice de modulation, permettant d’assigner simplement n’importe quelle source (physique ou calculée) à n’importe quelle modulation, Nonlinear Labs ayant choisi de limiter les sources et préassigner les destinations en dehors des macro commandes.
Bonne route !
Après six ans de mutations diverses, le C15 est bon pour la circulation. Pas sur les routes de campagne, mais dans les studios élitistes ou chez les musiciens passionnés par les beaux instruments. C’est un synthé racé qui ne conviendra pas à tout le monde. On apprécie sa musicalité, l’expressivité de ses modulations, la puissance de son moteur sonore, la précision de ses réglages, sa fabrication haute couture et les différentes formules de commercialisation proposées par Nonlinear Labs. On regrette l’absence de modulations cycliques (LFO, arpégiateur, séquenceur), la connectique un peu juste, le manque d’audio via USB et l’absence de commandes directes, telles que potentiomètres ou encodeurs. Certains de ces points pourront faire l’objet d’améliorations logicielles, le constructeur ayant déjà su écouter ses clients pour repositionner son produit. Désormais mieux intégré aux utilisations studio, le C15 n’en demeure pas moins un formidable instrument de musique électronique qui ravira les musiciens les plus exigeants, décidés à sortir des sentiers battus. Nous lui décernons l’Award Audiofanzine Valeur Sûre 2021.
Interview de Stephan Schmitt, fondateur de Nonlinear Labs
Peux-tu nous en dire plus à ton sujet ?
Je suis né il y a 63 ans dans le sud de l’Allemagne. J’ai grandi à Hanovre et j’ai étudié l’ingénierie électronique à Brunswick. Depuis 33 ans, je vis et travaille à Berlin. J’ai été employé comme développeur électronique pour les systèmes de communication et audio avant de fonder Native Instruments en 1996.
Je joue du clavier depuis que j’ai 15 ans. Je n’ai jamais atteint un niveau professionnel en tant que musicien, mais comme ingénieur j’ai toujours eu un profond intérêt pour le traitement du signal et la synthèse sonore. De sorte que j’ai vu un grand intérêt quand les ordinateurs sont devenus assez puissants pour créer des synthés logiciels. Avec NI nous avons été des pionniers dans ce domaine.
Pourquoi avoir créé Nonlinear Labs après Native Instruments ?
NI connait beaucoup de succès comme développeur d’outils pour les producteurs de musique électronique. Comme j’ai une passion pour la musique live, j’ai décidé de me concentrer sur les instruments numériques qui pouvaient être joués avec expressivité. C’était mieux de le faire à travers une entreprise spécialisée dans ce genre de produit.
Que souhaitais-tu apporter de nouveau avec le C15 ?
Notre but était de créer un instrument avec un moteur sonore numérique capable de répondre au jeu avec beaucoup de dynamique. C’était important de l’équiper d’un excellent clavier. Nous nous sommes aussi efforcés de créer une interface utilisateur sous la forme d’une surface ergonomique permettant une édition sonore étendue.
Quelles ont été les plus grosses difficultés du projet ?
Nous avons commencé avec une équipe réduite et jeune ; nous avons dû gagner de l’expérience en ingénierie et production d’éléments mécaniques, ainsi qu’en écriture de logiciels pour système embarqué. Cela a nécessité de la patience et du temps pour atteindre le niveau de qualité et de performance que nous avions ciblé.
Quels sont les avantages compétitifs du C15 ?
- Le moteur de synthèse unique qui peut sonner étonnamment organique et complexe.
- La jouabilité, la réponse et la résolution du clavier et des sources de contrôles.
- L’interface utilisateur matérielle qui rend les paramètres très accessibles.
- L’interface utilisateur graphique accessible par navigateur à partir de n’importe quel appareil Wifi.
- Les matériaux et la qualité de construction.
- L’évolution permanente du logiciel.
Quelles sont les prochaines améliorations envisagées ?
De futures mises à jour logicielles apporteront des extensions aux routages de modulation, ainsi que des améliorations du moteur audio et de l’interface utilisateur. Nous travaillerons aussi sur les modulations et le chargement de programmes « par voix » ainsi que le morphing. Le but est d’obtenir des transitions parfaites entre chaque programme et l’expression polyphonique (peut-être le MPE). Une version matérielle du synthé avec pression polyphonique serait alors envisageable, mais faisable seulement en collaboration avec le fabricant de clavier.
Pour faire du C15 une machine évolutive, l’interface utilisateur est recouverte de feuilles magnétiques. Cela permet de remplacer le moteur de synthèse courant par quelque chose de complètement différent. Pour cela nous livrerons un installateur du logiciel et un nouvel ensemble de feuilles magnétiques, que l’utilisateur pourra changer lui-même. Nous travaillons en ce moment sur les prototypes de nouveaux moteurs de synthèse, mais cela prendra du temps avant que nous atteignions le niveau de l’actuel moteur « Phase 22 ».
Y a-t-il de nouveaux instruments prévus dans ta feuille de route ?
Oui, nous développons un deuxième produit, forts de l’expérience acquise avec le C15.
Quelles sont tes passions en dehors de ton entreprise ?
La musique est très importante pour moi. Du coup, j’ai la volonté de me former sur la théorie et la pratique pour devenir un meilleur musicien. J’aime aussi passer du temps dans la verdure.