Présenté pour la première fois en 2015, le C15 a récemment reçu de substantielles améliorations qui parachèvent le travail de longue haleine entrepris par son concepteur. Autant de bonnes raisons de le tester cet instrument aussi unique que rare…
![Test du C15 de Nonlinear Labs : Objet Vibrant Non Identifié](https://img.audiofanzine.com/img/fr/article/cover/3686.jpg?fm=pjpg&w=704&h=396&fit=fill&s=67a5393a4bec4edc1f77012399326e09)
Voici les exemples audio réalisés par Tinhu
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/490463.png)
- 01 Vibrations01:27
- 02 Un the ron01:02
- 03 Water celeste01:00
- 04 Clavi (multi)01:16
- 05 Snif… (multi)01:04
- 06 Femme à barbe00:20
- 07 Time to Toys (multi)01:02
- 08 Joint de culasse…01:01
- 09 Trop super !!!00:34
- 10 Percudingue01:14
- 11 Très très effrayaaaannnt !!! (multi)01:26
- 12 Heaven (multi)01:40
- 13 D Pomk00:37
- 14 Renaissance02:28
- 15 Grand départ01:13
- 16 Aspirine !01:02
- 17 Cap horn01:32
- 18 Cloud01:50
- 19 Deglingo mallet00:43
- 20 Lande sirupeuse00:56
- 21 Criket drone01:02
- 22 Vibes00:43
- 23 Ya qu_une télé…00:42
- 24 Il watoo… (multi, multi)02:00
- 25 Clem (multi,multi, multi)01:04
Voici les exemples audio réalisés par Pulsophonic
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/490538.png)
- Burning child00:32
- ça tri à Nice00:33
- Cachez les poules00:58
- End of time01:23
- Moderna injection00:37
- Satisfaction du C15.200:58
- Vangelis01:31
- Velocity lead00:54
- Very Daft example00:51
La grande classe
L’interface utilisateur du panneau supérieur rappelle un peu le Synclavier ou certains synthés Ensoniq des 80’s, avec des boutons pour sélectionner la fonction à éditer et un encodeur central (avec touches d’incrémentation/décrémentation, retour à la valeur par défaut, résolution fine) pour modifier les valeurs. Ce n’est donc pas l’interface la plus moderne du marché, mais elle se révèle très efficace et plus pratique ici que ne le serait un grand écran tactile. Le panneau de commandes est divisé en cinq sections, quatre placées de part et d’autre de la section centrale, chargée de l’édition, de la sélection du mode de jeu et de la visualisation via un joli écran OLED graphique 256 × 64 points. Chacune des quatre sections représente un module de synthèse : enveloppes, oscillateurs, Shapers, filtres, mélangeurs, effets, macros… Nouvelle petite anecdote, la sérigraphie est réalisée sur des plaques magnétiques amovibles, ce qui permet d’en changer au fur et à mesure que le synthé se muscle, ce qui s’est déjà produit plusieurs fois ! En complément de l’édition directe, le C15 intègre un éditeur graphique pilotable en Wifi par n’importe quel navigateur sur PC, tablette ou mobile, avec zoom. L’interface permet également l’échange de programmes et la consultation du mode d’emploi HTML superbement rédigé.
Boitier clavier
Singularités sonores
Moteur audio
On a donc une combinaison modulation de phase, FM, déformation d’ondes, modélisation physique de corps résonant (filtre en peigne + feedback) et synthèse soustractive. Des enveloppes et des contrôleurs physiques permettent de moduler une très large partie des paramètres disponibles. On pourra se reporter aux différents schémas d’architecture du signal pour se faire une idée globale de l’organisation des modules. La plupart des paramètres ont été conçus pour une grande précision dans les réglages, les modulations et les transitions, afin de rendre le C15 le plus expressif et musical possible, autrement dit organique. Les 24 voix (ou 12+12 en mode split ou 2×12 en mode layer) peuvent être jouées en polyphonie, à l’unisson polyphonique (1 à 12 voix empilées), avec priorité de note, legato et glide. Avec les réglages de dispersion de pitch, de phase et de panoramique en mode unisson, on peut obtenir de très gros sons !
Oscillateurs déformables
Chaque oscillateur entre alors dans un Shaper sinusoïdal, dont le but est de moduler la phase de manière périodique. Le signal est amplifié en entrée par un Drive, qui permet, selon le réglage, une saturation douce ou un repliement d’onde, créant des harmoniques non présentes au départ. Un paramètre d’asymétrie permet de décaler le signal modulé jusqu’à une octave, avant de le réinjecter dans le signal d’origine. La sortie d’une branche peut elle-même être réinjectée dans l’une des deux branches, puis les sorties de chaque branche sont multipliées (modulation en anneau). Le manuel regorge de graphiques expliquant l’action de chaque paramètre sur la forme d’onde initiale, qui finit par ne plus ressembler du tout à un sinus. Les enveloppes disponibles ont un rôle prépondérant pour moduler les paramètres des oscillateurs, des Shapers et des feedbacks. Voici la liste des réglages pour chaque Shaper : drive, modulation du drive par l’enveloppe de branche, repliement d’onde, asymétrie, mixage pré/post filtres, balance oscillateur + Shaper/feedback vers le mixeur, modulation du feedback par l’enveloppe C, mixage de modulation en anneau. Tous ces réglages étant disponibles pour chaque Shaper, on peut faire des intermodulations doubles et croisées. Là, on sort complètement des sentiers battus !
Filtres singuliers et pluriels
Le second filtre est un filtre à variable d’état 4 pôles très sophistiqué. En entrée, il reçoit deux signaux : la balance de la sortie des deux branches A et B, ainsi que la balance entre la sortie du filtre en peigne et la sortie des deux branches (ce qui permet de créer des annulations de phase suivant le dosage). On peut régler la fréquence de coupure, sa modulation par l’enveloppe C et son suivi de clavier, ainsi que la résonance, sa modulation par l’enveloppe C et son suivi de clavier. Mieux, le filtre est divisible en deux filtres 2 pôles élémentaires dont on peut doser l’espacement entre les fréquences de coupure, modifier les variables d’état en continu (passe-bas > passe-bas, passe-bande > passe-bas, passe-haut > passe-bas, passe-haut > passe-bande, passe-haut > passe-haut) et la balance série > parallèle. Cela permet de créer une infinité de profils de filtrage sophistiqués en continu, en passant par la réjection de bande, la suppression de phase, etc. Enfin, on peut moduler les fréquences de coupure en audio par la balance entre les sorties des branches A et B. Bref, de quoi tailler dans les ondes sans modération, avec, là encore, une précision diabolique et des possibilités de modulation inédites.
Mélangeurs sonores
Le second mélangeur est dédié à la réinjection audio. Il récupère la sortie du filtre en peigne, la sortie du filtre à variable d’état et la sortie des effets (avec réglage indépendant de la balance Wet/Dry pour la réverbe). Un Shaper intégré permet d’apporter de la distorsion ou du repliement de spectre. Le niveau de sortie peut être modulé par le suivi de clavier, avant que le signal ne soit réinjecté à différents étages : modulation audio des oscillateurs A et B, entrées des modulateurs en anneau A et B. Ces possibilités de routage et de traitements audio très puissantes font du C15 un instrument à part, qui n’est pas sans rappeler le Solaris, également doté de possibilités de mixage et de réinjection très sophistiquées. Lorsque le C15 utilise un programme bitimbral, le mélangeur de sortie d’un canal peut être injecté dans la section effets de l’autre canal. Il en est de même pour la sortie d’un mélangeur de feedback d’un canal, qui peut être réinjectée vers les modules de l’autre canal, c’est bien plus que deux sons en parallèle, génial !
Effets haut de gamme
Le flanger est stéréo, avec modulation du temps par un LFO et une enveloppe, réglages de décalage de phase entre les canaux gauche/droit, délais stéréo modulables, filtre All-Pass modulable, réinjection dosable, cross modulation et atténuation des hautes fréquences. Le LFO du flanger peut également être utilisé pour générer un trémolo, avec effet stéréo suivant le décalage de phase entre les canaux gauche/droite. Le cabinet est un simulateur d’ampli avec saturation, repliement de spectre, réglage de symétrie et EQ. Le filtre à écart est un double filtre 4 pôles résonants agissant sur les canaux gauche et droit, avec réglage d’espacement de fréquence permettant de créer des effets stéréo intéressants. L’écho est un effet délai stéréo dont les temps peuvent être différenciés entre les canaux gauche et droit, avec crossfade et feedback. Enfin, la réverbe simule une pièce dont on peut changer le temps de manière drastique (de la pièce très courte à la cathédrale de Chartres), le prédélai, la couleur (de mate à brillante) et la densité (chorus). La qualité de cette section effet est excellente, rien de tarabiscoté, priorité à la qualité.
Modulations à étages
Le C15 organise ses modulations physiques en trois étages : les contrôleurs physiques (clavier, rubans, pitchbend, pédales), les macro commandes (routages intermédiaires) et les destinations (routages finaux). Il y a 8 contrôleurs physiques définis comme tels : pression clavier, pitchbend, rubans 1–2, pédales 1–2–3–4, dont la position initiale (offset) et la quantité de modulation sont paramétrables pour chaque macro commande. Pour les rubans et les pédales, on peut spécifier le comportement lors du relâchement : aucun retour, retour à zéro, retour au centre. Il y a 6 macro commandes. Dès qu’un paramètre de synthèse est assignable, l’écran principal affiche la position de modulation (offset), le choix de la macro commande source (A, B, C, D, E ou F) et la quantité de modulation (bipolaire). La résolution hors norme de 4.000 pas, déjà signalée, explique l’expressivité sans pareille du C15. Avec le recul, on pourrait regretter l’absence de véritable matrice de modulation, permettant d’assigner simplement n’importe quelle source (physique ou calculée) à n’importe quelle modulation, Nonlinear Labs ayant choisi de limiter les sources et préassigner les destinations en dehors des macro commandes.
Bonne route !
Après six ans de mutations diverses, le C15 est bon pour la circulation. Pas sur les routes de campagne, mais dans les studios élitistes ou chez les musiciens passionnés par les beaux instruments. C’est un synthé racé qui ne conviendra pas à tout le monde. On apprécie sa musicalité, l’expressivité de ses modulations, la puissance de son moteur sonore, la précision de ses réglages, sa fabrication haute couture et les différentes formules de commercialisation proposées par Nonlinear Labs. On regrette l’absence de modulations cycliques (LFO, arpégiateur, séquenceur), la connectique un peu juste, le manque d’audio via USB et l’absence de commandes directes, telles que potentiomètres ou encodeurs. Certains de ces points pourront faire l’objet d’améliorations logicielles, le constructeur ayant déjà su écouter ses clients pour repositionner son produit. Désormais mieux intégré aux utilisations studio, le C15 n’en demeure pas moins un formidable instrument de musique électronique qui ravira les musiciens les plus exigeants, décidés à sortir des sentiers battus. Nous lui décernons l’Award Audiofanzine Valeur Sûre 2021.
Interview de Stephan Schmitt, fondateur de Nonlinear Labs
Peux-tu nous en dire plus à ton sujet ?
Je suis né il y a 63 ans dans le sud de l’Allemagne. J’ai grandi à Hanovre et j’ai étudié l’ingénierie électronique à Brunswick. Depuis 33 ans, je vis et travaille à Berlin. J’ai été employé comme développeur électronique pour les systèmes de communication et audio avant de fonder Native Instruments en 1996.
Je joue du clavier depuis que j’ai 15 ans. Je n’ai jamais atteint un niveau professionnel en tant que musicien, mais comme ingénieur j’ai toujours eu un profond intérêt pour le traitement du signal et la synthèse sonore. De sorte que j’ai vu un grand intérêt quand les ordinateurs sont devenus assez puissants pour créer des synthés logiciels. Avec NI nous avons été des pionniers dans ce domaine.
Pourquoi avoir créé Nonlinear Labs après Native Instruments ?
NI connait beaucoup de succès comme développeur d’outils pour les producteurs de musique électronique. Comme j’ai une passion pour la musique live, j’ai décidé de me concentrer sur les instruments numériques qui pouvaient être joués avec expressivité. C’était mieux de le faire à travers une entreprise spécialisée dans ce genre de produit.
Que souhaitais-tu apporter de nouveau avec le C15 ?
Notre but était de créer un instrument avec un moteur sonore numérique capable de répondre au jeu avec beaucoup de dynamique. C’était important de l’équiper d’un excellent clavier. Nous nous sommes aussi efforcés de créer une interface utilisateur sous la forme d’une surface ergonomique permettant une édition sonore étendue.
Quelles ont été les plus grosses difficultés du projet ?
Nous avons commencé avec une équipe réduite et jeune ; nous avons dû gagner de l’expérience en ingénierie et production d’éléments mécaniques, ainsi qu’en écriture de logiciels pour système embarqué. Cela a nécessité de la patience et du temps pour atteindre le niveau de qualité et de performance que nous avions ciblé.
Quels sont les avantages compétitifs du C15 ?
- Le moteur de synthèse unique qui peut sonner étonnamment organique et complexe.
- La jouabilité, la réponse et la résolution du clavier et des sources de contrôles.
- L’interface utilisateur matérielle qui rend les paramètres très accessibles.
- L’interface utilisateur graphique accessible par navigateur à partir de n’importe quel appareil Wifi.
- Les matériaux et la qualité de construction.
- L’évolution permanente du logiciel.
Quelles sont les prochaines améliorations envisagées ?
De futures mises à jour logicielles apporteront des extensions aux routages de modulation, ainsi que des améliorations du moteur audio et de l’interface utilisateur. Nous travaillerons aussi sur les modulations et le chargement de programmes « par voix » ainsi que le morphing. Le but est d’obtenir des transitions parfaites entre chaque programme et l’expression polyphonique (peut-être le MPE). Une version matérielle du synthé avec pression polyphonique serait alors envisageable, mais faisable seulement en collaboration avec le fabricant de clavier.
Pour faire du C15 une machine évolutive, l’interface utilisateur est recouverte de feuilles magnétiques. Cela permet de remplacer le moteur de synthèse courant par quelque chose de complètement différent. Pour cela nous livrerons un installateur du logiciel et un nouvel ensemble de feuilles magnétiques, que l’utilisateur pourra changer lui-même. Nous travaillons en ce moment sur les prototypes de nouveaux moteurs de synthèse, mais cela prendra du temps avant que nous atteignions le niveau de l’actuel moteur « Phase 22 ».
Y a-t-il de nouveaux instruments prévus dans ta feuille de route ?
Oui, nous développons un deuxième produit, forts de l’expérience acquise avec le C15.
Quelles sont tes passions en dehors de ton entreprise ?
La musique est très importante pour moi. Du coup, j’ai la volonté de me former sur la théorie et la pratique pour devenir un meilleur musicien. J’aime aussi passer du temps dans la verdure.