25 ans après la sortie de la Taurus, Moog Music ressuscite la mythique pédale basse, responsable de la mise sur orbite d’une grande quantité de gamelles de HP mal fixées à leur caisson. Au-delà du son, ont-ils réussi à conserver l’âme si particulière de l’ancêtre tout en lui ajoutant des éléments au goût du jour ?
En 1976, sous la houlette de Bob Moog, Dave Luce développe une pédale basse autour du VCF du module 904A. Objectif, permettre aux musiciens d’ajouter des sons de basse à leur performance tout en conservant les mains libres pour leur instrument (synthés, guitares, basses…). La Taurus connaît alors un franc succès auprès des groupes de rock progressif jusqu’au début des années 80. Elle doit ce succès à la fois au son gras et précis qu’elle produit, mais aussi dans l’émotion qu’elle procure. C’est un véritable instrument qu’il faut avoir joué sur une sono adéquate pour le comprendre : ça passe par les tripes ! Carrossée dans une lourde boîte en bois et alu, elle offre un pédalier 1 octave, 3 programmes fixes et un compartiment central avec des faders pour programmer le 4e son utilisateur. Plus tard, une Taurus 2 voit le jour, sous forme de module et pédalier scindés, mais sans l’âme originelle. C’est fin 2009, après des années de pression d’aficionados désespérés, que Moog Music décide de rééditer la bête. Mise sur le marché courant 2010, la Taurus 3 a déjà séduit presque un millier de fans, à tel point que la production initialement prévue de 1000 modèles a été étendue à 1500. Voyons en détail les raisons de ce succès…
Envie de jouer
Digne héritière de son ancêtre, la Taurus 3 est une solide pédale basse 13 touches faite d’alu, d’acier et de bois, conçue et produite à la main chez Moog Music. L’objet est magnifique et le soin de fabrication exemplaire, ce qui établit immédiatement une relation de confiance entre le musicien et l’instrument. Les 20 kg nécessitent d’avoir une musculature conséquente ou un roadie dévoué sous la main (ou le pied). Un flight case s’impose, ce qui alourdit le colis ! Le panneau avant est idéalement incliné, que ce soit pour le placement au sol ou sur une table (solide). Le LCD bleu flashy 2 × 16 caractères, les boutons ronds / carrés multicolores, le profil boisé et le galbe du panneau arrière rappellent indéniablement le Little Phatty. On doit ce look très réussi à Axel Hartmann (Monsieur Neuron, aussi auteur du design des Waldorf Wave / Q et de l’Alesis Andromeda). La comparaison au Little Phatty s’arrête là, puisque l’électronique interne en est totalement différente.
La prise en main est rapide : à gauche du panneau avant, on trouve la section de commande (LCD, touches de mode / navigation et encodeur sans fin) protégée d’éventuels coups de pieds par une barre en inox. Vient ensuite la section de programmation, composée de 9 boutons à 2 fonctions que l’on commute avec un 10e bouton séparé. Pour changer un paramètre, on appelle par l’un de ces boutons et on le modifie à l’aide de la grosse molette de droite. Cette dernière est un petit bijou d’ergonomie. Elle offre une résistance aux mouvements idéale (rappelons qu’elle est destinée à être jouée au pied), bien plus ergonomique que les gros faders linéaires de la Taurus d’origine. De plus, elle est rétroéclairée et sa position physique est repérée par une petite diode horizontale, idéal pour les ambiances obscures au ras du sol. Enfin, une rangée « verticale » de 15 diodes permet de visualiser la valeur stockée quand on change de paramètre à éditer. Comme celle-ci ne correspond pas forcément à la position physique de la molette, Moog a astucieusement prévu les modes de réponse « saut » ou « seuil ». Cette molette a un alter ego tout à gauche, dédié au volume (conception identique, mais sans rangée de LED). Toutes ces commandes répondent de manière très fluide, la résolution se faisant sur 12 bits (4096 valeurs). Il existe même un mode Midi en 14 bits pour les plus tatillons.
La partie inférieure du panneau avant renferme 9 interrupteurs au pied pour le jeu live : changement de programme (13 banques de 4), transposition, le glide, le déclin d’enveloppe et le changement d’octave. Le clavier offre 13 pédales sensibles à la vélocité de jeu. Le paramètre est pour le moment uniquement émis en Midi, mais Moog a prévu d’ajouter des destinations internes dans un prochain OS (1.13 testé). La réponse au jeu est superbe, en dépit d’un angle assez prononcé par rapport à l’horizontale, plus fort que la Taurus d’origine. Une qualité de jeu indéniable se dégage de l’instrument, où tout semble avoir été véritablement prévu pour se passer des mains. La connectique est regroupée sur le panneau gauche : interrupteur marche / arrêt, prise 3 broches pour cordon secteur (alimentation interne automatique), 2 sorties audio mono (impédances haute et basse), 4 entrées de modulation (CV Pitch en V/Octave, CV volume, CV filtre et Gate), entrée / sortie Midi et prise USB-Midi. Seule ombre au tableau, l’absence d’entrée audio pour bénéficier du filtre de la machine.
La grosse claque !
Taurus VS Taurus 3
C’est grâce à Olivier « Oliswax », membre AF, bassiste et heureux propriétaire d’une Taurus de 1979 parfaitement calibrée, que nous avons pu faire ce quiz / comparatif sonore. Oliswax est fan de Police et, bassiste oblige, de Sting en particulier. Comme le Maître, il ne part pas sur scène sans sa Taurus, son Minimoog et sa basse Ibanez fretless… Merci à lui pour cette coopération et son énorme ampli basse qui a fait passer la Lorraine en zone parasismique, potard à 3 sur une échelle de 10 ! Pour ce petit quiz, nous avons demandé à Olivier de faire des pieds et des mains, en jouant tour à tour les 3 Presets de sa Taurus et ceux de la Taurus 3. OK, mais dans quel ordre ? Le premier exemple est le son « Taurus » bien gras filtre à moitié ouvert, Decay long et oscillateurs en quasi phasing. L’exemple audio est coupé en 2 parties d’égale durée : les 2 Taurus sont jouées tour à tour, mais laquelle en premier ? Le deuxième exemple reprend le Preset « Tuba », filtre fermé et Decay moyen. En tout, 4 séquences s’enchaînent, mais a-t-on alterné ou pas les 2 Taurus ? Si le son est gras dans les deux cas, on perçoit toutefois de petites disparités dans la couleur du filtre fermé. Enfin le troisième exemple (notre préféré), reprend le Preset « Bass ». Celui-là on l’aime tout particulièrement, car il permet d’apprécier les VCO qui flangent (ce sont des dents-de-scie, mais on dirait presque des impulsions à largeur modulée), le grain du filtre en Decay court et le boost du VCA. Là encore, 4 séquences quasi identiques s’enchaînent, mais dans quel ordre les Taurus sont-elles jouées ? Les réponses à ces questions seront données dans le forum lorsque suffisamment de membres auront tenté leur chance… Allez hop, faites vos jeux ! |
La Taurus offrait 3 Presets et un programme « variable » pour l’utilisateur. La Taurus 3 passe à 52 programmes internes dont 4 Presets fixes. Le premier, « Taurus III », est un son original, mais les 3 suivants (« Taurus », « Tuba », « Bass »), reprennent à l’identique ceux de la Taurus : les exemples audio permettent de se forger une idée sur la qualité de reproduction de l’originelle. Pour ceux qui aiment les comparatifs et les devinettes, les 3 Presets d’origine ont été joués sur les 2 bécanes (cf. encadré pour les résultats). L’examen des programmes usine donne immédiatement la banane, puisqu’on retrouve ce son à la fois gras, puissant et précis. Là où la plupart des synthés s’éparpillent ou perdent en intensité, la Taurus 3 est toujours là, pesante sans être lourde, avec cette saturation naturelle et ce pic de niveau grave si caractéristique. Pas besoin de Sub VCO pour épaissir le son !
En réduisant le battement des VCO (sorte de detune), on obtient des basses toujours bien consistantes, sans effet de suppression de phase comme cela se produit sur 99% des synthés. Nous verrons pourquoi plus tard… En tripotant le filtre, on obtient des saturations très subtiles, liése au niveau élevé des VCO qui y entrent, faisant partie de l’alchimie de la Taurus. La résonance est oscillante, comme sur le filtre Moog 4 pôles à échelle. Pour faciliter le transit intestinal, rien de tel que de basculer à l’octave inférieure, mais gare aux gamelles !
- Taurus 3 – son – Quiz kieki 2 Preset Taurus01:01
- Taurus 3 – son – Quiz kieki 4 Preset Bass00:35
- Taurus 3 – son – Quiz kieki 3 Preset Tuba00:34
En Hertz par volt
La Taurus 3 reprend le même design des composants électroniques que son aînée, donc répétons-le pour que ce soit clair, vraiment rien à voir avec le Little Phatty. À commencer par les VCO qui travaillent en Hz/V, comme sur la Taurus, et non en V/Octave. En Hz/V, la relation entre la fréquence et le CV est linéaire (lorsqu’on monte d’une octave, la fréquence et la tension sont doublées) ; en V/Octave, lorsqu’on augmente d’une octave, on double la fréquence, mais on ajoute 1 Volt à la tension. Les signaux doivent être convertis par un composant qui nécessite de chauffer pour se stabiliser sur une tessiture étendue. En Hz/V, ce composant n’existe pas, ce qui permet d’avoir tout de suite une très bonne stabilité des oscillateurs. Revers de la médaille, cette conception limite toutefois la fréquence maximale que la machine peut offrir au DO3, mais ceci ne pose aucun problème vu l’utilisation « basse ».
Tout comme son ancêtre, la Taurus 3 offre 2 VCO simples avec ondes dent de scie. Donc pas de carré, triangles et autres impulsions si communes aux synthés classiques, ce qui n’est au final pas trop gênant dans les graves. Il n’y a pas non plus d’interaction possible entre les VCO, de type synchro ou modulation en anneau, c’est bien dommage ! Les VCO, qui travaillent sur une plage de 5 octaves, peuvent être désaccordés grâce à un réglage fin de battement. Comme nous l’avons dit, la conception des VCO est telle qu’il n’y a aucun effet de suppression de phase lorsqu’on approche les fréquences, ce qui permet ce son grave très précis assez unique. Un paramètre de glide permet d’ajouter du portamento entre les notes, pour donner davantage de caractère aux attaques de basses.
904A inside
À la sortie des VCO, le son est subtilement mixé et attaque le VCF à des tensions très élevées. L’observation à l’oscilloscope fait apparaître un écrêtage très net dans l’onde dent de scie, synonyme de distorsion, qui a pour effet d’accentuer la fondamentale et d’amener une compression naturelle sans saturer le filtre. Ce dernier est à l’origine une copie du filtre 904A présent sur les modulaires Moog. Il s’agit du filtre passe-bas 4 pôles à échelle classique qui a fait la réputation de la marque. Ce filtre, dont la coupure couvre la plage 20 Hz – 20 kHz, offre la particularité d’aller jusqu’à l’auto-oscillation de la résonance sans effondrement du volume.
On en reconnaît le grain typique dans les exemples audio joints. Nous avons tout particulièrement apprécié la réponse ultra fluide de la coupure, grâce au codage 12 bits, comme c’est le cas pour tous les paramètres « continus ». Pour régler rapidement les 4096 valeurs possibles, mieux vaut utiliser la molette de droite que l’encodeur sous l’écran, ce dernier étant à réserver pour les réglages fins (à moins de vouloir améliorer sa force de frappe au Babyfoot, encore une histoire de gamelles…). À la saturation naturelle du filtre qui permet d’avoir un son bien gras s’ajoute un couplage très judicieux VCF / VCA qui renforce le bas du spectre à 20 Hz et le rend bien consistant.
- Taurus 3 – son – Bass Sweep00:20
- Taurus 3 – son – Bass Octave00:10
- Taurus 3 – son – Bass Fretless00:14
- Taurus 3 – son – Bass et JP-8 stabs00:21
- Taurus 3 – son – Bass Q100:13
- Taurus 3 – son – Bass Q200:14
- Taurus 3 – son – Bass Q300:18
- Taurus 3 – son – Bass Q400:14
- Taurus 3 – son – Bass et JP-8 pad00:22
Modulations limitées
Tout comme son modèle, la Taurus 3 offre 2 enveloppes très simples affectées dans le dur. La première, de type AD, est dédiée à la coupure du filtre. L’attaque varie de 5 ms à 560 ms. Mais le Decay ne commence qu’à 50 ms (et jusqu’à 2,8 secondes), ce qui ne permet pas de faire des basses claquantes avec Decay ultra court. Dommage, mais c’est comme cela qu’était conçue la Taurus… Autre limite embarrassante, le fait que la modulation de la coupure de filtre ne soit pas bipolaire. Le segment de Decay fonctionne également pendant le relâchement de note, avec la même valeur. Pour le volume, on a le droit à une enveloppe de type impulsion (ASD). Les segments de temps ont les mêmes plages que ceux de l’enveloppe de filtre, donc ce n’est pas non plus du très rapide en Decay. Ce Decay est en réalité un Release, Moog ayant souhaité conserver l’appellation d’origine. Et pour le Pitch alors ? Il faudra se contenter du Glide pour faire varier la hauteur dans le temps. Cela aurait été d’autant plus dommageable si on avait pu synchroniser les VCO…
Mais la Taurus 3 n’est pas qu’une simple copie de l’originelle. En effet, outre les mémoires utilisateur et la connectique moderne, les concepteurs ont décidé de lui adjoindre des outils de modulation. À commencer par un LFO, dont la plage de fréquence varie de 0,01 Hz à 100 Hz (niveau audio). Celle-ci peut être synchronisée à la vitesse à l’horloge Midi suivant différentes divisions temporelles. Le départ du cycle peut être synchronisé à l’enfoncement de touche ; il manque cependant un paramètre de délai d’apparition. Les formes d’ondes sont très basiques (carrée, triangle, rampe et dent de scie), mais où est passée l’onde aléatoire ? Les destinations sont limitées au pitch et au VCF, donc rien pour le VCA. Pour terminer, la Taurus 3 offre un arpégiateur très bien pensé, puisqu’utilisable avec les pieds. Outre les différents modes de jeu (en boucle, alterné, une seule fois), on trouve des paramètres de plage d’octave et de Latch. Mais comment fait-on des patterns avec les pieds sans se casser la figure quand on est debout ? C’est là que les gens de Moog ont été astucieux, puisqu’on peut enclencher un mode où les notes jouées viennent s’ajouter au pattern en cours, bien vu ! Le tempo de l’arpégiateur est synchronisable à l’horloge interne / Midi. Un petit module bien fichu qui permet de faire un tas de trucs intéressants les doigts dans le nez !
- Taurus 3 – son – Lead 100:12
- Taurus 3 – son – Lead 200:16
- Taurus 3 – son – Lead 300:20
- Taurus 3 – son – Lead Glide00:22
- Taurus 3 – son – Arp100:16
- Taurus 3 – son – Arp200:12
- Taurus 3 – son – Drums Sub Punch00:09
- Taurus 3 – son – 1 Preset Taurus III00:22
- Taurus 3 – son – 2 Preset Taurus00:22
- Taurus 3 – son – 3 Preset Tuba00:11
- Taurus 3 – son – 4 Preset Bass00:13
Conclusion
Pari réussi pour Moog qui parvient à faire renaître l’âme de la Taurus en y greffant des caractéristiques contemporaines. Le son typique gras et consistant est bien au rendez-vous, avec cette belle bosse dans les infra graves. Le plaisir de jeu est immense et cela commande dès le premier regard posé sur l’instrument. L’interfaçage avec le monde d’aujourd’hui et d’hier est assuré. Évidemment, on aurait souhaité que Moog offre plus de possibilités de modulations, des VCO / VCF plus versatiles et surtout une entrée audio vers ce dernier. Mais tout cela aurait peut-être été au détriment de l’esprit Taurus. En tout cas, voici un objet magnifique, un instrument unique, qui procure un plaisir immense de la tête au pied !
Photo de l’équipe qui a conçu la Taurus 3 De gauche à droite : Cyril Lance, Mike Adams, Amos Gaynes, Steve Dunnington et Rick Shaich. |
Interview
Pour en savoir plus sur la genèse de cette machine exceptionnelle, nous avons interviewé l’ensemble de l’équipe qui a développé la Taurus 3 : Mike Adams (Président de Moog Music), Cyril Lance (ingénieur en chef), Amos Gaynes (ingénieur d’affaires), Steve Dunnington (spécialiste développement produits) et Rick Shaich (ingénieur en industrialisation).
AF : pourquoi avoir créé la Taurus 3 ?
Mike Adams : parce que depuis 8 ans, c’était le produit le plus demandé par nos clients, mis à part un synthé Moog polyphonique…
AF : à quel public se destine l’instrument ?
Mike Adams : le public visé est tout client à la recherche de ce que nous pouvons appeler le son de basse « ultime » ou « critique ».
Amos Gaynes : le musicien a les mains libres pour ses accords ou ses solos. Il peut ajouter à sa performance un bas de spectre purement analogique, éditable en live, à un niveau sonore où les logiciels ne peuvent pas aller.
AF : nous avons testé un numéro de série supérieur à 650, or nous ne sommes que 6 mois après la mise sur le marché. Est-ce que vous envisagez d’en produire plus que les 1000 initialement prévues ?
Mike Adams : nous avons une demande client très supérieure à ce que nous avions imaginé initialement. Nous en construirons donc 1500 et ce sera tout pour le moment. J’imagine fort bien que d’ici un ou deux ans, il y ait une demande nouvelle qui nous permette de produire une nouvelle série de Taurus 3 à un volume suffisant pour maintenir un prix raisonnable.
AF : comment s’est passée la conception, quels ont été les faits marquants ?
Cyril Lance : j’ai d’abord étudié tous les aspects du moteur sonore de la Taurus originelle : écoute, analyses, électronique et surtout son « âme ». En même temps, nous avons réfléchi à ce que devait être une nouvelle Taurus : quelque chose à la fois d‘innovant et digne de l’héritage de 50 ans laissé par Bob Moog.
Steve Dunnigton, Rick Shaich, Amos Gaynes : c’était comme être dans une cocotte minute. Non seulement il fallait retrouver l’esprit d’une chose conçue 30 ans auparavant, mais aussi innover. Un héritage, pas une copie ; comment ajouter un tas de choses actuelles tout en conservant la magie de l’original ; faire non seulement un instrument, mais aussi une superbe interface utilisateur ; pas seulement produire un son, mais permettre une expérience de jeu avec des sensations uniques. Un jour, Rick a branché la Taurus 3 sur son ampli-basse de 3600 watts. Il y avait des choses qui tombaient partout des étagères, les cloisons tremblaient !
AF : quel a été le retour des premiers utilisateurs ?
Cyril Lance : nous ne sommes que le point de départ d’une longue chaîne et les utilisateurs en font tout le reste. Quand j’ai constaté l’émotion dégagée par le son, le look de l’objet et l’interaction des musiciens avec l’instrument, j’ai compris que nous avions réussi à faire quelque chose d’unique.
Chris Stack : les premiers retours ont tout de suite été excellents ! Notre objectif principal avec ce produit était de recréer fidèlement le son de la Taurus originelle. Nos premiers clients nous ont tous dit « vous l’avez fait ! »
AF : un mot sur le design particulier de la chaîne VCO / VCF / VCA qui procure ce son grave si spécifique ?
Amos Gaynes : un des éléments contributifs essentiels du son est la manière dont les VCO atteignent le filtre avec une tension très élevée. Cela crée de la saturation et une légère distorsion de l’onde en dent de scie, ce qui ajoute un poids harmonique riche au signal. Après le filtre, le signal est couplé au VCA avec une recette exclusive Moog. L’interaction des composants crée une bosse dans l’égalisation des graves, qui met en évidence ce son unique de la basse Taurus. Enfin, les deux VCO peuvent être désaccordés sans créer les interférences classiques liées au battement d’oscillateurs. En d’autres termes, quand les 2 VCO sont en opposition de phase, ils ne s’annulent pas complètement comme sur la plupart des synthés, donc on obtient un beau son désaccordé qui « roule » à volume constant.
AF : qu’apporte la conception Hz/V des VCO ?
Amos Gaynes : cette approche établit une relation linéaire entre la tension d’entrée (ou plus directement le courant électrique d’entrée) et la fréquence de l’oscillateur. Avec la conception V/Octave, il y a une relation exponentielle entre la tension de commande et la fréquence de l’oscillateur. Pour créer cette relation non linéaire, un ampli « exponentiateur » est utilisé. Il s’agit d’un circuit à transistors qui doit être parfaitement calibré et qui est très sensible à la température, à cause de la nature des transistors au silicium dans le circuit. Il y a plein de moyens d’améliorer la stabilité à la température des oscillateurs V/Octave, mais dans la plupart des cas, il y a des compromis tels qu’une période longue de chauffe avant que les oscillateurs n’atteignent une fréquence stable. Avec la conception Hz/V de la Taurus, nous avons un oscillateur extrêmement stable qui est accordé pratiquement instantanément à l’allumage, sans nécessiter de compensation en température. La conception Hz/V est également particulièrement bien adaptée aux commandes en tension générées numériquement, telles que nous utilisons sur la Taurus.
AF : qu’en est-il de la limite supérieure de la fréquence imposée par le design Hz/V
Chris Stack : la Taurus 3 est conçue pour les basses ! La limite supérieure de note correspond au Do 3 Midi. On pourrait dépasser cette barrière en jouant sur les CV ou l’accordage des VCO, mais pas aux fréquences que « seul un chien peut entendre ».
AF : pourra-t-on, comme sur le Voyager ou le Little Phatty, modifier le nombre de pôles du filtre ?
Amos Gaynes : nous avons analysé le filtre originel avec soin. C’était un filtre 4 pôles fixes, sans possibilité de modifier le nombre de pôles. Ajouter des circuits supplémentaires pour changer le nombre de pôles altérait subtilement le son. C’était une très petite différence, mais nous avons pris la décision de ne pas risquer de compromettre l’authenticité du son de la Taurus. De sorte que cette possibilité a été écartée et qu’il ne sera pas possible de changer ultérieurement le nombre de pôle du filtre sur les Taurus 3 existantes.
AF : quel est le futur du moteur de la Taurus 3 ? Verra-t-on un rack ?
Amos Gaynes : il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera l’avenir pour le moteur sonore de la Taurus… après tant d’amour et de soin dévoués à la création de cette Taurus moderne, nous n’en avons probablement pas encore fini. Mais il faut encore attendre pour lire le prochain chapitre de l’histoire de la Taurus.
AF : Mike, quel regard as-tu sur ces 8 ans passés à revitaliser Moog Music et faire régner à nouveau le nom Moog ?
Mike Adams : eh bien, d’abord, merci pour le compliment. Je ne suis pas sûr que nous « régnions », mais je pense vraiment que nous avons revitalisé la marque que Bob a créée et j’en suis très fier, tout comme il l’était. Franchement c’est beaucoup de travail, mais en même temps, une récompense. Nous avons l’opportunité unique de bosser avec des gens extraordinaires, ici et en dehors de ces murs – à la fois nos clients et nos distributeurs apprécient le fait que nous construisions tous ensemble à partir d’un héritage. Par chance, Bob a été parmi nous suffisamment longtemps pour voir que ce que nous avions commencé était en train de rencontrer le succès. Pour cela, je suis éternellement reconnaissant. Il serait très fier de tout ce qui est arrivé depuis sa disparition et je suis sûr qu’il serait enchanté des nouvelles réalisations.