Quarante ans après l’OB-8, un nouvel OB vient tout juste de pointer le bout de ses circuits. Intégrant les caractéristiques principales des trois modèles historiques, l’OB-X8 se veut un témoignage actualisé des grands synthés polyphoniques signés Oberheim.
La lignée des OB est la réponse de Tom Oberheim à celle des Prophet-5 de Dave Smith. À partir de la fin des 70’s, les deux constructeurs se livrent une féroce – mais courtoise – bataille, au point de créer, au fil du temps, des clans d’irréductibles fanatiques du son Oberheim, face à d’indomptables adorateurs du son Sequential. Mais les synthés n’ayant heureusement pas grand-chose à voir avec le foot, il est tout à fait possible d’appartenir à un troisième clan, celui des fanatiques adulateurs des deux marques. La bataille durera dix ans, mais les géniaux concepteurs étant aussi des gentlemen, ils développeront une respectueuse amitié, au point de créer un club avec leur comparse Roger Linn.
Passé le bouillon de la fin des 80’s, Dave Smith est le premier à remonter son affaire, il y a vingt ans, avec le succès qu’on lui connait et la récupération de sa marque originelle par la suite. Tom Oberheim suit une voie beaucoup plus confidentielle, avec des modules SEM et un TVS revisités. La première contribution des compères apporte l’OB-6, une version modernisée et compacte des premiers OB, à l’instar du Prophet-6 par rapport au Prophet-5. Mais en 2020, Dave Smith sort les véritables héritiers des Prophet-5 : la série Prophet-5/10 Rev4. Les deux compères vont avoir le temps de collaborer une dernière fois avant la disparition tragique de Dave, appuyés par la solide équipe Sequential, dont Tony Karavidas et Markus Ryle, collaborateurs Oberheim de la grande époque. L’OB-X8 est présenté au NAMM 2022 comme le successeur de la série OB, portant fièrement la griffe Oberheim et rassemblant la substantifique moelle de ses trois ancêtres (l’OB-X de 1979, l’OB-Xa de 1981 et l’OB-8 de 1983, tous trois rétro-testés sur Audiofanzine) tout en actualisant leurs fonctionnalités. Grâce à Adam Audio, le nouvel importateur des marques Sequential et Oberheim, nous avons récupéré l’un des tout premiers exemplaires arrivés sur le territoire…
Un pour tous
Signatures sonores
Commençons par l’OB-X : la banque fournie reproduit fidèlement les programmes originels, avec leur défaut majeur : les sons sont tous étouffés par le VCF. L’OB-X8 n’y est pour rien, cela provient de la procédure de calibration du manuel de l’OB-X qui ferme trop les fréquences de coupure des VCF. Du coup, le potentiomètre de coupure ne sert à rien sur le premier tiers de sa course. Une fois cela corrigé, les sons s’ouvrent et le sourire réapparait. Cela veut dire qu’il faut pousser la fréquence de coupure d’un bon tiers sur tous les programmes utilisant un VCF fermé sans suivi de clavier. Ceci fait, le grain de l’OB-X est là, épais, crémeux, scintillant. On apprécie la qualité du VCF discret et le claquant des enveloppes. Toutefois, le son n’est pas aussi émouvant que sur notre OB-X. On n’a pas autant de présence globale, de luisant dans les PWM, de coloration dans le filtre qui le rendent si vivant. Ceci dit, avant d’allumer l’OB-X, l’OB-X8 s’en sortait à merveille sous nos oreilles ébahies. Du très bon donc !
Passons maintenant à la banque OB-8. Ce qui était vrai pour l’OB-Xa l’est encore plus ici. C’est vraiment redoutablement proche, avec ce son léché pop/rock typique du début des années 80. On retrouve donc des cuivres gras et amples, des cordes soyeuses ou sombres, des polysynths évolutifs et quelques FX servis par une section de modulation plus évoluée que sur les précédents modèles. Les sons sont plus maitrisés, plus FM, mais conservent une bonne patate, même si les enveloppes sont moins claquantes (l’OB-X8 reproduit très bien ces petites subtilités). Les synchro de VCO sont toujours aussi belles, que ce soit avec VCO constant (sons doux) ou modulé (balayages métalliques).
Passons enfin à la banque OB-X8. On sent immédiatement les avantages que l’on va pouvoir tirer des nouvelles fonctionnalités. Tout en conservant le caractère Oberheim, les sons gagnent en diversité (merci les modes passe-bande et passe-haut sur le VCF type SEM), en expressivité (merci la réponse en vélocité et pression) et en modernité (merci le mode Unisson avec réglage de désaccordage + largeur stéréo). On en oublie presque les banques de l’époque vintage, c’est bon signe !
NDLR : au cours du test initial, nous avions signalé une petite différence de niveau d’environ 2 dB entre les VCO2 des voix 5–6–7–8 et les autres VCO/voix. Nous avions contacté Sequential à ce sujet, qui nous avait dit prendre le problème en main. Au Synthfest 2023, nous avons pu constater que cela avait été corrigé par mise à jour d’OS, sur le même modèle qui avait servi pour le test.

- OB-X8_1audio 01 OB-X8 Classic Split01:04
- OB-X8_1audio 02 OB-X8 Deep Bass00:44
- OB-X8_1audio 03 OB-X8 Xmod00:37
- OB-X8_1audio 04 OB-X8 Notch 100:51
- OB-X8_1audio 05 OB-X8 Notch 200:22
- OB-X8_1audio 06 OB-X8 Bass Attack00:39
- OB-X8_1audio 07 OB-X SEM Strings00:30
- OB-X8_1audio 08 OB-X Poly Glide00:40
- OB-X8_1audio 09 OB-X XFactor00:27
- OB-X8_1audio 10 OB-Xa Phatt VCF00:23
- OB-X8_1audio 11 OB-Xa Before Jump00:37
- OB-X8_1audio 12 OB-Xa Typical Poly00:36
- OB-X8_1audio 13 OB-8 Strings’o’Poly00:21
- OB-X8_1audio 14 OB-8 PWM Power00:50
- OB-X8_1audio 15 OB-8 2pole Lead00:45
VCO discrets
Chaque voix est constituée de 2 VCO, 1 VCF (à choisir parmi plusieurs modèles/modes), 1 VCA stéréo et 2 enveloppes. Les VCO sont constitués de circuits discrets, une version modernisée de l’électronique de l’OB-X. Ce ne sont donc pas des CEM3340 comme dans les OB/Xa et OB-8, le constructeur n’ayant pas jugé utile d’offrir les deux versions de VCO. Nous pensons que ça aurait été une bonne idée de le faire, tant pis. Les VCO génèrent des ondes dent de scie, impulsion variable et triangle, les deux premières étant cumulables. L’OB-X8 permet de distinguer le niveau relatif de l’onde carrée par rapport à la dent de scie pour correspondre soit aux OB-X/OB-Xa, soit à
Aux VCO s’ajoute un générateur de bruit blanc de très bon niveau (pas l’immonde MM5837 numérique bouclé qui équipait les vieux OB). Le niveau des VCO et du bruit sont dosables via la Page 2, un net progrès par rapport aux simples Off-Half-Full des ancêtres ! Autre amélioration très appréciable, le mode Unisson, avec choix du nombre de voix empilées et réglage du désaccordage. Allié à l’écartement stéréo entre les voix (cf. VCA), on peut produire des sons énormes. On peut aussi changer le type de redéclenchement avec priorité de note haute/basse/dernière. La totale !
VCF au choix
Modulations classiques
On termine ce tour rapide des modulations par les deux enveloppes ADSR, assignées au VCF et au VCA, la première étant aussi assignable à la hauteur du VCO2. Comme déjà signalé, l’enveloppe de VCF ne possède pas d’inversion de polarité, est pilotable par la vélocité et est capable de modéliser les courbes de réponse des OB-X/OB-Xa (attaque exponentielle et pic arrondi) et de l’OB-8 (attaque plus linéaire et pic saillant), intéressant à tester sur différents réglages des segments AD. Voilà une section qu’on aurait bien aimé voir remusclée, avec par exemple des courbes et du pilotage dynamique par segment d’enveloppe, ou encore des assignations un peu plus nombreuses.
Arpégiateur basique
Tous pour un
L’OB-X8 est un très beau synthé qui sonne divinement bien. Il a incontestablement le caractère, la physionomie et l’expérience utilisateur de la magnifique trilogie OB-X/OB-Xa/OB-8, tant qu’on n’a pas besoin de chercher les paramètres secondaires dans le menu. Ce quasi trois-en-un peut se substituer à ses ancêtres sans pâlir. Non
propriétaires d’OB-6 se poseront indubitablement la question du passage à l’OB-X8, tout comme ceux du Prophet-6 se la sont posée vis-à-vis des Prophet-5/10 Rev4. Nous trouvons que l’OB-X8 ne fait pas plus d’ombre à l’OB-6 que l’OB-6 n’en fait à l’OB-X8. Chacun a ses qualités, aucun n’est parfait et tous les deux sonnent typiquement Oberheim. L’OB-X8 est fait pour les amateurs de synthés élitistes, qui veulent connaitre ou retrouver le son et l’expérience des OB vintage, avec des spécifications actualisées, sans en avoir les inconvénients de la maintenance. Un instrument dont le pédigrée se paie en bas de page (pas la 2, cette fois !) et que nous saluons par un Award valeur sûre.