37 ans après le Prophet-5, c’est sous la marque Sequential ressuscitée que Dave Smith nous présente son nouveau Prophet polyphonique analogique : alors, le 6 succède-t-il dignement au 5 ?
Après des études d’ingénieur, Dave Smith débute sa carrière dans l’informatique, au début des années 70. Il est également membre d’un groupe de musique et se paie un Minimoog en 1972. Puis il commence à développer des produits électroniques, dont un séquenceur analogique. Il finit par le commercialiser en 1974 : Sequential Circuits est née. S’ensuivent un séquenceur numérique, un programmateur de synthés… puis vient le Prophet-5, premier synthé analogique polyphonique programmable : nous sommes alors en 1978. Presque dix ans plus tard, après avoir largement contribué à la norme MIDI, Sequential plonge, comme ARP, Moog, Oberheim, Linn… Dave devient alors consultant pour Yamaha, avant de créer le premier synthé virtuel pour Seer Systems : Reality. Mais il nous avouera toujours préférer le feeling et le son des synthés matériels.
En 2003, après avoir participé au come-back de Linn (Adrenalinn), il fonde Dave Smith Instruments et présente son nouveau synthé : l’Evolver. Le turbulent petit module hybride, basé sur un CI développé avec Doug Curtis, est décliné en versions clavier, rack, polyphoniques… avant que ne renaissent les Prophet : 08, 12, Pro 2… puis la série Mopho, plus démocratique. En 2014, il se passe deux événements importants pour Dave : déjà, l’envie partagée par l’équipe DSI de développer un synthé polyphonique basé sur de purs VCO-VCF-VCA ; puis la magnifique initiative d’Ikutaro Kakehashi, fondateur de Roland, co-inventeur de la norme MIDI avec son ami Dave Smith (les plus anciens se souviennent peut-être, non sans nostalgie, d’un Prophet-600 relié à un JX-3P, quelque part en 1982…). Monsieur Kakehashi obtient ni plus ni moins de Yamaha la rétrocession de la marque Sequential à Dave Smith. Il faut donc un premier synthé pour porter dignement la célèbre griffe : ce sera le Prophet-6…
Beau gosse
C’est une nouvelle fois grâce à la société Thomann que nous avons pu tester le Prophet-6 : elle nous a livré un instrument tout neuf, carton (triple) scellé, la classe ! Donc encore un grand merci à elle…
Le Prophet-6 reprend le design des Prophet-12 et Pro 2, une vraie réussite cosmétique. À cette élégance, la qualité de construction est également de la partie : coque tout en métal, flancs et dessous de clavier en bois… classieux ! Il faut dire qu’avec le rapport euro/dollar actuellement peu favorable à notre monnaie, le Prophet-6 est un synthé onéreux. Fond noir mat, sérigraphie blanche parfaitement lisible, boutons à LED rouges, potentiomètres à couvercle chromé, afficheurs à 3 LED 7 segments rouges (6 en tout !), le Prophet-6 est une invitation à la manipulation. On dénombre 37 potentiomètres (dont certains à détente centrale), 9 encodeurs crantés, 34 petits boutons poussoirs lumineux rectangulaires, 18 gros boutons poussoir type Schadow (ici avec un « c », pas comme dans « Shadow ») et un paquet de petites LED rouges. Les choix artistiques et la disposition des sections sont largement inspirés du Prophet-5, avec toutefois un peu moins de bois. Sans oublier les platines en alu avec logos « Sequential » et « Prophet-6 » gravés en noir, reprenant la typographie de la grande époque !
Les commandes sont réparties sur toute la façade disponible, à la manière du Prophet-5, avec toutefois pas mal de nouveautés. Tout à gauche, on retrouve les sections POLY MOD et LFO, auxquelles est venue se greffer une nouvelle section effets. Viennent ensuite, de gauche à droite, les habituelles sections VCO, VCF, VCA et enveloppes. La nouveauté ici, c’est le second filtre passe-haut et le potentiomètre SLOP dont nous reparlerons. Sur le bandeau supérieur, à droite de la section POLY MOD, on découvre avec délectation des modules inexistants sur le Prophet-5 : horloge, arpégiateur, séquenceur, aftertouch et quelques paramètres divers, dont l’espacement stéréo des voix et le volume programme. Le bandeau du bas est réservé à la transposition par octave (plus ou moins 2), le portamento, la gestion des programmes et les réglages globaux de la machine. Niveau ergonomie, on frise la perfection : tous les paramètres sont directement accessibles en façade (seuls les paramètres globaux utilisent des fonctions secondaires et tertiaires des touches de programmes) ; pour faciliter la programmation, on trouve les fonctions BASIC PROGRAM (réglages initialisés pour partir de zéro), COMPARE (soit au programme initial, soit au programme stocké à l’emplacement où on s’apprête à sauvegarder son œuvre), LIVE PANEL (son correspondant à la position physique des commandes), différents types de réponse des potentiomètres (saut, relatif, seuil)… les molettes de pitch et modulation sont rétro-éclairées en rouge et ne déparent pas de cet ensemble, répétons-le, fort joli. Le clavier est sensible à la vélocité et à la pression ; sa réponse est vraiment excellente à tout point de vue, nous avons adoré, dommage qu’il n’ait que 4 octaves…
Bon dos
La connectique est intégralement placée à l’arrière. De droite à gauche, on trouve une sortie casque (jack 6,35 stéréo), les sorties audio gauche/droite (jacks 6,35 asymétriques), 4 prises pour pédales (2 continues pour contrôler la fréquence de coupure du filtre passe-bas et le volume global, 2 interrupteurs pour contrôler le Sustain et le séquenceur), un trio MIDI (In/Out/Thru), une prise USB type B (MIDI, CC, NRPN, Sysex, Dump en émission/réception sans besoin d’installer un driver, mais pas d’audio via USB) et connecteur IEC pour cordon secteur (alimentation interne universelle, les bonnes habitudes semblent enfin prises). Bon point qualité comme sur les Pro 2 et Prophet-12, tous les jacks sont solidement vissés au panneau arrière. Un petit retour sur l’entrée pédale dédiée au séquenceur : elle permet de lancer la lecture du séquenceur et de l’arpégiateur, ou de trigger les pas du séquenceur avec une impulsion audio externe, ou encore de « Gater » les enveloppes. Il n’y a hélas pas d’entrée audio pour traiter un signal externe, on en a pris l’habitude sur les polyphoniques DSI… mais là tout de même, ils auraient pu faire un effort, c’est un Sequential !
On enlève 2 vis sur chaque flanc, puis à nouveau 2 vis de part et d’autre du cadre métallique périphérique, puis on relève le panneau avant fixé sur une charnière. Un petit câble maintient le panneau à la verticale, ce qui permet d’admirer l’intérieur : d’abord, une grande carte mère comprenant l’électronique numérique, la sommation des voix et la connectique ; puis 6 cartes voix enfichées à la verticale comme des barrettes SIMMS ; ces dernières portent des circuits CMS de part et d’autre, avec beaucoup de composants discrets (résistances, condensateurs, transistors — certains en échelle —, quad AOP, double OTA LM13700…). À droite, l’alimentation interne est protégée par une tôle perforée. Des petits connecteurs relient la carte mère au panneau de commandes, aux molettes, au clavier et à l’alimentation. Là aussi, ça sent les neurones dans la qualité de conception…
Les voix du maître
Un petit mot sur les fonctions globales de la machine avant de plonger dans le son et la synthèse. On peut régler la transposition par demi-ton sur plus ou moins une octave, accorder finement l’appareil, choisir le canal MIDI (1–16 ou tous), le statut de l’horloge (interne, MIDI, USB), les modes d’émission et de réception des commandes MIDI (CC ou NRPN), la méthode de transmission des Sysex (MIDI ou USB, pour les programmes, les 16 tempéraments alternatifs interchangeables ou les mises à jour d’OS), le mode Local, le mode de réponse des potentiomètres (déjà évoqué), la courbe de vélocité, la courbe de pression ou encore le dump des programmes… tout cela, nous l’avons dit, est accessible en mode Global, grâce aux 10 touches programmes qui prennent chacune deux nouvelles fonctions, sérigraphiées en façade, accessible via l’écran à LED principal et deux touches d’incrémentation/décrémentation… c’est le seul cas où le Prophet-6 nous invite dans ses menus, pas de quoi se perdre !
Le Prophet-6 renferme 1 000 programmes, dont 500 presets et 500 mémoires utilisateur, organisés en 10 banques. Les presets ont été réalisés par des pointures, dont John Bowen (Mr Solaris) ; collaborateur Sequential de la grande époque (Prophet-5, Prophet-VS, Prophet-3000), il avait déjà signé une bonne partie des banques d’usine du Prophet-5 ; il a été mis à contribution pour refaire ces mêmes programmes et a d’ailleurs confié que cela marchait bien à 80 %… ainsi, les 40 presets originaux communs aux 3 révisions de Prophet-5 sont présents (banque 9). Comme promis, nous proposons un petit quiz basé sur ces recréations : 5 presets « quasi identiques » sont joués sur le Prophet-6 (passé en mono) et le Prophet-5 Rev3.3 du studio (sans effets), le tout est de deviner dans quel ordre, pour chaque extrait audio ; les réponses sont à poster dans le forum. Et puis juste pour l’anecdote, nous avons enregistré (toujours sans effets) un mélange de sons du Prophet-5 Rev2, cette fois sans comparatif car dans la configuration actuelle du studio, il aurait fallu déplacer la machine pour recharger les sons d’usine via l’interface K7 (la MIDIfication du Rev2 ne permet pas les dump en Sysex).
- Quiz Brass VF00:26
- Quiz Clav VF00:18
- Quiz Rez VF00:39
- Quiz Strings VF00:28
- Quiz Sync VF00:20
- Rev2 Combo 00:57
Revenons au Prophet-6, dont nous avons illustré certains programmes d’usine, qui sont d’ailleurs d’excellente facture. Pour une fois, ce n’est pas du remplissage ! Le premier constat est que ça sonne gros, très gros même ; incontestablement, il y a du grain à moudre, quelle que soit la forme d’onde. Le filtre passe-bas apporte une très belle rondeur lorsqu’on commence à couper, avec une résonance qui commence par colorer le signal sans l’écraser, avant d’entrer en auto-oscillation (sinus douce puis assez vite excessive, puis complètement instable). Les basses typées Moog ne posent aucun problème et le claquement des enveloppes permet d’obtenir des clics à l’attaque et au relâchement. Les stabs désaccordés sont parfaits, les strings à PWM crémeux à souhait, les cuivres filtrés bien chauds, avec cette petite saturation dans le filtre, comme à la bonne époque du Prophet-5. Sans oublier les grosses synchro ou les effets spéciaux passés au POLY MOD, qui en ont fait la réputation. Oui, le Prophet-6 est bien le digne successeur du Prophet-5, il n’y a qu’à écouter les exemples du quiz pour s’en convaincre. Il va aussi bien plus loin que l’ancêtre, grâce au second filtre passe-haut (bonjour les percussions analogiques !) et à l’excellente section effets intégrée, parfaitement adaptée au contexte de synthé analo. Le son peut devenir plus moderne, plus droit, en coupant le SLOP qui simule l’instabilité des VCO. Bref, il réussit le grand écart vintage/moderne !
- 500 00:20
- 501 00:12
- 503 00:32
- 504 00:36
- 504HPF 00:20
- 507 00:16
- 509 00:14
- 600 00:18
- 604 00:19
- 611 00:29
- 616 00:29
- 618 00:25
- 619 01:00
- 622 00:27
- 624 00:24
- 655 00:29
- 705 00:17
- 711 00:35
- 716 00:19
- 733 00:40
- 745 00:38
- 746 00:17
- 748 00:12
Control voltage
Le Prophet-6 est un synthé analogique polyphonique 6 voix, dont le son est basé sur des composants analogiques discrets (VCO, VCF, VCA). Pas le moindre DSP Shark ou circuit intégré DSI-120 pour générer les sons. Le pilotage en tension des composants analogiques et la génération des modulations sont numériques, mais avec suffisamment de puissance DSP pour ne pas créer d’aliasing à fréquence élevée. L’encodage de certains paramètres cruciaux nous est toutefois apparu insuffisant, telles que les fréquences de coupure des VCF limitées à 165 valeurs (par demi-ton, couvrant 7 octaves) ; du coup, on entend un effet d’escalier quand on tourne le potentiomètre, lorsque la résonance est prononcée (c’est toutefois moins grave que sur le Prophet-5) ; c’est d’autant plus rageant que les résonances des VCF ou les formes d’onde et largeurs d’impulsion des VCO sont codées sur 256 valeurs, et que la machine transmet les NRPN MIDI ! Dommage sur un synthé de cette classe, pour le coup on se retrouve au temps du Prophet-5… Tant qu’on râle, on en profite pour passer une couche sur le fait que le Prophet-6 n’en a qu’une, de couche : ben oui, il est monotimbral… le Jupiter-6 de 1983 permettait de séparer son clavier en 2+4 ou 4+2 voix, pourquoi pas le Prophet-6 de 2015 ?
Le son prend sa source au sein de 2 VCO d’une conception toute nouvelle. On peut les accorder sur 9 octaves sur une plage de 16 Hz à 8 kHz (5 octaves avec le potentiomètre, le reste avec les touches de transposition d’octave), avec un réglage par demi-ton et un désaccordage fin (sur plus ou moins un quart de ton) pour le VCO2. Le Prophet-5 permettait de mélanger les quelques formes d’ondes de ses VCO pour enrichir le contenu harmonique, le Prophet-6 permet de régler continuellement (à la discrétisation de l’encodage près) la forme d’onde pour chaque VCO. On peut ainsi passer d’une onde triangulaire à une onde dent de scie, puis d’une onde dent de scie à une onde impulsion variable. Dans cette dernière position, un potentiomètre permet de régler la largeur d’impulsion (onde carrée au centre), par ailleurs modulable comme nous le verrons. On peut basculer le VCO2 en basse fréquence (utile en POLY MOD, nous y reviendrons) et le déconnecter du suivi de clavier. Le VCO1 peut être synchronisé par le VCO2 (son cycle redémarre à la fréquence imposée par le VCO2), pour produire des effets harmoniques riches lorsque les deux VCO sont à des fréquences différentes. Les VCO étant très stables, il y a un paramètre SLOP finement dosable, pour simuler l’instabilité de l’accordage des VCO vintage, très utile… Le VCO1 possède un Sub-VCO, générant une onde triangle à l’octave inférieure. On trouve aussi un générateur de bruit blanc. Les 4 sources sonores sont finement dosées avant d’attaquer les VCF. Quand on pousse les niveaux du mixeur, on peut faire saturer les circuits. Bien vu !
Nouveaux filtres
Le Pro 2 inaugurait une nouvelle paire de filtres discrets. Le Prophet-6 en propose sa propre version, un peu différente. En fait, on trouve ici 2 filtres discrets en série : un filtre passe-haut 2 pôles, suivi d’un filtre passe-bas 4 pôles. En les combinant, on peut créer un filtre passe-bande (mais pas un filtre à réjection de bande vu que l’assignation est uniquement en série). Chacun dispose de réglages séparés : fréquence de coupure (sur 165 pas, par demi-ton), résonance (sur 256 pas), contour d’enveloppe (bipolaire) sur la FC, suivi de clavier (0, 50 % ou 100 %) sur la FC et activation de la vélocité sur l’enveloppe VCF. Le filtre passe-bas peut entrer en auto-oscillation, produisant alors une onde sinusoïdale qui peut s’avérer violente et instable si on pousse trop loin le potentiomètre. Cela n’écrase toutefois pas le reste du signal, tant mieux. Tous VCO coupés, en dosant finement la résonance à l’auto-oscillation et le suivi de clavier à 100 %, on peut jouer du VCF comme un VCO sinusoïdal.
Les deux VCF partagent toutefois la même enveloppe ADSR (seuls les contours ont des réglages distincts). La rapidité d’une enveloppe est un élément crucial sur un synthé, tout comme la courbe de réponse. Pour que le son claque, un segment d’attaque doit être rapide dans les premières millisecondes, puis ralentir ensuite ; mais sur une nappe planante, on préfère une courbe plus progressive. Les concepteurs du Prophet-6 ont donc prévu une astuce dans la section POLY MOD : en choisissant « LP FILTER » comme unique destination, jouer sur la quantité de « FILTER ENV » en conjonction avec « ENV AMOUNT » de la section VCF modifie la courbe de réponse, l’accélérant ou la ralentissant. Excellente initiative, que ne permet pas le Prophet-5 avec ses enveloppes toujours ultra rapides ! Le signal passe enfin dans la section VCA finale, dotée d’une enveloppe ADSR dont la quantité de modulation est assignable à la vélocité. En sortie audio, on peut régler l’espacement stéréo des voix (produites alternativement à gauche et à droite) et le volume programme (en plus du volume global qui, lui, n’est pas mémorisé). Cette mémorisation est d’autant plus utile pour gérer les écarts de niveau entre les programmes, notamment lorsque les 6 voix sont jouées à l’unisson, que ce soit un désaccordage (programmable via la fonction SLOP) ou un accord automatique.
POLY MOD & Co
Sur le Prophet-5, le LFO est généré par un véritable VCO (SSM2030 ou CEM3340 suivant la révision), le même que pour produire les sons. Toutefois, il n’y en a qu’un pour moduler toutes les voix en même temps, comme souvent sur les synthés polyphoniques de l’époque où les LFO étaient analogiques. C’est pourquoi Dave Smith a l’excellente idée de concevoir la section POLY MOD, où l’enveloppe de VCF et le VCO2 peuvent moduler certaines destinations ; et comme il y a une enveloppe de filtre et un VCO2 pour chaque voix, ces modulations sont polyphoniques (d’où le terme POLY MOD). Sur le Prophet-6, on retrouve le LFO et la POLY MOD. Certes le LFO est cette fois numérique, mais il n’y en a toujours qu’un global. Il est capable d’osciller jusque dans les niveaux audio et peut, si on le souhaite, se synchroniser à tout ce qui bouge (séquenceur, arpégiateur, délais, horloge MIDI). Le cycle du LFO est redéclenché à chaque nouvelle note, sauf si des notes sont déjà maintenues, auquel cas il poursuit son cycle. Il offre 5 formes d’onde judicieusement choisies : triangle bipolaire, dent de scie (descendante) positive, rampe (ascendante) positive, carré positif et S&H bipolaire (onde aléatoire à paliers). Avec l’onde S&H, lorsqu’on tourne le potentiomètre de fréquence complètement à droite, on accède à une sixième forme d’onde : le bruit blanc, très astucieux ! Le LFO peut moduler 7 destinations : fréquence du VCO1, fréquence du VCO2, PWM des 2 VCO (ensemble), VCA et les fréquences de coupure des VCF (l’une, l’autre ou les deux). On peut régler la quantité de modulation initiale appliquée par le LFO. Si cette dernière est à zéro, seule l’action de la molette de modulation engendre une modulation (le Prophet-5 était d’ailleurs dépourvu de réglage de modulation initiale, combien de personnes ont oublié de pousser le LFO sur certains programmes, pour notamment enclencher la PWM !).
Comme pour le Prophet-5, la section POLY MOD du Prophet-6 permet d’enrichir considérablement les sonorités, en les rendant vivantes. Nous avons donc 2 sources (enveloppe des VCF et VCO2) qui peuvent être routées vers 5 destinations. Chaque source opère avec sa propre quantité de modulation bipolaire. Les 2 modulations sont ensuite additionnées et routées vers les destinations activées, parmi lesquelles le VCO1, la forme d’onde (continue) du VCO1, la largeur d’impulsion du VCO1 et les fréquences de coupure des VCF (l’une, l’autre ou les deux). C’est ainsi qu’on peut faire de la FM entre les VCO ou moduler l’un des filtres à fréquence audio. Beaucoup de sons originaux de Prophet-5 tirent parti de la POLY MOD ; le Prophet-6 ne déçoit pas dans ce domaine, avec des modulations légères ou outrancières, sans effet numérique indésirable. Le Prophet-6 peut aussi moduler les sons via l’aftertouch clavier (pression monophonique). La modulation est bipolaire et peut atteindre 6 destinations activées individuellement : fréquence du VCO1, fréquence du VCO2, profondeur de modulation du LFO, volume et fréquences de coupure des VCF (l’une, l’autre ou les deux). Terminons ce chapitre dédié aux modulations par le portamento (GLIDE), à vitesse ou à temps constant, déclenché pour toutes les notes (lorsqu’il est activé) ou uniquement entre notes liées. Voilà au final une section bien pensée, accessible en direct, qui peut toutefois paraître légère aux habitués des grosses matrices de modulation, telles qu’on en trouve, en l’occurrence, sur les produits DSI.
Section effets
Sur un Prophet-5, le son sort du VCA et part directement dans la nature. Ce n’est pas (obligatoirement) le cas sur le Prophet-6, qui possède une section d’effets numériques et une distorsion analogique. Les effets numériques sont générés par un DSP travaillant à 24 bits/48 kHz, puis convertis en analogique, où ils reçoivent tout ou partie du signal du VCA, dosé avec le potentiomètre « MIX » (balance Wet/Dry). Ils peuvent être désactivés (True Bypass), afin de conserver un signal analogique pur pour ceux qui le souhaitent. Les réglages d’effets sont sauvegardés avec les programmes. On a donc deux effets numériques placés en série (A vers B). Chacun offre plusieurs algorithmes : simulation de BBD, délai numérique, chorus vintage, phaser à 6 étages avec résonance élevée et phaser à 6 étages avec résonance faible. Rappelons ici qu’un BBD est un circuit électronique dans lequel de nombreux composants sont chargés les uns après les autres pour créer une chaîne de délai ; BBD est l’acronyme de Brigade Bucket Delay, par analogie aux chaînes humaines où l’on se passe des seaux de main en main pour acheminer de l’eau ; le BBD offre un son plus doux qu’un délai numérique et doit être utilisé plus particulièrement avec des temps courts.
En plus de ces 5 algorithmes, l’effet B possède 4 types de réverbération : hall, pièce, réverbe à plaque et réverbe à ressort. Ces choix sont judicieux sur un synthé analogique polyphonique. Il n’y a que deux paramètres éditables par effet : temps et feedback pour les délais, vitesse et profondeur pour les chorus/phasers, temps et premières réflexions pour les réverbes hall/pièce/plaque, et enfin déclin et tonalité pour la réverbe à ressort. Les temps de délai peuvent être synchronisés à l’arpégiateur, au séquenceur ou à l’horloge MIDI, suivant différentes divisions temporelles (de 4 temps à la double-croche, en passant par les triolets et les valeurs pointées), à concurrence d’un retard maximum d’une seconde (au-delà, ils basculent sur la division temporelle double). Bref, on va à l’essentiel, un peu comme chez Nord. La qualité de ces effets est très bonne et colle parfaitement au territoire sonore de la machine… pas du tout gadget ! En sortie, le Prophet-6 dispose également d’une distorsion analogique stéréo. On peut en régler la quantité directement en façade, avec parcimonie pour réchauffer le son, car ça part vite en sucette qui fait tomber les dents dès que le potentiomètre dépasse les 9 heures…
Arpège ou séquence ?
Il manquait au Prophet-5 un arpégiateur ou un séquenceur. Avec le Prophet-6, on a les deux, mais pas en même temps ! L’arpégiateur est assez basique : on peut en régler le tempo (avec un bouton TAP, un encodeur ou la synchro MIDI, avec plusieurs divisions temporelles), l’étendue d’action (sur 1, 2 ou 3 octaves vers le haut), le motif de jeu (vers le haut, vers le bas, alterné, aléatoire ou suivant l’ordre des notes jouées). Avec la fonction HOLD activée, on peut ajouter des notes à l’arpège en cours. Depuis l’OS 1.5.9, les notes arpégées sont enfin transmises via MIDI ou USB, merci…
Le séquenceur, derrière ses deux boutons, est tout aussi basique mais n’en est pas moins intéressant. Disons-le tout de suite, il n’a pas le calibre de celui du Pro 2 : on se contente de 64 pas de 1 à 6 notes. La programmation se fait pas à pas. On appuie sur RECORD, on joue une note ou un accord, et tant qu’on maintient au moins une note, on peut en ajouter d’autres dans le pas en cours. Dès qu’on relâche toutes les notes, le Prophet-6 incrémente d’un pas. On peut créer des pas de notes liées ou de silences. En appuyant sur PLAY, l’enregistrement s’arrête et la lecture commence jusqu’au dernier pas entré où elle boucle. On ne peut pas enregistrer de mouvement des potentiomètres ou des CC MIDI, c’est bien dommage. Impossible également d’éditer/corriger les séquences après coup, sauf à acquérir pour $70 l’éditeur de Prophet-6 proposé par Sound Tower. On peut jouer par-dessus le séquenceur, à concurrence de la polyphonie maximale. En maintenant la touche RECORD, on peut transposer le séquenceur à la volée, fonction bien appréciée sur ce forum. Également depuis l’OS 1.5.9, les notes sont transmises via MIDI ou USB, comme pour l’arpégiateur, enfin ! Chaque séquence est sauvegardée avec son programme.
Conclusion
Ce test fut extrêmement agréable à mener et a été très vite. D’abord parce que le Prophet-6 est beau, ensuite parce qu’il va droit à l’essentiel, enfin parce qu’il sonne superbement bien, aussi bien dans un registre vintage qu’actuel. Il respire la qualité à tous les niveaux, dehors comme dedans, ce qui donne encore plus envie d’en faire un compagnon de tous les jours, en studio comme sur scène. Il égale le Prophet-5 dans bien des domaines et le dépasse dans d’autres. Le Rev3 se distingue toutefois par une patate supérieure (mais moins de douceur) et plus de mordant dans le filtre passe-bas, mais on est vraiment très proche. Le Rev2 reste au-dessus dans la présence, le grain et la chaleur… Fort de sa section effets, il se suffit à lui-même, pas besoin de chercher une réverbe à plaque, un chorus analo ou un vieil écho à bande pour en tirer un son finalisé (mis à part pour une production exigeante, où le Triko de l’ami Baloran le fera passer dans une dimension supérieure). On peut toutefois lui adresser quelques reproches, au regard du prix : les escaliers audibles sur le filtre passe-bas à résonance élevée quand on tourne le potentiomètre de coupure et le manque de bitimbralité (qui aurait dès lors due être servie par un clavier plus grand). Vu la conception des voix analogiques par carte fille, on se prend à rêver d’un Prophet-8 ou 10 ou 12 avec grand clavier et modes split/dual… mais à quel tarif ? En attendant, ce magnifique Prophet-6 succède dignement au Prophet-5, jusque-là sans véritable descendance depuis plus de 30 ans. Il mérite amplement l’Award valeur sûre Audiofanzine 2015 !
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