Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou
Test écrit
129 réactions
Mutation génétique
8/10
Partager cet article

Passé maître dans les synthèses analogiques et hybrides, DSI, désormais rebaptisé Sequential, présente un nouveau mutant : le Prophet-X… plutôt Magnéto ou Wolverine ?

Test du Prophet X de Sequential : Mutation génétique

En 2002, le petit module hybride Evol­ver marque le retour de Dave Smith dans l’uni­vers des synthés maté­riels. La marque DSI s’im­pose petit à petit comme leader des synthés analo­giques et hybrides, distil­lant savam­ment son savoir-faire, seule ou en colla­bo­ra­tion avec de vieux amis : Tempest avec Roger Linn, OB-6 avec Tom Oberheim. En 2015, Dave Smith, avec l’ap­pui de son ami Ikutaro Kake­ha­shi (fonda­teur de Roland, décédé en 2017), récu­père auprès de Yamaha les droits sur la marque Sequen­tial qu’il avait créée dans les années 70. Le Prophet-6 est le premier synthé du XXIe siècle signé Sequen­tial. Il y a quelques semaines, DSI se rebap­tise Sequen­tial. Après les synthés analo­giques à circuits inté­grés, les synthés analo­giques à circuits discrets, les synthés hybrides à oscil­la­teurs DSP, il restait un peu de place pour une nouvelle espèce mutante : les synthés hybrides à base d’échan­tillons. Ce vide est désor­mais comblé avec le Prophet-X ! Séquençons donc son code géné­tique…

Prio­rité au direct

Prophet-X_2tof 003.JPGÀ l’ins­tar du Prophet-12 dont il reprend en grande partie la physio­no­mie, le Prophet-X est magni­fique et soigneu­se­ment construit. La coque est entiè­re­ment en métal, avec des flancs en bois peint, affi­chant 11 kg sur la bascule et 98 × 34 cm sous le mètre-ruban. Le rétroé­clai­rage ambre des inter­rup­teurs, molettes et rubans contraste avec le fond noir mat, affir­mant un certain pedi­gree. La séri­gra­phie blanche et ambre est parfai­te­ment visible et les commandes bien ancrées, avec un cerclage métal­lique carac­té­ris­tique des Prophet au sommet des capu­chons. Les commandes sont nombreuses et clai­re­ment orga­ni­sées : 36 poten­tio­mètres, 20 enco­deurs, 51 inter­rup­teurs (certains rétroé­clai­rés), 3 écrans OLED visibles sous tous les angles (samples, effets, menus centraux). Les diffé­rentes sections concernent les volume/Glide/Hold/trans­po­si­tion (sur plus ou moins deux octaves), les horloges/arpèges/séquences, la matrice de modu­la­tion, les LFO, les samples, les oscil­la­teurs, le mixeur, les filtres, les enve­loppes, les effets, sans oublier les fonc­tions d’édi­tion globale (visua­li­sa­tion des valeurs des commandes, modes de jeu split/stack et mono 16 voix, choix de la couche sonore à éditer A/B/A+B, compa­rai­son, sélec­tion par liste, sauve­garde, menu global…).

Prophet-X_2tof 007.JPGL’écran central, graphique, est d’une grande utilité. Dès qu’on touche une commande, la page d’édi­tion du module corres­pon­dant s’ouvre et on peut modi­fier jusqu’à 8 para­mètres avec les 4 enco­deurs supé­rieurs et les 4 inter­rup­teurs infé­rieurs de contexte, idéal pour peau­fi­ner les réglages ou accé­der aux rares para­mètres qui n’ont pas de commande en façade. Les poten­tio­mètres peuvent fonc­tion­ner en modes saut/rela­tif/seuil, de quoi satis­faire tout le monde. Les commandes émettent et reçoivent des CC ou NRPN MIDI, au choix (CC = faci­lité d’édi­tion / NRPN = préci­sion de la réso­lu­tion). Bref, le Prophet-X invite à la créa­tion sonore sans conces­sion, c’est incon­tes­ta­ble­ment l’un de ses points forts. À gauche, deux molettes rétroé­clai­rées ambre sont surplom­bées par deux rubans verti­caux à diodes, avec des inter­rup­teurs pour bloquer leur posi­tion. Leur action est défi­nie dans la matrice de modu­la­tion, ce ne sont pas les desti­na­tions qui manquent comme nous le verrons. Le clavier 5 octaves est un Fatar TP/9 semi-lesté, sensible à la vélo­cité et à la pres­sion. Nous avons appré­cié sa résis­tance, un peu plus forte que les TP/9 testés par le passé et ceux qui équipent les autres machines du studio. La réponse à la vélo­cité est franche et nette, la réponse à la pres­sion est bien cali­brée et suffi­sam­ment dure pour que la modu­la­tion ne se déclenche pas invo­lon­tai­re­ment lorsqu’on frappe fort.

Derrière et dedans

Prophet-X_2tof 014.JPGToute la connec­tique est située à l’ar­rière : sortie casque, deux ensembles de sorties stéréo asymé­triques (Main et Mix B permet­tant de récu­pé­rer les deux canaux internes sépa­ré­ment en stéréo), 2 prises pour pédales simples (main­tien à pola­rité sélec­tion­nable, départ/arrêt séquen­ceur/arpé­gia­teur), 2 prises pour pédales conti­nues (volume, assi­gnable), un trio MIDI DIN, une prise USB 2 type B (MIDI) et une prise USB 3 type A (import de samples externes via une mémoire flash, type clé USB). Comme sur tous les synthés poly­pho­niques signés Sequen­tial, il n’y a pas d’en­tée audio vers le filtre… Toute la connec­tique audio est au format jack 6,35. L’ali­men­ta­tion univer­selle est interne ; elle utilise une borne IEC 3 broches stan­dard, merci !

À l’in­té­rieur de la machine, que l’on ouvre très faci­le­ment après quelques tours de vis du côté des flancs et du dessous, puis un simple rele­vage du capot avant monté sur char­nière, on découvre une carte PC ASRock et un SSD 256 Go, syno­nymes de rupture tech­no­lo­gique chez Sequen­tial. Dédiés au stockage de masse des samples, ils viennent complé­ter une élec­tro­nique plus clas­sique et hyper inté­grée, faite de compo­sants analo­giques minia­tures (16 filtres SSI 2144 – nous y revien­drons en détail – et un paquet de quadruples amplis op TL064C) et numé­riques (un FPGA Artix 7 et un PIC), tous montés en surface. L’ali­men­ta­tion est proté­gée par un cache isolant, c’est du sérieux… Un dernier mot pour saluer la qualité du mode d’em­ploi (hélas unique­ment en anglais), compre­nant des tutos variés très bien expliqués et détaillés, permet­tant de tirer profit de la puis­sance de synthèse de la machine.

Mélange des genres

Le Prophet-X est un synthé hybride poly­pho­nique 8 voix stéréo, 16 voix mono ou 32 voix para­pho­niques, mélan­geant des multi­samples (signés 8DIO ou impor­tés par l’uti­li­sa­teur) et des oscil­la­teurs numé­riques (signés Sequen­tial). La stéréo est impor­tante pour la qualité sonore, car elle apporte une largeur incroyable au son, de manière très natu­relle. Elle commence aux sources et finit en sortie, en passant par tous les modules sur le parcours du signal, y compris dans la partie analo­gique (ce n’est pas une simple stéréo­pho­nie avec pano­ra­mique dans les VCA finaux et des effets stéréo en sortie). En mode 16 voix, les sons sont placés au centre en mono, toutes les ressources sont utili­sées pour chaque voix, seuls le pano­ra­mique de sortie, la disper­sion gauche/droite alter­née et les effets apportent de la stéréo ; toute­fois, on peut conser­ver la stéréo des samples si on contourne les filtres, bien vu ! En mode 32 voix, chaque voix ne peut utili­ser qu’un multi­sample et un oscil­la­teur, les filtres étant utili­sés en para­pho­nie (l’en­ve­loppe module le filtre de toutes les voix en même temps) ; il reste cepen­dant stéréo.

Prophet-X_2tof 017.JPGLa machine est livrée avec 4 banques de 128 presets et 4 banques de 128 programmes utili­sa­teur ; en option, elle peut accueillir 4 banques addi­tion­nelles du commerce, servant de point de départ à l’édi­tion. Les sons d’usine sont une vraie décep­tion, très souvent inutiles et inadap­tés pour se faire une idée du grain ; on sent que les desi­gners sonores ont voulu en mettre plein la vue et faire la part belle aux samples de 8DIO. À ce sujet, pas mal de programmes utilisent unique­ment des samples, dont la qualité ne nous a pas toujours convain­cus : une sélec­tion de 150 Go de multi­samples à plusieurs couches de vélo­cité, orien­tés film compo­ser, avec son lot de pianos, orgues, claviers, guitares & basses (acous­tiques, élec­triques), cordes (ensembles, solo), cuivres (ensembles, solo), bois, chœurs, percus­sions du monde, batte­ries acous­tiques & élec­tro­niques, FX, synthés (en parti­cu­lier toutes les formes d’onde du Prophet-VS).

Beau­coup de samples sont de longues phrases non bouclées, y compris les instru­ments acous­tiques habi­tuel­le­ment tenus. À l’écoute, on découvre pas mal de bruits para­sites, sauts de boucles et tran­si­tions de notes douteuses ; seuls les ensembles vocaux s’en sortent la tête haute, décli­nés en diffé­rentes arti­cu­la­tions, voyelles et attaques ; on appré­cie modé­ré­ment les nombreuses phrases tirées de musique sacrée, qui s’avèrent in fine assez peu utiles au quoti­dien. On est bien loin de ce que produisent les works­ta­tions haut de gamme avec beau­coup moins de mémoire, encore plus loin des solu­tions logi­cielles. On pourra arguer que ce n’est pas l’objec­tif du Prophet-X, mais rien n’em­pê­chait d’avoir des multi­samples soignés de la part de 8DIO, dont la parti­ci­pa­tion contri­bue au tarif élevé de la machine.

Là où le Prophet-X excelle en revanche, c’est dans les textures hybrides évolu­tives, avec des mélanges de samples et d’os­cil­la­teurs, façon Prophet-VS survi­ta­miné. Les samples sont donc à utili­ser comme éléments sonores de base, pas comme une fin en soi. Le nouveau filtre apporte quant à lui une belle colo­ra­tion, pas du tout agres­sive comme sur les précé­dents Prophet à CI. On peut bien sûr recréer les nappes, cordes, cuivres, basses, lead des machines analo­giques, mais on n’aura pas du tout le même grain ni la même chaleur. Les enve­loppes peuvent cliquer, mais on ne retrouve pas la puis­sance d’un Prophet-6, come si les courbes étaient linéaires et pas expo­nen­tielles.

Prophet-X_1audio 01 80sBrass
00:0000:34
  • Prophet-X_1audio 01 80sBrass00:34
  • Prophet-X_1audio 02 RezBass00:30
  • Prophet-X_1audio 03 Super­Saws100:44
  • Prophet-X_1audio 04 Super­Saws200:54
  • Prophet-X_1audio 05 Mixed­Strings00:31
  • Prophet-X_1audio 06 Clavin­tage00:40
  • Prophet-X_1audio 07 AORythm01:11
  • Prophet-X_1audio 08 Marim­Dream00:46
  • Prophet-X_1audio 09 BassChoir00:39
  • Prophet-X_1audio 10 BBDrum00:43
  • Prophet-X_1audio 11 Guitar­Pad00:49
  • Prophet-X_1audio 12 Ododo00:38

Sources en inter­ac­tion

Prophet-X_2tof 009.JPGLe moteur audio du Prophet-X permet d’avoir en perma­nence deux sons par programme, arran­gés suivant trois modes : Single (8 voix stéréo / 16 voix mono / 32 voix para­pho­niques, avec choix de l’un ou l’autre son), Split (4+4 voix stéréo / 8+8 voix mono / 16+16 voix para­pho­niques), Stack (4 voix stéréo / 8 voix mono / 16 voix para­pho­niques). On peut éditer un canal (A ou B) ou les deux en même temps (A et B). On peut aussi copier un canal sur l’autre ou inver­ser les deux canaux. Chaque voix est consti­tuée de quatre sources, à savoir deux instru­ments multi-échan­tillon­nés et deux oscil­la­teurs numé­riques. Il est possible de les inter­mo­du­ler dans le domaine audio grâce à la matrice (sample vers oscil­la­teur, oscil­la­teur vers sample, sample vers sample, oscil­la­teur vers oscil­la­teur) et d’en­voyer le tout dans un VCF stéréo, puis un VCA stéréo.

Commençons par les deux instru­ments. On sélec­tionne celui que l’on souhaite éditer en façade, puis on fait défi­ler les samples par caté­go­rie et nom, avec contrôle sur l’écran OLED dédié. On regrette que le choix d’un nouveau sample coupe le son, il faut redé­clen­cher la note, pas génial ! Les instru­ments sont consti­tués de multi­samples 16 bits stéréo / 48 kHz, stockés sur le SSD 256 Mo dont nous avons déjà parlé ; 150 Go sont déjà four­nis et il est prévu de pouvoir char­ger 50 Go supplé­men­taires à partir de l’en­trée USB 3, vendus par DIO8 ou créés par l’uti­li­sa­teur (via un logi­ciel promis pour une date ulté­rieure, on parle de fin 2018). Une fois le multi­sample sélec­tionné, on peut direc­te­ment régler les points de lecture (début/fin) et de bouclage (centre, largeur) ; on peut aussi inver­ser le sens de lecture. Les commandes en façade faci­litent cette tâche déli­cate et invitent à l’ex­pé­ri­men­ta­tion, un vrai point fort là aussi !

L’édi­tion touche l’en­semble des samples du multi­sample, sauf si on appuie sur la touche Stretch en main­te­nant une touche du clavier ; dans ce cas, le sample ainsi déclen­ché (suivant la note et la vélo­cité) est étiré sur tout le clavier ; c’est parti­cu­liè­re­ment utile pour sélec­tion­ner les ondes de Prophet-VS, toutes arran­gées dans un seul multi­sample. Il ne faut surtout pas confondre le para­mètre Stretch du Prophet-X avec le Time Stretch dont sont capables la plupart des sampleurs contem­po­rains. Ici, point d’ex­pan­sion / compres­sion tempo­relle ou de chan­ge­ment de hauteur de sample sans modi­fier la vitesse de lecture (Pitch Shift) ; tout se passe à l’an­cienne : si tu trans­poses, tu changes la vitesse, et réci­proque­ment. Le Prophet-X n’est pas une works­ta­tion ni un V-Synth, qu’on se le dise ! D’au­tant que la machine ne permet pas de visua­li­ser graphique­ment les samples lors de l’édi­tion des points de lecture / bouclage.

Prophet-X_2tof 010.JPGAutre remarque, les points de lecture / bouclage ont une réso­lu­tion de 1 000 pas quelle que soit la taille des samples, ce qui n’est pas très précis pour les longs samples. Il existe trois types de boucle : Regu­lar (normal), Pitch (la taille de la boucle est un multiple de la fréquence de la note racine et peut descendre à 32 samples, idéal pour les formes d’onde à un cycle) et Sync (la taille de la boucle varie avec le tempo, ce qui là encore diffère d’un Time Stretch en temps réel). Pour adou­cir la tran­si­tion au point de bouclage, un réglage de fondu bien utile est prévu. Les samples possèdent aussi des réglages de fréquence (par demi-ton et fin), de Tone (EQ simple, pour éclair­cir ou assom­brir le son), d’un suivi de clavier (marche/arrêt), d’un boost (0–9 dB) et d’une vitesse de Glide (pour les échan­tillons en mode Stretch unique­ment) ; ils peuvent aussi contour­ner le VCF pour conser­ver leur contenu harmo­nique, alors que les oscil­la­teurs sont filtrés. Un para­mètre permet de reve­nir aux réglages initiaux des samples (notam­ment les points de lecture/bouclage) et un autre force la lecture du sample à vélo­cité maxi­male.

Passons aux deux oscil­la­teurs, presque clas­siques. L’idée ici est de créer la partie tenue du son, qui sera mélan­gée aux deux instru­ments multi-échan­tillon­nés au sein de chaque voix. Les oscil­la­teurs sont iden­tiques, avec quatre formes d’onde conti­nuel­le­ment variables et modu­lables : sinus, dent de scie, impul­sion et super dent de scie. Varier la forme d’onde modi­fie le contenu harmo­nique (sinus), la largeur d’im­pul­sion (dent de scie, impul­sion) ou l’épais­seur (désac­cor­dage des ondes consti­tuant la super dent de scie). La fréquence est ajus­table sur 9 octaves (16 Hz / 8 kHz) par demi-ton et fine­ment. On peut la décon­nec­ter du suivi de clavier et régler le temps de Glide. On peut aussi forcer le cycle à redé­mar­rer à chaque note ou lais­ser l’os­cil­la­tion libre. Comme les oscil­la­teurs sont numé­riques, un para­mètre Slop génère une insta­bi­lité arti­fi­cielle, simu­lant ainsi le compor­te­ment des VCO vintage. Le cycle du premier oscil­la­teur peut être synchro­nisé au second, pour des chan­ge­ments de contenu harmo­nique dras­tiques lorsque le pitch du premier oscil­la­teur évolue. Bref, entre cela et les inter­mo­du­la­tions de samples et oscil­la­teurs, on peut créer des choses éton­nantes (parfois aussi d’hor­ribles cris stri­dents ou buzz métal­liques, car l’alia­sing est clai­re­ment de la partie) avant même d’at­taquer le mixeur !

Mixeur stéréo

Prophet-X_2tof 008.JPGLes deux instru­ments et deux oscil­la­teurs sont mixés avant d’at­taquer le filtre. Depuis la façade, on règle les quatre niveaux. Via la page de menu, on accède à des para­mètres supplé­men­taires : d’abord, le pano­ra­mique des quatre sources audio, page unique­ment dispo­nible en mode 8 voix stéréo ; ensuite, la réduc­tion de bit (permet­tant de passer de 16 à 1 bit) et la réduc­tion de la fréquence d’échan­tillon­nage (ajou­tant de l’alia­sing et autres arte­facts numé­riques, utile pour imiter par exemple un Prophet-VS). 

Avant de pour­suivre, signa­lons quelques possi­bi­li­tés supplé­men­taires pour regrou­per ou agir sur les voix : d’abord le mode Unis­son, permet­tant d’em­pi­ler de 1 à 8 voix stéréo ou de 1 à 16 voix mono, avec désac­cor­dage ; ensuite la mémoire d’ac­cords (on joue un accord en main­te­nant la touche Unis­son, cela le mémo­rise et on le rejoue ensuite trans­posé avec une seule touche) ; enfin, les prio­ri­tés de notes en mode Unis­son (basse, haute, dernière note jouée) avec ou sans redé­clen­che­ment des enve­loppes.

Nouveau filtre

À chaque Prophet un nouveau filtre, voilà qui pour­rait être la signa­ture de Sequen­tial. Le Prophet-X ne déroge pas à la règle, inté­grant un nouveau circuit signé SSI. La concep­tion est celle de Dave Rossum, plus préci­sé­ment le SSM 2044 du début des années 80, que l’on trouve sur les PPG Wave 2.3, le Kawai K3 ou encore l’Octave Plateau Voye­tra-8. Ironie de l’his­toire, Dave avait il y a fort long­temps aban­donné les filtres SSM au profit des filtres CEM sur le Prophet-5 ; de retour sur le devant de la scène avec l’Evol­ver, il avait inté­gré le compo­sant DSI-120 (DCO+VCF+VCA), œuvre de feu Doug Curtis, à qui il avait fini par rache­ter les droits et les moules.

Prophet-X_2tof 020.JPGCette fois, il revient à ses premières amours, avec un filtre pur (et pas un ensemble complet « Synth on a chip » DCO+VCF+VCA). Baptisé SSI 2144, il s’agit d’un filtre passe-bas réso­nant 4 pôles en échelle de tran­sis­tors. Les photos montrent le degré élevé d’in­té­gra­tion de ce mini-compo­sant monté en surface. Il y a donc 16 filtres de la sorte, couplés en stéréo ou dispo­nibles indi­vi­duel­le­ment en mode 16 voix mono.

La fréquence de coupure peut prendre 165 valeurs, ce qui est insuf­fi­sant pour éviter les effets d’es­ca­lier audibles à réso­nance élevée, comme sur toutes les machines DSI/Sequen­tial. C’est agaçant que le construc­teur campe sur ses lauriers depuis toutes ces années, on attend toujours une amélio­ra­tion dans ce domaine ! On peut direc­te­ment modu­ler la fréquence par le suivi de clavier (128 valeurs), une enve­loppe dédiée DADSR (modu­la­tion bipo­laire) et la vélo­cité (simple marche/arrêt). Le reste se fait par la matrice de modu­la­tion, tout en douceur. En mode stéréo, on peut déca­ler les fréquences de coupure (en posi­tif ou néga­tif) entre les canaux gauche et droit, comme sur le Moog Voya­ger. Le niveau d’en­trée du filtre peut être boosté (Drive), histoire de créer des harmo­niques qui réchauffent le son ; le résul­tat est agréable, pas du tout criard. La réso­nance apporte une belle colo­ra­tion, sans siffle­ment exces­sif ni baisse du niveau du signal. En la pous­sant, on fait entrer le filtre en auto-oscil­la­tion, produi­sant une onde sinus dont la fréquence peut suivre parfai­te­ment le clavier (si on le veut). Dommage que le filtre ne fonc­tionne qu’en mode passe-bas 4 pôles, on aurait aimé plus sur une machine de cette gamme de prix ; il faudra se repor­ter à la section effets qui comprend un HPF numé­rique global, mais ce n’est pas la même chose… En sortie, on passe par le VCA, avec enve­loppe dédiée DADSR, réponse en vélo­cité, volume global et élar­gis­se­ment stéréo gauche/droite entre les voix succes­sives (para­mètre Pan Spread, même en mode mono 16 voix).

Modu­la­tions en tout genre

Prophet-X_2tof 018.JPGLa section modu­la­tions du Prophet-X est incon­tes­ta­ble­ment un autre de ses points forts. Au programme, 4 LFO, 3 enve­loppes et une matrice de modu­la­tion à 16 cordons. Les LFO offrent 5 formes d’onde clas­siques : triangle bipo­laire, dent de scie posi­tive, rampe posi­tive, carrée posi­tive et aléa­toire bipo­laire. La fréquence varie de 0,022 à 500 Hz (niveau audio) et peut être asser­vie à l’hor­loge globale. On peut atté­nuer les angles de la forme d’onde (utile sur les ondes triangle, carrée et aléa­toire) et varier la phase (0 à 360°). Par ailleurs, le cycle est libre ou redé­clen­ché dès qu’une nouvelle note est jouée. Chaque LFO peut direc­te­ment affec­ter une desti­na­tion parmi la longue liste (cf. ci-après), suivant une quan­tité program­mable ; on peut aussi l’as­si­gner via la matrice de modu­la­tion. Passons aux enve­loppes : en plus des enve­loppes pré-assi­gnées au VCF et au VCA dont nous avons déjà un peu parlé, le Prophet-X offre deux enve­loppes supplé­men­taires (auxi­liaires 3 et 4). Toutes sont de type DADSR, avec possi­bi­lité de bouclage des segments DAD. Les enve­loppes auxi­liaires peuvent être direc­te­ment affec­tées à une modu­la­tion (comme les LFO) avec action bipo­laire et modu­lées par la vélo­cité (simple marche/arrêt). Nous avons trouvé que la forme des courbes d’en­ve­loppes les empê­chait de claquer véri­ta­ble­ment en réglant un déclin court avec un segment de main­tien bas. On obtient bien un petit clic, mais pas une grosse claque !

Prophet-X_2tof 019.JPGPassons main­te­nant à la matrice, forte de ses 16 cordons virtuels, permet­tant de relier 28 sources à 88 desti­na­tions, avec modu­la­tions bipo­laires. Parmi les sources, citons les 4 LFO, les 4 enve­loppes, les 2 rubans, les 2 molettes, la vélo­cité, la pres­sion, le numéro de note, les pédales, les 4 para­mètres Slop des sources audio (fluc­tua­tions aléa­toires), un géné­ra­teur de bruit et une valeur fixe (DC) ; plus impor­tant, les 2 oscil­la­teurs et les 2 instru­ments font partie des sources de modu­la­tion ; bien­venu dans l’au­dio ! Parmi les desti­na­tions, listons les fréquences des 2 instru­ments et des 2 oscil­la­teurs, les points de lecture des 2 instru­ments (début, fin, centre de la boucle, taille de la boucle), les ondes conti­nues des 2 oscil­la­teurs, les fluc­tua­tions des oscil­la­teurs, le niveau de chaque instru­ment et oscil­la­teur, le pano­ra­mique de chaque instru­ment et oscil­la­teur, les fréquences de coupure du filtre (globale, gauche et droite sépa­rées en mode stéréo), la réso­nance, le Drive, le volume, le pano­ra­mique final, la largeur stéréo, la fréquence de chaque LFO, la quan­tité de chaque LFO, la quan­tité d’ac­tion de chaque enve­loppe, chaque segment de temps de chaque enve­loppe, l’ac­tion des 16 cordons (modu­la­tions de modu­la­tions), enfin les balances et para­mètres de chaque effet. L’édi­tion est faci­li­tée par les commandes directes situées en façade (assi­gna­tion des sources / desti­na­tions + quan­tité de modu­la­tion) et l’af­fi­chage des cordons virtuels sous forme de liste, que l’on fait défi­ler avec l’en­co­deur situé au-dessus et à gauche de l’écran central. Les autres enco­deurs permettent alors une édition très rapide de chaque cordon. Très sympa à l’usage !

Arpèges ou séquences

Prophet-X_2tof 015.JPGLe Prophet-X possède un arpé­gia­teur et un séquen­ceur (non simul­ta­nés) pour chacune des deux couches d’un programme. L’ar­pé­gia­teur est basique et clas­sique : on peut en régler le tempo (enco­deur et touche Tap), la divi­sion tempo­relle, le mode de jeu (haut, bas, alterné, aléa­toire ou dans l’ordre des notes jouées), l’éten­due (1 à 3 octaves) et le nombre de répé­ti­tions de chaque note (1 à 3). La fonc­tion Relatch permet d’ajou­ter des notes à l’ar­pège lorsque la touche Hold (main­tien) est acti­vée. Depuis l’OS 2.0, les notes arpé­gées sont enfin trans­mises via Midi/USB, depuis le temps que les clients le deman­daient !

À la place de l’ar­pé­gia­teur, on peut acti­ver un séquen­ceur très basique. Poly­pho­nique, il permet d’en­re­gis­trer jusqu’à 64 pas de 6 notes, en pas à pas. Pour cela, on appuie sur Record, on joue une ou plusieurs notes à la vélo­cité souhai­tée (on peut ajou­ter des notes tant qu’on en main­tient au moins une), puis on relâche toutes les notes pour que le Prophet-X enre­gistre et passe au pas suivant. Les pas peuvent être liés ou silen­cieux. Après enre­gis­tre­ment, on peut éditer les pas un par un (note et vélo­cité) grâce à l’écran et aux enco­deurs qui permettent de navi­guer rapi­de­ment parmi les pas ou notes d’un accord. En lecture, on peut trans­po­ser les séquences en main­te­nant la touche Record puis en jouant la note de trans­po­si­tion au clavier. Là encore depuis l’OS 2.0, les notes séquen­cées sont trans­mises via Midi/USB, enfin ! Voilà tout pour le séquen­ceur, ce qui signi­fie qu’on a perdu à regret le séquen­ceur de mouve­ments du Prophet-Rev2, permet­tant de modu­ler des valeurs autres que les notes.

Effets renfor­cés

Depuis le Propet-12, les effets numé­riques ont sérieu­se­ment progressé dans les machines Sequen­tial. Ici, on a deux ensembles d’ef­fets pour chacune des deux couches ; c’est donc deux fois plus puis­sant que sur le Rev2.

Prophet-X_2tof 005.JPG L’ac­ti­va­tion des effets et le réglage des para­mètres se font direc­te­ment en façade, avec les rota­tifs et le petit écran OLED dédié : il s’agit du type d’ef­fet, du mixage (balance sec/mouillé) et de trois para­mètres (suivant l’ef­fet). Certains para­mètres d’ef­fets tempo­rels (délais) peuvent être synchro­ni­sés au tempo. Chaque ensemble d’ef­fets dispose des mêmes algo­rithmes : délai stéréo, délai BBD modé­lisé, chorus, flan­ger, phaser, filtre passe-haut, distor­sion, haut-parleur tour­nant, réverbe à ressorts, réverbe pièce, réverbe hall et réverbe à plaque.

Les para­mètres propo­sés sont clas­siques : temps, feed­back, filtre passe-bas pour les délais ; vitesse, profon­deur, filtre passe-bas ou feed­back pour les effets d’en­semble ; FC et Q pour le filtre passe-haut ; gain, tona­lité, niveau pour la distor­sion ; satu­ra­tion, vitesse de rota­tion, distance du micro pour le haut-parleur tour­nant ; temps, tona­lité, disper­sion ou réflexion ou pré-délai pour les réverbes. Tous ces para­mètres, ainsi que la balance, sont modu­lables via la matrice, super ! Nous avons bien aimé le délai BBD, très utile sur les solos ; le chorus élar­git bien le son, mais il faut faire preuve de parci­mo­nie dans les réglages et veiller à la balance. Le flan­ger est assez doux, alors que le phaser est un peu terne. La distor­sion apporte une satu­ra­tion agréable sans agres­si­vité. Le haut-parleur tour­nant met bien en relief les sons de claviers élec­triques, avec réglage de satu­ra­tion effi­cace et tran­si­tion réaliste entre les vitesses de rota­tion (arrêt/lent/rapide). Les réverbes sont un peu métal­liques si on laisse le HPF trop ouvert mais la nouvelle réverbe à plaque est une bonne surprise. Nous saluons la possi­bi­lité de dispo­ser de deux effets par couche, c’est fromage et dessert !

Le temps de conclure

En résumé, le Prophet-X mélange les échan­tillons et les ondes numé­riques clas­siques avec des possi­bi­li­tés d’in­ter­mo­du­la­tion audio inédites ; les terri­toires sonores sont vastes, allant de la lecture de sample à la synthèse sous­trac­tive, mais c’est dans les textures hybrides larges et amples qu’il excelle. Les nouveaux filtres analo­giques stéréo apportent une couleur nouvelle à la gamme, très diffé­rente du filtre inté­gré au DSI-120 qui équipe notam­ment le Prophet-12. Cela explique la poly­pho­nie limi­tée à 8 voix stéréo, 16 voix mono ou 32 voix avec filtre stéréo para­pho­nique pour toutes les voix. L’édi­tion des samples est très succincte, loin de ce que peut faire un échan­tillon­neur dédié. Les possi­bi­li­tés de modu­la­tion sont impres­sion­nantes, que ce soient les LFO, les enve­loppes, les contrô­leurs physiques, les CC/NRPN MIDI, via la matrice. Sans oublier l’ar­pé­gia­teur et le mini-séquen­ceur à pas. La section effets est soignée et permet de trai­ter indé­pen­dam­ment les deux couches d’un programme. Ajou­tons-y aussi l’im­port de samples maison.

Côté prise en main, c’est un vrai bonheur : on appré­cie pouvoir inter­ve­nir sur les éléments cruciaux des samples avec des commandes directes, comme avec le reste de la synthèse sous­trac­tive. Bref, le Prophet-X est tout sauf une works­ta­tion. Il en reprend certains ingré­dients, mais propose une nouvelle approche intui­tive origi­nale. Main­te­nant, tout cela a un prix, un peu trop élevé à notre avis, d’au­tant qu’on doit se conten­ter d’un unique mode de filtrage passe-bas, avec une réso­lu­tion toujours insuf­fi­sante de la fréquence de coupure. Le Prophet-X est un instru­ment élitiste, origi­nal, magni­fique, taillé pour la recherche sonore, avec suffi­sam­ment de mémoire pour immor­ta­li­ser ses propres chefs d’œuvre pendant de longues années.

Télé­char­ger les extraits sonores (format FLAC)

  • Prophet-X_2tof 001.JPG
  • Prophet-X_2tof 002.JPG
  • Prophet-X_2tof 003.JPG
  • Prophet-X_2tof 004.JPG
  • Prophet-X_2tof 005.JPG
  • Prophet-X_2tof 006.JPG
  • Prophet-X_2tof 007.JPG
  • Prophet-X_2tof 008.JPG
  • Prophet-X_2tof 009.JPG
  • Prophet-X_2tof 010.JPG
  • Prophet-X_2tof 011.JPG
  • Prophet-X_2tof 012.JPG
  • Prophet-X_2tof 013.JPG
  • Prophet-X_2tof 014.JPG
  • Prophet-X_2tof 015.JPG
  • Prophet-X_2tof 016.JPG
  • Prophet-X_2tof 017.JPG
  • Prophet-X_2tof 018.JPG
  • Prophet-X_2tof 019.JPG
  • Prophet-X_2tof 020.JPG
  • Prophet-X_2tof 021.JPG

 

8/10
Points forts
  • Textures sonores hybrides complexes
  • Belle largeur stéréo
  • Interactions samples/oscillateurs
  • Filtres stéréo hérité du SSM 2044
  • Bitimbralité totale
  • Grosse matrice de modulations
  • Séquences ou arpèges
  • Effets intégrés
  • Mémoire très généreuse
  • Émission/réception de CC et NRPN MIDI
  • Prise en main aisée
  • Très bon clavier dynamique
  • Alimentation interne universelle
  • Beau gosse bien bâti
  • Import des samples
  • Modes astucieux 8/16/32 voix
Points faibles
  • Pas donné
  • Aliasing parfois prononcé sur les modulations audio
  • Qualité des programmes et samples très irrégulière
  • Impossible d’éditer chaque sample individuellement
  • Pas de Time Stretch ou Pitch Shift
  • Un seul type de filtre
  • Effets d’escalier sur le filtre à résonance élevée
  • Pas d’entrée audio pour traiter des sources externes
Auteur de l'article synthwalker Passionné de synthés, concepteur produits et rédacteur presse

J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.


Vous souhaitez réagir à cet article ?

Se connecter
Devenir membre
Auteur de l'article synthwalker Passionné de synthés, concepteur produits et rédacteur presse

J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.