Passé maître dans les synthèses analogiques et hybrides, DSI, désormais rebaptisé Sequential, présente un nouveau mutant : le Prophet-X… plutôt Magnéto ou Wolverine ?
En 2002, le petit module hybride Evolver marque le retour de Dave Smith dans l’univers des synthés matériels. La marque DSI s’impose petit à petit comme leader des synthés analogiques et hybrides, distillant savamment son savoir-faire, seule ou en collaboration avec de vieux amis : Tempest avec Roger Linn, OB-6 avec Tom Oberheim. En 2015, Dave Smith, avec l’appui de son ami Ikutaro Kakehashi (fondateur de Roland, décédé en 2017), récupère auprès de Yamaha les droits sur la marque Sequential qu’il avait créée dans les années 70. Le Prophet-6 est le premier synthé du XXIe siècle signé Sequential. Il y a quelques semaines, DSI se rebaptise Sequential. Après les synthés analogiques à circuits intégrés, les synthés analogiques à circuits discrets, les synthés hybrides à oscillateurs DSP, il restait un peu de place pour une nouvelle espèce mutante : les synthés hybrides à base d’échantillons. Ce vide est désormais comblé avec le Prophet-X ! Séquençons donc son code génétique…
Priorité au direct
À l’instar du Prophet-12 dont il reprend en grande partie la physionomie, le Prophet-X est magnifique et soigneusement construit. La coque est entièrement en métal, avec des flancs en bois peint, affichant 11 kg sur la bascule et 98 × 34 cm sous le mètre-ruban. Le rétroéclairage ambre des interrupteurs, molettes et rubans contraste avec le fond noir mat, affirmant un certain pedigree. La sérigraphie blanche et ambre est parfaitement visible et les commandes bien ancrées, avec un cerclage métallique caractéristique des Prophet au sommet des capuchons. Les commandes sont nombreuses et clairement organisées : 36 potentiomètres, 20 encodeurs, 51 interrupteurs (certains rétroéclairés), 3 écrans OLED visibles sous tous les angles (samples, effets, menus centraux). Les différentes sections concernent les volume/Glide/Hold/transposition (sur plus ou moins deux octaves), les horloges/arpèges/séquences, la matrice de modulation, les LFO, les samples, les oscillateurs, le mixeur, les filtres, les enveloppes, les effets, sans oublier les fonctions d’édition globale (visualisation des valeurs des commandes, modes de jeu split/stack et mono 16 voix, choix de la couche sonore à éditer A/B/A+B, comparaison, sélection par liste, sauvegarde, menu global…).
L’écran central, graphique, est d’une grande utilité. Dès qu’on touche une commande, la page d’édition du module correspondant s’ouvre et on peut modifier jusqu’à 8 paramètres avec les 4 encodeurs supérieurs et les 4 interrupteurs inférieurs de contexte, idéal pour peaufiner les réglages ou accéder aux rares paramètres qui n’ont pas de commande en façade. Les potentiomètres peuvent fonctionner en modes saut/relatif/seuil, de quoi satisfaire tout le monde. Les commandes émettent et reçoivent des CC ou NRPN MIDI, au choix (CC = facilité d’édition / NRPN = précision de la résolution). Bref, le Prophet-X invite à la création sonore sans concession, c’est incontestablement l’un de ses points forts. À gauche, deux molettes rétroéclairées ambre sont surplombées par deux rubans verticaux à diodes, avec des interrupteurs pour bloquer leur position. Leur action est définie dans la matrice de modulation, ce ne sont pas les destinations qui manquent comme nous le verrons. Le clavier 5 octaves est un Fatar TP/9 semi-lesté, sensible à la vélocité et à la pression. Nous avons apprécié sa résistance, un peu plus forte que les TP/9 testés par le passé et ceux qui équipent les autres machines du studio. La réponse à la vélocité est franche et nette, la réponse à la pression est bien calibrée et suffisamment dure pour que la modulation ne se déclenche pas involontairement lorsqu’on frappe fort.
Derrière et dedans
Toute la connectique est située à l’arrière : sortie casque, deux ensembles de sorties stéréo asymétriques (Main et Mix B permettant de récupérer les deux canaux internes séparément en stéréo), 2 prises pour pédales simples (maintien à polarité sélectionnable, départ/arrêt séquenceur/arpégiateur), 2 prises pour pédales continues (volume, assignable), un trio MIDI DIN, une prise USB 2 type B (MIDI) et une prise USB 3 type A (import de samples externes via une mémoire flash, type clé USB). Comme sur tous les synthés polyphoniques signés Sequential, il n’y a pas d’entée audio vers le filtre… Toute la connectique audio est au format jack 6,35. L’alimentation universelle est interne ; elle utilise une borne IEC 3 broches standard, merci !
À l’intérieur de la machine, que l’on ouvre très facilement après quelques tours de vis du côté des flancs et du dessous, puis un simple relevage du capot avant monté sur charnière, on découvre une carte PC ASRock et un SSD 256 Go, synonymes de rupture technologique chez Sequential. Dédiés au stockage de masse des samples, ils viennent compléter une électronique plus classique et hyper intégrée, faite de composants analogiques miniatures (16 filtres SSI 2144 – nous y reviendrons en détail – et un paquet de quadruples amplis op TL064C) et numériques (un FPGA Artix 7 et un PIC), tous montés en surface. L’alimentation est protégée par un cache isolant, c’est du sérieux… Un dernier mot pour saluer la qualité du mode d’emploi (hélas uniquement en anglais), comprenant des tutos variés très bien expliqués et détaillés, permettant de tirer profit de la puissance de synthèse de la machine.
Mélange des genres
Le Prophet-X est un synthé hybride polyphonique 8 voix stéréo, 16 voix mono ou 32 voix paraphoniques, mélangeant des multisamples (signés 8DIO ou importés par l’utilisateur) et des oscillateurs numériques (signés Sequential). La stéréo est importante pour la qualité sonore, car elle apporte une largeur incroyable au son, de manière très naturelle. Elle commence aux sources et finit en sortie, en passant par tous les modules sur le parcours du signal, y compris dans la partie analogique (ce n’est pas une simple stéréophonie avec panoramique dans les VCA finaux et des effets stéréo en sortie). En mode 16 voix, les sons sont placés au centre en mono, toutes les ressources sont utilisées pour chaque voix, seuls le panoramique de sortie, la dispersion gauche/droite alternée et les effets apportent de la stéréo ; toutefois, on peut conserver la stéréo des samples si on contourne les filtres, bien vu ! En mode 32 voix, chaque voix ne peut utiliser qu’un multisample et un oscillateur, les filtres étant utilisés en paraphonie (l’enveloppe module le filtre de toutes les voix en même temps) ; il reste cependant stéréo.
La machine est livrée avec 4 banques de 128 presets et 4 banques de 128 programmes utilisateur ; en option, elle peut accueillir 4 banques additionnelles du commerce, servant de point de départ à l’édition. Les sons d’usine sont une vraie déception, très souvent inutiles et inadaptés pour se faire une idée du grain ; on sent que les designers sonores ont voulu en mettre plein la vue et faire la part belle aux samples de 8DIO. À ce sujet, pas mal de programmes utilisent uniquement des samples, dont la qualité ne nous a pas toujours convaincus : une sélection de 150 Go de multisamples à plusieurs couches de vélocité, orientés film composer, avec son lot de pianos, orgues, claviers, guitares & basses (acoustiques, électriques), cordes (ensembles, solo), cuivres (ensembles, solo), bois, chœurs, percussions du monde, batteries acoustiques & électroniques, FX, synthés (en particulier toutes les formes d’onde du Prophet-VS).
Beaucoup de samples sont de longues phrases non bouclées, y compris les instruments acoustiques habituellement tenus. À l’écoute, on découvre pas mal de bruits parasites, sauts de boucles et transitions de notes douteuses ; seuls les ensembles vocaux s’en sortent la tête haute, déclinés en différentes articulations, voyelles et attaques ; on apprécie modérément les nombreuses phrases tirées de musique sacrée, qui s’avèrent in fine assez peu utiles au quotidien. On est bien loin de ce que produisent les workstations haut de gamme avec beaucoup moins de mémoire, encore plus loin des solutions logicielles. On pourra arguer que ce n’est pas l’objectif du Prophet-X, mais rien n’empêchait d’avoir des multisamples soignés de la part de 8DIO, dont la participation contribue au tarif élevé de la machine.
Là où le Prophet-X excelle en revanche, c’est dans les textures hybrides évolutives, avec des mélanges de samples et d’oscillateurs, façon Prophet-VS survitaminé. Les samples sont donc à utiliser comme éléments sonores de base, pas comme une fin en soi. Le nouveau filtre apporte quant à lui une belle coloration, pas du tout agressive comme sur les précédents Prophet à CI. On peut bien sûr recréer les nappes, cordes, cuivres, basses, lead des machines analogiques, mais on n’aura pas du tout le même grain ni la même chaleur. Les enveloppes peuvent cliquer, mais on ne retrouve pas la puissance d’un Prophet-6, come si les courbes étaient linéaires et pas exponentielles.
- Prophet-X_1audio 01 80sBrass00:34
- Prophet-X_1audio 02 RezBass00:30
- Prophet-X_1audio 03 SuperSaws100:44
- Prophet-X_1audio 04 SuperSaws200:54
- Prophet-X_1audio 05 MixedStrings00:31
- Prophet-X_1audio 06 Clavintage00:40
- Prophet-X_1audio 07 AORythm01:11
- Prophet-X_1audio 08 MarimDream00:46
- Prophet-X_1audio 09 BassChoir00:39
- Prophet-X_1audio 10 BBDrum00:43
- Prophet-X_1audio 11 GuitarPad00:49
- Prophet-X_1audio 12 Ododo00:38
Sources en interaction
Le moteur audio du Prophet-X permet d’avoir en permanence deux sons par programme, arrangés suivant trois modes : Single (8 voix stéréo / 16 voix mono / 32 voix paraphoniques, avec choix de l’un ou l’autre son), Split (4+4 voix stéréo / 8+8 voix mono / 16+16 voix paraphoniques), Stack (4 voix stéréo / 8 voix mono / 16 voix paraphoniques). On peut éditer un canal (A ou B) ou les deux en même temps (A et B). On peut aussi copier un canal sur l’autre ou inverser les deux canaux. Chaque voix est constituée de quatre sources, à savoir deux instruments multi-échantillonnés et deux oscillateurs numériques. Il est possible de les intermoduler dans le domaine audio grâce à la matrice (sample vers oscillateur, oscillateur vers sample, sample vers sample, oscillateur vers oscillateur) et d’envoyer le tout dans un VCF stéréo, puis un VCA stéréo.
Commençons par les deux instruments. On sélectionne celui que l’on souhaite éditer en façade, puis on fait défiler les samples par catégorie et nom, avec contrôle sur l’écran OLED dédié. On regrette que le choix d’un nouveau sample coupe le son, il faut redéclencher la note, pas génial ! Les instruments sont constitués de multisamples 16 bits stéréo / 48 kHz, stockés sur le SSD 256 Mo dont nous avons déjà parlé ; 150 Go sont déjà fournis et il est prévu de pouvoir charger 50 Go supplémentaires à partir de l’entrée USB 3, vendus par DIO8 ou créés par l’utilisateur (via un logiciel promis pour une date ultérieure, on parle de fin 2018). Une fois le multisample sélectionné, on peut directement régler les points de lecture (début/fin) et de bouclage (centre, largeur) ; on peut aussi inverser le sens de lecture. Les commandes en façade facilitent cette tâche délicate et invitent à l’expérimentation, un vrai point fort là aussi !
L’édition touche l’ensemble des samples du multisample, sauf si on appuie sur la touche Stretch en maintenant une touche du clavier ; dans ce cas, le sample ainsi déclenché (suivant la note et la vélocité) est étiré sur tout le clavier ; c’est particulièrement utile pour sélectionner les ondes de Prophet-VS, toutes arrangées dans un seul multisample. Il ne faut surtout pas confondre le paramètre Stretch du Prophet-X avec le Time Stretch dont sont capables la plupart des sampleurs contemporains. Ici, point d’expansion / compression temporelle ou de changement de hauteur de sample sans modifier la vitesse de lecture (Pitch Shift) ; tout se passe à l’ancienne : si tu transposes, tu changes la vitesse, et réciproquement. Le Prophet-X n’est pas une workstation ni un V-Synth, qu’on se le dise ! D’autant que la machine ne permet pas de visualiser graphiquement les samples lors de l’édition des points de lecture / bouclage.
Autre remarque, les points de lecture / bouclage ont une résolution de 1 000 pas quelle que soit la taille des samples, ce qui n’est pas très précis pour les longs samples. Il existe trois types de boucle : Regular (normal), Pitch (la taille de la boucle est un multiple de la fréquence de la note racine et peut descendre à 32 samples, idéal pour les formes d’onde à un cycle) et Sync (la taille de la boucle varie avec le tempo, ce qui là encore diffère d’un Time Stretch en temps réel). Pour adoucir la transition au point de bouclage, un réglage de fondu bien utile est prévu. Les samples possèdent aussi des réglages de fréquence (par demi-ton et fin), de Tone (EQ simple, pour éclaircir ou assombrir le son), d’un suivi de clavier (marche/arrêt), d’un boost (0–9 dB) et d’une vitesse de Glide (pour les échantillons en mode Stretch uniquement) ; ils peuvent aussi contourner le VCF pour conserver leur contenu harmonique, alors que les oscillateurs sont filtrés. Un paramètre permet de revenir aux réglages initiaux des samples (notamment les points de lecture/bouclage) et un autre force la lecture du sample à vélocité maximale.
Passons aux deux oscillateurs, presque classiques. L’idée ici est de créer la partie tenue du son, qui sera mélangée aux deux instruments multi-échantillonnés au sein de chaque voix. Les oscillateurs sont identiques, avec quatre formes d’onde continuellement variables et modulables : sinus, dent de scie, impulsion et super dent de scie. Varier la forme d’onde modifie le contenu harmonique (sinus), la largeur d’impulsion (dent de scie, impulsion) ou l’épaisseur (désaccordage des ondes constituant la super dent de scie). La fréquence est ajustable sur 9 octaves (16 Hz / 8 kHz) par demi-ton et finement. On peut la déconnecter du suivi de clavier et régler le temps de Glide. On peut aussi forcer le cycle à redémarrer à chaque note ou laisser l’oscillation libre. Comme les oscillateurs sont numériques, un paramètre Slop génère une instabilité artificielle, simulant ainsi le comportement des VCO vintage. Le cycle du premier oscillateur peut être synchronisé au second, pour des changements de contenu harmonique drastiques lorsque le pitch du premier oscillateur évolue. Bref, entre cela et les intermodulations de samples et oscillateurs, on peut créer des choses étonnantes (parfois aussi d’horribles cris stridents ou buzz métalliques, car l’aliasing est clairement de la partie) avant même d’attaquer le mixeur !
Mixeur stéréo
Les deux instruments et deux oscillateurs sont mixés avant d’attaquer le filtre. Depuis la façade, on règle les quatre niveaux. Via la page de menu, on accède à des paramètres supplémentaires : d’abord, le panoramique des quatre sources audio, page uniquement disponible en mode 8 voix stéréo ; ensuite, la réduction de bit (permettant de passer de 16 à 1 bit) et la réduction de la fréquence d’échantillonnage (ajoutant de l’aliasing et autres artefacts numériques, utile pour imiter par exemple un Prophet-VS).
Avant de poursuivre, signalons quelques possibilités supplémentaires pour regrouper ou agir sur les voix : d’abord le mode Unisson, permettant d’empiler de 1 à 8 voix stéréo ou de 1 à 16 voix mono, avec désaccordage ; ensuite la mémoire d’accords (on joue un accord en maintenant la touche Unisson, cela le mémorise et on le rejoue ensuite transposé avec une seule touche) ; enfin, les priorités de notes en mode Unisson (basse, haute, dernière note jouée) avec ou sans redéclenchement des enveloppes.
Nouveau filtre
À chaque Prophet un nouveau filtre, voilà qui pourrait être la signature de Sequential. Le Prophet-X ne déroge pas à la règle, intégrant un nouveau circuit signé SSI. La conception est celle de Dave Rossum, plus précisément le SSM 2044 du début des années 80, que l’on trouve sur les PPG Wave 2.3, le Kawai K3 ou encore l’Octave Plateau Voyetra-8. Ironie de l’histoire, Dave avait il y a fort longtemps abandonné les filtres SSM au profit des filtres CEM sur le Prophet-5 ; de retour sur le devant de la scène avec l’Evolver, il avait intégré le composant DSI-120 (DCO+VCF+VCA), œuvre de feu Doug Curtis, à qui il avait fini par racheter les droits et les moules.
Cette fois, il revient à ses premières amours, avec un filtre pur (et pas un ensemble complet « Synth on a chip » DCO+VCF+VCA). Baptisé SSI 2144, il s’agit d’un filtre passe-bas résonant 4 pôles en échelle de transistors. Les photos montrent le degré élevé d’intégration de ce mini-composant monté en surface. Il y a donc 16 filtres de la sorte, couplés en stéréo ou disponibles individuellement en mode 16 voix mono.
La fréquence de coupure peut prendre 165 valeurs, ce qui est insuffisant pour éviter les effets d’escalier audibles à résonance élevée, comme sur toutes les machines DSI/Sequential. C’est agaçant que le constructeur campe sur ses lauriers depuis toutes ces années, on attend toujours une amélioration dans ce domaine ! On peut directement moduler la fréquence par le suivi de clavier (128 valeurs), une enveloppe dédiée DADSR (modulation bipolaire) et la vélocité (simple marche/arrêt). Le reste se fait par la matrice de modulation, tout en douceur. En mode stéréo, on peut décaler les fréquences de coupure (en positif ou négatif) entre les canaux gauche et droit, comme sur le Moog Voyager. Le niveau d’entrée du filtre peut être boosté (Drive), histoire de créer des harmoniques qui réchauffent le son ; le résultat est agréable, pas du tout criard. La résonance apporte une belle coloration, sans sifflement excessif ni baisse du niveau du signal. En la poussant, on fait entrer le filtre en auto-oscillation, produisant une onde sinus dont la fréquence peut suivre parfaitement le clavier (si on le veut). Dommage que le filtre ne fonctionne qu’en mode passe-bas 4 pôles, on aurait aimé plus sur une machine de cette gamme de prix ; il faudra se reporter à la section effets qui comprend un HPF numérique global, mais ce n’est pas la même chose… En sortie, on passe par le VCA, avec enveloppe dédiée DADSR, réponse en vélocité, volume global et élargissement stéréo gauche/droite entre les voix successives (paramètre Pan Spread, même en mode mono 16 voix).
Modulations en tout genre
La section modulations du Prophet-X est incontestablement un autre de ses points forts. Au programme, 4 LFO, 3 enveloppes et une matrice de modulation à 16 cordons. Les LFO offrent 5 formes d’onde classiques : triangle bipolaire, dent de scie positive, rampe positive, carrée positive et aléatoire bipolaire. La fréquence varie de 0,022 à 500 Hz (niveau audio) et peut être asservie à l’horloge globale. On peut atténuer les angles de la forme d’onde (utile sur les ondes triangle, carrée et aléatoire) et varier la phase (0 à 360°). Par ailleurs, le cycle est libre ou redéclenché dès qu’une nouvelle note est jouée. Chaque LFO peut directement affecter une destination parmi la longue liste (cf. ci-après), suivant une quantité programmable ; on peut aussi l’assigner via la matrice de modulation. Passons aux enveloppes : en plus des enveloppes pré-assignées au VCF et au VCA dont nous avons déjà un peu parlé, le Prophet-X offre deux enveloppes supplémentaires (auxiliaires 3 et 4). Toutes sont de type DADSR, avec possibilité de bouclage des segments DAD. Les enveloppes auxiliaires peuvent être directement affectées à une modulation (comme les LFO) avec action bipolaire et modulées par la vélocité (simple marche/arrêt). Nous avons trouvé que la forme des courbes d’enveloppes les empêchait de claquer véritablement en réglant un déclin court avec un segment de maintien bas. On obtient bien un petit clic, mais pas une grosse claque !
Passons maintenant à la matrice, forte de ses 16 cordons virtuels, permettant de relier 28 sources à 88 destinations, avec modulations bipolaires. Parmi les sources, citons les 4 LFO, les 4 enveloppes, les 2 rubans, les 2 molettes, la vélocité, la pression, le numéro de note, les pédales, les 4 paramètres Slop des sources audio (fluctuations aléatoires), un générateur de bruit et une valeur fixe (DC) ; plus important, les 2 oscillateurs et les 2 instruments font partie des sources de modulation ; bienvenu dans l’audio ! Parmi les destinations, listons les fréquences des 2 instruments et des 2 oscillateurs, les points de lecture des 2 instruments (début, fin, centre de la boucle, taille de la boucle), les ondes continues des 2 oscillateurs, les fluctuations des oscillateurs, le niveau de chaque instrument et oscillateur, le panoramique de chaque instrument et oscillateur, les fréquences de coupure du filtre (globale, gauche et droite séparées en mode stéréo), la résonance, le Drive, le volume, le panoramique final, la largeur stéréo, la fréquence de chaque LFO, la quantité de chaque LFO, la quantité d’action de chaque enveloppe, chaque segment de temps de chaque enveloppe, l’action des 16 cordons (modulations de modulations), enfin les balances et paramètres de chaque effet. L’édition est facilitée par les commandes directes situées en façade (assignation des sources / destinations + quantité de modulation) et l’affichage des cordons virtuels sous forme de liste, que l’on fait défiler avec l’encodeur situé au-dessus et à gauche de l’écran central. Les autres encodeurs permettent alors une édition très rapide de chaque cordon. Très sympa à l’usage !
Arpèges ou séquences
Le Prophet-X possède un arpégiateur et un séquenceur (non simultanés) pour chacune des deux couches d’un programme. L’arpégiateur est basique et classique : on peut en régler le tempo (encodeur et touche Tap), la division temporelle, le mode de jeu (haut, bas, alterné, aléatoire ou dans l’ordre des notes jouées), l’étendue (1 à 3 octaves) et le nombre de répétitions de chaque note (1 à 3). La fonction Relatch permet d’ajouter des notes à l’arpège lorsque la touche Hold (maintien) est activée. Depuis l’OS 2.0, les notes arpégées sont enfin transmises via Midi/USB, depuis le temps que les clients le demandaient !
À la place de l’arpégiateur, on peut activer un séquenceur très basique. Polyphonique, il permet d’enregistrer jusqu’à 64 pas de 6 notes, en pas à pas. Pour cela, on appuie sur Record, on joue une ou plusieurs notes à la vélocité souhaitée (on peut ajouter des notes tant qu’on en maintient au moins une), puis on relâche toutes les notes pour que le Prophet-X enregistre et passe au pas suivant. Les pas peuvent être liés ou silencieux. Après enregistrement, on peut éditer les pas un par un (note et vélocité) grâce à l’écran et aux encodeurs qui permettent de naviguer rapidement parmi les pas ou notes d’un accord. En lecture, on peut transposer les séquences en maintenant la touche Record puis en jouant la note de transposition au clavier. Là encore depuis l’OS 2.0, les notes séquencées sont transmises via Midi/USB, enfin ! Voilà tout pour le séquenceur, ce qui signifie qu’on a perdu à regret le séquenceur de mouvements du Prophet-Rev2, permettant de moduler des valeurs autres que les notes.
Effets renforcés
Depuis le Propet-12, les effets numériques ont sérieusement progressé dans les machines Sequential. Ici, on a deux ensembles d’effets pour chacune des deux couches ; c’est donc deux fois plus puissant que sur le Rev2.
L’activation des effets et le réglage des paramètres se font directement en façade, avec les rotatifs et le petit écran OLED dédié : il s’agit du type d’effet, du mixage (balance sec/mouillé) et de trois paramètres (suivant l’effet). Certains paramètres d’effets temporels (délais) peuvent être synchronisés au tempo. Chaque ensemble d’effets dispose des mêmes algorithmes : délai stéréo, délai BBD modélisé, chorus, flanger, phaser, filtre passe-haut, distorsion, haut-parleur tournant, réverbe à ressorts, réverbe pièce, réverbe hall et réverbe à plaque.
Les paramètres proposés sont classiques : temps, feedback, filtre passe-bas pour les délais ; vitesse, profondeur, filtre passe-bas ou feedback pour les effets d’ensemble ; FC et Q pour le filtre passe-haut ; gain, tonalité, niveau pour la distorsion ; saturation, vitesse de rotation, distance du micro pour le haut-parleur tournant ; temps, tonalité, dispersion ou réflexion ou pré-délai pour les réverbes. Tous ces paramètres, ainsi que la balance, sont modulables via la matrice, super ! Nous avons bien aimé le délai BBD, très utile sur les solos ; le chorus élargit bien le son, mais il faut faire preuve de parcimonie dans les réglages et veiller à la balance. Le flanger est assez doux, alors que le phaser est un peu terne. La distorsion apporte une saturation agréable sans agressivité. Le haut-parleur tournant met bien en relief les sons de claviers électriques, avec réglage de saturation efficace et transition réaliste entre les vitesses de rotation (arrêt/lent/rapide). Les réverbes sont un peu métalliques si on laisse le HPF trop ouvert mais la nouvelle réverbe à plaque est une bonne surprise. Nous saluons la possibilité de disposer de deux effets par couche, c’est fromage et dessert !
Le temps de conclure
En résumé, le Prophet-X mélange les échantillons et les ondes numériques classiques avec des possibilités d’intermodulation audio inédites ; les territoires sonores sont vastes, allant de la lecture de sample à la synthèse soustractive, mais c’est dans les textures hybrides larges et amples qu’il excelle. Les nouveaux filtres analogiques stéréo apportent une couleur nouvelle à la gamme, très différente du filtre intégré au DSI-120 qui équipe notamment le Prophet-12. Cela explique la polyphonie limitée à 8 voix stéréo, 16 voix mono ou 32 voix avec filtre stéréo paraphonique pour toutes les voix. L’édition des samples est très succincte, loin de ce que peut faire un échantillonneur dédié. Les possibilités de modulation sont impressionnantes, que ce soient les LFO, les enveloppes, les contrôleurs physiques, les CC/NRPN MIDI, via la matrice. Sans oublier l’arpégiateur et le mini-séquenceur à pas. La section effets est soignée et permet de traiter indépendamment les deux couches d’un programme. Ajoutons-y aussi l’import de samples maison.
Côté prise en main, c’est un vrai bonheur : on apprécie pouvoir intervenir sur les éléments cruciaux des samples avec des commandes directes, comme avec le reste de la synthèse soustractive. Bref, le Prophet-X est tout sauf une workstation. Il en reprend certains ingrédients, mais propose une nouvelle approche intuitive originale. Maintenant, tout cela a un prix, un peu trop élevé à notre avis, d’autant qu’on doit se contenter d’un unique mode de filtrage passe-bas, avec une résolution toujours insuffisante de la fréquence de coupure. Le Prophet-X est un instrument élitiste, original, magnifique, taillé pour la recherche sonore, avec suffisamment de mémoire pour immortaliser ses propres chefs d’œuvre pendant de longues années.
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