Au Superbooth 2019, Novation avait dévoilé le Summit, un puissant synthé polyphonique hybride, regroupant deux modules Peak dans un grand clavier couvert de commandes. Huit mois plus tard, le sommet est enfin accessible. On grimpe !

Fondée en 1992, Novation a présenté son premier synthé en 1994, le Bass Station, un petit analogique monodique très abordable. En 1998, le Supernova brille par la qualité de sa modélisation VA, sa puissante section oscillateurs et ses effets multitimbraux. Rachetée en 2004 par Focusrite, Novation se réoriente alors vers les interfaces MIDI et audio. On craint le pire et ce n’est qu’en 2010 que la marque renoue avec les synthés, en sortant l’Ultranova, suivi du Mininova. Puis en 2013, Novation lance le Bass Station II, signant son grand retour dans le monde de la synthèse analogique. En 2017, le Peak est présenté au Superbooth de Berlin ; il s’agit d’un synthé polyphonique hybride combinant des oscillateurs numériques produits par un FPGA à des filtres et ampli analogiques, pour le meilleur des deux mondes. Dans l’équipe de développement, Chris Huggett, collaborateur de longue date de la maison anglaise, papa d’une famille nombreuse de synthés qui ont marqué l’histoire (EDP Wasp, OSC Oscar) avant de collaborer intensivement au Supernova… Nous avions salué l’arrivée du Peak par un Award Innovation, voyons ce que valent deux Peak assemblés dans un grand clavier plein de potentiomètres. Une fois la mise à jour en V1.0 faite directement en ligne, nous voilà prêts pour l’ascension…
Construction au sommet
La machine est organisée de manière très claire : de gauche à droite, on trouve les modes de jeu (Single/Multi), le choix de la couche sonore à éditer, le contrôle central excentré (écran OLED 4 × 20 caractères affichant le nom des programmes et les valeurs en cours d’édition / stockées, touches de sélection des modules de synthèse, touches de navigation dans les menus, encodeur), modes de voix, arpégiateur, oscillateurs, FM, mixeur, filtres, enveloppes, LFO et effets.
Le clavier possède 61 touches sensibles à la vélocité et à la pression. Il offre une réponse dynamique très agréable. La pression est un peu dure à actionner, on aimerait avoir différentes courbes de réponse dans un futur OS. Les touches blanches mesurent 13,5 cm de long contre 8,5 cm pour les noires, pas les plus longues, mais comparables à celles de nos D-50 et V-Synth. Les touches noires sont moins biseautées et plus larges qu’à la concurrence (11 mm contre 10), ce qui leur donne un look un peu pataud.
Prise assurée
En plus des deux molettes, on trouve deux boutons d’animation avec fonction de maintien, assignables à des destinations de modulation via la matrice pour créer des variations sonores macro. Deux petits reproches d’ergonomie : la position de l’encodeur à droite de l’écran, qui masque ce dernier quand on le manipule à main gauche (ce qu’on fait souvent vu qu’il est excentré à gauche) et l’absence de manuel papier (décidément, ça devient une manie chez les facteurs de synthés anglais).
Les entrées audio stéréo permettent d’envoyer un signal externe vers le filtre (sommé en mono et routé avant ou après le filtre de chaque couche sonore) et vers les effets, en stéréo, en utilisant les bus des deux couches. Les routages et les dosages sont indépendants, on peut faire ce qu’on veut avec les filtres et les effets. Tous les reproches faits à la connectique du Peak ne s’appliquent donc plus ici, magnifique…
Deux de Peak
À l’allumage, la machine est tout de suite prête. Dès les premières notes jouées, on retrouve la patate du Peak, avec un niveau de sortie très élevé, au point qu’il faut souvent atténuer à la table ou réduire le potentiomètre de volume. Aucun bruit de fond n’est à déplorer, bravo ! Les programmes d’usine ont été retravaillés. On en compte désormais 384 simples et 384 doubles, sur les 512 emplacements réinscriptibles prévus dans chaque mode. L’impression mitigée laissée par les Presets du Peak n’est plus de mise ici, on sent que Novation a revu sa copie, nous ne nous en plaindrons pas ! Pour apprécier la large palette sonore (encore élargie depuis notre test du Peak par de nouvelles tables d’ondes et des possibilités de modulation des effets, nous y reviendrons), rien de tel que confier les rênes des extraits sonores à l’ami Tinhu, qui à peine après avoir reçu son Summit, a œuvré pour faire partager à la communauté ses premiers moments d’émotion avec la machine. Merci à lui !

- Summit_1audio Tinhu 01-La base du sommet01:05
- Summit_1audio Tinhu 02-Rebondis00:54
- Summit_1audio Tinhu 03-En avant !00:52
- Summit_1audio Tinhu 04-Fête forraine00:45
- Summit_1audio Tinhu 05-Zen01:12
- Summit_1audio Tinhu 06-Goldencity00:56
- Summit_1audio Tinhu 07-Bloopbloop01:41
- Summit_1audio Tinhu 08-Wave arpegio01:32
- Summit_1audio Tinhu 09-Chapa _ Chava !00:51
- Summit_1audio Tinhu 10-Heat parade01:34
- Summit_1audio Tinhu 11-Delay01:01
- Summit_1audio Tinhu 12-Arrivée sur betelgeuse01:24
- Summit_1audio Tinhu 13-Angoisse01:41
- Summit_1audio Tinhu 14-Le village des vieillards retrouvés00:39
- Summit_1audio Tinhu 15-Filtre à café01:03
- Summit_1audio Tinhu 16-Le temple d_Ashra01:23
Le son est large et ample, des basses aux aigus, sans aliasing ; avec son grain bien à lui. Les basses sont pêchues et imposantes dès que l’on désaccorde légèrement les trois oscillateurs, qu’on les met à l’unisson ou qu’on empile deux programmes (48 oscillateurs par voix !). Les ondes continues permettent également des balayages de spectre progressifs ou rapides. Les intermodulations entre oscillateurs sont aussi très utiles pour élargir la palette, que ce soit de grosses synchronisations, des sonorités FM typiques ou des modulations en anneau métalliques. Pour les adeptes des sons analogiques (cordes, cuivres, polysynths, pads évolutifs, leads), le Summit a toute la panoplie de formes d’ondes classiques (y compris la Supersaw), tout en étant capable de simuler l’instabilité des machines vintage (oscillateurs et filtres). S’il en donne déjà beaucoup dans les sources, il ne néglige pas pour autant la section de filtrage, cette fois analogique, avec différentes pentes, différents modes, y compris des combinaisons doubles. Les possibilités de modulation (matrice, arpèges) rendent le son vivant, les effets intégrés impressionnent toujours par leur qualité, leur souplesse et leur nombre (puisqu’il y en a deux fois plus que sur le Peak). Bref, du grand son !

- Summit_1audio 01 Progressive Split01:56
- Summit_1audio 02 Hybrid Split01:29
- Summit_1audio 03 Mad Split00:50
- Summit_1audio 04 Wavy Mallets00:38
- Summit_1audio 05 Goodbye Summit00:41
Rampe ascendante
Pentes raides
En parallèle de l’étage analogique de sortie, on trouve un circuit de départ/retour stéréo avec conversion A/N vers la section effets numériques et N/A au retour. Au menu : chorus, délai et réverbe cumulables. Le chorus offre trois algorithmes différents (double ligne, quadruple ligne, ensemble) ; on peut directement en régler le type, la vitesse et le niveau ; via le menu, on peut régler la profondeur, le feedback (de chorus à Flanger) et les EQ haut/bas. Le délai offre des commandes directes pour le temps (jusqu’à 1,4 s, avec synchro à l’horloge interne/MIDI suivant 16 divisions / multiplications temporelles), le feedback et le niveau ; via le menu, on peut éditer l’atténuation des fréquences hautes/basses, le ratio gauche/droite, l’effet Pitch Shift (lorsqu’on fait varier le temps de délai) et la largeur stéréo. Enfin, la réverbe propose trois modes : les commandes directes concernent la taille, le temps et le niveau ; via le menu, on peut éditer le pré-délai, l’atténuation des fréquences hautes/basses, la taille de réverbe, la profondeur de modulation, la vitesse de modulation et les EQ haut/bas. Pas mal du tout !
Pour moduler les effets en temps réel, on trouve une matrice spécifique à 4 cordons. Chaque cordon contient deux sources additionnées et une destination. Les 16 sources englobent les pédales, l’entrée CV, les molettes, la note, la vélocité, la pression, les boutons d’animation, le LFO3 et le LFO4. Les 12 destinations concernent les principaux paramètres d’effets, parfait ! Le routage des trois effets numériques se règle via le menu : parallèle ou série (dans l’ordre qu’on veut). Une touche Bypass permet de couper tous les effets d’un coup. Qualitativement, les effets sont top niveau, y compris la réverbe, même quand on règle des temps très longs. Une bien belle section, aussi capable de traiter des signaux externes de manière très souple : en mode double, on peut par exemple traiter un signal interne et un signal externe, chacun avec ses effets et ses sorties audio séparées. Excellent !
Haute altitude
Parlons maintenant de l’arpégiateur, ou plutôt des arpégiateurs, puisqu’il y en a un par couche sonore. Ils sont capables de transmettre les notes en MIDI. On dispose de 7 modes de jeu : haut, bas, alterné simple, alterné avec répétition des notes extrêmes, comme joué, aléatoire, accords. Un paramètre permet d’ajouter de la complexité au motif joué, suivant 33 variations rythmiques non éditables. L’arpège peut être joué sur 1 à 7 octaves, avec facteur de swing (20 à 80%) et différentes divisions temporelles lorsqu’il est synchronisé à l’horloge. On peut aussi régler le temps de Gate, la réponse en vélocité et le mode Latch (maintien du motif avec ajout de notes). Aussi sympathique que l’arpégiateur puisse être, il manque à notre sens un séquenceur à pas, comme c’est la mode sur la plupart des synthés polyphoniques du moment, dommage, ça aurait été parfait…
Premier de cordée
Après le Peak, le Summit est un nouveau coup de maître : deux fois plus puissant, impeccablement construit, couvert de boutons, amélioré dans plusieurs domaines, il embrasse un territoire sonore encore plus étendu que son prédécesseur, grâce à ses oscillateurs à tables d’ondes variables, ses filtres analogiques combinables, ses nombreux étages de distorsion analogique, ses effets modulables indépendants, ses possibilités de modulation étendues et ses générateurs de fluctuations aléatoires. Son format peu profond et son poids raisonnable le rendent à l’aise en tout lieu. La technologie FPGA assure une absence totale d’aliasing, que ce soit au niveau des oscillateurs, des modulations ou des effets. Cela confirme le positionnement premium du Summit, ce que son tarif reflète à juste titre. Du coup, on devient toujours plus exigeant et sensible aux quelques rares défauts notables : l’absence de réglages pour la pression, de panoramique modulable et de séquenceur à pas. Ceci posé, le Summit mérite amplement un Award Audiofanzine Valeur Sûre 2020.