Deux ans après la sortie de la série Trinity, Korg embarque une carte à modélisation physique polyphonique à bord de ses magnifiques workstations, bien décidé à les rendre irrésistibles. Voyons si les stylistes ont bien fait leur travail.
En 1996, Korg met sur le marché quatre magnifiques workstations, tirant parti des développements de la synthèse à lecture d’échantillons effectués sur le M1 puis sur le 01/W. Sur la série Trinity, les modèles Plus, Pro et ProX se voient dotés d’une carte audio supplémentaire à modélisation physique monodique MOSS tirée du sympathique Prophecy. Depuis, le constructeur nippon a mis les bouchées doubles et depuis un an, le Z1 incarne la modélisation physique dans toute sa splendeur polyphonique (12 voix de base) avec pas moins de treize modèles différents disponibles. De plus, une carte d’extension 6 voix peut lui être ajoutée pour un total de 18 voix de polyphonie, record à battre ! C’est cette même carte qui fait aujourd’hui partie de la garde-robe des Trinity V3. Autrement dit, on va pouvoir mettre les deux mains sur ces jolis modèles.
Comme Claudia
Rien à dire, le Trinity présente une plastique parfaite, avec son capot en aluminium brossé, ses touches gris perle et son magnifique écran tactile bleu (comme les yeux de C…). Sur la face arrière, on retrouve le trio Midi, 3 prises pour pédale et 4 sorties audio (une paire stéréo et 2 séparées en jack 6.35). Dommage de ne pas avoir ajouté plus de sorties. De plus, deux trappes sont dévouées à deux des extensions dont nous reparlerons. Sur la face avant, des touches de sélection de mode de jeu, de banques, d’édition et de commandes de transport du séquenceur côtoient deux curseurs (volume et data entry), un pavé numérique, un alphadial, un ruban (position et la pression) et le superbe LCD 320 × 240 pixels éclairé au néon. Une ergonomie impeccable et en tous points identique aux précédentes versions, et seul un énorme sigle V3 témoigne que l’essentiel se passe à l’intérieur.
Question sonorités, la machine tient le haut du pavé avec sa ROM de 24 Mo d’échantillons naturels et synthétiques multisamplés sans compromis sur 16 bits linéaires à 48 kHz sur 32 voix de polyphonie (la qualité avant tout !). Baptisée ACCESS, cette synthèse produit des nappes et textures éthérées large bande (« Tsunami Warning », « Breath of Life »), des instruments acoustiques fidèlement reproduits (« Finger pickin’ », « Acoustic Bass », « Harmonica ») et des percussions très réussies (pop/rock, techno, classique, industrielles, jazz avec de magnifiques balais). Pour triturer ces samples, un circuit DCO / double DCF multimode résonnant / DCA est renforcé par une section effets hors du commun avec jusqu’à 8 effets d’insertion et 2 effets Master en mode multitimbral (un manuel à part entière leur est consacré), une modulation matricielle AMS (avec souvent plusieurs sources simultanées par destination) et un séquenceur 75.000 notes très souple (mais volatile) et très visuel. Mais tout cela, les premiers Trinity le faisaient déjà, alors passons sans plus attendre à la nouvelle collection.
Kate Moss
Au cœur de la V3 réside la carte MOSS-TRI (remplaçant la SOLO-TRI) capable de générer une synthèse à modélisation physique identique au Z1 sur 6 voix de polyphonie. On est en fait dans un environnement à lecture d’échantillon dans lequel une porte est ouverte à la modélisation. Cela signifie d’une part, que contrairement au Z1 et à l’instar des premiers Trinity, la synthèse à modélisation reste hélas monotimbrale : en mode multi (combinaison de 8 programmes ou séquence de 16 pistes), un seul canal pourra produire un son MOSS issu des 64 programmes en Ram. D’autre part, et du bon côté des choses, toutes les capacités de synthèse du Z1 sont intégrées, avec en plus édition graphique sur grand écran (donc claire et rapide) et injection des sons dans les excellents effets du Trinity. Tout ceci donne à la modélisation MOSS une supériorité ergonomique et qualitative indéniable par rapport au Z1 (la qualité avant la quantité).
Six nouveaux modèles ont été ajoutés par rapport à la carte SOLO-TRI, portant le total à treize. Les neufs premiers (six modèles analogiques très poussés, un à modulation de phase, un d’orgue et un de piano électrique) peuvent être mélangés par deux et les quatre suivants (cuivres, anches, cordes pincées et cordes frottées), plus complexes, se contentent d’un seul oscillateur. A noter que les cuivres et anches comportent respectivement 6 et 17 sous-modèles. S’y ajoutent un suboscillateur et un générateur de bruit (avec son propre filtre multimode résonant) mixés en stéréo avant d’attaquer deux filtres multimode résonants doubles. Dans certains cas, on peut se retrouver avec 11 filtres indépendants à coupure et résonances distinctes, ouf !
Pour moduler le tout, on dispose d’une matrice sophistiquée, de 5 enveloppes à segments multiples et 4 LFOs très complets synchronisables en Midi. Parmi les « simulations réelles », un coup de chapeau aux instruments à vent (flûtes et trompettes), cordes pincées (guitares et clav) et orgues. Bravo également aux sons synthétiques, avec basses punchy et leads agressifs à la Moog, stabs pêchus et belles simulations de phonèmes, la seule véritable déception venant des cordes solo frottées qui restent un peu trop molles à notre goût. De plus, en mode combinaison ou séquence, le programme MOSS se démarque nettement des programmes ACCESS. Bref, voici un salon du prêt-à-porter qui sort des sentiers battus.
Clan Campbell
Comme précédemment, la famille Trinity comporte quatre membres : le Trinity (de base) identique au modèle précédent (sans synthèse MOSS), le Trinity V3 avec carte MOSS et 61 touches, le Trinity V3 Pro avec MOSS et 76 touches et le Trinity V3 ProX avec MOSS et 88 touches lestées que les pianistes encensent à longueur de clavier. Bien sûr, il sera toujours possible aux heureux propriétaires du modèle de base ou des versions équipées de la carte SOLO-TRI de passer à la puissance de la modélisation polyphonique par ajout de la carte MOSS-TRI (les derniers ont le droit de bouder un peu).
Comme toujours, la carte PBS-TRI ajoute 8 Mo de FlashRam grâce à laquelle il devient possible d’importer des échantillons au format AKAI S1000 / S3000, AIFF ou WAV (par blocs de 2 Mo maximum) et de les collationner en multiéchantillons avec un peu de patience. De plus, elle double la capacité de mémoire de la machine, avec 4 banques de 128 programmes ACCESS, 2 banques de 64 programmes MOSS et 4 banques de 128 combinaisons. Pour sa part, la carte SCSI-TRI permet d’utiliser des supports externes (disques durs, lecteurs de CD-Rom et amovibles Jaz). Quant à la carte DI-TRI, elle apporte une sortie numérique I/F au format ADAT sur 4 canaux et une entrée synchro Wordclock. Enfin, la carte HDR-TRI transforme le Trinity en Direct To Disk 4 pistes avec entrées stéréo analogiques et 2 entrées / sorties S/PDIF (2 pistes simultanées à l’enregistrement), le tout sur une résolution de 16 bits à 48 kHz. Pour un effort budgétaire supplémentaire, mieux vaut d’ailleurs prendre directement la carte HDR-TRI au profit de l’extension SCSI-TRI. Bref, comment transformer un vulgaire « Camion » en une splendide Naomi C.
Top modèle
Incontestablement, la synthèse MOSS dans son incarnation polyphonique confère au Trinity une hybridation sonore très intéressante, une sorte de PACS de la synthèse. Encore une fois, la volonté de Korg n’est pas de remplacer le Z1 par le V3, car les deux machines, bien qu’ayant des caractéristiques communes, affichent des performances tout à fait complémentaires. La première s’adresse aux musiciens désireux de conjuguer dans leur œuvre exclusivement la modélisation multitimbrale à tous les temps. La seconde vise par contre ceux qui souhaitent apporter un soupçon de couleur et d’expressivité aux sons échantillonnés, certes fidèles mais tellement figés. Avec l’extension HDR-TRI, on pourra somme toute contourner la limite multitimbrale, mais en temps différé. Quoi qu’il en soit, on félicite les efforts de Korg pour pérenniser le développement de ses workstations professionnelles haut de gamme bien après leur sortie. Bref, voilà une nouvelle collection de luxe qui joue, avec succès, la carte de la séduction.
Glossaire
ACCESS : acronyme de Korg pour Advanced Control Combined Synthesis System. Lecture de sons multiéchantillonnés filtrés de façon similaire à la synthèse soustractive analogique, avec crossfade et modulation matricielle sophistiquée.
MOSS : acronyme de Korg pour Multi Oscillator Synthesis System. Technologie de modélisation de plusieurs instruments réels ou synthétiques, par description mathématique de phénomènes acoustiques ou électroniques.
Filtre Notch : ou à réjection de bande. Filtre dont le rôle est d’éliminer une bande de fréquence de part et d’autre du point de coupure, afin de « creuser » le son, par opposition au filtre passe-bande.