Introduite au catalogue de la marque new-yorkaise en 1959, la Wilshire est un des designs iconiques des années soixante. Sa forme très ergonomique garantissant un très bon accès aux aigus et sa conception très simple en ont fait un instrument de choix pour de nombreux musiciens à l’époque.
Comme nous l’avait confié Cesar Gueikian dans l’interview que nous avions réalisée avec lui, Epiphone ressort quelques-uns de ses modèles phares dont la Wilshire que j’ai la chance de tester en avant première.
Toute en acajou
Cette version 2020 de la Wilshire dispose du design symétrique des premiers modèles construits entre 1959 et 1963 et de la nouvelle tête de manche Kalamazoo. Cette tête de manche figurait également sur les premiers modèles de Wilshire et a été remplacée en 1963 par une tête avec les 6 mécaniques du même côté. Sur cette réédition, la tête est de taille réduite, comme sur les premiers modèles, pour coller à la guitare qui est elle-même assez compacte. Le corps de l’instrument est en acajou tout comme le manche qui lui est collé. Ce dernier est équipé d’une touche en laurier indien sertie de 22 frettes médiums-Jumbo pour un diapason de 24,724 pouces. Des inserts en forme de points viennent rythmer la touche. Le profil du manche, dénommé médium « C » assure une bonne prise en main et le design global de la guitare permet d’accéder aux cases les plus aigües sans difficulté. Les arêtes du corps sont arrondies ce qui apporte un certain confort tout en adoucissant le look global de la guitare. La lutherie est soignée et les finitions sont impeccables.
L’accastillage est chromé et comprend un cordier LockTone Stopbar et un chevalet LockTone Tune-o-Matic. Les boutons de potentiomètres sont les Black TopHats avec inserts en nickel. Le sillet est signé Graph Tech et il est en NuBone, les mécaniques sont les Epiphone Deluxe équipées des boutons couleur ivoire. La plaque est symétrique et elle est baptisée « Butterfly » (papillon) à cause de sa forme particulière. Elle est réalisée en tortoise rouge et dispose du logo « E » argenté collé en son centre. Enfin, une plaque en plastique ornée du logo de la marque est apposée sur la tête.
Côté électronique, on retrouve deux micros P-90 SoapBar. Certains modèles originaux offraient cette configuration mais d’autres étaient équipés de mini-humbuckers, à partir de 1963. Ces micros P-90 sont contrôlés par un volume et une tonalité chacun et un sélecteur à trois positions qui dispose de son cerclage en plastique « rhythm/treble » comme sur les Les Paul et SG. Les potentiomètres sont des CTS.
Un son direct et précis ?
Dès sa sortie en 1959, la Wilshire a plu à des musiciens d’horizons très variés et a été, par la suite, utilisée par des guitaristes plutôt rock. Jimi Hendrix, Bruce Springsteen, Pete Townsend et Johnny Winter, entre autres, l’ont adoptée pour son côté franc, direct et punchy. La philosophie globale de la guitare n’est d’ailleurs pas très éloignée de celle d’une certaine Les Paul Junior qui est apparue au catalogue Gibson un an avant la Wilshire. Si cette ré-édition est très fidèle aux premiers modèles construits entre 1959 et 1963, j’ai été un peu déçu par le son. Les micros réagissent bien et génèrent cette sonorité particulière et typique mais la guitare manque un peu de pêche. Il faut lui rentrer dedans pour la faire réagir comme on le souhaite, un peu à la manière d’un modèle vintage en fait. En son clair, le son est un peu mou et sans grande personnalité bien que la position intermédiaire soit très agréable. Pouvoir ajuster le volume de chaque micro est très pratique pour concocter des sonorités originales quand on joue sur les deux P-90 en même temps. Le micro manche est doux (presque trop) et le micro chevalet manque de claquant. Cela est probablement dû à la distance assez importante qui le sépare du chevalet. Les sons clairs ne sont donc pas son terrain de jeu favori.
On monte le volume de notre Marshall SV20H pour arriver à un son crunch et là, la petite Wilshire commence à montrer les dents. C’est souvent le cas avec les P-90 qui ont tendance à se réveiller face à un son crunch. Le potentiel de la guitare se révèle ici pleinement et j’ai même été surpris par le grain qu’elle génère. Bien que sa construction et ses micros soient très simples, la Wilshire possède sa voix bien à elle et surtout un timbre très vintage. Le son est bien défini mais possède une qualité un peu roots très plaisante. Elle ne développe pas beaucoup de sustain, ni à vide, ni une fois branchée. Sa petite taille et l’épaisseur très réduite du corps y sont pour beaucoup mais ajoutent à son caractère bien trempé. De plus, ils lui permettent d’afficher un poids très léger qui la rend très maniable. Le micro manche conserve son caractère doux et presque velouté en son crunch alors que le micro chevalet s’affirme davantage en apportant la dose de claquant qu’on attend d’un P-90. C’est chouette. Les potards CTS permettent d’obtenir des sons clairs simplement en baissant le volume des micros, ce qui est toujours agréable et gage d’une électronique de qualité. La position intermédiaire n’est pas transcendante mais, comme pour les sons clairs, on peut obtenir des sonorités originales en bidouillant un peu les différents potards.
On monte encore le volume de notre tête Marshall Plexi qu’on vient même booster avec un Xotic EP Booster pour ce grain bien vintage. La Wilshire est toujours aussi à l’aise bien que le son devienne un peu brouillon. C’est cependant ce qui m’a plu : on a un instrument avec une identité très roots, garage et presque punk dans l’esprit. Bien sûr, la polyvalence n’est pas son point fort mais sa personnalité est sa force. Les grosses saturations prennent une saveur particulière et on reconnaît toujours ce timbre vintage. Le sustain n’est toujours pas là mais ce n’est pas ce qu’on demande à la guitare. J’ai pris beaucoup de plaisir à enchaîner les rythmiques simples et les riffs des premiers albums des Who. Les morceaux Rhythm’n’Blues comme ceux que pouvaient jouer Jimi Hendrix à l’époque sonnent très bien aussi sur cette Wilshire. J’ai poussé un peu la guitare dans ses retranchements en plaçant une fuzz (la Catalinbread Giygas testée dans nos colonnes) et ai été très agréablement surpris. Le côté boueux et baveux de la fuzz s’est très bien marié avec la personnalité directe et roots de la Wilshire.
- Clean – All PU’s02:06
- Crunch – All PU’s + volume tweak02:58
- Lead – All PU’s + volume tweak03:42
- Fuzz – All PU’s02:36
Plutôt réussie !
En parcourant l’histoire du modèle au fil de différents ouvrages consacrés à la marque, j’ai compris qu’Epiphone s’était basé sur les toutes premières Wilshire pour concevoir cette nouvelle version. Seul le badge « bikini » Epiphone qui orne la tête et le cordier StopBar ne sont pas conformes à l’original. À part cela, tout y est ! Les finitions sont impeccables et la lutherie est saine. La guitare m’a beaucoup surpris par sa résonance à vide, surtout pour son gabarit réduit. Design symétrique, micros P-90, placement des contrôles sur la table, plaque « papillon », tout est conforme aux modèles construits entre 1959 et 1963, comme ceux qu’a pu jouer Jimi Hendrix au début de sa carrière. Si le premier contact est un peu décevant, plus on joue cette Wilshire plus on apprend à l’aimer.
Proposée au tarif de 449 €, elle a un rapport qualité/prix assez moyen mais fait voyager dans le temps !