Après les rappels théoriques de notre dernier article, nous voici prêts pour le concret de ce qui nous intéresse, sachant que l’hétérogénéité des home studios comme des home studistes complique l’affaire.
Évacuons d’emblée par le cas agaçant du gars qui a une pièce de 30 m2 et 30 000 euros à investir dans des travaux. Pour lui, c’est très simple. Il suffit de recourir à une entreprise spécialisée dans l’isolation et l’acoustique pour effectuer tous les travaux nécessaires à l’édification de son petit nid d’amour. C’est assurément cette démarche qui sera de loin la plus qualitative vu que tous les aménagements se feront suite à l’étude d’un acousticien qui préconisera une solution sur mesure en fonction du local et des besoins.
Si le budget travaux est moindre, notre homme sera déjà un peu moins agaçant, et il lui suffira de se relever les manches et de procéder par étape : d’abord l’isolation, ensuite le traitement acoustique, même si, comme nous allons le voir, on peut déjà anticiper quelques aménagements liés à l’acoustique dès la phase d’isolation.
En guise de préambule, je tiens d’emblée à vous avertir : cet article n’est pas un didacticiel qui vous dira à la lettre quoi acheter et quoi en faire pour trois bonnes raisons. La première, c’est que je ne suis pas acousticien de profession, ni même un gars du bâtiment. La seconde tient à la grande hétérogénéité des home studios et des home studistes qui nous pousse à envisager les choses de manière plus globale (Si une étude de cas plus concrète vous intéresse, je vous renvoie toutefois à deux anciens articles que nous avions publiés : Créer son studio, et Le petit studio en mousse qui évoquent l’un comme l’autre les problématiques d’isolation, entre autres choses). La troisième raison tient enfin au fait que bien des musiciens n’ont pas les moyens ou les possibilités d’effectuer de tels travaux et qu’il s’agit également de s’intéresser à eux. Tout cela avec l’aide bienvenue de Jules César, Pluto, Assurancetourix, d’un poussin, d’un éléphant et d’une femme à talons aiguilles. Allons-y !
L’isolation phonique dans l’idéal
Isoler sur le plan phonique, c’est contenir les ondes sonores là où on veut les entendre et empêcher qu’elles se propagent comme bon leur semblent au-delà de notre local. La bonne nouvelle, c’est que c’est valable dans les deux sens : en isolant une pièce, on évite que le bruit qu’on y fait s’entende à l’extérieur, mais on préserve aussi cette dernière des bruits extérieurs. On isole donc par souci du voisinage et des gens qui cohabitent avec nous, mais aussi pour que les bruits de ces derniers ou du chemin de fer qui passe à 50 mètres sous nos fenêtres ne compromettent pas la qualité de silence de notre petit hâvre musical.
La plus simple méthode pour arrêter une onde sonore consiste à lui opposer une masse suffisamment inerte (et donc imposante) pour qu’elle ne conduise pas les vibrations. Du coup, c’est simple, pour peu que les fondations de votre immeuble supportent quelques dizaines de tonnes, il vous suffit de bâtir votre studio entre six parois de marbre de deux mètres d’épaisseur.
Mais vous n’êtes pas Jules César n’est-ce pas ? ;-) Si vous êtes plutôt Pluto ou du genre Assurancetourix, voyons comment faire autrement.
Dans l’écrasante majorité des cas, il s’agira de réaliser une « boîte dans la boîte ». C’est en effet le seul moyen d’obtenir une isolation de qualité, quitte à réduire significativement la surface comme le volume du local. Le principe est simple : on désolidarise les murs, le plafond et le sol de la pièce des parois du studio, pour que les vibrations sonores ne se propagent plus (ou le moins possible, l’isolation parfaite n’existant pas). Pour cela, on pose tous les 30 cm sur les murs, le plafond et le sol des supports antivibratiles (appelés communément des silentblocs bien que ce nom soit à l’origine un produit déposé par la marque Paulstra), sur lesquels vont reposer des rails.
Grâce à ces derniers, on va poser des panneaux de laine de roche acoustique (c’est à dire d’une bonne densité : comptez 50kg/m3) d’une dizaine de centimètres d’épaisseur au minimum en gardant une couche d’air de 5 cm au minimum entre la laine et le mur, laine par-dessus laquelle on disposera un sandwich acoustique : deux plaques de plâtre BA13 phonique enserrant un amortisseur acoustique comme l’Auralex Sheetblock par exemple.
Pour le sol et le faux-plafond, le principe est le même à ceci près que les supports changent, tout comme les composants du sandwich acoustique. Loin de moi de vous donner la recette exacte du sandwich acoustique parfait car il semble bien que chacun y aille de sa méthode en la matière : on peut ainsi poser la laine de verre à même le mur grâce à des tasseaux et ne faire intervenir qu’après les supports antivibratiles et la couche d’air. Mais dans tous les cas, on en revient à peu près aux mêmes ingrédients.
Illustrations : Acoustique & Décibels |
Un pis-aller moins onéreux est souvent utilisé par les home studistes : il consiste comme nous l’avons dit à poser des tasseaux sur les mur et le plafond pour y disposer de la laine de roche et de tendre ensuite sur le tout du tissu mural : dans l’idéal un tissu phonique, même si beaucoup se contentent de bonne vieille toile de jute. C’est assurément mieux que rien pour un prix raisonnable, mais ce n’est pas ça qui va réduire au silence une batterie, soyez-en certain, à plus forte raison si le sol n’est pas traité (voir encadré).
Vous vous en rendez compte : ce principe de boîte dans la boîte est une bonne prise de tête, mais, en dehors des murs de marbre dont nous parlions au début et sachant que ces derniers seraient problématiques pour l’acoustique de votre pièce, c’est le seul moyen d’obtenir une bonne isolation qui protège vos voisins des bruits que vous ferez, et qui vous protège vous des bruits que eux feront. Et c’est aussi l’occasion d’anticiper les problématiques acoustiques.
Nous évoquions en effet dans le précédent article le fait que certaines proportions de pièces soient garantes d’une meilleure acoustique (ratio de Sepmeyer indiqué dans le texte et diagramme de Bolt dans ses commentaires. Merci Rroland !) et c’est sans doute maintenant qu’il faut s’en occuper car quitte à poser des cloisons, un faux sol et un faux plafond, autant s’arranger pour que les nouvelles dimensions de notre pièce se rapprochent de l’idéal décrit par nos maîtres acousticiens en jouant notamment sur l’épaisseur de la couche d’air dont nous parlions.
Cela peut-être aussi le moment de briser certains parallélismes : introduire une déclinaison sur un mur ou ou un plafond sera ainsi intéressant pour lutter contre l’écho flottant, en amont de tout traitement acoustique. Briser un angle droit aussi, même si, comme le fait justement remarquer Jimbass dans les réactions à cet article, ces angles trouveront aussi leur utilité pour l’installation de traitements ultérieurs.
Évidemment, la porte du local (dans l’idéal, il n’y a qu’une seule entrée) comme ses éventuelles fenêtres (dans l’idéal, il n’y en a pas car outre la problématique d’isolement, les fenêtres sont très dures à gérer sur le plan de l’acoustique) devront être des portes ou des fenêtres isolées phoniquement, sans quoi vous ruinerez tous les bénéfices du traitement des parois.
Portes et fenêtres
Commençons par examiner le cas des éventuelles fenêtres de votre local. Ne perdez pas votre temps et votre argent avec des solutions de survitrage : d’un point de vue thermique comme phonique, cela n’apporte quasiment aucune amélioration par rapport à un vitrage simple, alors que le vrai double vitrage s’avère pour sa part très efficace.
Soyez attentif toutefois au fait que dans le monde du double-vitrage, on trouve à boire et à manger. Si toutes les fenêtres à double vitrage reposent sur une lame de gaz inerte (l’argon qui ne conduit pas les mouvements des molécules) entre deux vitres, l’épaisseur de ces dernières, comme l’éventuel usage d’un film supplémentaire isolant peut changer la donne. Dans le meilleur des cas, une troisième vitre sera utilisée pour ménager une lame supplémentaire d’argon, ce qui sera évidemment encore plus efficace. Le seul problème, vous vous en doutez, c’est que plus votre fenêtre est isolante, plus le prix s’envole : d’une solution de base à 100 euros le m2, on a vite de passer à plus de 250 euros le m2, ce qui n’inclut pas la pose… Si vous êtes propriétaire de votre local, c’est un investissement à réfléchir, mais si vous êtes locataire et que votre proprio ne consent pas à supporter ces frais, ne serait-ce que partiellement, il y a toutes les chances pour que le montant de la facture refroidisse vos ardeurs.
Finissons par la porte où le principe généralement retenu est celui d’un sas composé de deux portes bien lourdes (là encore, un sandwich phonique) et d’une huisserie adaptée. Une nouvelle fois, c’est un coût, mais l’isolation, si vous la voulez efficace, est à ce prix.
J’en vois certains froncer les sourcils depuis que j’ai dit que dans l’idéal, il n’y avait pas de fenêtre dans un studio parce que le verre est une plaie en termes d’isolation comme de traitement acoustique, ceux-là mêmes qui comptaient justement séparer leur pièce en une régie et un studio, avec une jolie vitre entre les deux.
Soyons donc clair sur ce point : évidemment qu’il est mieux, quand on en a la possibilité, d’isoler la pièce où l’on fait le monitoring et le mixage de celle où l’on fait les enregistrements. C’est d’ailleurs ainsi que l’on procède dans tous les studios pros. A supposer que vous ayez suffisamment de place pour le faire, faites-le donc en ayant à l’esprit que rien ne sert d’avoir une régie de 2 m² si c’est pour n’avoir aucun recul par rapport à vos enceintes. Il vaut mieux donc avoir une vraie régie et une toute petite cabine de prise (fut-elle amovible et si petite que vous ne pourrez y faire ques des guitares ou des voix) pour privilégier le confort dans la salle où vous écouterez ce que vous enregistrez et le mixerez.
Sur ce, je vous dirais bien que nous en avons fini avec notre local et que nous pouvons passer à son traitement acoustique, mais il reste toutefois deux petits détails qui doivent encore attirer votre attention à ce stade. Le premier concerne l’électricité.En admettant toutefois que vous ayez suffisamment de place pour vous faire une régie de 20m2 et un salle de prise de la même taille, gardez à l’esprit que cela fait une porte de plus à isoler et que cette vitre sera elle aussi source de bien des prises de tête, que ce soit au niveau du traitement acoustique ou de l’isolation. Il n’y a certes rien d’insurmontable, à plus forte raison si vous avez le budget pour cela, mais si vous voulez limiter les frais, sachez vous contenter d’une petite lucarne ou, plus simple et plus économique encore, de deux petites caméras vidéo et de deux moniteurs : cela vous reviendra bien moins cher…
You’ve got the Power
Assurez-vous que vous avez disposé des prises murales là où vous en aviez besoin dans la pièce, évidemment raccordées à la terre et utilisant une ligne qui ne soit pas dérivée d’un autre ligne de votre maison : brancher votre studio dans le prolongement de votre cuisine, c’est à coup sûr chercher les ennuis. Si la chose n’est pas possible, (et même d’ailleurs si elle l’est) je vous conseille grandement de regarder du côté des régulateurs/stabilisateurs de tension et autres onduleurs qui pourraient vous éviter bien des déboires par la suite, que ce soit en protégeant vos équipements des variations de tension, des coupures et microcoupures de courant ou en vous assurant que le courant que vous utilisez est le « plus propre » possible, c’est à dire dépourvu de parasites.
Grand spécialiste de la chose, Furman propose quantité d’utilitaires dédiés à ces tâches, couvrant tous types de besoins, des plus modestes aux plus pros. Évidemment, tout cela coûtera un peu plus cher que deux multiprises de base chez Casto, mais soyez persuadé que le jeu en vaut la chandelle : il n’est jamais agréable de flinguer un disque dur à cause d’une coupure d’électricité survenue un jour de canicule et j’ai personnellement déjà cramé (je veux dire, littéralement cramé) l’alimentation No Name d’un PC à cause d’une surtension… Sachant en outre que l’une des plus courantes galères survenant en studio est de se retrouver avec un buzz ou une ronflette dont on ne sait pas d’où ils viennent, cette précaution vous permettra d’éliminer bien des possibilités si vous êtes confrontés à ce genre de problèmes.
Tant qu’on en est à parler électricité, parlons aussi de la lumière : pour la protection de l’environnement comme pour votre note d’électricité et les variations de tension que ce genre d’appareil occasionne, ne recourez pas à un éclairage halogène : les ampoules basse consommation et les LED ont suffisamment progressé aujourd’hui pour qu’on les utilise en lieu et place de ces équipements énergivores et dégageant beaucoup trop de chaleur.
Car c’est l’autre point à surveiller : la chaleur et l’aération de votre local.
De l’air !
C’est qu’entre vos kilos de laine de roche, vos équipements électriques et la chaleur se dégageant de votre corps ou des éventuels musiciens jouant dans la pièce, le mercure aura vite fait de grimper. Sans même parler du fait que ce n’est pas agréable pour travailler, cette chaleur aura aussi pour effet de faire transpirer tout le monde, de générer une humidité qui n’a rien de souhaitable pour le matériel que vous entreposez comme pour votre santé.
Du coup, le seul moyen de ne pas vivre dans une champignonnière tropicale, c’est de penser également à l’heure de la conception au système d’aération de votre pièce. Le problème étant de trouver un système qui permette à l’air froid d’entrer et à l’air chaud de sortir sans compromettre l’isolation. L’air chaud est plus léger que l’air froid et se situe donc au plafond : c’est donc à ce niveau que doit se situer votre évacuation alors que l’arrivée d’air se fera près du sol, de préférence sur un autre mur pour créer une circulation d’air dans toute la pièce. Pour éviter que le son sorte ou ne rentre, on recourra à un piège à sons (soit un système de chicanes dans un boitier) qu’on disposera entre la grille intérieure et la grille extérieure, mais on pourra plus simplement utiliser une gaine isophonique suffisamment souple dont les méandres casseront le flux sonore.
Reste qu’un système passif dans un endroit où l’on fait tout pour contrôler les mouvements d’air ne s’avèrera, dans bien des cas, pas suffisant pour garantir une bonne circulation d’air. Il faudra alors envisager de recourir à une VMC qui sera placée à l’extérieur du local, en sachant que plus son ventilateur sera grand, plus on pourra le faire tourner lentement et moins il fera de bruit. Reste enfin, si ces aménagements ne sont pas possibles, le pis-aller du ventilo qu’on activera fréquemment dans la journée en ouvrant la porte. Mais c’est vraiment un pis-aller.
Je vous dirais bien après cette ultime remarque qu’il est temps, à présent, de nous intéresser au traitement acoustique de notre pièce. Toutefois, avant d’en arriver là, il conviendrait de ne pas oublier que la plupart des home studistes ne sont pas en mesure d’effectuer le centième des travaux que nous venons d’évoquer.
Et pour deux balles, qu’est ce qu’on fait ?
Les solutions envisagées ci-dessus ne sont hélas pas applicables dans bien des cas. Sans même parler du budget nécessaire de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros qui n’est pas à la portée de tous, on y renoncera lorsque le home studio en question n’est qu’un coin de pièce à vivre dans un minuscule appartement que l’on loue et dans lequel il est impensable de faire des travaux d’isolation pour se retrouver avec quelque chose de plus petit encore.
Que faire alors ? Essayer de limiter les dégâts en conciliant la chèvre et le chou. Soyez-en certain, aucun des conseils que nous allons détailler ne vous donnera une bonne isolation, mais nous allons toutefois essayer d’améliorer simplement l’ordinaire, ou pour le moins de le rendre « moins pire ».
On en revient à la question de base : l’isolation, c’est quoi ? C’est, comme nous l’avons vu, empêcher que les vibrations sonores se propagent dans les murs, le sol et le plafond. Et puisque vous ne pouvez pas travailler sur la conductivité phonique de votre pièce, nous allons envisager des solutions simples pour éviter, autant que possible, que vos objets sonores soient en contact direct avec les parois de cette dernière ou tout ce qui est le plus susceptible de conduire ou d’amplifier le son.
Prendre le problème à la racine : ce qui génère du son
Commençons par les enceintes en suivant ces conseils qui valent aussi pour les amplis guitare, basse ou clavier :
- Ne collez pas vos enceintes à un mur sans quoi le mur lui-même devient un prolongement de l’enceinte ! De fait, plus il y a d’espace entre ces dernières et le ou les murs, moins vous conduirez les vibrations. Évidemment, cela vaut pour une simple cloison, mais plus encore pour un mur porteur qui conduira d’autant mieux les vibrations à l’ensemble de l’édifice.
- Ne posez pas vos enceintes sur le sol pour les mêmes raisons, même si, comme nous le verrons, on ne pose jamais ses enceintes sur le sol dans le contexte d’un Home Studio. Bien sûr, la chose vaut aussi (et surtout) pour un caisson de sub : on ne pose pas un caisson de basse sur le sol si on a un voisin du dessous, quoi qu’en dise le constructeur du caisson. D’ailleurs, soyons clairs : on ne s’équipe pas d’un caisson de basse lorsqu’on est dans un home studio qui n’a pas été isolé ou traité acoustiquement et qu’on a des voisins… Ou alors c’est qu’on n’est assurément moins un gentleman qu’un mufle qui n’a aucun souci des autres.
- Ne collez pas vos enceintes à un tuyau quel qu’il soit (gaz, eau, gaine électrique) car ce genre de tuyaux parcourant tout un bâtiment sont, là encore, de parfaits moyens de conduire le son. Évidemment, on évitera aussi tout contact avec un radiateur.
- Ne posez pas vos enceintes sur un volume susceptible de faire caisse de résonnance et d’amplifier le son : une armoire, un meuble à moitié vide, une cheminée.
Ce qu’il ne faut pas faire, c’est bien joli, mais que faut-il faire alors ? Dans l’idéal, utiliser des pieds. Ne posez donc pas vos enceintes sur votre bureau qui va devenir un prolongement du baffle, mais sur des pieds qui ont été conçus pour cela, et si vous devez vraiment les poser sur votre bureau, recourez à des supports en mousse isophonique ou encore des structures comme en proposent IsoAcoustics pour éviter au maximum que les vibrations se propagent au meuble. J’en profite pour vous mettre en garde contre l’un des plus gros malentendus provenant du monde merveilleux des audiophiles : les fameux cônes de découplage qui, précisons-le, ne découplent rien du tout.
L’idée de ce miraculeux petit accessoire trouvable pour quelques dizaines d’euros dans toutes les bonnes boutiques audiophiles, c’est qu’en réduisant la surface de contact de l’enceinte avec le support sur laquelle elle sera posée, on isolera mieux le son généré par l’enceinte ou on aura un grave comme ci ou un médium comme ça. Le problème, c’est que ces cônes n’absorbent aucunement l’énergie sonore. Au contraire, ils la concentrent.
C’est une loi de base de la physique mise en évidence depuis plusieurs siècles, établissant que la pression exercée par un corps est un rapport entre la force qui le meut et la surface sur laquelle cette force s’exerce. Pression = Force / Surface. Ce que ça veut dire en pratique, c’est qu’une femme de 60 kg vous marchant dessus avec un talon aiguille exerce une pression 8 fois supérieure à celle d’un éléphant de 5 tonnes dont la patte est 700 fois plus grande que le talon (source). C’est grâce à cette même loi que l’on peut enfoncer des clous et des punaises sans trop de peine.
Les cônes de découplage ne sont pas inutiles pour autant puisqu’ils concentrent les vibrations en trois ou quatre points et qu’il est, après coup, « plus simple » de gérer ces dernières. Dans le contexte qui nous occupe, à savoir l’isolation, on prendra en tout cas bien soin de ne pas poser ses enceintes sur des cônes reposant eux-mêmes sur un meuble ou une étagère, sans quoi nous ne changerons rien à la conduction et abimerons le meuble. Sur une plaque de marbre ou une dalle de béton de 200 kilos, disons que cela est plus envisageable car le seul moyen d’anéantir ces vibrations consiste à les confronter à une masse suffisamment lourde et inerte. Mais votre bureau supportera-t-il une telle charge ? (pour en savoir plus là-dessus, n’hésitez pas à aller voir du côté de Lafont qui a rédigé un article très intéressant sur le sujet)
Bref, tenez-vous loin des cônes en question et préférez de simples pieds ou encore des mousses, ou les deux : ce ne sera pas parfait, mais ça aura au moins une vraie utilité.
Au-delà des enceintes, une simple guitare acoustique peut être un calvaire pour le voisinage pour peu que votre appart soit mal isolé. Prenez donc la peine d’en jouer sans que vos pieds qui conduisent les vibrations soient en contact direct avec le sol, en vous mettant sur un lit ou sur un canapé. Oui, ça change les choses même si ça peut vous mettre dans des situations comiques et que ce n’est pas toujours très confortable…
Et c’est la même chose pour un piano numérique, ou pire, une batterie électronique. Même si vous jouez au casque, le bruit mécanique des touches ou des pédales de grosse caisse et de charley, en plus des coups de baguettes, suffira à exaspérer votre voisin du dessous. Une batterie MIDI, c’est en effet tout sauf silencieux.
Que faire alors ? Se munir de tapis d’isolation phonique peut améliorer un peu les choses (disons que c’est mieux que rien), mais c’est plus certainement en montant un podium que l’on arrivera à quelque chose d’efficace. On peut bien sûr s’inspirer de l’isolation du sol décrite plus haut, mais on peut aussi opter pour un tapis reposant sur une planche, lui même reposant sur une douzaine de balles de tennis qui, elles, reposeront sur le plancher. Pour un budget record (moins d’une centaine d’euros), vous améliorerez significativement le confort de vos voisins.
Évidemment, en plus de ces conseils, il convient d’user d’un peu de bon sens :
- Disposer des tapis épais ou une grosse moquette atténuera peu, mais atténuera quand même : on peut facilement gagner 10 dB de réduction sur certains sons de la sorte et si c’est bien insuffisant pour qu’on puisse parler d’isolation, ça n’est pas rien pour votre voisin du dessous. Vous pourrez en outre en tirer un bénéfice du côté de l’acoustique de votre pièce comme nous le verrons.
- Dimensionnez la puissance de vos enceintes en fonction de votre pièce : on n’utilise pas une paire de moniteurs de 100 watts avec des boomers de 8 pouces dans une pièce de 10 m2 si on n’est pas sûr de la qualité de l’isolation et de l’acoustique de sa pièce. Mieux vaut opter pour des petits gabarits, quitte à perdre dans la restitution des graves : pas de bas vaut toujours mieux qu’un bas de merde, tandis que des enceintes trop puissantes pour une surface donnée vont poser plus de problèmes qu’autre chose, même sur le plan acoustique. Mais nous y reviendrons.
- Même consigne pour vos amplis guitares et vos baffles : s’équiper d’un VOX AC30 ou un Fender Twin lorsqu’on est en appartement, c’est comme d’adopter un Saint-Bernard lorsqu’on vit dans une chambre de bonne. On ne les utilisera donc jamais tels quels, mais en passant au minimum par un atténuateur de type Power Break, ou mieux encore par un simulateur de baffles comme en propose Two Notes par exemple. Et on ne les pose pas à même le sol !
- Autant que possible, essayez de faire de la musique lorsque les gens ne sont pas là et ne vous reposez pas sur cette légende qui veut qu’entre 7 et 22 heures, tout soit permis. Il serait bien dommage que ce soit un policier ou pire, un magistrat, qui ait à vous l’expliquer. Car l’argent que vous avez refusé d’investir dans l’isolation de votre local, c’est à l’Etat voire à vos voisins que vous allez le donner…
- Ne jamais faire de la musique fenêtres ouvertes, à plus forte raison quand la fenêtre en question donne sur une cour qui fera caisse de résonnance. Ou comment faire suer 300 personnes en plus de ses voisins directs.
- N’hésitez pas à fermer portes et volets quand vous faites de la musique, comme les rideaux si vous en possédez. Et puisqu’on en parle, n’hésitez pas à opter pour des rideaux bien lourds ou à plusieurs épaisseurs : on les trouve souvent sous le nom de rideaux phoniques. Inutile toutefois de vous équiper d’un rideau de théâtre : votre tringle n’y résisterait pas.
- Ca tombe sous le sens : baissez le volume ! Et puisque ce sont les fréquences graves qui posent problème, n’hésitez pas à diminuer ces dernières autant que possible si cela ne gêne pas votre activité. Après tout, même en mixage, on passe le plus clair de son temps à gérer les problèmes se situant dans le médium et les aigus. Ca ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’occuper de ce qui passe en bas, bien sûr, mais il n’est peut-être pas vital de l’entendre au moment où vous faites de l’editing sur des cymbales. Et certes, le grand Bob Katz préconise que le volume d’écoute idéal se situe à 83 dB SPL ©. Mais le grand Bob Katz parle d’une condition d’écoute pro dans un studio pro… avec une isolation pro. Gardez ça à l’esprit si pour quelque raison que ce soit, vous avez renoncé à faire une isolation sérieuse de votre local : on ne se conforme pas à des usages professionnels sans s’assurer qu’on est dans un environnement professionnel.
Tordons le cou à une petite idée reçue pour finir : Il est vain de coller des plaques à oeufs sur les murs : si vous avez mangé autant d’oeufs, le seul bénéfice que vous en tirerez sera de faire grimper votre cholestérol et de passer pour un criminel aux yeux de vos amis véganes. Mais quand bien même ça ressemble de loin à des panneaux qu’on utilise pour le traitement acoustique, ça n’a aucun impact sur l’isolation phonique, ça procure une vague absorption autour de 700 Hz… Et c’est moche. Et c’est inflammable. Du coup, si vous faites cela, vous aurez juste l’air d’un bénêt oviphage. Encore que si vous mettez des pointes de découplement sous vos plaques à oeufs, je sois tout disposé à vous inviter pour un dîner le mercredi soir… ;-)
Comme vous le voyez, à défaut d’isolation sérieuse, la principale parade consiste surtout à diminuer et à maîtriser le bruit que vous générez. ce qui dans certains cas désespérés peut passer même par le fait de ne travailler qu’au casque. Nous y reviendrons.
Je le rappelle enfin : faites-vous un devoir de dialoguer avec ceux qui peuvent être gênés par vos bruits. Invitez-les chez vous pour leur permettre de voir ce que vous faites et identifier les bruits qui les gênent. On souffre beaucoup plus d’un bruit de voisinage quand on n’a pas identifié sa source. Pensez-y avant de rendre les autres dingues…