Après l'annonce de la renaissance de la marque Maestro, nous avions bien hâte de tester toute la gamme. C'est donc en toute logique que nous avons répondu présents quand Gibson nous a invités à jouer les cinq pédales.
Maestro fait partie de l’une des premières marques à avoir produit et commercialisé des pédales d’effet. Elle a sans aucun doute ouvert la voie à de nombreux fabricants avant de devenir assez confidentielle avec l’arrivée des géants comme MXR ou Boss, bien qu’elle ait produit des effets devenus de véritables classiques en plus d’avoir inventé la Fuzz. Mais voilà que cette année, Gibson a décidé de relancer cette marque à travers une nouvelle série de pédales : The Original Collection, qui intègre pour le moment cinq pédales sur lesquelles j’ai eu la chance de poser un bout de bottine au Showroom Gibson de Paris.
Cinq pédales, un châssis
Faire renaître une marque n’est pas une chose si simple, même quand il s’agit d’un nom aussi célèbre que Maestro. Gibson a dû élaborer une stratégie commerciale et marketing lui permettant de rationaliser au maximum la production de ces cinq nouvelles pédales. Elles disposent donc du même châssis avec trois potentiomètres, un switch à deux positions et un foot switch d’activation. Chaque pédale possède ensuite sa plaque métallique encollée sur le châssis, avec une décoration et une couleur spécifiques. Il semblerait d’ailleurs que ces graphiques aient été inspirés par le son de chaque pédale. Le designer a analysé les formes d’ondes générées par chaque pédale et en a déduit un motif. Le concept est sympa. Les connectiques sont intelligemment placées sur le dessus de la pédale, ce qui permet de gagner de la place sur un pedalboard. Cette première série de pédales Maestro (on suppose qu’il y en aura d’autres, on ne fait pas renaître une marque pour ne concevoir que cinq produits) se compose donc d’une fuzz, une distorsion, un overdrive, un chorus et un délai. La marque a mis un point d’honneur à développer des circuits entièrement analogiques et toutes les pédales disposent d’un switch True Bypass. Derrière un slogan un peu pompeux qu’on peut traduire littéralement par : « À tous les sculpteurs de sons, vos nouveaux outils sont là ! », se cache une réelle volonté de se faire une place sur le marché déjà surchargé des pédales d’effets. Les pédales sont fabriquées en Chine et leur tarif est de 150 € (sauf le délai qui affiche un tarif de 160 €). Le châssis est de taille relativement compacte (12.8 cm x 8.7 cm x 6.3 cm) et les boutons de potentiomètres sont plutôt jolis. La fabrication paraît soignée, les potentiomètres et le switch ont l’air assez robustes, bien que le plastique des boutons semble fragile. La signature de la marque est bien présente (le fameux logo tricolore rouge, jaune et bleu s’illumine quand on enclenche chacune des pédales). Enfin, chaque pédale possède son petit logo apposé à côté de son nom et certaines ont, en plus des trois contrôles présents en façade, un ou plusieurs trim pot(s) interne(s) permettant d’ajuster un réglage supplémentaire.
Fuzz Tone FZ-M
Sortie en 1962, la Fuzz-Tone FZ-1 est mondialement connue pour avoir été utilisée par Keith Richards pour le riff du morceau (I Can’t Get No) Satisfaction enregistré en 1965. Avec la nouvelle Fuzz Tone FZ-M, la marque souhaite nous rappeler son glorieux héritage. On retrouve sans surprise des contrôles de volume, gain (labellisé « Attack », comme sur la pédale originale) et tonalité en plus du switch à deux positions qui permet de basculer entre les modes Classic et Modern. Je saisis une belle SG Junior équipée d’un unique micro P-90 en position chevalet et commence à jouer. Pour ce test, je disposais du très chouette ampli Epiphone Blues Custom, un combo tout lampes de 30 watts, très vintage dans l’esprit. En mode Classic, le son et les sensations de jeu sont très satisfaisants. Le timbre de la pédale fait penser un peu à une Fuzz Face avec un léger côté « velcro » quand on attaque fort, c’est très chouette. En jouant le riff du célèbre morceau des Stones, on s’y croirait vraiment ! Les réglages sont assez réactifs bien que le potentiomètre de tonalité ne soit, à mon goût, pas très bien ajusté. Sur sa position maximale, le son est très (trop) strident, et quasi-inutilisable, alors que sur sa position minimale, on conserve une bonne dose d’aigus et un son plutôt chouette. En baissant le volume de la guitare, la pédale réagit très bien et encore une fois, le son et les sensations de jeu sont très agréables. J’actionne le petit switch pour passer en mode Modern qui, selon la marque, développe une sonorité plus épaisse et plus moderne (je l’aurais deviné). Je déchante assez vite avec ce mode, le son a quelque chose de « passe-partout » sans grande personnalité. Il est même difficile d’identifier clairement une fuzz, on oscille presque entre l’overdrive et la distorsion selon le taux de saturation. Les sensations de jeu sont cependant très agréables. Le son est effectivement plus épais, mais avec beaucoup moins de personnalité qu’en mode Classic. J’ai essayé la pédale sur un son clair et un son crunch et j’ai constaté avec surprise qu’elle fonctionnait mieux sur un son clair. Sur un crunch, le son était très brouillon et peu défini. J’ai donc effectué les prises de son en utilisant le son clair de l’ampli. Dans l’ensemble, la Fuzz Tone FZ-M est assez sympa ; le mode Classic m’a beaucoup plu, mais j’ai été un peu moins enthousiasmé par le mode Modern.
- FZ1 OverCleanTone – SG Junior – Attack Max – Classic – Tone Tweaking01:59
- FZ1 OverCleanTone – SG Junior – Attack Tweak – Modern02:10
Ranger Overdrive : une nième Tube Screamer ?
Difficile de ne pas avoir de doute quand une pédale d’overdrive est dévoilée. Le slogan de la marque affirme que la Ranger Overdrive est inspirée par les sonorités des amplis à lampes légendaires. Jusque-là, on est complètement sur le territoire d’une Tube Screamer. Je teste la pédale sur le son clair du petit Blues Custom dans un premier temps et découvre avec surprise que la pédale est blindée de médiums et pas très transparente. Étonnant, cela rappelle fortement une des caractéristiques principales de la fameuse Tube Screamer. La Ranger Overdrive a cependant une impressionnante réserve de gain, c’est assez chouette. Le réglage de tonalité est ici, à mon goût, beaucoup mieux calibré que sur la fuzz. Sur sa position médiane, le son est plutôt équilibré (bien que très chargé en médiums… il faut aimer). La pédale, qui dispose déjà d’un sérieux boost de volume, peut être alimentée en 12 volts pour encore plus de headroom. C’est bien pensé. Elle est très réactive aux variations d’intensité de jeu du guitariste qui l’utilise, à la manière d’une bonne TS-808. Les deux modes sont labellisés Hi et Lo. Le mode Lo est pensé pour utiliser la pédale soit en mode « always on » soit pour booster un ampli déjà saturé. Pour cet usage, la Ranger Overdrive fonctionne parfaitement, bien que les médiums trop présents aient tendance à faire un peu baver le son. C’est dommage. La Ranger Overdrive reste un overdrive assez sympa, mais comme il en existe des centaines.
- Drive – LP 50s – gain & tone Midi – Hi puis Lo02:48
- Drive – LP 50s – Over Crunch – Lo – Gain 3:4 – Tone Midi00:54
Invader Distortion
La marque nous présente la pédale comme conçue pour « envahir et dominer un monde de distorsion », tout un programme. Comme pour la Ranger Overdrive, je me suis saisi d’une Les Paul Original 50’s. On retrouve les contrôles de gain, tonalité et volume. Comme son nom l’indique, l’Invader Distortion est une distorsion avec une bonne réserve de gain. Le son et les sensations de jeu m’ont immédiatement rappelé ma Friedman BE-OD, en un peu moins bien. On reconnaît une sonorité d’ampli Marshall légèrement modernisé, plus droit et maîtrisé. C’est assez chouette. Cependant, il manque selon moi un contrôle qui aiderait à contrôler et resserrer les basses fréquences qui font un peu baver l’ensemble. Le son reste dans l’ensemble bien « tight » si on attaque les cordes fermement. Sur les réglages de gain les plus bas, le son est assez tranchant à la manière d’un Marshall Plexi, ce que j’ai bien aimé. La pédale, malgré un niveau de gain assez élevé, reste assez silencieuse. Cependant, on dispose d’un noise gate que l’on peut activer via le petit switch à deux positions (ON/OFF en l’occurrence) et dont on ajuste le seuil par l’intermédiaire du trim pot interne. Ce noise gate fonctionne bien et il est très réactif. Globalement, l’Invader Distortion est réussie, d’autant que le marché des distorsions hi-gain ne soit pas aussi fourni que celui des overdrives « tube-screameriens ». De plus, elle réagit très bien aux variations de jeu et au potentiomètre de volume de la guitare. Elle génère pas mal d’harmoniques. Le son m’a rappelé beaucoup d’albums des années 80/90, de Mötley Crüe à Ratt en passant par Vinnie Vincent Invasion et Alice in Chains (je me suis même amusé à passer en Drop-D à la toute fin de mon passage au showroom pour un dernier tour de manège avec cette Invaders Distortion).
- Disto – Over Clean Tone – LP 50s – Gain Midi – Tone Tweaking01:53
- Disto – Over Clean Tone – LP 50s – Gain Tweaking – Gate ON:OFF04:50
- Disto + Delay – LP 50s – Drop D noodling01:20
Comet Chorus
La Comet Chorus est un chorus analogique à deux modes : Earth et Orbit. Le premier correspond à un chorus somme toute assez standard et le second est une sorte de vibrato. On a donc une pédale assez polyvalente. Les contrôles permettent de doser la quantité de modulation de Pitch (Depth), la quantité de signal traité (Mix) et la vitesse de la modulation (Rate). Le switch permet de basculer entre les modes Earth et Orbit. On peut obtenir assez facilement des sons de haut-parleur rotatif type Leslie. Cependant, j’ai trouvé la modulation de Pitch un peu trop ample. Heureusement qu’on peut doser la profondeur de l’effet ainsi que la quantité de signal traité. Pour de lentes successions d’accords tenus, la pédale fonctionne très bien, mais pour des riffs en note à note, l’effet de modulation étant un poil trop accentué, on peut avoir l’impression de jouer faux ce qui n’est pas toujours agréable. Le mode Orbit est assez chouette et très polyvalent grâce à la très longue course du réglage Depth. On peut obtenir un effet très subtil et discret ou au contraire un vibrato très haché. Le trim pot interne permet d’ajuster le niveau de l’effet du mode Orbit. La Comet Chorus, bien qu’assez standard, marque des points par sa polyvalence qui lui permet d’atteindre des sons d’Uni Vibe, de chorus, de vibrato et de haut-parleur rotatif, le tout dans une pédale.
- Chorus Over Clean Tone – LP 50S – Chorus, rotary, tweaking02:42
- Chorus Over Clean Tone – LP 50S – Vibrato Tweaking03:20
Discoverer Delay
J’ai terminé le test de ces cinq nouvelles pédales Maestro par le Discoverer Delay, un délai analogique qui utilise la technologie BBD, comme le chorus d’ailleurs. C’est un délai assez standard, mais chaleureux et bien conçu. On ajuste le temps du délai grâce au contrôle Delay, le nombre de répétitions via le réglage Sustain et le volume des répétitions grâce au potentiomètre Mix. Le switch permet d’activer/désactiver un effet de modulation appliqué aux répétitions. On ajuste les réglages de profondeur et de vitesse de l’effet par l’intermédiaire de deux trim pots internes. D’usine, ces réglages sont positionnés pour générer un effet de modulation assez léger, mais ils permettent d’appliquer de fortes variations aux répétitions, un peu à la manière d’un délai à bande. Comme avec tout bon délai analogique, le Discoverer Delay peut partir en auto-oscillation quand on tripote un peu les réglages, c’est très chouette. Les répétitions sont assez chaleureuses et habillent joliment le son. C’est un bon délai analogique, encore une fois, comme il en existe beaucoup sur le marché.
- Delay – Over Disto – SG Junior – Mod ON:OFF01:28
- Delay – Over Disto – SG Junior – Tweaking03:17
Le mot de la fin
Les pédales Maestro sont bien construites et sonnent globalement bien. Cependant, j’ai trouvé un peu dommage de ne pas profiter de l’histoire de la marque pour proposer des ré-éditions des FZ-1, Stage Phaser ou Octave Box. Ces cinq nouvelles créations ne révolutionnent en aucun cas l’industrie des pédales d’effets, mais se contentent d’apporter des variations d’effets et circuits existants. Le chorus est peut-être la plus belle réussite du lot grâce à sa polyvalence. La distorsion hi-gain et la fuzz m’ont plu également, mais l’overdrive et le délai restent assez anecdotiques. On a hâte de découvrir les prochaines pédales de la marque qui, à priori, devrait étoffer son catalogue dans les mois à venir.