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Interview / Podcast
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Acheter et vendre des guitares vintage et Custom Shop

Interview de Simon Gauf de Guitar Point

A l'heure où certaines guitares Vintage se vendent à des tarifs déraisonnables, Simon Gauf, le responsable de GuitarPoint à Maintal en Allemagne, nous explique ce qui fait le prix de tels instruments...

Interview de Simon Gauf de Guitar Point : Acheter et vendre des guitares vintage et Custom Shop

Les guitares vintage sont char­gées d’his­toire. Les petites égra­ti­gnures et les défauts qui racontent la vie de centaines d’heures de jeu ne donnent pas seule­ment un super look à une guitare, ils lui confèrent aussi une aura mystique. Il n’est donc pas éton­nant que la demande concer­nant les guitares histo­riques soit forte et que leurs tarifs flambent sur le marché de l’oc­ca­sion. Une commu­nauté crois­sante de spécia­listes s’est déve­lop­pée ces dernières décen­nies, certains d’entre eux(elles) possé­dant de belles collec­tions d’ins­tru­ments. Au même moment, des fabri­cants tels que Fender et Gibson, deux des plus emblé­ma­tiques marques de guitares élec­triques, ont commencé à propo­ser d’oné­reux modèles Custom Shop minu­tieu­se­ment fabriqués à la main par des luthiers de renom, et qui repro­duisent de façon authen­tique les premiers instru­ments des années 1950 et 60.

vintage-gitarren-guitarpoint-interview-01La véri­table valeur d’une guitare dépend de diffé­rents facteurs, tels que la répu­ta­tion du luthier et, dans le cas des instru­ments vintage, son année, sa condi­tion origi­nale et son authen­ti­cité. Malheu­reu­se­ment, de nombreuses guitares ont été brico­lées au fil des années, certaines d’entre elles sont même de parfaites contre­façons, ce qui réduit signi­fi­ca­ti­ve­ment leur valeur mais n’ex­clut en rien qu’elles puissent être ensuite reven­dues à profit.

Il vous faut donc bien maîtri­ser votre sujet. Nous avons discuté avec Simon Gauf, le respon­sable de Guitar­Point à Main­tal en Alle­magne, pour connaître toutes les ficelles de l’achat et de la revente de guitares vintage et Custom Shop. Guitar­Point est reconnu depuis de nombreuses années au niveau inter­na­tio­nal pour être l’une des meilleures adresses si vous cher­chez des guitares vintage.

Bonjour Simon ! Commençons par défi­nir ce qui carac­té­rise une guitare ”vintage”. Quels sont les modèles et les marques les plus recher­chés ?

Pour la plupart des gens, ”vintage” englobe envi­ron tout ce qui a été fabriqué par de grandes marques telles que Gibson, Fender, Martin et Gretsch avant 1965/66. L’âge d’or des guitares élec­triques a duré de 1950 à 1964. De nombreux chan­ge­ments ont commencé à être opérés à partir de 1965 : Fender fut vendu à CBS, Gibson rédui­sit à 40 mm la largeur des manches de presque toutes ses guitares, et Gretsch fut égale­ment vendu. Toutes les marques rempla­cèrent le palis­sandre brési­lien par du palis­sandre indien, à l’ex­cep­tion de Martin qui ne le fit qu’en 1969. La vente de Gibson à Norlin, en 1969, marque un autre tour­nant.

Tout ce qui a été fabriqué après cette période n’a que très peu inté­ressé les collec­tion­neurs(ses), certains instru­ments étaient même tout simple­ment mal vus. Cela est dû au fait que les fabri­cants qui n’étaient plus diri­gés par leurs fonda­teurs, ont commencé à privi­lé­gier la quan­tité à la qualité. Beau­coup ont consi­déré que certains chan­ge­ments de design à cette époque se faisaient au détri­ment du son. Tant que les vieilles guitares restaient abor­dables, il était facile de déni­grer les modèles plus récents.

vintage-gitarren-guitarpoint-interview-06Aujour­d’hui, même les guitares du milieu des années 1970 sont assez coûteuses. On a fabriqué de nombreuses très bonnes guitares dans les années 1970 et même 80, et il faut toujours consi­dé­rer l’ins­tru­ment indi­vi­duel­le­ment. Les modèles connus tels que les Les Paul, SG, ES, Strat et Tele, qui sont toujours fabriqués aujour­d’hui, sont les plus impor­tants. Mais on a aussi vu gran­dir l’in­té­rêt pour les modèles asymé­triques, les P[Preci­sion, ndt] et Jazz Bass, les 6120 et d’autres. Au total, envi­ron 95% sont des Fender et des Gibson.

Aujour­d’hui, pour défi­nir les guitares et basses ”vintage” dans la caté­go­rie des instru­ments très recher­chés, j’irais jusqu’en 1975. Certains ont atteint une sorte de statut de légende et sont même propo­sés sous la forme de réédi­tions en Custom Shop. Et il y a une raison à cela, la demande de Les Paul de la fin des années 1960 et début des années 70, et des ES-335 et SG d’entre 1965 et 69, est très élevée chez les guita­ristes et les collec­tion­neurs(ses).

C’est inté­res­sant. Est-ce que cela signi­fie que les tarifs des guitares de la fin des années 1960 et 70 ne vont cesser d’aug­men­ter, comme cela est arrivé aupa­ra­vant avec les premiers modèles ?

Tout à fait. En fait, c’est dans cette caté­go­rie que se produit la hausse la plus impor­tante en termes de pour­cen­tage. Les prix des ES-335 et des SG à partir des années 1960, et ceux des Les Paul Custom jusqu’à 1975, ont consi­dé­ra­ble­ment augmenté. La demande est élevée et les gens savent que ces modèles conti­nuent à offrir un bon rapport qualité/prix.

Il y a des éléments sur toutes les guitares qui sont sujets à l’usure, comme les frettes et les potards. À quel moment cesse-t-on de consi­dé­rer qu’un instru­ment n’est plus de condi­tion origi­nale, et quelles modi­fi­ca­tions affectent le plus sa valeur ?

vintage-gitarren-guitarpoint-interview-04Du point de vue actuel, cela paraît presque étrange que tant d’ins­tru­ments aient survécu sans subir d’al­té­ra­tions majeures. L’ère du ”brico­lage” a débuté à la fin des années 1970 et dans les années 80, quand de nombreux(ses) musi­ciens(nes) ont commencé à consi­dé­rer que les fabri­cants n’of­fraient plus une qualité décente. D’une manière géné­rale, rempla­cer les frettes d’un instru­ment n’in­flue pas sur sa valeur, sauf sur de très rares guitares haut de gamme en parfaite condi­tion. Pour toutes les autres, c’est normal.

Cela mis à part, tout joue un rôle. Plus on remplace d’élé­ments, moins l’ins­tru­ment a de valeur pour le ou la collec­tion­neur(se). Repeindre l’ins­tru­ment est parti­cu­liè­re­ment néfaste et peut faire bais­ser sa valeur de jusqu’à 40%. Il en va de même pour des micros qui ne seraient pas des origi­naux – c’est le cœur de la guitare. L’ab­sence de logo est un problème sur les guitares Fender. Rempla­cer des potards n’est pas génial non plus, car on en a souvent besoin pour dater la guitare. Les potards peuvent souvent être répa­rés et il est rare qu’il faille les rempla­cer.

OK. Disons que j’aie trouvé une vieille Gibson Les Paul dans le grenier de la maison de mes grands-parents et que je vous l’ap­porte avec l’idée de la vendre. Quels services propo­sez-vous dans ce cas ?

vintage-gitarren-guitarpoint-interview-03Tout d’abord, nous aurions besoin d’in­for­ma­tions basiques, quelques photos correctes et une courte descrip­tion de la guitare. Beau­coup de personnes ne savent pas ce qu’elles ont entre les mains, quand elles héritent une guitare d’un membre de leur famille, par exemple. Bien souvent, ces infor­ma­tions élémen­taires sont suffi­santes pour mieux défi­nir l’ins­tru­ment et réali­ser une esti­ma­tion de sa valeur. On met nos cartes sur la table. Entre-temps, nombreux sont ceux qui auront recher­ché la guitare sur Google et trouvé des prix tota­le­ment déli­rants sur Inter­net. :) On propose alors d’en­voyer un trans­por­teur récu­pé­rer la guitare, pour que l’on puisse l’éva­luer et déter­mi­ner sa valeur exacte dans notre boutique. L’en­semble du proces­sus est tota­le­ment trans­pa­rent et sans compli­ca­tion pour le ou la vendeur(se). Quand il n’y a pas pandé­mie, on peut aussi rencon­trer le ou la vendeur(se) en personne. En règle géné­rale, nous ache­tons tous nos instru­ments direc­te­ment et ne faisons pas de dépôt-vente, contrai­re­ment à la plupart de nos concur­rents inter­na­tio­naux. C’est plus pratique pour le ou la vendeur(se), puisqu’il ou elle n’ont pas besoin d’at­tendre leur argent pendant des mois, ni de négo­cier avec des ache­teurs(ses) privés(es) qui essaient de dépré­cier l’ins­tru­ment.

Ache­tez-vous souvent plusieurs guitares ou des collec­tions entières d’un coup ?
 
vintage-gitarren-guitarpoint-interview-05Oui, il n’y a aucune limite. Si ça rentre dans notre cata­logue et que nous trou­vons un accord avec le ou la vendeur(se), nous ache­tons l’ins­tru­ment ou toute la collec­tion. Pour ce qui est des collec­tions impor­tantes, nous pouvons aussi nous rendre chez le ou la vendeur(se) pour voir ses instru­ments et les empor­ter. Nous sommes constam­ment à l’af­fût et ne nous inté­res­sons pas unique­ment aux instru­ments vintage ou d’oc­ca­sion. Je suis toujours à la recherche de guitares du Custom Shop de Gibson, notam­ment les modèles les plus chers (Collec­tor’s Choice, Artist, Murphy, etc.).

Est-ce que les amplis des grandes marques telles que Marshall, Vox et Fender prennent aussi de la valeur, et quel rôle les amplis vintage jouent-ils dans votre boutique ?

Oui et non. Le Fender Deluxe Reverb a pris au moins 20% ces dernières années. Les amplis Fender Tweed sont loin d’avoir disparu du marché. Mais c’est comme les amplis modernes : personne ne veut plus se casser le dos et les gros amplis puis­sants ne se vendent plus aussi bien. Un combo 4×10 Fender Super Reverb ou un Marshall Blues­brea­ker ont un son fantas­tique, mais il ne sont plus du tout pratiques et – c’est une des raisons – les expé­dier est problé­ma­tique. C’est la même chose pour les baffles 4×12. Nous nous concen­trons sur les combos Fender datant d’avant les années 1970 et sur certaines têtes Marshall jusqu’au début des années 80. Le reste ne nous inté­resse plus.

Vous avez déjà mentionné les guitares Custom Shop. Avant d’ar­ri­ver chez Guitar­Point, vous avez été en rela­tion avec le Custom Shop de Gibson et avez pu assis­ter en direct à la produc­tion de ces instru­ments. Qu’est-ce qui distingue les guitares du Custom Shop des modèles stan­dards, et est-ce qu’elles prennent de la valeur au fil du temps ?

C’est exact, j’ai été respon­sable des produits pour l’an­cien distri­bu­teur, puis j’ai conçu de petites éditions limi­tées en tant que client Gibson, ce qui m’a amené à me rendre de nombreuses fois au Custom Shop à Nash­ville. À mon avis, les guitares du Custom Shop n’ont rien à voir avec la produc­tion stan­dard de Gibson. Le Custom Shop utilise des essences de bois de qualité supé­rieure, des four­nis­seurs, des desi­gns et des équi­pe­ments diffé­rents. C’est un atelier complè­te­ment séparé qui – du moins quand j’étais en rela­tion avec eux – opérait indé­pen­dam­ment de l’usine de produc­tion en série. Mais il ne faudrait pas les consi­dé­rer comme des objets d’in­ves­tis­se­ment. Ce sont simple­ment de bonnes guitares neuves. Il y a quelques excep­tions, par exemple les éditions spéciales limi­tées, les versions Aged & Signed ou les premiers modèles des séries Custom Shop et Artist, certains valent aujour­d’hui un prix incroyable. J’en ai vendu certaines pour des sommes de plusieurs dizaines de milliers d’eu­ros. Cela mis à part, c’est comme ache­ter une nouvelle voiture : à la minute où vous sortez de chez le conces­sion­naire, vous avez perdu envi­ron 20%. Quiconque nous propose une guitare de ce type doit le savoir. On trouve des milliers de R7 et de R0 sur le marché, et elles sont toutes plus légères et magni­fiques les unes que les autres. :) Malheu­reu­se­ment, les critères pour les réédi­tions ”normales” sont très simples : 1. Le poids. 2. Le grain.

vintage-gitarren-guitarpoint-interview-02OK, parlons des guitares en tant qu’in­ves­tis­se­ment. Il semble que la guitare ne soit plus aussi popu­laire dans la musique commer­ciale. Conti­nuez-vous à recom­man­der les guitares vintage comme étant un inves­tis­se­ment stable ?

J’évite de donner des conseils spéci­fiques en matière d’in­ves­tis­se­ment, c’est le boulot des banquiers. Mais je peux dire que, peu importe la tendance actuelle, les guitares vintage conti­nuent à susci­ter une forme parti­cu­lière de fasci­na­tion, et ce chez les personnes de tous âges. Prenez simple­ment Post Malone, qui achète des guitares vintage chez un reven­deur améri­cain bien connu comme un véri­table passionné, ou encore Jason Momoa qui n’ar­rête pas de chan­ger de basse. Curieu­se­ment, nous avons noté un inté­rêt crois­sant de nos clients pour les ques­tions d’in­ves­tis­se­ment en 2020, pendant la pandé­mie. En période d’in­sta­bi­lité, les gens inves­tissent dans les biens maté­riels, et quand les reven­deurs sont aussi atten­tifs que nous le sommes, ça les rassure. La règle de base est la suivante : une origi­nale aussi bien conser­vée que possible. Mais même des guitares présen­tant de légères modi­fi­ca­tions peuvent prendre de la valeur quand le niveau géné­ral des prix augmente. La cote des modèles clas­siques Les Paul, Strat, Tele, ES-335 et SG est toujours au plus haut, quelle que soit la tendance musi­cale actuelle. Elle ont de toute façon atteint un statut de légende, et le public cible tend à les asso­cier au rock et au blues clas­siques, le ”vieux” son. Des gens comme Joe Bona­massa utilisent aujour­d’hui ces guitares pour appor­ter ce son sur scène, ce qui ne fait que favo­ri­ser leur essor.


Plus d’in­for­ma­tions : https://guitar­point.de

Photo­gra­phies : Robert Pfeuf­fer

 


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