Les techniques d'enregistrement sur disque dur ont influencé tous les aspects du processus d'enregistrement, y compris pour ce qui concerne les voix. Les overdubs dans les pistes de chant sont monnaie courante depuis des années. Cependant, les logiciels modernes offrent encore bien plus, notamment l'enregistrement de nombreuses pistes de chant afin de créer une version compilée constituée des meilleurs passages de chaque prise. Nous allons d'abord voir comment créer cette piste composite, puis nous aborderons son traitement avec la compression et la reverb.
Pistes de voix compilées
Le copier-coller a bénéficié aux voix car il permet de faire plusieurs prises puis d’assembler les meilleurs passages pour obtenir la voix « compilée » parfaite. Certains producteurs trouvent que de tels assemblages ne donnent pas un résultat aussi naturel qu’une prise effectuée du début à la fin du morceau. D’autres estiment qu’en choisissant parmi plusieurs prises, ils obtiennent des lignes de chant plus nuancées qu’avec une seule prise. Voici les étapes principales de la création de pistes de voix compilées.
Enregistrez les prises
Enregistrez suffisamment de prises pour que les différentes versions permettent de compiler une bonne performance vocale ; l’enregistrement en boucle est particulièrement pratique pour ce genre de chose. Tant que vous y êtes, enregistrez quelques instants du « bruit du lieu » (ambiance) sans signal source sur une piste séparée. Cette prise pourra être utile ultérieurement ; nous y reviendrons (voir étape du bounce).
Écoutez les prises
Écoutez chaque prise et isolez les passages intéressants en coupant les passages inutiles. Je vous conseille de placer les marqueurs de boucle autour de phrases très courtes. Écoutez successivement chaque prise en solo. Si vous jugez qu’une prise n’est pas bonne, coupez la phrase. Si une prise est candidate au mixage final, conservez-la.
Pour chaque passage, sélectionnez les trois ou quatre meilleures pistes et supprimez les passages correspondants des autres prises. Répétez ce processus phrase par phrase sur toute la performance enregistrée pour trouver les meilleurs passages.
Ici, on a enregistré plusieurs prises de chant dans Sonar. On a utilisé l’outil de Mute pour rendre muettes les portions inutiles de chaque piste (les formes d’onde correspondantes sont pales). Les passages restants forment la partie de chant finale.
Ensuite, écoutez des combinaisons des différentes phrases. Faites la part des choses entre les aspects techniques et artistiques : sélectionnez les parties qui s’enchaînent bien ainsi que celles qui sont acceptables sur le plan technique. Parfois, on choisira délibérément une version peu expressive d’une phrase si cette dernière intervient juste avant un passage à forte portée émotionnelle afin de renforcer le contraste.
Après avoir sélectionné les segments nécessaires à une performance cohérente, effacez les parties inutilisées. Pensez éventuellement à archiver certaines données, au cas où… En revanche, si vous êtes déçu du résultat après avoir assemblé les phrases, il vaudra mieux refaire des prises plutôt que d’investir beaucoup de temps dans l’édition audio.
Bouncez des prises
Cette étape n’est pas absolument nécessaire. Cependant, le fait de convertir tous les passages en une seule piste simplifie l’édition et les traitements ultérieurs.
Avant de « bouncer » (créer un nouveau fichier audio à partir d’une ou plusieurs pistes), écoutez le morceau du début à la fin et équilibrez les niveaux des différents segments le plus précisément possible. Gardez un œil sur les afficheurs du bus ou du master alimenté par ces pistes et, au besoin, réglez le niveau de sortie afin qu’aucune distorsion n’apparaisse. Généralement, la piste créée à l’issue du bounce est tirée d’un bus ou du master. Si de la distorsion est présente dans ce bus, elle le sera également dans la piste.
L’étape du bounce est aussi le moment où vous pourrez avoir besoin de l’enregistrement du « bruit de la pièce » (ambiance). En effet, en compilant les passages définitifs, vous devrez parfois faire un fondu de sortie rapide à la fin d’un segment, puis un fondu d’entrée au début du segment suivant, ce qui crée un « trou » entre les phrases (silence total). En ajoutant un peu du signal contenant le bruit, on améliore la continuité entre les segments et on évite que la piste ait un caractère morcelé.
Après avoir réalisé toutes ces manipulations, utilisez la fonction bounce (mixage sur le disque dur) de votre séquenceur. Généralement, vous pourrez choisir entre bouncer directement dans une piste vide ou importer manuellement le fichier audio résultant du bounce dans le projet.
Éditez la piste compilée
Habituellement, j’importe la prise compilée dans un éditeur audionumérique pour la nettoyer. Voici quelques procédés classiques :
- Réglage du gain phrase par phrase. Si une phrase présente un écart de niveau, utilisez un traitement adapté ou l’automation du programme pour régler le problème.
- Traitez les bruits de respiration et d’inhalation. Il se peut que certains bruits de respiration très prononcés résultent de la superposition de deux prises différentes. Dans ce cas, coupez-en une. Cependant, ne supprimez pas tous les bruits de respiration car ils participent au caractère vivant de la musique.
- Au besoin, ajoutez des traitements de la dynamique, de la reverb, égalisez, etc. Ne traitez pas les prises pendant que vous les découpez car il est alors difficile d’obtenir des effets homogènes. De plus, certaines queues de reverb peuvent être interrompues. Effectuez les traitements après avoir optimisé toute la piste pour obtenir les meilleurs résultats.
Faites de la place sur votre disque dur
Une fois les voix terminées, intéressez-vous à la façon dont votre programme gère les prises inutilisées car elles peuvent prendre beaucoup de place sur votre disque dur.
Compression des voix
Le contrôle de la dynamique est un paramètre essentiel de l’enregistrement des voix. Le meilleur moyen de contrôler la dynamique réside dans la capacité du chanteur à ajuster sa position par rapport au micro, un peu comme s’il « jouait du trombone à coulisse » : micro rapproché pour les passages intimistes et éloigné pendant les parties chantées fort. Malheureusement, peu de chanteurs maîtrisent parfaitement leur position par rapport au micro et vous devrez souvent recourir au contrôle électronique de la dynamique (compression).
Cependant, on peut aussi utiliser la compression pour d’autres applications, par exemple pour donner un caractère plus intime à la voix ou pour amplifier les portions de signal les plus faibles. Quoi qu’il en soit, et quelle que soit votre application, ne compressez pas exagérément pour éviter de tuer le caractère vivant des prises de chant. Voici quelques conseils pour une compression optimale.
- Observez l’afficheur de la réduction de gain ; il indique la réduction de niveau appliquée au signal source. Généralement, vous n’aurez pas besoin de plus de 6 dB de réduction de gain, ce qui est déjà conséquent. Pour une réduction de gain moins importante, augmentez la valeur du seuil ou réduisez le taux de compression (ratio).
- Ajustez le niveau de sortie pour qu’il s’approche le plus possible de 0 dB sans jamais dépasser cette limite.
- Les réglages les plus importants sont Threshold (niveau seuil) et Ratio (taux de compression). Pour atténuer les crêtes tout en conservant le reste de la réponse dynamique presque intact, choisissez un ratio élevé (10:1 ou plus) et un seuil relativement haut (de –1 à –6 dB).
- Les taux de compression faibles (de 1,5:1 à 3:1) produisent un son plus naturel que les ratios élevés.
- Avec un temps d’attaque à 0, la compression des crêtes est instantanée. C’est le type de compression le plus draconien. Si vous voulez que le signal ait un niveau moyen élevé sans jamais atteindre 0 dB, utilisez un temps d’attaque de 0. Personnellement, je préfère un temps d’attaque de 5 à 20 ms pour laisser passer quelques crêtes, même si c’est au prix d’un niveau moyen légèrement plus faible.
- Le paramètre Decay (déclin) n’est pas aussi important que l’attaque. Commencez entre 100 et 250 ms.
- Le paramètre Knee (pas toujours présent) contrôle le temps de montée de la compression. Avec la caractéristique Soft Knee, lorsque le niveau d’entrée dépasse le seuil, le taux de compression appliqué est d’abord faible, puis il augmente jusqu’au taux de compression fixé au fur et à mesure que le niveau d’entrée s’accroît. Avec la caractéristique Hard Knee, le taux de compression fixé est appliqué instantanément dès que le niveau d’entrée excède le seuil. Utilisez Hard Knee lorsque le contrôle des crêtes est une priorité et Soft Knee pour limiter la coloration du son.
- Certains compresseurs possèdent une option qui règle les temps d’attaque et de déclin de façon automatique en fonction du signal source. Il s’agit certainement du meilleur réglage si vous êtes débutant.
Conseils concernant la reverb
Une bonne reverb n’a pas son pareil pour mettre le chant en valeur. Pour les voix, je privilégie un espace acoustique naturel. Cependant, les lieux dédiés à l’enregistrement des voix étant de plus en plus rares, vous utiliserez certainement une reverb numérique. Le réglage d’une reverb est une affaire de goût. Deux paramètres sont particulièrement importants.
La diffusion. Pour les voix, je préfère une diffusion faible où chaque réflexion est « séparée ». Les valeurs de diffusion faibles sonnent souvent très bien avec des percussions car elles empêchent les échos individuels de sonner comme des billes rebondissant sur une plaque d’acier. Avec les voix, un montant réduit de réflexions permet d’éviter que le chant soit submergé par une réverbération trop généreuse.
Le pré-delay. Les valeurs de 50 à 100 ms donnent de bons résultats. Le delay permet aux attaques de la voix de percer le mix sans reverb et aux notes tenues de profiter de la réverbération.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.