Il y a un an et demi, nous testions la version mkII de l'Ensemble, jolie interface audionumérique signée Apogee, passée pour l’occasion au Thunderbolt. Au NAMM dernier, le constructeur américain annonça fièrement le passage en version mkII de son vaisseau amiral, j’ai nommé la Symphony I/O, qui attendait patiemment depuis 2010 que vienne son tour. Au menu, évidemment du Thunderbolt, mais aussi des modules et un écran tactile…
Avec un prix en magasin dépassant allègrement les 5000 € (pour la 8X8+8MP que nous avons entre les mains), Apogee affiche clairement la volonté de proposer l’interface audionumérique ultime, du moins pour ceux possédant un Mac avec port Thunderbolt. Car oui, faisons économiser quelques minutes de lecture aux possesseurs de PC, cette Symphony I/O ne leur est pas destinée et ne fonctionnera que sur les ordinateurs arborant le fameux fruit croqué…
Ça module
Nous avons donc affaire à une interface très haut de gamme, et cela se ressent dès le déballage. La finition, le look, le grand écran, le grand encodeur rotatif cranté, le format 2U… On sent que ça va envoyer du lourd. Mais c’est en retournant la bête qu’on lui découvre tout son potentiel : il y a deux slots (et même un troisième plus petit, on y reviendra), permettant d’enficher des modules que l’on choisira parmi une liste de quatre références. La première se dénomme 2×6 et présente deux entrées analogiques au format XLR, 6 sorties analogiques au format DSUB 25 broches, une E/S numérique AES sur connecteur XLR, une E/S S/PDIF/ADAT/SMUX sur connecteur Toslink et une E/S S/PDIF en RCA. Le deuxième module est le 16×16 et présente 16 E/S analogiques au format DSUB 25 broches et une E/S S/PDIF en RCA. Le module 8×8 possède 8 E/S analogiques au format DSUB 25 broches, 8 E/S AES-EBU en DSUB 25, 8 E/S ADAT/SMUX en Toslink et du S/PDIF en RCA. Enfin, le 8×8+8MP qui équipe notre exemplaire et qui occupe les deux slots ajoute au 8×8 le module 8MP présentant 4 entrées instruments et 8 inserts. Le troisième slot « optionnel » permettra quant à lui d’ajouter une carte Pro Tools HD afin de connecter sa Symphony I/O à un Pro Tools HDX, HD Native et Accel Core.
À l’arrière on retrouve aussi les deux ports Thunderbolt, qui nous permettront de chaîner l’interface à un écran ou disque dur par exemple, deux prises BNC pour le Word Clock et la prise pour le câble d’alimentation, cette dernière étant intégrée, ce qui est une très bonne chose. Enfin, un petit mot sur le ventilateur, qui demeure relativement silencieux, car à vitesse variable, mais pas totalement muet. À prendre en compte si vous comptez faire des prises juste à côté de votre interface.
Vous l’aurez compris, la grande force de cette Symphony I/O est son côté modulaire, chacun prend les modules dont il a besoin et tout le monde est content. On pourra regretter l’absence de MADI, et on espère qu’un module sera proposé prochainement, le Thunderbolt pouvant encaisser un nombre de canaux élevé sans sourciller.
Ça touche
La face avant de la Symphony présente le deuxième gros argument : le grand écran couleur et tactile. Comme c’est l’habitude désormais sur Audiofanzine, nous vous avons concocté une vidéo afin de vous rendre compte plus simplement de l’ergonomie de la partie matérielle.
On pourra quand même reprocher que la sortie casque ne dispose pas de son propre potard… Il faudra cliquer sur l’écran tactile suivant si l’ont veut contrôler le volume des sorties enceintes ou du casque.
Concernant la partie logicielle, malheureusement pas grand-chose de nouveau sous le soleil. Maestro est toujours aussi simple à prendre en main, mais toujours aussi gris et moche… Cela tranche vraiment avec la partie matérielle qui est très soignée et c’est dommage. On regrettera aussi le faible nombre de mixers virtuels (4), vu le nombre de sorties physiques disponible sur la Symphony I/O. Côté traitement intégré, c’est toujours le désert complet, Apogee arguant que son interface possède une latence très faible (ce qui est vrai, nous le verrons) et qu’une utilisation de traitements natifs est tout à fait possible sans ressentir la moindre gêne. Ceci n’est pas complètement faux dans les faits, mais cela reste un manque par rapport à la concurrence.
Ça benchmark
Nous avons réglé la mémoire tampon au minimum (32 échantillons) afin d’obtenir la meilleure latence : 1,04 ms en entrée et 0,65 ms en sortie (à 96 kHz). Ces résultats sont tout bonnement excellents et parmi les meilleurs enregistrés ici. On devrait donc pouvoir utiliser des traitements natifs à l’enregistrement sans de trop de problèmes.
Afin de tester l’interface, nous avons fait des benchmarks avec notre APx515 d’Audio Precision, et nous allons pouvoir comparer les résultats à ceux obtenus avec les interfaces que nous avons précédemment testées.
Voici les résultats obtenus avec les niveaux lignes :
Avec une déviation de ±0,122 dB, la Symphony I/O fait légèrement moins bien que l’Apollo 8 (±0,019 dB), la RME UFX+ (±0,023 dB) ou encore la Focusrite Red 4Pre (±0,055 dB). On observe notamment une toute petite atténuation dans le haut du spectre à partir de 10 kHz, chose que nous avions pu observer aussi sur l’Ensemble 2014 de la même marque (±0,087 dB). Ce résultat, même s’il reste dans la norme, est donc légèrement décevant pour une interface de ce prix-là.
En ce qui concerne la distorsion, c’est en revanche l’un des meilleurs résultats obtenus dans nos bureaux, avec un ratio ne dépassant jamais les 0,001 %. Mieux que l’Apollo 8 d’Universal Audio ou la RME UFX+ et du niveau de la Red 4Pre. La Symphony I/O tient son rang d’interface très haut de gamme et ce résultat vient contre-balancer le précédent.
Avec le gain réglé sur 34 dB, la déviation baisse légèrement, avec ±0,092 dB, même si on garde cette légère atténuation dans le haut du spectre. On peut donc constater que les préamplis restent très transparents et ne donnent aucune coloration. Côté distorsion, c’est toujours aussi exceptionnel, vu que le ratio ne dépasse toujours pas les 0,001 %. Même la Red 4Pre est dépassée, c’est donc tout simplement le meilleur résultat enregistré dans nos locaux. Les préamplis sont donc très transparents, et ne distordent quasiment pas. Cerise sur le pompon, ils sont contrôlés numériquement, disposent d’une réserve de gain énorme (85 dB !), et un rapport signal/bruit très bon de 110 dB. Mise à part la déviation pas exceptionnelle, la Symphony I/O dispose donc d’un taux de distorsion très bas et de préamplis de haute volée. C’est un quasi sans faute.
Conclusion
Comme à son habitude, Apogee nous livre une interface au look et à la qualité d’assemblage exceptionnel. L’écran tactile et couleur est vraiment grand et demeure sans doute le meilleur que nous ayons vu sur une interface audionumérique. Le système de modules rend le tout hyper flexible, et l’on regrettera seulement l’absence (à l’heure de ce test) d’une référence proposant du MADI. Les défauts généralement observés sur les interfaces du constructeur américain s’appliquent encore ici, à savoir une compatibilité Mac et Thunderbolt uniquement, 4 mixers possibles dans un logiciel Maestro ayant besoin d’un lifting, aucun traitement interne et un prix assez élevé. Mais il faut avouer que la belle possède des qualités indéniables, notamment des préamplis exceptionnels, puissants, silencieux et neutres. Le tableau final est certes loin d’être parfait, mais difficile de mettre moins de 4 étoiles à la Symphony I/O…