La Zen Quadro est la nouvelle interface desktop d'Antelope Audio, option abordable, mais pas bas de gamme dans la ligne Synergy Core. On aime autant les interfaces Antelope que les jeux de mots pourris (attention, il va y en avoir deux), alors on se demande : Quadro supérieur ? Ou Quadro feignant ?
On vous l’annonçait il y a quelques jours seulement, et la nouvelle interface desktop d’Antelope est déjà sur notre plan de travail. Il s’agit de mouture entre la Zen Go SC, l’interface la plus abordable chez Antelope, et la Zen Q SC. La Quadro reprend les grandes lignes de la Go et lui ajoute non seulement des options, mais en améliore également la restitution sonore. Le prix de départ lui aussi affiche un ajout, de 100 euros (la Zen Go SC était annoncée à 499 euros à l’époque, celle-ci est à 599 euros, prix constructeur). Reste donc à savoir si cela les vaut, et comment Antelope assure par rapport à la concurrence dans la tranche de prix 550–650 euros.
Ce que nous verrons donc à la fin de cet article, mais avant d’en venir à de telles considérations, procédons à une présentation aussi complète que possible…
Présentation
L’interface reprend les grands traits des boîtiers de la marque, mais densifie le nombre d’entrées et de sorties accessibles à l’avant, l’arrière et même sur les côtés de l’interface. Ainsi, aux deux entrées micro/ligne (sur combo XLR/Jack 6,35 mm TRS) qui se trouvaient à l’arrière, viennent désormais s’ajouter deux entrées similaires à l’avant, avec la possibilité de les utiliser comme entrée haute impédance pour y brancher directement des instruments électrifiés : c’est plutôt une bonne idée permettant de garder les entrées arrières pour une configuration fixe, et de seulement changer les branchements à l’avant. Sur la face arrière, on trouve donc ces deux entrées, deux sorties principales plus deux autres sorties de niveau ligne (tout sur Jack 6,35 mm, plutôt mieux que le format RCA choisi précédemment), plus l’entrée/sortie S/PDIF en coaxial, et deux prises USB-C. Ces deux prises permettent, au choix, d’utiliser deux ordinateurs en même temps et de mixer leurs signaux respectifs, ou de brancher un ordinateur et une tablette ou un portable, ce qui permettra par exemple d’employer l’ordinateur non seulement comme une source supplémentaire mais aussi comme une plateforme de contrôle durant un stream (attention à bien accorder les taux d’échantillonnages des appareils). Il est également possible d’employer l’interface seulement avec une tablette ou un portable, la prise USB-C numéro 1 permettant alors d’alimenter l’interface avec un module 5V DC (les appareils mobiles ne délivrant généralement pas assez de courant pour assurer l’auto-alimentation).
À l’avant, les deux entrées dont nous parlions plutôt, plus les deux sorties casque.
Sur le dessus, on retrouve les habituels contrôles Antelope : un écran LCD (non tactile), trois boutons de contrôle (permettant de commuter le réglage des gains d’entrée, des niveaux de sortie monitoring et casque, plus le bouton « Antelope »). Pour ce dernier bouton, on remarquera qu’il ne sert ici qu’à revenir en arrière dans la navigation par l’écran (comme sur la Zen Q), alors qu’il s’agit d’un bouton multifonction assignable depuis le logiciel sur la Zen Tour, par exemple. On se demande s’il ne serait pas plus évident d’assigner cette fonction à un bouton « retour » classique, plutôt que d’utiliser le logo de la marque sur un contrôle qui n’a pas une fonction liée directement à l’audio, au son, à la musique… Cela nous paraît relever un peu du « sous-emploi ». Le gros bouton, quant à lui, permet de contrôler un encodeur, que l’on peut assigner au réglage des gains d’entrée, des niveaux de sortie, et qui permet aussi de couper le signal en sortie en un clic.
On trouvera aussi l’ajout d’un port ADAT (jusqu’à 8 entrées), situé assez discrètement sur le côté gauche de l’appareil, un choix qui permet de conserver une face arrière pas trop dense, même si le résultat peut sembler un peu étrange au début (on s’y fait).
Comme souvent sur les produits Antelope, c’est bien dessiné, l’interface est assez petite (210 × 136 mm), mais parvient à conserver un certain caractère minimal, avec une présentation aérée, et des E/S bien accessibles, même lorsqu’on commence à avoir pas mal de matériel connecté dessus.
On ajoutera à cela un écran qui permet de naviguer d’un menu à l’autre au sein de l’interface, et de contrôler le routage et le mixage indépendamment de l’utilisation d’une STAN, permettant donc l’usage de l’interface sur scène, dans une chaîne de traitement d’un ou de plusieurs instruments, par exemple. De plus, les réglages de différentes chaînes d’effets et de mixage sont chargeables depuis l’interface elle-même (mais mémorisables dans le logiciel).
Le seul petit manque, à notre avis, c’est un ou deux contrôles physiques individuels pour le niveau des casques. C’est un réglage que l’on peut souhaiter réajuster régulièrement, surtout lors de longues séances d’enregistrement, et il nous paraît un peu dommage d’avoir à naviguer d’un menu à l’autre pour régler indépendamment les niveaux casques par rapport au niveau de monitoring. D’autant plus que, telle quelle, la face supérieure de l’interface n’est pas trop chargée de contrôles.
Logiciel
Étant donnée l’apparence plutôt minimale de l’appareil, on se doute que l’environnement numérique doit prendre en charge un grand nombre de fonctionnalités.
Signalons d’abord que l’installation est relativement simple, et si Antelope est connu pour avoir des produits plus développés pour Mac, nous n’avons rencontré aucun souci lors de l’installation et de la mise à jour de l’interface. Sur ce sujet toutefois, les retours des utilisateurs sont attendus.
Le logiciel en lui-même est accessible depuis un « centre de contrôle » Antelope qui permet de gérer vos différents appareils (si vous en avez plus d’un…), leurs paramètres, et qui donne accès à leurs manuels d’utilisateurs. La disposition est celle d’un logiciel classique de mix, avec des « tranches » individuelles pour chaque entrée physique, plus l’accès (en page séparée) aux E/S numériques S/PDIF, aux voies numériques des USB 1 et 2, et des deux tranches de loopback.
À noter toutefois, sur l’affichage principal (celui qui par défaut apparaît à l’ouverture), chaque tranche est en fait assignable à n’importe quelle entrée (y compris deux oscillateurs de calibration interne). Il est donc tout à fait possible de personnaliser la disposition de son logiciel de mix, de façon à créer des configurations pratiques selon les projets de chacun.
On retrouve tous les contrôles que l’on peut attendre de ce genre de logiciel : mute, dim (réglable), 48V, inverseur de phase, panoramique… individuels pour chaque piste, la possibilité de coupler les faders en tranches stéréo, mais aussi de coupler les contrôles de gain des micros indépendamment du couplage (ou non) des faders (plutôt intéressant, cela ouvre des possibilités de contrôle précis).
Pour ce qui est des sorties, HP1 reprend le mix de la sortie monitoring, mais la sortie HP2 permet la création d’un mix individuel, ainsi que d’un mix pour la sortie niveau ligne additionnelle (sorties 3 et 4). Dim et Mute sont accessibles indépendamment pour chaque sortie également. Bien sûr, tous ces réglages sont mémorisables…
Pour finir, on va au-delà du bundle grâce aux nombreux effets accessibles sans latence à la prise grâce au DSP embarqué, combiné à plusieurs circuits logiques programmables de type FPGA. Cette interface propose donc un traitement interne du signal via 37 effets livrés avec l’appareil, gérés en interne et en temps réel, et avec une latence extrêmement faible : EQ, compresseurs, limiteurs, mais aussi émulation de préampli à tubes, de magnétophones à bande et d’amplificateurs de guitare ou de baffles. L’interface peut supporter jusqu’à 48 effets mono, chargés sur 6 tranches d’entrées. Bref, il y a de quoi traiter le son en direct de façon à produire un produit exploitable dès l’enregistrement, ou pour la diffusion en direct sur scène ou via les réseaux…L’interface est également prévue pour se coupler avec les micros à modélisation Edge et Verge de la marque, et l’on peut accéder en temps réel à la librairie d’émulations de microphones classiques, et bénéficier de la possibilité d’enregistrer simultanément son signal sans et avec émulation, sur deux pistes indépendantes.
Benchmark
Précisons-le d’abord, la Zen Quadro travaille dans une résolution max de 24 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Le buffer sur 32 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5.147 ms
Le buffer sur 64 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5.850 ms
Le buffer sur 128 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 9.320 ms
Le buffer sur 256 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 15.193 ms
Le buffer sur 32 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 4.292 ms
Le buffer sur 64 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 4.771 ms
Le buffer sur 128 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5.438 ms
Le buffer sur 256 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 8.615 ms
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision. Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Gain max mesuré : 74,317 dB (75 dB annoncé, on est bon)
Plage dynamique mesurée pour tout l’appareil (pondération A) : 113,473 dB (121 dB annoncé pour les préamplis)
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,213 dB
THD+N : 0,004 % THD : 0,004 %
Rapport signal/bruit : 104,940 dB
Distorsion d’intermodulation : –86,929 dB
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,297 dB
THD+N : 0,006 % THD : 0,006 %
Rapport signal/bruit : 104,024 dB
Distorsion d’intermodulation : –86,391 dB
Qu’en est-il de la sortie casque ?
En restant sur l’entrée micro, qui a donné de meilleurs résultats…
Déviation : ±0,201 dB
THD+N : 0,007 % THD : 0,007 %
Rapport signal/bruit : 98,476 dB
Distorsion d’intermodulation : –72,436 dB
Conclusion
Un point à préciser, avant de vraiment rentrer dans le vif du sujet : les résultats en THD et THD+N sont quasiment identiques. C’est rare ! Cela démontre qu’au-delà de la distorsion harmonique, l’interface introduit très peu de bruit. On applaudit.
Maintenant, que conclure sur cette Zen Quadro ? Premièrement, comme solution intermédiaire dans la gamme Synergy Core, la Zen Quadro nous semble correspondre à une proposition réellement intéressante : plus d’entrées et de sorties que sur la Zen Go, des connectiques plus « sérieuses » (Jack TRS au lieu de RCA), plus de possibilités de routage et de traitement du signal… Bref, Antelope fait là ce qu’ils savent faire le mieux : proposer beaucoup en restant dans des dimensions classiques pour une interface, et en proposant des solutions qui permettent de conserver une interface élégante et fonctionnelle.
Face à ces concurrents, dans sa gamme de prix, elle a au moins l’intérêt de proposer une ligne assez identifiable : là où Audient joue le jeu de la maniabilité de l’appareil, dans une lignée « console », avec beaucoup de potentiomètres et de boutons, mais zéro DSP (pour une qualité sonore grosso modo équivalente à cette Quadro), là où Apogee joue la carte de l’offre minimale, mais de l’excellence des préamplis, là où Steinberg multiplie les entrées et les sorties, sous tous les formats souhaitables, on perçoit vraiment qu’Antelope tente de proposer une sorte de produit « tout-en-un », autonome et qui rassemble tellement d’options qu’il pourra convenir à de nombreuses pratiques, nomades ou sédentaires, de studio ou de scène, pour l’enregistrement ou la diffusion, etc., avec en sus une qualité sonore au rendez-vous. Il s’agit donc maintenant d’identifier quelle approche vous convient le mieux.