L’impédance : notion cruciale, et souvent mal comprise ! Cette semaine, nous attaquons la sixième partie de notre série d’articles sur l’électronique et le son, avec cette notion souvent maniée par les musiciens, sans toujours bien comprendre ce qui se cache derrière.
Voilà donc un vaste sujet, à l’origine de nombreuses questions sur les forums, qui concernent généralement les accords entrées-sorties, les enceintes, et la puissance des amplificateurs. Notre site a d’ailleurs déjà consacré deux articles à ce sujet, l’un dans une optique sono et l’autre concernant les sorties d’amplis à tubes. Qu’apporter de plus ? Notre approche : un peu plus de science, mais toujours avec l’approche vulgarisatrice que nous essayons de conserver dans ces articles.
Important : on évite généralement les anglicismes dans nos colonnes. Toutefois, pour plus de clarté, dans cet article, pour ne pas confondre la propriété physique que l’on nomme résistance, et les composants du même nom, j’appellerai ces derniers « resistors ». Voilà, c’est dit, et maintenant on y va !
Il signe d’un Z qui veut dire…
Le sujet a déjà été abordé sur AF, il n’est plus vraiment un mystère, mais nous devons quand même le préciser avant de comment : qu’est-ce que c’est l’impédance ?
Nous l’avons déjà vu dans cette série d’articles, la résistance est la tendance d’un matériau conducteur à s’opposer au passage du courant. L’inverse se nomme la conductance.
Nous l’avons vu, également, la résistance est un élément crucial dans la relation entre tension et l’intensité : elle est le troisième élément de la Loi d’Ohm.
Tout cela est valable en régime continu (c’est à dire pour du courant continu, CC). En régime alternatif (dont les signaux audio font partie), une opposition au passage du courant existe aussi : mais cette fois-ci, on la nomme impédance (et on la symbolise Z).
Et un des éléments qui la constitue se nomme…
Au rayon X
La réactance. Celle-ci définit spécifiquement l’opposition au courant qui se produit dans un composant inductif (bobine) ou capacitif (condensateur). On la symbolise par la lettre X.
Il en existe donc deux versions :
Réactance inductive : comme on l’a vu, l’inductance s’oppose aux variations du courant. Et tout particulièrement aux variations rapides (gardez-le en tête, c’est important pour notre explication). Puisque un courant alternatif a pour caractéristique majeure son changement constant (l’alternance entre positif et négatif qui lui donne son nom), il rencontrera une opposition lorsqu’il traversera une bobine. On appelle ce phénomène la réactance inductive. On la symbolise XL.
Plus la fréquence de ce courant augmente, plus ses variations sont rapides, et donc plus l’inductance s’y oppose efficacement (rappelez-vous ce que je disais au début du paragraphe : l’inductance s’oppose surtout aux variations rapides). Donc, plus la fréquence est élevée, plus la réactance augmente !
En théorie, une bobine idéale s’oppose moins aux fréquences graves, et plus aux aiguës : elle a un comportement théorique similaire à un filtre passe-bas.
Réactance capacitive : si un condensateur reçoit à ses bornes une tension continue, il se charge jusqu’au maximum puis bloque le courant dans le circuit (plus de déplacements d’électrons à ses bornes). Mais ce phénomène de charge/blocage n’est pas instantané : il a un temps de montée. Pour une tension alternative, les variations vont permettrent au condensateur de se charger, puis de se décharger (le courant ne sera donc jamais bloqué longtemps). Mais le temps de montée a toujours un impact : plus la fréquence est basse, plus ses variations sont lentes, plus le condensateur a le temps de se charger et de bloquer le courant. En revanche, plus la fréquence augmente (avec des variations rapides), moins le condensateur a le temps de se charger pleinement et de bloquer le courant. On appelle ce phénomène la réactance capacitive (symbolisée Xc).
En théorie, donc, un condensateur idéal s’oppose moins aux fréquences aiguës, et plus aux graves : il a un comportement théorique similaire à un filtre passe-haut.
En équations :
- Réactance inductive : XL = 2πfL
C’est-à-dire : 2 fois Pi fois la fréquence fois la valeur de l’inductance (mesurée en Henries, je vous le rappelle au passage). Je souligne : fois la fréquence ! XL est donc bien dépendante de la fréquence, si celle-ci augmente, XL augmente aussi. Toutefois, si la valeur de L augmente, XL augmente également. XL est donc aussi fonction de L.
- Réactance capacitive : XC = 1 / 2πfC
C’est-à-dire : 1 divisé par 2 fois Pi fois la fréquence fois la capacité (mesurée en Farads, je rappelle là aussi). Je souligne à nouveau : divisé par la fréquence ! Donc si la fréquence augmente, XC diminue. Soulignons aussi que si C augmente, XC diminue pareillement : un plus grand condensateur admettra donc des fréquences plus basses.
Voilà pour les condensateurs et inductances. Dans ces deux types de composant, l’impédance Z est presque égale à X. Mais pas tout à fait… nous y reviendrons dans l’avant dernière partie !
Qu’en est-il des resistors ?
Pour les resistors, c’est beaucoup plus simple : en théorie leur impédance est égale à leur résistance :
ZR = R
ZR n’est donc pas fonction de la fréquence.
Une réalité complexe
À la fin de la première partie j’ai dis que l’impédance est due, entre autres facteurs, à la réactance. Qu’est-ce que je voulais dire par là ?
La réactance étant une caractéristique d’une inductance ou d’une capacité, on pourrait penser que l’impédance est seulement réactive pour les bobines et les condensateurs, et résistive dans le cas des resistors. Mais ce n’est pas aussi simple.
En effet, jusqu’ici nous avons considéré tous ces composants comme idéaux. En réalité, chaque composant passif (et cela vaut aussi pour les actifs) porte en lui ces trois propriétés : résistance, capacité, inductance.
Comment se fait-il ?
Chaque composant est constitué de façon à ce que l’une de ces caractéristiques soient particulièrement présente : un resistor résiste, un condensateur condense, une inductance induit. Mais leur fabrication réelle est l’objet de compromis techniques.
Pour expliquer cela, je commence avec le condensateur. Il est formé de deux conducteurs, isolés l’un de l’autre. La capacité de charge d’un condensateur, ainsi que sa tension maximale admissible, sont fonctions de la surface de ces deux conducteurs, et de l’isolant entre eux. On obtient vite deux très grandes feuilles de métals (séparées par un isolant tout aussi grand). Pour gagner de la place, que fait-on ? On les enroule… et on obtient, géométriquement, deux bobines ! Pour cette raison, un condensateur a aussi des qualités inductives. De plus, comme ses conducteurs sont de grande taille (et on peut aussi leur ajouter les « pattes » du composant) une impédance résistive, faible mais bien réelle, existe à ses bornes.
On peut donc le schématiser comme ceci :
Rc représente la résistance des connexions, et Rd la résistance du diélectrique.
Passons ensuite à ce que nous nommons self ou auto-inductance. Elle possède une inductance L, c’est sa fonction première et toute sa structure est faite pour cela. Mais attention, étant donné qu’elle est composée d’un long conducteur enroulé en spires, elle a aussi une impédance résistive (faible, et qui varie selon la grosseur et la longueur du conducteur, mais là aussi bien présente). Ajoutons à cela que ses spires sont collées les unes aux autres mais séparées par un isolant. Rappelons-le, un condensateur est formé de deux conducteurs séparés par un isolant. Donc, par sa géométrie, une bobine forme plein de minuscules condensateurs en parallèles.
On peut donc la schématiser ainsi :
Pour finir, je vais prendre un exemple un peu exagéré mais existant : un resistor bobiné.
La technologie « bobinée » est souvent utilisée pour des resistors pouvant dissiper de fortes puissances. Le resistor va donc présenter une inductance. Et comme on vient de l’expliquer, une bobine a aussi un caractère capacitif !
Voici donc le schéma de notre resistor :
On comprend donc pourquoi l’impédance de chaque composant est en réalité le fruit d’un accord complexe entre différents facteurs, dont certains sont dépendants de la fréquence et d’autres non.
Quelques calculs pour finir
Que Z soit principalement linéaire (dans les resistors) ou dépendante de la fréquence (bobines, condensateur) on peut généraliser la Loi d’Ohm au régime alternatif, en écrivant :
Z = U/I
Dans le cas des bobines et condensateurs, on doit préciser la fréquence f à laquelle on étudie le circuit, puisque Z est dépendant de f.
Pour ce qui est du montage en série d’impédances, on procède comme pour des résistances. Pour calculer l’impédance totale :
ZT = Z1 + Z2 + Z3…
Pour des impédances en parallèle, là aussi on suit la règle qui s’applique aux résistances :
1/ZT = 1/Z1 + 1/Z2 + 1/Z3…
Dans le prochain article, nous nous pencherons sur les transistors bipolaires, et les diodes…