Début 2018, BOSS annonçait un nouveau produit haut de gamme au sein de sa série de pédaliers multi-effet GT. La sortie du GT-1000 marquait le désir du fabricant de s’attaquer aux pontes actuels du pédalier que sont l’Helix et le Headrush. BOSS a-t-il su se hisser au niveau requis ?
Après un léger passage à vide, les pédaliers ont de nouveau la cote auprès des guitaristes. Il faut dire que l’ère du multi-effet avant tout centré sur les débutants est révolue, et que les solutions d’aujourd’hui rivalisent d’ingéniosité pour délivrer des sonorités convaincantes alliées à une ergonomie et des possibilités de connexion enthousiasmantes. L’Helix de Line 6 symbolise à lui tout seul ce renouveau, tant la machine a impressionné sur tous les plans lors de sa sortie. De nombreuses marques se sont engouffrées dans son sillage, dont HeadRush ou, plus récemment, Hotone et Mooer. Mais c’est à un fabricant historique que nous nous intéressons aujourd’hui : BOSS. En effet, les Japonais ont eux aussi souhaité proposer leur propre vision du pédalier haut de gamme avec le récent GT-1000.
Tout d’abord, notons que le GT-1000 inaugure une nouvelle technologie chez BOSS. La marque dit enfin au revoir à son traditionnel système COSM et accueille l’AIRD (Augmented Impulse Response Dynamics). Ce dernier est basé sur la technologie Tube Logic que l’on trouve sur les amplis Blues Cube, et s’appuie sur un DSP particulièrement impressionnant avec une conversion AD/DA 32 bits, un traitement 32 bits à virgule flottante et une fréquence d’échantillonnage de 96 kHz. C’est tout simplement mieux que chez la plupart des concurrents du GT-1000 ! Le pédalier embarque 16 modélisations d’ampli, ce qui est peu, mais BOSS a préféré proposer quelques modèles avec beaucoup de réglages plutôt qu’un grand nombre d’amplis figés. Surtout, la technologie AIRD est censée se concentrer sur l’interactivité entre les différents éléments d’un ampli pour guitare, et cela se ressent dans les choix de BOSS. Ainsi, chaque ampli à un baffle automatiquement lié. Il est possible de modifier les micros et assez finement leur positionnement, ou même d’utiliser ses propres IR, mais, de base, vous ne pourrez pas changer de modèle de baffle. BOSS a donc cherché à optimiser son appareil, et vous pourrez même choisir à quel type de machine est connecté le pédalier grâce au AIRD Output Select. Vous utilisez un système Full Range ? Indiquez-le, et le GT-1000 s’adapte automatiquement sans que vous ayez besoin de désactiver tel ou tel élément. Vous enregistrez directement dans une interface audio ? Pareil ! Mieux encore, vous pouvez dire à la machine si vous vous branchez dans un véritable ampli, et différentes options pour assurer une compatibilité maximum sont là (choix du type d’ampli, dans l’entrée ou bien avec le return de la boucle d’effets, etc.).
Évidemment, on trouve aussi dans le GT-1000 des effets. Il y en a une centaine, dont 10 réverbes, 12 delays, 5 compresseurs, 24 saturations, et une flopée d’effets classiques et originaux (des chorus, un trémolo, un vibrato, un slicer, une fonction hold, des pitchshifters, un harmonizer, un feedbacker, etc.). Sachez d’ailleurs que beaucoup d’effets proviennent des gammes BOSS MDP (les pédales de la marque se terminant par un X), et des machines DD-500, MD-500 et RV-500. Mais comment utilise-t-on tout cela ?
GT pas prêt
Lorsque nous avons déballé le BOSS GT-1000 pour la première fois, nous avons été étonnés par sa taille. En effet, il est plus compact et plus léger que ses concurrents. Par exemple, les Helix et Helix LT font environ 54 × 30 × 8 cm, alors que la machine de BOSS fait exactement 46,2 × 24,8 × 7 cm. Quant au Headrush, il est encore plus grand que les appareils de Line 6 avec ses dimensions d’environ 61 × 30 × 8 cm. À peine sorti de son écrin, le GT-1000 se différencie donc déjà.
L’esthétique du pédalier, elle, est clairement calquée sur le Helix premier du nom. On retrouve un châssis en métal brossé plutôt joli et qui semble bien solide, ainsi qu’un écran en haut à gauche qui surplombe des petits potards, quelques réglages sur la droite, puis une série de footswitchs avec des indicateurs de couleur et une pédale d’expression intégrée. À propos des footswitchs, les conséquences de la taille réduite du GT-1000 se font tout de suite ressentir : il y a dix sélecteurs au pied, et non douze comme sur le Helix ou le Headrush. De plus, il n’y a pas les petits écrans LCD extrêmement utiles que l’on trouve sur les deux machines. Le GT-1000 se rapproche donc plutôt d’un Helix LT, mais sans les footswitchs sensitifs. BOSS s’est contenté d’un principe tristement classique…
Ce conservatisme est aussi observable avec le déplorable écran principal du GT-1000. Sa taille raisonnable n’est pas un problème. Non, c’est l’absence de couleur et la définition très faible qui nous ont déçus. C’est bien simple, on a l’impression d’avoir affaire à un écran de Game Boy ! Sur ce plan, BOSS ne boxe pas dans la même catégorie que Line 6 et, surtout, Headrush. C’est d’autant plus dommageable que l’écran est évidemment essentiel pour naviguer au sein du pédalier. Différentes pages sont d’ailleurs accessibles, avec, à chaque fois, des indications. Deux pages reprennent le nom ou le numéro du preset actif, une autre présente la fonction des footswitchs, et une autre encore met en avant la chaîne sonore, ce qui permet de créer des sons de toutes pièces. D’ailleurs, sachez que pour créer un preset très simple et construire une chaîne sonore, il faut impérativement lire le manuel. À l’inverse de notre expérience avec l’Helix ou le Headrush, nous avons été incapables de modifier instinctivement les paramètres basiques de la bête. L’ergonomie générale est très décevante, et nous avons eu une sacrée frayeur en débutant ce test. Au niveau de la chaîne sonore, on peut activer ou non des blocs correspondant aux amplis et aux effets, les déplacer et les remplacer, diviser le signal pour créer des chaînes parallèles que l’on met en série ou non, etc. En passant sur un bloc, ses paramètres sont automatiquement affichés en bas de l’écran, et assignés aux petits potards. On peut aussi sélectionner le bloc et rentrer dans ses paramètres détaillés. Il y a énormément de réglage, et tout a une incidence sonore. C’est très agréable d’expérimenter pour obtenir des sonorités différentes, mais la page est laide et peu claire, et cela confirme que l’écran du GT-1000 offre une expérience assez désagréable. Vous l’aurez compris, les amateurs de solutions plug and play peuvent faire l’impasse sur cette machine.
Malgré la présence de cinq footswitchs, il est impossible de s’affranchir complètement de l’écran. Par exemple, il n’est pas possible de régler les paramètres d’un effet. On peut par contre assigner n’importe quel bloc et ses fonctions liées (lecture du looper, modification momentanée du pitch, etc.) à un footswitch. Il en va de même avec les petits potards présents sur le châssis, mais tout cela se fait par l’intermédiaire d’un sous-menu dédié aux assignations. On perd beaucoup de temps, là où le Helix LT permet une assignation en quelques secondes en restant appuyé sur les footswitchs. La gestion du GT-1000 est vraiment frustrante, car la machine est capable de faire beaucoup de choses. Ainsi, il est possible de créer deux sons différents et de passer de l’un à l’autre avec la pédale d’expression, ou bien d’enregistrer des presets propres aux réglages des effets (BOSS appelle ces presets « Stompboxes »). Les possibilités sont innombrables et le fonctionnement de l’appareil est logique, mais la navigation est tellement lourde… Même les presets ne sont pas organisés par tag ou par type, c’est dire !
Si l’ergonomie du GT-1000 est ratée, on ne peut pas en dire autant des différentes fonctions et connexions disponibles. On trouve notamment un métronome, un looper, un chargeur d’IR, un très bon accordeur polyphonique bien précis, ou encore une fonction « carryover » qui permet de faire traîner les effets lors d’un changement de preset. Il y a également deux sorties stéréo, une boucle d’effet stéréo, deux entrées pour pédale d’expression/footswitch, et même un port Amp pour naviguer entre les canaux d’un ampli. D’ailleurs, sachez que le pédalier de BOSS est vraiment pensé pour la guitare : il n’y a pas d’entrée micro et pas de modélisations d’amplis pour basse.
Enfin, nous nous devons de nous arrêter sur un aspect enthousiasmant du GT-1000 : sa connectivité. En effet, il est possible de le brancher en USB à un ordinateur. Il fait alors office de carte son, et l’on peut utiliser le logiciel d’édition BOSS Tone Central pour modifier tous les paramètres de la machine et télécharger du nouveau contenu sur le cloud. Le logiciel existe même dans une version mobile géniale qui est à la fois logique et ergonomique, et qui reprend aussi l’intégralité des réglages. L’appairage en Bluetooth est facile, et il y a une répercussion directe des changements opérés via l’appli sur le pédalier, et vice-versa. On peut même choisir des canaux pour brancher plusieurs pédaliers ! Notre seule réserve sur la version mobile concerne la navigation dans la chaîne et le déplacement des blocs que nous ne trouvons pas très instinctifs (ce n’est pas un simple glisser/déposer).
Soyons honnêtes : nos premières heures avec le GT-1000 ont été difficiles. Alors que nous avions quasiment enterré la bête à cause de son ergonomie catastrophique, nous nous sommes rendu compte qu’elle offre des possibilités impressionnantes en termes de création de chaînes sonores et de connexion à des appareils externes. De plus, le logiciel et l’application offrent une alternative à la mauvaise navigation via le pédalier. Et puis, surtout, les sonorités ne sont pas en reste…
Finalement, il me fait de l’effet !
Il est temps d’écouter ce que donne le BOSS GT-1000 en action. Nous avons donc sorti notre Ibanez RG1570 Prestige et puis connecté le pédalier en stéréo à une interface audio Focusrite Scarlett 2i2 de seconde génération. Évidemment, une telle machine produit tant de sons différents qu’il est impossible de tout illustrer. Ces exemples ont donc vocation à vous donner une idée globale des capacités du GT-1000, et voici ce que cela donne :
- 1 – Préampli Tweed Combo05:15
- 2 – Préampli JC12004:29
- 3 – Préampli Natural + effets01:17
- 4 – Préampli Twin Combo05:24
- 5 – Préamp Diamond02:29
- 6 – Préampli Brit Stack03:42
- 7 – Préampli Juggernaut + changement de micros et de positionnement02:34
- 8 – Préampli X Modded02:53
- 9 – Préampli Recti Stack02:22
- 10 – Preset guitare Jazz Hollowbody00:43
- 11 – Sons acoustiques avec guitare électrique02:14
Comme vous pouvez l’entendre, les différents amplis AIRD disponibles sont assez impressionnants en son clair et en son crunch. Lorsqu’on joue avec le GT-1000, la dynamique marque, et l’on a vraiment des sensations propres à un véritable ampli. Chaque modèle à sa propre identité, et les réglages sont assez nombreux pour offrir une palette sonore variée. Certains réglages comme le sagging sont particulièrement efficaces, et l’effet de saturation et de compression lorsqu’on augmente le gain est assez bien reproduit. Nous avons plus de réserve en ce qui concerne les plus grosses saturations, mais, comme toujours, il s’agit certainement de trouver le bon réglage d’égalisation et la bonne simulation de baffle. À ce propos, vous savez déjà que chaque préampli à sa propre simulation de baffle AIRD associé, qui s’applique automatiquement à la sortie. La sortie étant stéréo, on peut choisir deux réglages de baffle différent si nécessaire. On peut néanmoins modifier le type de micros (dont un SM57, un MD421, un U87, etc.), sa position et sa distance. Le changement est radical à chaque fois, et vous devriez trouver de quoi vous combler. Si vous souhaitez absolument vous affranchir des simulations de Boss, il est de toute façon possible de placer l’IR de votre choix.
Un autre élément sera décisif quant au son que vous obtiendrez avec le GT-1000. Pour les deux sorties (Main et Sub), il est possible de décider à quel type de machine on connecte le pédalier (à un casque, une interface, ou bien un ampli). Si on choisit de le brancher à un ampli traditionnel, il est même possible de choisir parmi une sélection de presets qui correspondent à des amplis classiques (Hot Rod Deluxe, Twin Reverb, AC30, etc.). Il faut également indiquer si l’on branche le GT dans l’entrée principale ou dans le retour d’une boucle d’effet afin de s’affranchir du préampli. Dans les faits, cela semble modifier l’égalisation et fonctionne assez bien. Nous avons essayé avec notre Fender Twin Reverb, et le preset correspondant était parmi ceux offrant le meilleur résultat. Pour autant, le GT-1000 directement branché dans l’entrée ne nous pas a donner entièrement satisfaction. BOSS conseille d’ailleurs de brancher son pédalier dans un port Return. Nous n’avons pas pu tester cette solution, mais il est probable que le résultat soit meilleur. Pour autant, nous conseillons vraiment d’utiliser ce type d’appareil pour rentrer directement dans un système son ou une interface audio, ce qui vous permettra notamment de bénéficier de la stéréo.
- 12 – Effets (réverbe + octaver + autres)02:00
- 13 – Effets (chorus + réverbe)00:50
- 14 – Effets (réverbe + delay + autres)04:03
- 15– Effets (slow gear + réverbe)00:50
- 16 – Effets (hold + delay + réverbe)01:47
- 17 – Effets (delay pané + réverbe)00:37
- 18 – Effets (delay filtré + autres)01:04
- 19 – Effets (feedbacker + octavefuzz)00:53
- 20 – Effets (preset avec slicer)01:06
- 21 – Effets (preset effet de l’espace)00:56
Les effets bénéficient grandement de l’étonnante largeur stéréo du GT-1000. Les réverbes et les delays sont superbes, et s’estompent d’une manière douce et naturelle. Tous les styles sont couverts : de la réverbe à ressort à la réverbe shimmer d’ambiance, et du delay à bandes au double delay stéréo qui permet de cumuler deux modèles de sont choix. Il y a aussi des effets super originaux comme un slicer, un effet slow gear qui permet de créer des nappes, une fonction hold, un effet S-Bend qui permet de modifier la hauteur à la façon d’un B-bender numérique. Il y a aussi différents effets façon harmonizer qui permettent de créer des sons de synthétiseur, plein de modulations classiques avec énormément de réglage, des simulations de sitar et de guitare acoustique… Bref, c’est très riche, et on est vraiment sur des effets de grande qualité. En plus de ça, les footswitchs peuvent être activés avec des appuis momentanés ou classiques. On peut donc s’amuser de différentes manières en fonction de la nature de l’effet.
Évidemment, des effets plus utilitaires sont aussi là. On retrouve un EQ paramétrique et un EQ graphique avec des réglages vraiment fins, un noise Gate efficace qui élimine les bruits sans dénaturer le son, et des pédales de saturations variés. Cela va du clean boost à la grosse fuzz en passant par l’overdrive et les bonnes distorsions, et chaque modèle a une identité vraiment différente. Les saturations sont moins bluffantes que les autres effets, mais la qualité est globalement au rendez-vous, notamment avec les modèles s’inspirant d’effets BOSS.
Conclusion
Le BOSS GT-1000 est une machine bizarre. Elle excelle sur certains points, notamment au niveau des effets et de la connectivité, mais présente une ergonomie désuète qui noircit terriblement le tableau. Surtout, avec son tarif de 1000 euros en moyenne, le GT-1000 est en concurrence directe avec le Helix LT (900 euros en moyenne) et le Headrush Pedalboard (1000 euros en moyenne).
Au niveau de l’ergonomie, le Headrush est de loin le plus accessible. Le Helix LT est plus complexe, car il permet d’aller plus loin dans les réglages, mais reste extrêmement intuitif tant il est bien pensé. Dans les deux cas, l’assignation de fonctions aux différents boutons est simple, et on peut faire beaucoup de choses juste avec son pied. Appeler le looper est un jeu d’enfant, tout comme modifier le réglage de gain sans se baisser. Le GT-1000, lui, est à la fois complexe et mauvais ergonomiquement. C’est le seul point où il se fait battre à plate couture par la concurrence, mais c’est un élément important. Heureusement, l’application et le logiciel d’édition sont très bien faits.
Au niveau du son, le Boss GT-1000 rivalise avec ses confrères en ayant quelques beaux atouts. En ce qui concerne les modélisations d’ampli, BOSS ne propose pas autant de modèles que ses concurrents, mais ils sont globalement de qualité. Les amplis offrent beaucoup de dynamique, et on a un sentiment de son vivant en son clair et crunch. À l’inverse, les grosses saturations sont plus difficiles à maîtriser, et le GT-1000 ne brille pas dans cet exercice. C’est surtout au niveau des effets et de la stéréo que le pédalier de BOSS s’impose. Il est bien plus intéressant que le Headrush, et il rivalise sans peine avec l’Helix LT, qui, pourtant, a d’excellents effets. Ils sont certes moins nombreux sur le GT-1000, mais de qualité et originaux.
Enfin, en termes d’entrées et de sorties, le BOSS est aussi le mieux doté. Il dispose en effet des mêmes ports que ses concurrents, mais y ajoute une connexion pour naviguer entre les canaux d’un ampli externe, et une seconde entrée pour pédale d’expression ou footswitch externe (les autres n’en ont qu’une).
Pour résumer, la qualité du GT-1000 réside en sa capacité à s’intégrer au sein de différentes configurations. Le nombre d’effets et le le système AIRD pour s’adapter à différents amplis en font un appareil idéal à placer dans la boucle d’effet d’un ampli à lampes, et il donnera d’excellents résultats directement dans un système son en stéréo. La latence est imperceptible même quand on change de preset, et la fonction carryover est là pour assurer des transitions fluides. C’est donc une offre sérieuse même dans un cadre professionnel. Mais le retard hallucinant de BOSS en termes d’ergonomie et l’écran honteux en 2018 gâchent bêtement l’expérience. Heureusement, le logiciel et l’application rattrapent le coup, mais le tarif ne se justifie pas à notre goût quand on regarde la concurrence. Line 6 et Headrush sont capables de sortir des machines avec des qualités proches de celle du GT-1000, mais avec une ergonomie aux petits oignons. Pourquoi BOSS ne pourrait-il pas le faire aussi ?