Avec l’équivalent de 32 Go de samples internes, le GrandStage permet d’emmener sur scène cinq des plus mythiques pianos acoustiques, laissant même un peu de place pour les autres claviers et le reste de l’orchestre…
La rentrée est décidément riche en nouveautés pour les claviers électroniques. Il y en a pour tout le monde : synthés analogiques, modules numériques, BAR, sampleurs et claviers de scène… Alors que Nord vient d’ouvrir le bal avec l’excellent Nord Stage 3 placé tout en haut de la gamme, Korg propose sa propre vision du clavier de scène. Loin du SV-1 avec son look rétro et ses multiples commandes, le GrandStage tranche radicalement, avec un style épuré chic. Pour nous accompagner lors de ce test, Romain Frati alias Le Groove (merci Lydie !), professeur de piano, compositeur de musiques de films (finaliste 2017 du concours international de musique de film Marvin Hamlisch à Washington), arrangeur, membre de deux duos (Canto, répertoire lyrique ; Stent, jazz contemporain) et pianiste à l’Orchestre National de Lorraine. Autrement dit, le piano sous toutes ses formes, sur scène ou en studio, il connait ! Son site : www.romainfrati.com. On lui doit les extraits sonores de ce test numérotés de 01 à 09, faits sans échauffement, en impro totale et en une prise, en changeant les programmes à la volée tout en discutant sur la machine. Les seize extraits suivants sont les enregistrements audio directs des démos internes Korg. Et maintenant, place au spectacle …
Scène de ménage
Nous avons testé le GrandStage en version de 73 touches (Mi-Mi), équipée d’un clavier dynamique RH3, toucher lourd à action pondérée (plus lourd dans les graves que dans les aigus). L’instrument existe également en version de 88 touches (La-Do), la largeur passant de 110 à 131 cm et le poids de 17 à 20 kg. Il y a un réglage continu en façade pour la réponse à la dynamique, mais le clavier ne transmet pas l’aftertouch. Romain apprécie d’emblée le toucher, qu’il trouve rassurant, même si plus léger qu’un toucher de piano de concert. Le rebond est bien reproduit (il faut des répétitions très rapides pour le planter) et le poids bien équilibré. On peut peser sur ce clavier, y compris avec les mains déjà posées sur les touches. Frapper en partant au-dessus des touches apporte une bonne réserve dynamique supplémentaire, c’est bon signe. De même, l’effet de demi-pédale est bien rendu, mais il faut ici être plus précis qu’avec un piano acoustique.
Le GrandStage est un magnifique instrument, doté d’une façade noire très soignée en alu brossé avec une partie striée, des lignes sobres, des commandes discrètes, un rétro-éclairage rouge profond et deux petits écrans OLED monochromes 124×24 très classes. Quand on dit commandes discrètes, on veut dire qu’il n’y en a vraiment pas beaucoup : deux molettes, deux interrupteurs de modulation, dix rotatifs (potentiomètres, sélecteurs ou encodeurs selon le cas), trois curseurs linéaires, onze interrupteurs dédiés et seize pastilles rondes rétro-éclairées pour appeler les réglages favoris. Les potentiomètres et encodeurs (lisses ou à détente) sont vissés et ne bronchent pas sur leur axe. Par contre, les minuscules molettes et les flancs en plastique dénotent par rapport à l’excellente qualité de construction globale de la machine « Made in Japan », au choix des matériaux, au niveau de détail (y compris la bande de feutre rouge entre le clavier et la façade) ; très surprenant !
Mise en scène
Par rapport à un Nord Stage 3 couvert d’acné sur fond rouge vif, le GrandStage est aux antipodes. Du coup, moins d’accès direct aux sons, moins de possibilités d’expression en live (pas de tirettes harmoniques, pas de section de synthé dédiée avec potentiomètres et autres sélecteurs), l’accent est mis sur l’interprétation au clavier, aux pédales et aux molettes.
La prise en main n’en est que plus simple : on choisit un ou deux programmes grâce aux sélecteurs de catégories et aux encodeurs, on les empile ou on les sépare, on affine la réverbe ou le délai, on ajuste l’EQ et on dose la réponse du clavier en vélocité. Et voilà ! Ah si, on peut directement transposer par demi-ton sur plus ou moins une octave (bouton dédié), programmer un point de séparation, intervertir les sons de part et d’autre de ce point et bloquer les commandes de la façade pour éviter de modifier un son à l’insu de son plein gré un soir de première. Quand les réglages nous plaisent, on sauvegarde le tout dans une mémoire Favorite.
La connectique, sur la face arrière, est tout aussi épurée : on trouve des sorties audio gauche/droite au format XLR (avec isolement de la masse) doublées par une seconde paire de sorties au format jack 6,35 mm asymétrique (hélas sortant le même signal final, il n’y a pas de sorties séparées, alors que le clavier est bitimbral), trois prises pour pédales (tenue, modulation, interrupteur), une paire d’entrée/sortie MIDI DIN, une prise USB de type A (pour connecter une mémoire de masse genre clé USB) et une prise USB de type B (pour le MIDI, mais pas l’audio). Un interrupteur secteur et une borne IEC de 3 broches (alimentation interne, merci !) complètent le tout. Ah, nous allions oublier le logo Korg rétro-éclairé, avec ajustement du contraste et de la couleur (diode arc-en-ciel) via le menu. Le GrandStage est livré avec un stand chromé spécifique, une pédale de tenue (simple, avec fonction demi-pédale) et un pupitre (qui se fixe sur le panneau arrière).
Services généraux
Nous avons vu que le GrandStage était organisé en deux sections sonores indépendantes, qui ont d’ailleurs leurs commandes séparées en façade : touche d’activation, potentiomètre de niveau, sélection par catégorie (sélecteur cerclé de diodes) et variation (choix du programme parmi 500 presets non réinscriptibles), touche d’édition (par pages de menu), écran OLED pour la visualisation des paramètres… Les catégories varient par type d’instrument, mais au final, on peut appeler les mêmes programmes dans les deux sections. Pour la section inférieure, dite « Ensemble », les huit catégories sont Strings, Brass, Synth, Lead, Bell/Guitar, Bass, SFX/Hit, Keyboards. Pour la section supérieure, dite Keyboards, les huit catégories sont Grand, Upright, EP RD, EP WL, EP SYN, Clavinet, Organ, Ensemble. L’une contenant le nom de l’autre, il s’agit simplement d’une catégorisation différente des mêmes sons qui défilent dans le même ordre. On voit bien que la catégorie inférieure priorise les familles d’instruments d’ensembles, alors que la catégorie supérieure priorise les familles de claviers, d’où leur nom !
Pour produire les sons, le GrandStage utilise différents moteurs développés sur le Kronos : SGX-2 (pianos acoustiques), EP-1 (claviers électriques vintage), CX-3 (orgues), AL-1 (modélisation analogique) et HD-1 (lecture d’échantillons), auxquels il ajoute deux moteurs d’orgue (Vox et Compact) tirés de la réédition modélisée du Vox Continental. Grosso modo, certains moteurs sont basés sur la lecture d’échantillons avec des articulations en fonction du jeu, d’autres sont de la modélisation pure. La Rom PCM totalise 19 Go compressés (équivalent à 32 Go linéaires), dont 90% sont consacrés aux pianos acoustiques (moteur SGX-2), le reste étant utilisé par le lecteur de samples traditionnel (HD-1) et peut-être un poil en partie par les moteurs de pianos électriques (EP-1) et d’orgues (Vox, Compact). Les autres moteurs utilisent la seule modélisation.
Chaque programme fait appel à l’un de ces moteurs et propose quelques paramètres à ajuster en fonction dudit programme et dudit moteur. On dit bien « quelques paramètres éditables », parce que c’est très peu : volume, octave (+/-3), accordage, release, un à quatre paramètres liés au programme sélectionné (et à son moteur), quatre contrôleurs (deux molettes et deux switches) assignés à des paramètres suivant le programme sélectionné (et son moteur), envoi vers l’effet global, réponse à la pédale de tenue… et c’est tout !
Nous avons vu que le GrandStage possédait deux sections sonores indépendantes. On peut les organiser en mode simple (un programme), Split (deux programmes séparés de part et d’autre d’un point programmable) ou Layer (deux programmes empilés sur tout le clavier). En mode Split, on peut intervertir les deux sections avec la touche Swap. On peut doser l’envoi de chaque section vers l’effet de réverbe/délai global, le tout passant ensuite dans l’EQ final (cf. paragraphe dédié aux effets en fin de test). Les réglages de programmes et d’effets sont mémorisés au sein d’une banque de 64 favoris réinscriptibles (32 pré-programmés d’usine) que l’on peut ensuite stocker sur clé USB en autant d’exemplaires que la mémoire le permet, ce qui laisse de quoi voir venir vu le peu de paramètres. Bon point dont nous parlons tout de suite, le GrandStage intègre une fonction de transition quasi inaudible entre les programmes (SST), indispensable sur scène. Merci !
Pianos acoustiques
Avec le moteur SGX-2, le GrandStage embarque six multi-échantillons de pianos acoustiques dont cinq pianos de concert prestigieux : Bechstein D282, Steinway de 9 pieds Model D, Yamaha C7 trois-quarts de queue, Bösendorfer Imperial, Fazioli F-308 et un piano droit non documenté. Pour mémoire, le Kronos n’offrait de base que le Model D et le C7, le Kronos 2 ayant ajouté le D282.
La polyphonie est de 60 voix stéréo doubles (permettant de gérer 2 couches stéréo simultanées, les échantillons de résonance sympathique des cordes, le mode Una Corda et les bruits), partagée avec les autres moteurs (allocation dynamique). Chaque piano représente quatre à huit Go de samples stéréo, enregistrés note par note en couches multiples (huit à douze), sans bouclage, avec des bruits de pédale, des samples pour la résonance sympathique et pour certains des samples utilisant la pédale de sourdine (Una Corda). Des versions échantillonnées séparément en mono sont aussi présentes, pour répondre à la demande de certains professionnels de la scène.
L’écoute des différents programmes internes est toujours aussi impressionnante : capture très soignée, son plein et résonant des basses aux aigus, médiums puissants, stéréo équilibrée, niveau de détail impeccable. Le moteur SGX-2 permet l’accès à certains paramètres (4 à 8 suivant le programme sélectionné) parmi lesquels : résonance sympathique des cordes, bruits divers ou wah wah, tremolo, largeur stéréo ou résonance du corps, tonalité, activation d’un chorus ou flanger ou phaser ou compresseur ou désaccordage (piano bastringue). Romain, qui possède un Bechstein de concert à la maison, apprécie la qualité sonore, la variété des différents pianos de concert (le premier exemple audio enchaîne plusieurs pianos pour montrer les différentes couleurs sonores), la dynamique entre le jeu pianissimo et fortissimo : « ça colle bien avec la réponse du clavier », « ça me parle », « ils ont bien travaillé ! ». Pour notre part, nous avons beaucoup apprécié la réponse en dynamique, accentuée par la qualité du clavier, la largeur stéréo, la présence et la transition entre les couches sonores. S’ajoute au réalisme le fait que les échantillons sont capturés note par note et sans bouclage. A notre goût, nous sommes très au-dessus du Nord Stage 3 à ce niveau.
- GrandStage 1audio 02 RF GP1 01:09
- GrandStage 1audio 03 RF GP2 01:11
- GrandStage 1audio 04 RF UP 00:32
- GrandStage 1audio 11 Steinway D 01:02
- GrandStage 1audio 13 Bechstein D282 00:49
- GrandStage 1audio 14 Bosendorfer Imperial 00:43
- GrandStage 1audio 15 Fazioli F308 00:56
- GrandStage 1audio 16 Concert Mixed 02:03
- GrandStage 1audio 17 Upright 00:36
- GrandStage 1audio 09 RF Bass and Bos 01:35
- GrandStage 1audio 12 Yamaha C7 and Pad 01:06
- GrandStage 1audio 13 CP80 and AnaStrings 00:54
Claviers électriques
L’EP-1 permet au GrandStage de modéliser 6 pianos électriques légendaires : quatre modèles Tine de Fender Rhodes (MKI, MKII, MKV et Dyno-My-Piano) et deux modèles Reed de Wurlitzer (200 et 200A). La polyphonie globale est de cent voix, partagées avec les autres moteurs (allocation dynamique).
Chaque modèle est composé d’un oscillateur harmonique (pour le son tenu) et d’un oscillateur de bruit (pour les parties attaque et relâchement). Dans un modèle Tine, la sortie des oscillateurs passe dans un effet interne d’insertion, un simulateur de préampli, des réglages de tonalité, un vibrato et ampli, puis se jette dans l’EQ global. Dans un modèle Reed, on commence par le préampli, puis le vibrato, l’effet d’insertion, l’ampli, avant de rejoindre l’EQ. Le seul problème ici, c’est qu’on n’accède à pratiquement aucun de ces réglages, tout est dans le marbre. Adieu synthèse et modulations, le GrandStage n’est pas un Kronos ! Les effets d’insertion sont totalement liés au moteur ; il s’agit de modélisation de célèbres pédales vintage souvent utilisées sur les pianos électriques : Small Stone Phase, Orange Phase, Black Phase, Vintage Chorus, Black Chorus, EP Chorus, Vintage Flanger, Red Comp et Vox Wah. Les paramètres éditables sont là aussi déterminés par le programme : vitesse et profondeur du chorus, vitesse et profondeur ou résonance du phaser, saturation d’ampli, seuil et attaque du compresseur, fréquence de coupure du filtre et sensibilité du wah wah…
Romain apprécie particulièrement le réalisme des pianos électriques modélisés. Ancien propriétaire de MkII, il cherche la petite bête et guette la moindre faille : « Ils ont vraiment fait très fort ». Ses exemples sonores illustrent bien l’amplitude de la réponse dynamique des différents modèles sur toute la tessiture. Pour notre part, nous trouvons la qualité sonore tout aussi excellente que sur le Kronos et de très loin ce qui se fait de mieux en matière de modélisation de pianos électriques vintage. Il y a beaucoup de détails dans la restitution, de l’attaque au relâchement, en passant par les bruits et saturations ; les effets embellissent le réalisme sonore et collent parfaitement aux ambiances recherchées. Contrairement à la plupart des sons de pianos électriques échantillonnés sur les instruments concurrents, les transitions sont inaudibles en matière de vélocité, de la plus faible à la plus forte. Concernant la tessiture, on peut déceler quelques petites variations de timbre çà et là en tendant bien l’oreille, faisant apparaître qu’il y a certainement quelques échantillons à la clé, dans cette modélisation par ailleurs très réussie. Mais bon, on chipote !
- GrandStage 1audio 05 RF MkI 01:54
- GrandStage 1audio 06 RF MkII 01:49
- GrandStage 1audio 07 RF Dyno 01:24
- GrandStage 1audio 08 RF 200A 00:46
- GrandStage 1audio 11 Wurlitzer 200A 00:39
- GrandStage 1audio 12 Clavinet Wah 00:20
- GrandStage 1audio 14 FM EP 00:34
- GrandStage 1audio 18 MkI Phased 00:31
- GrandStage 1audio 19 MkI Tremolo 00:52
- GrandStage 1audio 20 Dyno My Piano 00:28
Orgues modélisés
Le GrandStage fait appel à trois moteurs distincts pour produire les sons d’orgue : CX-3 (qui modélise un Hammond B3), Vox (Vox Continental) et Compact (Farfisa Compact). La polyphonie est de 128 voix pour le moteur CX-3 et 100 pour les moteurs Vox et Compact. Nous n’avons pas eu d’explication concernant la polyphonie inférieure des deux nouveaux modèles… Comme toujours, les voix sont partagées avec les autres moteurs du GrandStage (allocation dynamique). La modélisation de B3 est très musicale, on trouve en mémoire différents programmes de B3 reprenant les réglages de grands standards internationaux. Beaucoup de soin a été mis dans le rendu sonore, avec interaction des roues (Leakage), saturation de l’étage d’amplification, gestion des percussions et simulation de Leslie. Moins célèbre mais plus transportable que le B3, le Vox Continental est présent sur bon nombre de tubes des années 60 et 70 (par exemple The House of the Rising Sun, version Animals). La restitution offerte par le nouveau moteur sonore est tout à fait convaincante, bien dans l’esprit râpeux et aigrelet du modèle originel, avec les effets de clic de transistors bien rendus. Le Farfisa Compact a également eu ses aficionados dans les mêmes années avec un son plus fin et piquant. Moins recherché, avec un son formaté, il est plus présent ici pour l’histoire ou l’anecdote.
Les paramètres éditables sont là aussi peu nombreux et encore une fois liés au programme sélectionné. Pour le CX-3, on peut citer le Leslie (vitesses, balance des rotors), le gain du préampli, l’activation du vibrato/chorus et l’activation de la percussion (paramètres qui reviennent à chaque fois). Pour les modèles Vox et Compact, il s’agit surtout du contenu harmonique (brillance) et du vibrato (et un phaser sur l’un des programmes de Vox), c’est bien peu ! D’autant qu’il n’y a que huit programmes en tout couvrant ces deux derniers modèles. Comme nous l’avons déjà dit, la frustration est de ne pas pouvoir accéder précisément au contenu harmonique du son, faute de tirettes ou d’interrupteurs à bascule, qu’ils soient physiques, virtuels ou cachés dans un menu, alors qu’ils sont là, cachés quelque part dans le modèle. Rien non plus concernant le réglage précis des percussions, le Leakage ou l’âge du Capitaine. Nada ! Après, est-ce qu’on achète un clavier lourd pour jouer de l’orgue comme un organiste ?
- GrandStage 1audio 10 RF Church 01:18
- GrandStage 1audio 16 Vox Continental 01:21
- GrandStage 1audio 15 B3 and Bass 01:04
Synthé VA
Pour les sons de synthèse, rien de tel que le moteur AL-1 à modélisation analogique. Il offre 36 voix de polyphonie, partagées avec les autres moteurs (allocation dynamique). Voyons brièvement de quoi ce moteur, issu du Kronos, est constitué : on commence par deux oscillateurs, un Sub et un générateur de bruit. Le premier oscillateur offre toutes les formes d’ondes classiques : dent de scie, impulsion, triangle, double dent de scie, dents de scie désaccordées et combinaisons dent-de-scie/impulsion, carrée/triangle avec morphing. Le second oscillateur est presque identique. Le sub-oscillateur, une octave sous le premier oscillateur, propose les ondes triangle ou carrée. Le moteur AL-1 sait simuler les fluctuations des VCO analogiques. Les oscillateurs peuvent interagir : modulation en anneau, FM et synchro. Leur mélange passe dans deux filtres multimodes résonants à deux pôles combinés. En sortie, on trouve un amplificateur stéréo avec drive et low boost pour salir le son. Pour moduler le tout, cinq enveloppes très rapides, quatre LFO et une matrice de modulations AMS.
C’est peut-être là que les amateurs de synthèse auront le plus de frustration : comment tirer parti d’un moteur de synthèse aussi puissant avec huit paramètres maximum ? La plupart du temps, on accède au pitch bend, au vibrato sur la molette et au filtre (fréquence de coupure, résonance, action de l’enveloppe). S’y ajoute parfois la possibilité d’activer d’autres paramètres : detune, portamento, un effet d’insertion (chorus, flanger, délai, lo-fi, distorsion, compresseur), sans aucun réglage de temps ou quantité de modulation, mais juste une affaire de marche/arrêt… Au plan sonore, on a fort heureusement de nombreux programmes très bien faits à disposition (cordes, cuivres, nappes, ensembles polyphoniques, basses, leads, effets spéciaux), inspirés de tubes interplanétaires et de différents courants musicaux. Korg nous rappelle là qu’il sait faire des sons de synthés. Ce qui est clair, c’est que le GrandStage n’est pas un synthé, mais il souffre sur ce point de la comparaison avec le Nord Stage 3 et sa section synthèse (et son tarif) plus musclée. Cela peut être suffisant pour une utilisation live généraliste, sauf si on aime touiller les potentiomètres en live.
Lecture de samples
Le reste des sons du GrandStage est produit par un lecteur d’échantillons similaire à celui du Kronos, le moteur HD-1. La polyphonie est de 64 voix stéréo, partagées avec les autres moteurs (allocation dynamique). Là aussi, on ne peut accéder qu’à huit paramètres parmi des centaines possibles, fixés par le constructeur en fonction du programme : le pitch bend, le vibrato ou le tremolo, l’attaque ou le release d’enveloppe de volume, le portamento, l’activation de d’effet d’insertion présélectionné, la fréquence de coupure du filtre, la résonance, l’action de l’enveloppe de filtre… Donc on ne touche pas aux couches sonores, on ne change pas les oscillateurs, on ne choisit pas le type de filtre et on n’entre pas dans la matrice de modulation. Ce n’est même pas le niveau d’un bon vieux module GM des années 90… le public ciblé n’aura donc pas la possibilité de mettre les mains sous le capot !
Sur le plan des programmes disponibles, on a une série de claviers complémentaires à ceux couverts par les moteurs EP-1 et CX-3 (Clavinet capturé sur huit niveaux de vélocité déclinés en versions AC/AD/BC/BD, CP80, DX7, clavecins, orgues d’église, accordéons), des cordes acoustiques (ensembles larges, ensembles de chambre, solo, avec différentes techniques de jeu), des chœurs (classiques, pop, jazz avec différentes voyelles), des sons de Mellotron (cordes, voix, flûtes), des cuivres (sections, instruments solo, dans différents styles classiques/pop/jazz), des bois (quelques sections et des instruments solos), des guitares (acoustiques, électriques avec différents traitements modélisés, mais pas tant que cela au final), plein de basses (acoustiques, électriques, synthétiques), un tas de cloches (naturelles ou synthétiques, y compris marimba, vibraphone et autres percussions accordées), des sons de synthèse (basses, cordes, cuivres, nappes, leads, avec des instruments phares de l’histoire de la synthèse, complémentaires aux sons du moteur AL-1) et quelques effets spéciaux (pêches d’orchestre, bruits…). Nous avons apprécié les claviers électriques, les basses, les synthés et les cordes ; les chœurs et les cuivres sont convenables, les guitares assez moyennes. Difficile de tout décrire, ce moteur vient convenablement couvrir des territoires sonores complémentaires à ses collègues, c’est ce qu’on lui demande avant tout.
Effets réduits
Korg équipe généralement ses claviers d’excellents et puissants effets. Sur le GrandStage, l’excellence est là, mais pas l’édition. Chaque programme dispose de deux effets d’insertion indépendants, fonctions du programme et de son moteur sonore. Nous avons déjà eu l’occasion d’énumérer ces effets et leurs paramètres associés, il n’y en a pas d’autres au stade du programme, tant pis pour ceux qui aiment ajuster en détail !
Chaque programme est ensuite envoyé vers l’effet global réverbe/délai, vraiment global pour le coup, c’est-à-dire commun aux deux programmes sonores quand on en utilise deux. Le niveau de départ est toutefois ajustable, ouf ! Les réglages sont on ne peut plus simplistes et se font directement en façade : sélection du type d’effet (Hall, Stage, Room, Spring, Delay, Cross, Tape, Modulation), dosage de la profondeur et réglage du temps via la touche Tap. La qualité est top niveau, les réverbes sont profondes et naturelles, les délais bien maîtrisés, rien à redire sur ce point. Le processeur utilise de nouveaux algorithmes de réverbération, qui collent parfaitement aux sonorités. On aurait toutefois préféré disposer de deux ensembles indépendants, histoire de pouvoir mettre un délai bien peaufiné sur un lead de synthé et une réverbe à ressorts sur un orgue… De même, davantage de possibilités d’édition n’auraient pas alourdi la prise en main de la machine ! Enfin, après la section de réverbe/délai, on trouve un EQ global de trois bandes avec bouton d’activation et trois curseurs dédiés pour les réglages en façade, le luxe !
Relations très diplomatiques
Le GrandStage est équipé d’une interface MIDI DIN et USB (type B). Cela lui permet d’émettre et recevoir sur deux canaux simultanés : au programme, notes, changements de programmes, quelques CC (molettes, switches, pédale, volume, panoramique) et quelques Sysex (les déclarations de base, le volume et l’accordage, mais pas les nombreux réglages internes, sons et effets, ni les dumps de la mémoire). Pour ces derniers, on raccordera une mémoire de masse formatée en FAT16 ou FAT32 (une petite clé USB suffira) à la seconde prise USB (type A). On y sauvegardera autant de banques de 64 favoris qu’elle le permet, c’est-à-dire vraiment beaucoup. On en profitera pour faire la mise à jour de l’OS, si besoin est. Mais pour le reste, l’absence de gestion des CC ou Sysex pour les paramètres internes pose une question clé : est-il prévu qu’on puisse un jour accéder à tous les paramètres de synthèse et d’effets des moteurs via un éditeur ou une appli externe ? Rien n’est moins sûr, nous n’avons eu aucune garantie en ce sens du constructeur…
Le son avant tout
Le GrandStage est un clavier incontestablement agréable à jouer et à écouter. Il se concentre sur l’excellence sonore et la qualité de construction. Cela en fait un instrument pour jouer du clavier sur scène, pas pour le touillage des sons en temps réel. Autrement dit, plus pour virtuose de la touche que pour accro au potentiomètre. Certes, on peut ajuster la résonance sympathique d’un piano acoustique, modifier le drive d’un Rhodes, varier la vitesse de Leslie d’un B3, jouer sur la coupure d’un filtre de synthé, régler un ou deux paramètres d’effets… mais pas faire glisser les tirettes harmoniques d’orgue, brancher deux pédales sur un piano électrique, éditer une enveloppe de synthé, changer de type de filtre, redéfinir les points de modulation, peaufiner un effet… De même, rien ne semble prévu en matière de CC/Sysex pour modifier intégralement les sons via un éditeur externe. Le GrandStage n’a ni la cible d’utilisateur du Nord Stage 3, ni le tarif. C’est une grosse berline à boite automatique qui roule sur l’autoroute, pas un 4×4 passe-partout sur piste accidentée. Reste au musicien à définir quel type de conducteur il est…
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