Il y a quelques mois, l’Hydrasynth crée la surprise : est-ce son constructeur jusqu’alors inconnu, son clavier à pression polyphonique, son interface utilisateur innovante ou sa qualité sonore ? Sans doute un peu de tout cela à la fois…
La jeune société Ashun Sound Machines (ASM) est la propriété du groupe Medeli, facteur hongkongais d’instruments de musique électronique depuis 1983. Elle est présidée par Fanny Cheng, le développement produit est entre les mains de Glen Darcey (ancien de chez Roland, Akai et Arturia) et les ventes placées sous la direction de Daniel Troberg (ancien de chez Elektron). Il est rare de nos jours qu’une entreprise apparaisse d’un seul coup dans le milieu de la synthèse avec une première offre très aboutie.
ASM est pourtant bien un nouvel entrant sur le segment du synthé, après deux années de R&D concentrées sur son premier produit, ou plutôt ses premiers produits : la série Hydrasynth. Il aura aussi fallu plusieurs mois à ASM pour organiser sa distribution en Europe. Nous remercions vivement Steve Baltes de Sonic Sales, importateur de la marque pour l’Allemagne, l’Autriche, le Benelux, la Suisse et la France, de nous avoir envoyé l’un de ses premiers modèles disponibles. Il nous a installé le dernier OS à jour (1.31) et une banque sonore additionnelle (Inhalt). C’est donc avec curiosité et délectation que nous avons déballé, installé et branché un magnifique Hydrasynth clavier…
Beau parti
L’Hydrasynth est d’emblée disponible en deux modèles : clavier (49 touches) et module (24 pads, moins de commandes directes, mais des oreilles amovibles pour la mise en rack). Nous avons donc testé le modèle clavier. D’emblée, nous sommes séduits par la qualité de construction. La coque et les flancs sont tout en métal bien épais, ce qui nous fait un synthé de 10 kg pour 80 × 35 × 10,3 cm (3,6 kg et 44 × 22,3 × 7 cm pour le module, du lourd là aussi). Les commandes sont parfaitement ancrées, que ce soit les 10 potentiomètres, les 8 encodeurs lisses, le gros encodeur à LED, les 4 sélecteurs rotatifs, les 60 boutons-poussoirs ou les 2 molettes. On comprend vite l’organisation des différentes sections disponibles : arpégiateur à gauche, navigation et édition au centre, commandes dédiées pour les filtres en haut à droite et pavé de sélection de modules en bas à droite.
Le clavier semi-lesté est d’excellente facture. Rappelant celui du Summit de Novation, il répond à la vélocité et à la pression polyphonique : cela faisait un bout de temps qu’un constructeur de synthés ne s’était pas relancé dans ce type de clavier (on pense à Ensoniq, de 1987 avec le SQ80 à la fin des 90’s). La réponse est vraiment parfaite, on prend tout de suite son pied sur les pads hyper expressifs, ça donne envie d’acheter le synthé rien que pour cela. On trouve des réglages inhabituels pour la réponse en pression : délai, fondu, courbe de réponse, décalage, relâchement… top ! Un mot sur la version module, dont les pads répondent eux aussi à la vélocité et à la pression polyphonique. À part quelques commandes en moins, l’interface est quasi identique au modèle clavier, le moteur sonore, lui, étant complètement identique. Ce que ne possède pas le module, c’est ce grand ruban bipolaire, capable de répondre en mode pitchbend, modulation ou Theremin (note jouée et pitchbendée en même temps). Au-dessus des molettes (rétroéclairées avec couleur programmable, tout comme le gros sélecteur de sons), on trouve des boutons de transposition par octave (+/- 4 !) et un bouton de mémoire d’accords.
Bien pensé
L’ergonomie d’édition rappelle à la fois le Matrix 12, l’ESQ1, le Modular G2 et le Solaris, avec plein de bonnes nouvelles idées. Typiquement, on sélectionne un module (synthèse ou modulation) dans le pavé de modules en bas à droite, puis on édite les paramètres à partir de 8 encodeurs lisses et 8 poussoirs contextuels placés de part et d’autre de 4 écrans OLED. Lorsqu’un module comprend plusieurs pages, deux touches permettent de les alterner. Lorsqu’un réglage conditionne une sous-page ou des valeurs additionnelles, les poussoirs contextuels s’illuminent en attendant nos ordres. Les encodeurs offrent trois vitesses d’édition (+ touche SHIFT pour inverser la précision) et sont cerclés de diodes indiquant la valeur approximative des paramètres associés. Pendant ce temps, l’écran OLED central affiche le nom du programme, la forme d’onde de sortie (vue oscilloscope) et certains réglages sous forme graphique (filtres, enveloppes, LFO, etc.).
L’Hydrasynth offre aussi des commandes directes et nombreuses pour le filtre et l’arpégiateur, merci de les avoir sorties des menus et dotées des modes saut/seuil/relatif. Autre point, lorsqu’on veut assigner un paramètre à une source, il suffit de maintenir la source (à l’écran ou dans le pavé de modules) et d’appuyer sur le module de destination ; le lien est créé et une page de modulations s’ouvre pour finaliser les réglages. ASM n’a pas oublié les fonctions Init, Compare et Random, cette dernière permettant de laisser le hasard créer des programmes en agissant sur tout ou partie des paramètres, au choix.
Passons maintenant à la connectique. Une partie est située en façade. Il s’agit de prises jack 3,5 mm au format Eurorack permettant à l’Hydrasynth de s’intégrer au monde modulaire. Au programme, 2 entrées (CV assignables via une matrice de modulation ou audio pour moduler les oscillateurs) et 5 sorties (pitch CV en V/octave ou Hz/Volt, Gate V-Trig ou S-Trig, 2 modulations CV assignables, horloge – avec des tensions ajustables). Sur le devant du modèle clavier, on discerne 2 prises casque (mini-jack et jack 6,35) avec une petite molette de volume ; sur le modèle module, l’unique prise casque (jack 6,35) est située à l’arrière, avec le reste de la connectique, astucieusement placée en retrait.
Cette connectique est plutôt minimaliste : sorties audio stéréo (jack 6,35 TRS), entrées pour pédale (maintien et expression), trio MIDI DIN, prise USB (MIDI uniquement), borne pour alimentation externe (type bloc à l’extrémité bien cheap, la seule fausse note dans cette offre top niveau) et interrupteur secteur. Côté MIDI, l’Hydrasynth est compatible MPE (ce qui permet de transmettre des modulations polyphoniques note par note aux machines intégrant ce standard), transmet des CC pour les commandes temps réel, des Sysex pour les mémoires et reçoit des données pour les mises à jour d’OS. Dommage qu’il n’y ait pas d’entrée audio pour traitements directs dans les filtres et les effets, surtout quand on connait leur puissance et leur qualité…
Large bande
L’Hydrasynth est un synthé numérique monotimbral polyphonique 8 voix. On peut chainer deux machines pour augmenter la polyphonie. La mémoire interne renferme 5 banques de 128 programmes, dont une partie préchargée d’usine ; on trouve aussi la banque gratuite Inhalt en téléchargement sur le site ASM, composée de 128 programmes. On peut sélectionner les sons par catégorie, ordre alphabétique ou numéro ; il existe aussi 32 emplacements favoris pour le live. Dès les premiers tests sonores, nous apprécions le niveau audio bien calibré et l’absence de bruit de fond.
Nous sommes conquis par l’ampleur des sons et les possibilités de modulation temps réel, en particulier la pression polyphonique du clavier, le grand ruban bipolaire, les macro commandes et le mode Theremin, qui permet de jouer une voix solo avec le ruban sans affecter les autres voix déjà maintenues. On en oublierait presque le côté monotimbral, puisque chaque note peut sonner très différemment des autres, grâce aux modulations individualisées. L’expérience avec les pads de l’Hydrasynth module doit être très différente ; le premium de prix pour le clavier, le ruban et les commandes directes supplémentaires est à notre sens largement justifié, même si les pads sont tout aussi expressifs (vélocité et pression polyphonique).
Les nappes sont incontestablement le terrain de prédilection de l’Hydrasynth, qu’elles soient douces, évolutives, métalliques ou hybrides. De même pour les orgues type Hammond à HP tournant, dont les registres peuvent être réglés avec les macros, les pianos FM couleur DX7, les variations de texture type PPG ou encore les fondus harmoniques façon synthèse additive. Les oscillateurs en ont sous le pied, c’est indéniable, tant sur le plan des tables d’ondes que des différentes interactions proposées. De même, les filtres permettent une grande variété de timbres, par leurs modes de réponse nombreux et leurs combinaisons. On apprécie également les possibilités de modulation, automatiques ou manuelles, qui font de l’Hydrasynth l’un des synthés les plus expressifs que nous ayons eus entre les oreilles.
La section effet assure vraiment bien, en quantité comme en qualité. Elle est responsable de grands ensembles stéréo planants. Autre point de satisfaction, l’arpégiateur qui renferme plein de réglages malins permettant d’agrémenter les motifs en évitant le côté répétitif : différents modes de scan, des motifs variés, des Ratchets avec déclenchements aléatoires, on ne s’ennuie pas ! La banque son propose aussi des percussions style analogique hyper pêchues et un tas d’effets spéciaux déjantés. Là où l’Hydrasynth est un peu moins à l’aise, c’est sur les basses claquantes. Il sait sonner gras mais n’a pas la grosse patate d’un analogique monophonique, c’est indéniable. Signalons pour clore ce chapitre sonore qu’un bibliothécaire PC/Mac est téléchargeable sur le site du constructeur, merci.
- 01 PolyAT Pad01:32
- 02 PolyAT Fantasia01:06
- 03 Arpette Ratchet01:41
- 04 Macrorgan01:45
- 05 FM Ribon00:41
- 06 DuoAT Fretless01:00
- 07 Bass and Filters01:25
- 08 Bass Waves00:41
- 09 Q Bass00:47
- 10 Shaddap01:04
- 11 Simple Strings00:46
- 12 One-Patch Drums01:35
Oscillateurs en trio
La structure de l’Hydrasynth est plus musclée que ce que l’on trouve sur un synthé soustractif classique : 3 oscillateurs complexes, 4 mutants (transformations audio), un modulateur en anneau, un générateur de bruit, un mélangeur, deux filtres, un ampli stéréo, 4 effets, 5 enveloppes, 5 LFO, une matrice de modulation et un arpégiateur. De quoi bien s’amuser ! Commençons par les oscillateurs. Les deux premiers peuvent fonctionner en mode simple ou en table d’onde, alors que le troisième ne possède que le mode simple. En mode simple, l’oscillateur charge une forme d’onde unique parmi une liste de 219 ondes courtes au contenu harmonique varié.
Au programme, des ondes classiques sinus – triangle – dent de scie – carré – différentes impulsions tirées de synthés analogiques (certaines inspirées de machines vintage bien connues), des ondes numériques (très inspirées pour certaines), des spectres, des résonances, des orgues, des formants, des voix, des percussions monocycliques, des séries harmoniques… et beaucoup de timbres assez indescriptibles mais ô combien utiles dès qu’il s’agit d’expérimenter différentes intermodulations d’oscillateurs (nous en reparlerons en détail au chapitre suivant). On peut accorder les oscillateurs par demi-ton (+/- 36) et par centième (+/- 50). Le suivi de clavier varie de 0 à 200 %, sympa et utile, là encore, pour les modulations audio. Rien n’est donc laissé au hasard.
En mode table d’ondes, on place 1 à 8 ondes différentes (parmi la liste de 219, identique à celle du mode simple) en 8 points d’une table fictive, sur les positions 1 à 8 équidistantes. On définit ensuite le point de lecture de la table entre les positions 1,0 et 8,0, par pas de 0,1. Sur une valeur entière (1–2–3–4–5–6–7–8), la lecture commence sur une onde donnée. Sur une valeur décimale, la lecture est un mélange des deux ondes de part et d’autre du point d’index (par exemple, un index de 1,5 produit un mélange à 50/50 des ondes placées en positions 1 et 2). Bien évidemment, le point de lecture peut être modulé par un tas de sources internes et externes via la matrice de modulation, dans tous les sens et avec tous les niveaux d’intensité. De quoi évoquer les PPG Wave et autres machines à tables d’ondes. Une table d’onde ne consomme qu’une voix de polyphonie, tant mieux !
Mutants en quatuor
Les deux premiers oscillateurs offrent des possibilités de modulation audio appelées mutants, agissant plus ou moins violemment sur le contenu harmonique. Il y a quatre mutants en tout, identiques, à raison de deux mutants par oscillateur, placés en série (voir photos en gros plan du pavé de sélection des modules). La sortie d’un mutant s’apparente à un oscillateur transformé, donc une source audio à part entière, envoyée dans le mutant suivant (mutants 1 et 3) ou dans le mixeur (mutants 2 et 4). Chaque mutant peut opérer suivant différents types de modulation : FM linéaire, empilage d’ondes, synchro, PWM classique, PWM compressée, PWM sur mesure, harmonique.
Premier type de mutant, la FM linéaire correspond à un ensemble porteur/modulateur ; le porteur est l’oscillateur relié au mutant ; on choisit la source de modulation (sinus, triangle, oscillateurs 1–2–3, modulateur en anneau, mutants 1–2–3–4, entrée Mod 1–2), le ratio (de 0,250 à 64,000), la profondeur FM (1.280 valeurs), le feedback (0–150 %) et la balance son sec/traité. C’est vraiment top de pouvoir moduler n’importe quelle forme d’onde avec n’importe quelle autre, y compris elle-même ou une entrée audio ! Les résultats sont hyper variés et très vite bien barrés. Deuxième type de mutant, l’empilage d’oscillateurs : cinq copies de l’onde de base sont empilées, désaccordées suivant un paramètre de profondeur et dosées avec une balance son sec/traité ; le rêve pour les amateurs d’EDM (Hoover où es-tu ?) sans consommer de polyphonie.
Troisième type de mutant (celui d’une rencontre ?), la synchro : on peut choisir la source parmi les 3 oscillateurs, le ratio (ce qui permet de diviser ou multiplier le cycle de synchro de 0,250 à 64,000 fois, un réglage très original), la profondeur, le feedback et la balance son sec/traité ; on apprécie au passage l’excellente propreté du moteur interne, qui évite l’aliasing dans les pires modulations. Les quatrièmes, cinquièmes et sixièmes types de mutants sont dédiés à la PWM : classique, par compression d’impulsion et par impulsions personnalisées ; on retrouve les réglages de ratio, profondeur, feedback et balance son sec/traité. Le mode personnalisé permet de créer 8 points de largeurs d’impulsion différentes à l’intérieur d’un même cycle : suivant le ratio, tout ou partie de ces morceaux d’impulsion sont modulés.
Enfin, le septième type de mutant fait varier le contenu harmonique de l’onde, augmentant certaines bandes de fréquences et diminuant les autres ; le paramètre de ratio permet de se balader dans les harmoniques ; en appuyant simultanément sur SHIFT, on saute d’harmonique en harmonique ; les autres réglages sont communs aux autres mutants : profondeur, feedback, balance. Nous verrons plus tard que tous ces paramètres sont modulables en temps réel par des fonctions macro ou des sources de la matrice de modulation. Cela permet de créer des sons dynamiques hyper évolutifs à différentes vitesses, surtout quand on mélange cela aux tables d’ondes et que l’on fait agir les quatre mutants en même temps, impressionnant !
Duo de filtres
Avant d’attaquer les filtres, les sources sont mélangées dans un mixeur à 5 entrées (3 oscillateurs, modulation en anneau, bruit à trois couleurs) et 2 sorties stéréo routées vers chaque filtre. Ainsi, pour chaque source, on trouve un volume, un panoramique et une balance vers les deux filtres. L’éditeur permet d’isoler ou couper rapidement une source. Magnifique ! C’est aussi à ce stade que l’on route les deux filtres, en série ou en parallèle. Chacun est très différent et très complémentaire de son acolyte.
Commençons par le premier filtre, de type multimode résonant. On trouve les modes passe-bas en échelle classique 2 et 4 pôles (type Moog), passe-bas en échelle compensée 2 et 4 pôles, passe-bas à porte (type Buchla), passe-bas MS20 modélisé, passe-haut MS20 modélisé, 3 pôles multimode Threeler et un filtre à voyelles. Les filtres compensés corrigent la perte de basses fréquences quand on pousse la résonance, bien connue sur la plupart des synthés et rarement compensée. Le filtre passe-bas à porte modélise le comportement d’un filtre Buchla combinant filtre et ampli. Le filtre Threeler est un modèle combinant 3 filtres 1 pôle en modes passe-bas/passe-bande/passe-haut, tel que l’on trouve sur le module Eurorack de Ian Fritz. Enfin, le filtre à voyelles permet d’enchainer et moduler des formants de voix AEIOU dans 8 ordres différents.
Tous les réglages sont hyper précis (1 280 valeurs pour la fréquence de coupure du filtre, par exemple), parfaitement lisses, exprimés en leur véritable unité, comme tous les paramètres de l’Hydrasynth, démontrant encore le soin ultime (ce qui va de pair avec le respect du client) apporté par les développeurs. La résonance est auto-oscillante, son énergie et sa stabilité varient beaucoup d’un mode de filtrage à l’autre. La fréquence de coupure peut être directement modulée par le LFO1, l’enveloppe 1, la vélocité sur l’enveloppe et le suivi de clavier (+/- 200 % pour ce dernier, bien vu !). Un Drive peut être placé en amont ou en aval du filtre, afin d’ajouter un peu de saturation au signal.
Le second filtre est de type 2 pôles résonant à variable d’état, permettant de passer progressivement entre les modes LP-BP-HP, exactement comme sur un SEM Oberheim. Parfaitement complémentaire au premier filtre, il en reprend en grande partie les paramètres, à l’exception du Drive qui a disparu et du Morphing qui est venu s’ajouter à la liste. Les modulations préassignées sont identiques à celles du premier filtre ; le Morphing est quant à lui une destination de modulation.
Voix accommodées
En sortie de filtres, le signal passe par un ampli stéréo, dont on peut régler le niveau, l’action du LFO2 et la vélocité. Le reste a soit été réglé dans le mixeur avant filtre (niveaux et panoramiques individuels), soit se passe dans la matrice de modulation ou les macros. Les huit voix de l’Hydrasynth peuvent être jouées suivant différents modes : en polyphonie, en mono (avec différentes priorités), à l’unisson. Dans ce dernier mode, on peut régler la densité des voix et leur désaccordage. Quelques paramètres permettent de simuler le comportement des synthés analogiques : phase libre des oscillateurs (non redéclenchée) et fluctuations.
Un paramètre d’élargissement stéréo permet de jouer chaque voix plus ou moins loin de la valeur centrale, de manière ordonnée ou aléatoire, que l’on soit en polyphonie ou à l’unisson. ASM a récemment ajouté un « mode chaud », permettant de renforcer les basses et d’atténuer les aigus, certains ayant trouvé le son de l’Hydrasynth un peu froid. C’est aussi dans le mode voix que l’on peut régler le Glide (linéaire, exponentiel ou logarithmique), le vibrato (un sixième LFO assigné au pitch global), le tempérament clavier (38 présélections et un mode utilisateur) et le Snap (très utile pour ajouter de la patate sur les attaques courtes). C’est très complet !
Effets dynamiques
La sortie de l’ampli attaque une section de quatre effets en série avant de rejoindre l’extérieur. Au programme, un multieffets préeffets, un délai, une réverbe et un multieffets post effets. Les deux multieffets ont des paramètres et algorithmes identiques : chorus, flanger, haut-parleur tournant, phaser, lo-fi, tremolo, EQ et compresseur. Chacun offre sept paramètres éditables via le menu, le dernier étant la balance son sec/traité. Certains paramètres, prédéfinis dans chaque algorithme, peuvent être modulés en temps réel via la matrice. Signalons au passage que le compresseur dispose d’une Sidechain, à choisir parmi l’horloge interne, le bouton Tap Tempo ou l’une des deux entrées de modulation : vive le Ducking en rythme !
Le troisième effet est dédié aux délais. On en trouve cinq types : mono, stéréo, pingpong, LRC et inversé. Cette fois, six paramètres sont disponibles, la plupart modulable via la matrice de modulation, le temps étant pour sa part synchronisable à l’horloge. Le troisième effet est dédié aux réverbes. On en trouve quatre types : hall, room, plate, cloud. Six paramètres sont de nouveau disponibles, là encore pour la plupart modulables en temps réel. Un mode spécial permet de geler la queue de réverbération. Enfin, le quatrième effet est identique au premier ; simplement il est en bout de chaine. Une bien belle section, très soignée sur le plan de l’ergonomie, des modulations et des sonorités.
Modulations musclées
Il suffit de regarder l’Hydrasynth pour deviner qu’il excelle au rayon des modulations. On ouvre le bal avec cinq enveloppes DAHDSR identiques, assignables à la plupart des paramètres de la machine. Les deux premières sont préassignées aux filtres et à l’ampli, mais rien n’empêche de les router vers d’autres modules. Les segments de temps vont de 0 ms à plusieurs dizaines de secondes suivant le cas ; ils peuvent aussi être synchronisés à l’horloge et s’expriment dans ce cas en divisions ou multiples temporels (de 1/64T à 16 mesures). Les courbes des segments ADR sont modifiables en continu, de logarithmique à exponentielle, ce qui offre des profils de réponse très variés, du plus claquant au plus progressif. L’écran central affiche le profil de l’enveloppe en temps réel, une aide précieuse. Les enveloppes peuvent être déclenchées en mode legato, recommencées au début en cas de débord de polyphonie, poursuivies librement ou bouclées (2 à 50 fois, ou à l’infini). On peut copier les paramètres d’une enveloppe vers une autre, pratique.
Passons aux LFO, au nombre de cinq également, tous identiques. Là encore, les deux premiers LFO sont préassignés aux filtres et à l’ampli, mais on peut en faire plein d’autres choses. On trouve 11 formes d’ondes distinctes, avec les grands classiques, un S&H, un bruit, une onde aléatoire et des pas programmables. Dans ce dernier cas, on se fabrique sa propre forme d’onde à partir de huit points de modulation. La fréquence varie de 0,02 à 150 Hz et s’exprime en multiplication/division temporelle lorsqu’on les synchronise au tempo. Les LFO de chaque voix peuvent osciller séparément ou être liés. On peut aussi régler un délai, un fondu d’entrée, une phase d’onde et un niveau de modulation. La forme d’onde peut être plus ou moins adoucie. On trouve même un mode de lecture à cycle unique, le LFO se comportant alors comme une mini enveloppe, bien vu !
Passons maintenant au mode macro, une excellente idée là encore. Lorsqu’on sélectionne un nouveau son ou qu’on est en mode Home, les 8 encodeurs de part et d’autre des 4 écrans OLED permettent de contrôler chacun 8 paramètres différents, avec modulations bipolaires indépendantes. Par exemple, tourner un encodeur peut en même temps ouvrir la fréquence d’un filtre, baisser la résonance d’un autre, augmenter la vitesse d’un LFO et diminuer le temps de réverbe. Pour assigner une destination à l’un des 8 emplacements d’un encodeur, il suffit de maintenir le bouton correspondant à l’emplacement et d’appuyer sur un module, puis de finaliser les réglages (paramètre destination du module et quantité de modulation). Une fois les réglages effectués, on peut nommer la macro (via une liste de Presets ou en repartant de zéro). C’est très rapide et appréciable en temps réel !
Dernier module de modulation, et non des moindres, la matrice : dotée de 32 cordons virtuels, elle permet de router plus de 100 sources vers plus de 200 destinations, avec modulations bipolaires. L’assignation est ultra simple, en maintenant deux boutons (source puis destination) dans le pavé de modules, puis en finalisant les réglages via la section d’édition. Parmi les sources, citons les enveloppes, les LFO (bipolaires et positifs), la pression (polyphonique et monophonique), le suivi de clavier, la vélocité (initiale, de relâchement), les molettes, le ruban (absolu bipolaire, absolu unipolaire, relatif), la pédale d’expression, les deux entrées CV, les paramètres MPE (X, Y absolu, Y relatif, vélocité de relâchement) et les CC MIDI de 0 à 127.
Parmi les destinations, l’arpégiateur (10 paramètres), les oscillateurs (pitch et position d’onde), les mutants (une bonne douzaine de paramètres), le modulateur en anneau, le mixeur (tous les volumes, panoramiques, balances vers les filtres), les filtres (suivant le type : coupure, résonance, drive, formant, morphing, modulations préassignées), le volume, les paramètres d’effets prédéfinis, chaque segment d’enveloppe, la vitesse et la quantité de chaque LFO, les 32 cordons de modulations (modulation de modulation), les 2 sorties CV, les CC MIDI (0 à 127). C’est on ne peut plus complet, puissant, tout en restant très facile à programmer, bravo là encore !
Arpégiateur avancé
Impossible de passer à côté de l’arpégiateur de l’Hydrasynth, surtout sur le modèle clavier, qui possède 4 potentiomètres, 4 sélecteurs rotatifs et 4 interrupteurs dédiés en façade (4 sélecteurs rotatifs et 4 interrupteurs seulement pour le module). On apprécie ce luxe de commandes directes, car l’arpégiateur est un module temps réel, bien trop souvent relayé au fin fond des menus sur de nombreux synthés. Ici, on peut s’éclater sur une boucle en la triturant dans tous les sens. On accède ainsi directement au tempo, au nombre de Ratchets (1–2–4–8), à leur probabilité d’apparition (0–100 %), au temps de porte, au mode de lecture (haut, bas, alterné avec répétition des notes extrêmes, alterné sans répétition, accord, motif, ordre joué, aléatoire), au nombre d’octaves transposées (1 à 4), à la division temporelle (1/4, 1/8, 1/16, 1/32, avec interrupteur séparé activant les versions ternaires) et au swing (8 valeurs allant de 0 à 75 %).
Toujours avec des interrupteurs dédiés, on peut entrer le tempo en temps réel (TAP), maintenir l’arpège en cours (LATCH, mais pas ajouter de notes aux notes maintenues) et maintenir les notes enfoncées (comme avec une pédale de maintien). Pour aller plus loin dans l’édition, une pression sur SHIFT+EDIT permet d’accéder à deux pages de paramètres, certains reprenant les paramètres en façade tels quels, d’autres avec des réglages plus précis (par exemple 12 divisions temporelles avec modes ternaires, 26 réglages de swing…) et d’autres, encore, supplémentaires (mode de transposition d’octave, longueur d’arpège, phrase d’arpège parmi 64 motifs). Un très bel arpégiateur, dont les notes peuvent être transmises via MIDI.
Essai concluant
L’Hydrasynth est une excellente surprise et assurément un coup de maître. Une panoplie sonore très large, des oscillateurs mutants, des filtres costauds, des modulations richissimes, de très bons effets, le tout servi par une interface innovante, aussi bien pensée pour jouer que pour programmer. Écrans contextuels, raccourcis pour créer des modulations, macro commandes, édition intuitive, clavier à pression polyphonique, ruban, connectique CV/Gate, tout cela ressemble à un sans-faute. En fait, l’Hydrasynth concentre le meilleur de ce que la synthèse nous a apporté en matière d’expérience utilisateur. La qualité de construction est également de tout premier ordre, que ce soit par le choix des matériaux que les ajustements. Tout est costaud et bien en place.
Alors, certes, on peut reprocher la polyphonie de 8 voix et le générateur sonore monotimbral, pour un synthé entièrement numérique. De même, une entrée audio directe et l’audio via USB auraient été appréciables. Quant à cette alimentation externe… Mais c’est bien chipoter compte tenu des points forts au regard du tarif annoncé. Ce n’est pas tous les jours qu’on accueille ce genre d’extraterrestre au son aussi singulier. Comme dirait l’un de nos membres passé tester la machine au studio, on ne sait pas trop quel Award mettre, entre innovation ou qualité/prix. Si c’était possible, on lui mettrait les deux !