Un an et quelques mois à peine après le Wavestate et l'Opsix, Korg présente le Modwave, un nouveau synthé compact à tables d’ondes. En quoi se distingue-t-il de son prédécesseur à séquences d’ondes ?
Décidément, Korg est très actif ces derniers temps dans le développement de synthés compacts spécialisés. Après le Wavestate (séquences d’ondes) sorti début 2020 et l’Opsix (FM) sorti fin 2020, le constructeur lance le Modwave, un synthé basé sur les tables d’ondes. C’est l’équipe R&D US qui a été une fois encore mise à contribution. Si le Wavestate descend du Wavestation, le Modwave revendique curieusement une filiation avec le DW-8000, un synthé hybride (ondes numériques courtes passées dans un filtre analogique) sorti en 1985, également testé dans nos colonnes. À notre sens, les deux synthés n’ont pas grand-chose à voir, que ce soit au plan sonore ou technologique. Nous lui trouvons en revanche de nombreux points communs avec le fantastique Microwave XTK de Waldorf, capable de moduler des tables d’ondes en temps réel et les passer dans des filtres numériques multimodes, avec pléthore de commandes en façade pour manipuler le tout. En fait, nous allons voir, en texte et en images, que la machine est capable de combiner tables d’ondes et multisamples, puis d’intermoduler tout cela de manière surprenante. C’est donc un synthé bien plus éloigné du Wavestate qu’il n’y parait…
Synthé compact
Le Modwave reprend la taille et l’habillage des Wavestate et Opsix, la petite famille s’agrandit donc gentiment. Il est bâti dans une coque plastique recouverte d’une façade en alu, ce qui n’en fait pas le synthé le plus lourd de l’histoire (2,9 kg), mais pas non plus le plus robuste. Cette impression se confirme en jouant le clavier 37 touches standard bruyant et mou, sensible à la vélocité initiale et de relâchement, mais pas à la pression. Le panneau est couvert de commandes, organisées par section (oscillateurs, filtres, enveloppes, LFO, effets, sélection des programmes/pas du séquenceur, potentiomètres de modulation, édition/modes…). L’organisation est plus compréhensible que sur le Wavestate, avec notamment des commandes directes pour les oscillateurs, qui rendent le synthé beaucoup plus simple d’utilisation que son prédécesseur, où le choix des formes d’ondes était perdu dans le séquenceur. Les boutons Pitch et Amp semblent un peu isolés, mais pas introuvables non plus…
Allez, parlons connectique. Toujours aussi minimaliste, elle est intégralement située sur le panneau arrière : prise casque stéréo (jack 6,35), paire de sorties stéréo (2 jacks 6,35 TRS symétriques, merci !), prise pour pédale de maintien (jack 6,35 simple), prise USB B (Midi uniquement), entrée/sortie Midi, interrupteur secteur et borne pour alimentation externe (12 VDC à centre positif avec bloc à l’extrémité bien cheap). Pas très généreux…
Textures évolutives
Le Modwave démarre en une bonne trentaine de secondes. La machine est livrée avec 250 Performances et 435 programmes. La capacité mémoire, gérée sous forme de base de données, n’est pas connue, mais on parle de plusieurs milliers d’emplacements pour les différents éléments (Performances, programmes, listes de favoris, lignes de séquences, tempéraments, effets…). Les programmes, tout comme les autres éléments précédemment cités, sont sauvegardés automatiquement au sein des Performances.
On peut aussi le faire séparément, au risque d’en mettre un peu partout, mais on pourra ensuite faire le ménage dans la base de données, notamment avec l’éditeur bibliothécaire fourni. Pour la scène, on peut créer des listes de favoris pointant vers 64 Performances, accessibles rapidement avec la rangée de 16 touches ; le nombre maximum de listes n’est pas connu là non plus, mais ça devrait pouvoir couvrir les dates des dix prochaines années, vu l’énorme capacité mémoire globale.

- Modwave_1audio 01 The Eveil00:40
- Modwave_1audio 02 Brassy Pad00:45
- Modwave_1audio 03 Indus Bass00:39
- Modwave_1audio 04 Soft Transition00:28
- Modwave_1audio 05 Acid Rise01:06
- Modwave_1audio 06 Motion Brass00:43
- Modwave_1audio 07 Shaku Atchum01:02
- Modwave_1audio 08 D Formation00:37
- Modwave_1audio 09 Enya Arp01:17
- Modwave_1audio 10 Noise Tex01:04
Principes généraux
Le Modwave est un synthé polyphonique 32 voix stéréo et bitimbral. L’allocation des voix est dynamique entre les deux canaux, mais on peut fixer les limites. Les sons sont organisés en Performances, contenant chacune deux couches de programmes (A et B), ainsi que deux effets globaux (réverbe, EQ). Chaque couche offre une section synthèse, des modulations, trois effets, un arpège et une séquence à mouvements. Pour chaque couche, on peut régler le numéro de programme, le volume, la tessiture, la vélocité (avec
fondus hauts et bas pour les deux). Cela se fait via le menu ou le clavier, bien pratique. On peut transposer par octave/demi-ton/centième, ajouter un facteur aléatoire dans le pitch, définir le type de déclenchement (à l’enfoncement ou au relâchement de touche, sympa !) et forcer le maintien de touche.
Table ronde
Chaque voix de synthèse est constituée de deux oscillateurs, un Sub oscillateur, un mélangeur stéréo, un filtre, un ampli stéréo et des modulations. Chaque oscillateur utilise une table d’ondes, deux tables d’ondes mélangées ou un multisample. On parle bien ici de tables d’ondes et pas de séquences d’ondes, contrairement au Wavestate. C’est principalement en cela que les deux synthés diffèrent. Une table d’ondes enchaine jusqu’à 64 ondes numériques sur un cycle (comme sur un PPG Wave ou un Waldorf Microwave), alors qu’une séquence d’ondes enchaine des samples (comme sur un Wavestation). Dans le Modwave (OS 1.0.97 testé), on a 238 tables d’ondes. Certaines sont fabriquées à partir de formes d’ondes élémentaires des DW6000/8000, du Prophet-VS ou du Wavestation. Une onde est codée sur 32 bits à virgule flottante et elle-même stockée sous forme de table de 2048 échantillons, activés suivant le pitch. Korg fournit une version spécifique du logiciel WaveEdit pour créer ses propres tables d’ondes, à partir de bibliothèques existantes ou en partant de zéro, avec les outils de resynthèse et d’import de samples, bravo !
Enfin, l’oscillateur peut faire appel à un multisample. La banque intégrée, totalisant quelques Go, représente dans les 2.400 multisamples. Tous ceux du Wavestate sont présents, issus des Kronos, Krome, Wavestation, Prophet-VS et des banques Plugin Guru. S’y ajoutent quelques multisamples spécifiques au Modwave. Au programme, la panoplie habituelle de sons acoustiques et électriques, des percussions, des attaques courtes, des effets spéciaux et plein d’ondes synthétiques. En utilisant les quatre oscillateurs de la Performance, on peut créer des instruments multicouches, mais cela ne remplace évidemment pas une workstation. On peut choisir un point de départ de lecture alternatif du multisample (jusqu’à 8 index prédéfinis dans chacun), utile notamment pour contourner plus ou moins les transitoires.
Filtres modélisés
Le mixeur de sources étant stéréo, le filtre l’est aussi, ce qui est une excellente nouvelle, puisqu’il permet de conserver les réglages individuels de panoramique. Le Modwave offre les mêmes types de filtres que le Wavestate : LPF/BPF/HPF/Notch sur 2 et 4 pôles, multifiltre, Polysix LPF 4 pôles, MS-20 LPF 2 pôles et MS-20 HPF 2 pôles. Le multifiltre permet de passer progressivement entre deux profils de filtrage, avec possibilité de régler les trois niveaux de sortie des étages LPF/BPF/HPF et le signal non filtré. Il y a même des Presets, sympa ! Les filtres modélisés sur le MS-20 sont évidemment capables d’auto-osciller de manière outrancière avec une saturation importante. Le filtre modélisé sur le Polysix est plus doux et soyeux. Suivant le type de filtre, on peut ajuster les basses, booster ou compenser le pic de résonance, régler le niveau d’entrée jusqu’à déstabiliser le filtre ou encore doser le niveau de sortie du filtre.
Modulations assurées
Chacune des deux couches sonores dispose de 5 LFO, 4 enveloppes ADSR, 2 processeurs de modulation et 2 suiveurs de clavier complexes (déjà mentionnés). Les LFO sont préassignés au pitch, à la position d’onde de chaque oscillateur, au filtre et au volume. Leur vitesse peut être synchronisée au tempo ou osciller librement entre 0,001 et 32 Hz. On dispose de 18 formes d’onde plus ou moins complexes (élémentaires, vibrato, à pas, bend guitare, aléatoires). On peut aussi régler la phase, le décalage vertical, le fondu d’entrée, l’adoucissement de l’onde et le mode de cycle (libre ou forcé). Les 4 enveloppes sont de type ADSR. Elles sont préassignées au filtre, au volume et à la position d’onde de chaque oscillateur. Le Sustain est bipolaire pour les enveloppes de filtre et de position d’onde. Les segments de temps varient de 0 à 90 secondes. On peut modifier leur courbe en continu, entre linéaire et exponentielle/log. Le cycle peut être redéclenché par une source assignable ou une note. Les processeurs de modulation permettent d’alterner, décaler, quantifier, étaler, incurver, adoucir, sommer une ou plusieurs modulations.
Effets généreux
La structure des effets du Modwave est identique à celle du Wavestate, à savoir trois effets par couche et deux effet globaux. Les fonctionnalités sont elles aussi identiques à celles du Wavestate, nous allons donc nous permettre un copier-coller dans cette partie du test. Au niveau de chaque couche, on a un Pre-FX, un Mod-FX et un Delay. Pour chacun, on choisit l’algorithme et, si on le souhaite, l’un des Presets associés (654 en tout !), puis on règle les paramètres. On peut ainsi ajuster les différents niveaux (entrée, balance, sortie) et trois paramètres assignés à des potentiomètres dédiés. Parmi les algorithmes Pre-FX, citons un décimateur (effet numérique lo-fi), des EQ, des compresseurs, un modulateur en anneau, un tremolo et un Waveshaper. Parmi les algorithmes Mod-FX, citons des chorus, phaser, flanger, phaser, wahwah. Certains effets sont des modélisations de célèbres produits vintage sur lesquels Korg a une certaine expérience. Enfin, il reste à choisir et paramétrer le délai, de type LCR, stéréo, inversé ou encore écho à bande. La qualité sonore est excellente, on sent la maîtrise de longue date de Korg dès qu’il s’agit d’effets.
Séquences à mouvements
Le Wavestate permettait de séquencer des ondes ou échantillons, le Modwave permet pour sa part de séquencer des notes et des modulations. C’est l’un des points essentiels qui différencient les deux machines. Il s’agit d’un séquenceur à mouvements. Le principe est toutefois très proche de celui du Wavestate, sauf qu’on ne peut pas changer de forme d’onde ou sample à chaque pas. Une séquence à mouvements est organisée en lignes de 64 pas, chaque ligne gérant des paramètres différents : Timing, Pitch, Shape et quatre lignes de mouvements assignables. Chaque ligne a ses propres nombres de pas, points de bouclage, répétitions, sens de
lecture (avant, arrière, alterné, aléatoire), modes d’incrémentation de note et probabilités de déclenchements de pas. Une ligne maitresse définit le temps ou le nombre de battements au bout duquel toute la séquence redémarre. On peut importer l’une des lignes de la base de données (901 sont déjà préchargées pour chaque type de ligne, en plus des 347 séquences complètes !) ou partir de zéro.
Arpégiateur bitimbral
On peut activer un arpège différent sur chacune des deux couches sonores. Utilisé en conjonction avec le séquenceur à mouvements – en particulier le mode d’incrémentation de pas, on peut créer des motifs complexes surprenants en utilisant quelques doigts à bon escient. On trouve les motifs haut, bas, alterné (2 types) et aléatoire. Les notes peuvent être répétées dans l’ordre où elles ont été jouées ou triées selon le motif. La résolution va de 1/32T à 1/4 de note et le swing de –100 à +100 %. Les notes peuvent être arpégées sur 1 à 4 octaves, avec un temps de Gate de 0 à 100 %.
Conclusion
Le Modwave complète la gamme de synthés spécialisés Korg, déjà composée du Wavestate et de l’Opsix. Aux séquences d’ondes et à la FM s’ajoute désormais la synthèse à tables d’ondes. On apprécie le format compact, la puissance de synthèse, les timbres évolutifs, la taille de mémoire et la prise en main plus aisée que sur le Wavestate. C’est notamment dû à des commandes mieux choisies, en particulier la section oscillateurs en accès direct, permettant de choisir rapidement une source sonore et de la moduler.