Connu pour ses plug-ins d’effets, l’éditeur Softube déboule là où l’on ne l’attend pas, avec Heartbeat : c’est en effet un synthétiseur de sons de percussions qui nous est proposé. Pour quels résultats ?
Il arrive que certains éditeurs de logiciels, sortant de ce que l’on n’oserait appeler leur routine, s’aventurent sur des terrains qui ne sont a priori pas les leurs. Parmi quelques exemples récents, on peut citer Waves, longtemps concentré sur les effets et traitements, qui a abordé, avec des bonheurs divers, le domaine de la synthèse avec Element et Codex, EastWest avec sa réverbe à convolution Spaces (dont on aimerait bien avoir des nouvelles, comme des réponses impulsionnelles additionnelles) ou encore iZotope avec Iris 1 puis 2 ou Breaktweaker.
Softube, dont il est question ici, a longtemps été un excellent pourvoyeur d’effets, pour son compte ou pour d’autres éditeurs. Mentionnons les amplis guitare (White Amp Room, Vintage Amp Room) pour TC Electronic et sa plate-forme défunte PowerCore, la série Vintage Compressors pour Native Instruments, les nouveaux amplis pour Reason et Reason Essentials de Propellerhead (Softube Amp et Softube Bass Amp, et diverses Rack Extensions), ou encore les Tsar-1 Reverb, les diverses émulations Summit, Abbey Road ou Tube-Tech et l’Acoustic Feedback, et le produit hybride Console 1. Récemment, l’éditeur a entamé une collaboration avec Universal Audio pour sa plate-forme UAD, avec notamment le CL-1B et le Marshall Plexi Super Lead 1959.
Voici donc Heartbeat, synthétiseur de sonorités de percussions, faisant appel à plusieurs techniques et intégrant des éléments déjà connus des clients Softube. Arrivant dans un marché passablement encombré, comment le nouveau-né de l’éditeur s’en sort-il ?
Introducing Softube Heartbeat
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On trouvera le logiciel chez l’éditeur, aux formats VST, VST3, AU, AAX natif en 32 et 64 bits, mais toujours pas de standalone, pour la somme de 219 euros. On procède d’abord à l’autorisation, qui se fait après enregistrement du code de licence et transfert de cette dernière sur clé ou sur l’ordinateur (comme je le mentionnais à une mienne connaissance : « avec la licence sur ordi, tu peux oublier ta key, Cardi »), grâce au iLok License Manager. Puis on installe Heartbeat via le Sotftube Plug-ins Control, une application regroupant tous les logiciels maison dans laquelle on choisira les plugs à installer. On peut par cet intermédiaire installer ou désinstaller n’importe quel plug, puisqu’ils sont déjà tous présents dans le logiciel.
À noter que l’éditeur n’offre qu’un gros manuel PDF en anglais (230 pages), regroupant les modes d’emploi de tous ses logiciels. Heureusement, les hyperliens fonctionnent à l’intérieur du PDF depuis la table des matières.
Si stole ou la orte ?
La première chose qui frappe à l’ouverture du plug est sa taille : gigantesque ! Une préférence permet de la réduire, mais l’interface reste quand même assez grande, et peut gêner l’utilisation de la STAN, notamment sur un écran de portable.
Le logiciel est constitué de sept sections principales : Utility permettant d’assigner diverses commandes et réceptions MIDI, la partie Instruments qui regroupent les huit moteurs de synthèse (modules), le Mixer, les trois effets auxiliaires, le bus Master, et la section Global.
Commençons par les sections les moins fournies. Dans Utility, on assigne la note de commande MIDI (par cliqué-tiré ou via MIDI Learn, pratique lorsque l’on ne connaît pas les notes MIDI d’un pad, par exemple), on sélectionne l’un des présets proposés et l’on peut écouter le son du module via le triangle Play (l’éditeur précise qu’il vaut mieux éviter d’automatiser cette fonction).
La section Global propose les réglages d’assignation de la vélocité envoyée depuis l’un ou l’autre contrôleur MIDI : vers la hauteur, l’attaque ou la première chute du son (Decay) avec un réglage d’action sur le volume (le gros bouton Velocity).
En supplément, un rotatif Time Gate, indépendamment de la vélocité, permet de raccourcir sévèrement le Decay. On l’aura peut-être compris, ces réglages sont hélas globaux, c’est-à-dire qu’ils affecteront tous les modules de production de son. Un regret, à l’heure où la moindre boîte à rythmes incluse dans une STAN offre une sélection de réglages indépendants par voix/module (pensons à ReDrum de Reason ou Ultrabeat de Logic, pour n’en citer que deux).
Le bus Master permet les ultimes modifications sur le son global (oui, on y arrive bientôt à ce fameux son…), avec une Saturation façon lampes (très agréable, sachant que l’éditeur est quand même un spécialiste de la question, on y reviendra), un EQ avec deux filtres coupe (bas et haut), deux gains pour les fréquences aiguës et basses (sans choix de la fréquence) et un semi-paramétrique pour les mediums. Un rotatif Mono Cut définit la fréquence en dessous de laquelle le signal sortant est sommé en mono afin d’éviter de possibles problèmes de phase. Et donc de pouvoir en corriger à l’écoute d’éventuels. Enfin, avant le volume général, Width permet de rendre mono ou au contraire d’élargir le signal (ce dernier étant à proscrire, vu les problèmes que la stéréo « forcée » peut engendrer).
Il est maintenant temps de s’attaquer aux gros morceaux du logiciel.
Au cœur des effets
Commençons, une fois n’est pas coutume, par les effets, tant ils sont réussis, et tant ils sont sources de frustration…
Au chapitre de la réussite, l’éditeur nous offre deux versions spécifiquement adaptées de deux de ses plug-ins phares, le Valley People Dyna-Mite et la Tsar-1 Reverb. Le premier est un fabuleux outil de compression, limiting, gating ou ducking, grâce aux différentes options disponibles. D’abord, les réglages classiques de la presque totalité des outils de traitement de la dynamique, avec le seuil, le temps de relâchement, le taux de compression (ici appelé Range et exprimé non pas selon le classique ratio x:1, mais en dB, jusqu’à –60), et le gain de sortie, plus ou moins 15 dB. Pour le réglage d’attaque (fondamental, puisque c’est de lui dont dépend le comportement global du compresseur), on dispose d’un switch trois positions, Slow (compression), Fast (limiteur) et Gate (qui permet bien entendu de travailler aussi en mode expansion, soit l’augmentation de la dynamique). L’effet permet aussi de travailler en mode Ducking à partir de la grosse caisse, c’est-à-dire que tous les autres sons seront soit diminués à chaque coup de grosse caisse (switch Duck sur Bass Drum et Mode en fast ou slow), soit n’apparaîtront qu’en même temps que chaque coup (switch Duck sur Bass Drum et Mode en Gate).
La Tsar-1D est donc la version spéciale pour Heartbeat de la réverbe algorithmique true stereo de Softube. Pré-délai, durée, densité, tonalité, Low et High-Cut et volume de sortie sont les réglages disponibles. Peu nombreux, mais on connaît la qualité de l’originale, que l’on retrouve ici.
Le Filter Echo propose comme son nom l’indique un délai incluant un filtre résonant. Les réglages sont spartiates mais suffisants : durée (soit en ms, soit en division rythmique en relation avec le tempo de l’hôte), taux de réinjection (feedback), fréquence de coupure, résonance et volume de sortie. Côté routing, grâce à un bouton Pre, on peut mettre de façon indépendante l’écho et la réverbe avant le compresseur ou entre la saturation et l’EQ du Master.
Frustration, car l’excellence des effets aurait mérité que l’on dispose d’au moins un compresseur par tranche, et deux réverbes et deux échos !
Enfin, le Mixeur propose les fonctions évidentes pour un… mixeur, à savoir volume, mute, solo, pan et deux départs (écho et réverbe, tous deux post-fader), ainsi qu’un bouton d’EQ (aucun réglage, mais optimisé pour chaque module/instrument, ce que l’on peut regretter, le sound design appelant parfois un travail sur les fréquences que l’on ne pourra obtenir directement dans Heartbeat, faute d’outil pointu) et un très bien vu Ping (un pan automatique). Heartbeat offre neuf paires de sorties séparées, une par module et une pour le Master, ce qui permet de compenser les petits manques en termes de traitement interne, mais fait perdre les bénéfices de ceux-ci… Quadrature du cercle, encore une fois.
Boum, paf, clang, bing, ksshhhh, woooof
Heartbeat offre donc huit moteurs/modules/instruments différents. Bass Drum 1 BD1 s’inspire clairement de la TR-909, Bass Drum 2 Kick et Cymbal sont eux en ligne directe de la TR-808, Snare/Rimshot, Snare/Clap et Hi-Hats semblent de conception originale, tandis que Percussion 1 et 2 sont redevables à la plus rare Syncussion SY1, signée Pearl Musical Instrument Co. (sortie en 1979).
Tous les modules utilisent une synthèse via modélisation, à l’exception des Snare/Rimshot, Snare/Clap et Hi-Hats qui mélangent modélisation et échantillons. Les réglages varient donc suivant les modules : BD1 propose ainsi Decay, Attack et Attack Type (déterminant le niveau et le type de transitoire d’attaque), Pitch et Bend (qui font ce qu’indiquent leur nom) et Harmonics, entre l’exciter et la distorsion. Voici quelques sons typiques du module, sans effet, ni modification du Master (ni EQ, ni saturation, comme le seront les suivants), mais avec des variations de son propre EQ :
Le module Bass Drum 2 n’offre lui que Decay, Attack, Pitch et Harmonics. Quelques exemples de sons :
Issu des mêmes influences, le module Cymbal est encore plus spartiate, avec un Decay, Ring (qui permet de simuler de façon un peu plus réaliste une ride avec des réglages très élevés), et Pitch.
Un deuxième module aurait été le bienvenu. Voyons ce que donnent les modules Percussion, dont les réglages sont strictement identiques. On commence par choisir le Mode, entre Single, Dual (tous deux à base d’onde triangulaire), FM, FM+N (de la FM plus du bruit) et Noise (un bruit blanc). Ensuite on retrouve des réglages familiers, Decay, Pitch, Tone, Time (vitesse de l’effet de pitch), Range et Up/Down (sens du bend). Voici quelques exemples :
Enfin, les trois modules Snare/Rimshot, Snare/Clap et Hi-Hats offrent un mélange d’échantillons et de synthèse, un curseur permettant de doser la proportion de chacun, avec trois réglages par source sonore : Type, Pitch et Decay. Selon le module, Type offre différents types de formes d’ondes échantillonnées et de formes d’ondes synthétisées.
Voici le Snare/Rimshot,
Puis le Snare/Clap.
Et pour finir le Hi-Hats, dont on regrette qu’il ne soit deux…
Let’s bring some Chaos!
On l’a entendu, la qualité des sons est très réussie, sachant que l’on n’a pas encore utilisé les effets inclus. Écoutons tout de suite ce que donnent des grooves de différents types sur différents réglages de modules, avec effets cette fois-ci.
On l’entend, la palette est assez large et créative, la qualité des sons et des effets permettant de ne pas (trop) regretter l’absence de finesse due à des traitements globaux, là où la concurrence regorge de routings, d’effets d’inserts et de bus.
Il reste cependant une section non encore abordée, l’Auto Layer Machine. Softube propose là une section très intéressante : on dispose de quatre canaux dotés de quatre slots permettant de placer l’un des quatre moteurs. Chacun des canaux peut être commandé par note MIDI. Ensuite, on choisit de les utiliser comme des layers, déclenchés simultanément. Ou plus intéressant, grâce aux boutons de la colonne Delay, on peut créer des décalages entre les moteurs, créant ainsi toutes sortes d’effets rythmiques et mini-séquences, dans la limite de quatre sons successifs. Chacun des layers sonnera un peu moins fort que les précédents, en prenant en compte la vélocité, la lecture se faisant de haut en bas. Sauf si l’on se sert des boutons Chaos disponibles sous chaque canal, qui permettent comme leur nom l’indique de perturber le bel ordonnancement, de variations simples ou plus chaotiques.
Le plus simple est de les faire entendre. Rappel : chaque exemple résulte du jeu d’une seule note.
Bilan
Indéniablement, Heartbeat sonne très bien, la qualité des modules et des effets faisant du logiciel un outil de synthèse performant, et répondant à l’objectif fixé, celui d’un module de synthèse de sons de percussion. À ce niveau, quasi rien à redire, en dehors de l’assignation de la vélocité globale, de la gestion des effets pourtant d’excellente qualité, etc.
Et reste que dans le monde du logiciel, on en attend toujours plus. Par exemple, pourquoi n’avoir pas permis d’importer ses propres échantillons dans les modules bi-sources ? Pourquoi n’avoir pas inclus un step sequencer pour proposer un module autonome ? Car la concurrence est rude dans le domaine : en termes de puissance et de qualité sonore (modules et effets), Tremor de FXpansion n’a rien à envier à Heartbeat, et propose de plus une version autonome, et un séquenceur polyrythmique de rêve (le tout à un prix très intéressant, 119 euros). Le Breaktweaker d’iZotope est aussi à considérer, même si son prix, 249 dollars, le place dans une gamme supérieure. N’oublions pas Spark 2 d’Arturia, qui, à 169 euros, offre une solution autonome de synthèse polyvalente et unique. Bref.
Il faudra bien réfléchir avant l’achat, d’autant que le prix est assez élevé, 244 euros. Savoir si l’on cherche un son particulier, sans tenir compte des (im)possibilités de séquence, comme l’on rajouterait un rack dans son studio, disposant déjà de claviers, de séquenceurs, etc. Car Heartbeat, malgré ses quelques manques, n’a pas à rougir de ses qualités. Seront-elles suffisantes pour passer à l’achat ? N’hésitez pas à télécharger la démo, et à la comparer aux démos de la concurrence quand elles sont disponibles.
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