Plus d’un an après la sortie de son premier synthétiseur, Element, l’éditeur Waves persiste et signe avec Codex, sa version d’un synthé à tables d’ondes. Les caractéristiques sont alléchantes. Pour quels résultats ?
Une chose indéniable, la réputation de l’éditeur Waves Audio Ltd n’est plus à faire : depuis la création du premier plug-in audio en 1992, l’égaliseur Q10 Paragraphic, les divers bundles et éléments séparés se retrouvent sur de très nombreuses machines, notamment dans les studios pro (prix oblige).
Une autre chose indéniable, alors que ses plugs « classiques » n’ont guère évolué, Waves a aussi emprunté la voie de la reproduction de machines analogiques, effets, tranches de console, etc. L’éditeur a su aussi prendre le pas du hardware, la plupart du temps avec Digidesign/Avid, mais aussi Yamaha ou pour son propre compte, Maxx par exemple.
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Deux des domaines de l’audio numérique restaient cependant inabordés : celui des STAN et celui des instruments virtuels. Le premier le reste, tandis que le second a été intégré à la gamme de Waves il y a un peu plus d’un an, avec Element. On pourra relire les conclusions du test, rappelons simplement qu’Element ne nous avait pas vraiment impressionnés. Et voici maintenant, Codex, présenté comme un synthé à table d’ondes granulaire.
Introducing Waves Audio Ltd Codex
Comme à l’époque de la sortie d’Element, Codex est disponible au tarif de 99 dollars, alors qu’il est au catalogue à 200 (à peu près 79 et 159 euros respectivement). À ce propos, les nombreuses offres promotionnelles de l’éditeur peuvent refléter deux choses : soit l’éditeur subit, comme tout le monde, les effets de la crise, et compte sur de nombreuses ventes dues aux petits prix, soit l’on paye trop cher depuis le début ses produits.
Comme d’habitude, l’installation d’un produit Waves résulte en un essaim de fichiers (dont les fameuses Shells, principe d’hébergement/ouverture des plugs dans une « coquille ») et dossiers répartis dans tout le Mac, et Codex n’y fait pas exception. Aucun problème d’installation (la clé iLok n’est plus nécessaire), avec dépose de la licence soit sur le disque dur de l’ordi, sur une clé USB, ou le My License Cloud. On apprécie la version standalone, hélas pas encore de mise chez tous les éditeurs. Le WUP annuel reste en revanche la règle (voir introduction d’Element).
Un bloc de bois ?
En dehors de ses oscillateurs, le synthé offre une architecture plutôt conventionnelle, ce qui n’est pas forcément un tort, il n’est peut-être pas nécessaire de réinventer la roue là où les choses fonctionnent. Surtout si l’on a déjà mis tout ça en place précédemment…
En effet, et à quelques choses près, la structure, les effets, les modules de synthèse et de modulation sont les mêmes que ceux d’Element. On retrouve donc, dans l’ordre : la barre d’outils spécifique de l’éditeur, avec accès aux présets (nombreux), et autres Undo/Redo, A/B, etc., puis un filtre et une section d’amplification façon « analogique » (nommés VCF et VCA), dotés chacun de leur générateur d’enveloppe (de forme, devrions-nous dire) dédié, un générateur d’enveloppe supplémentaire, quatre LFO, la matrice de modulation, un séquenceur/arpégiateur, une petite section d’effets, un EQ, une section globale et une de sortie. Tout est sur l’interface, rien de caché ou d’accessible via fenêtres secondaires, ce qui en soi est une bonne chose, et le MIDI Learn est présent à quasi tous les étages.
Le filtre est un classique résonant multimode (Hi Pass, Low Pass, Band Pass et Band Reject), multipente (deux ou quatre pôles), avec suivi de clavier, taux d’action de l’enveloppe et un petit plus, un réglage de modulation de fréquence du CutOff via l’oscillateur 1. Notons tout de suite que les enveloppes ne sont pas linéaires, mais adoptent différentes courbes selon les réglages (combinaison des valeurs propres des réglages et du paramètre Shape).
On retrouve aussi le même réglage Punch sur l’enveloppe de volume de l’ampli, avec les mêmes doutes quant à son action et au principe utilisé, même s’il n’émet plus de bruit quand les oscillos sont coupés. On relira la partie y consacrée dans le test d’Element, tant son comportement est, comment dire, particulier (voir aussi ci-dessous, Retard, vous avez dit retard ?)…
Retard, vous avez dit retard ?
Cherchant à vérifier le comportement de Punch, en référence à celui d’Element, et suite à plusieurs mesures, nous nous sommes aperçus que Codex générait une latence propre, dans une fourchette comprise entre 50 et 163 ms (les chiffres sont donnés à titre indicatif, toutes les formes d’ondes et réglages n’ont pas été testés dans leur intégralité), suivant les tables, les réglages et la fréquence d’échantillonnage, bien sûr (ici en 44,1 kHz).
Le protocole est simple, une note MIDI, un son de base avec l’attaque appliquée au volume la plus rapide possible sur le synthé (effets, modulations et autres désactivés) et un Bounce In Place, ne reste plus qu’à mesurer le décalage entre la note MIDI et l’audio. Même si on ne l’entend plus à vide, Punch modifie aussi les choses à ce niveau, puisque le son « arrive » plus rapidement. Donc toujours pas de réponse quant à son origine, sample ou compression. En tout cas, il y a quelque chose.
À titre de comparaison, un son de même type sur un Korg Wavestation de la Legacy Collection affiche lui, selon le même protocole… 382 ms de retard. Et un autre dans l’exs24 mkII ? 0 ms. Étonnant, non ?
Enluminures
Voyons donc en quoi consistent les oscillateurs de Codex. Leur structure est identique, à l’exception du rajout du mode (hard) Sync et d’un paramètre FM (l’oscillo 1 module la fréquence de l’oscillo 2) sur l’oscillateur 2. On retrouve d’abord des classiques réglages de pied (32, 16, 8, 4 et 2’) et d’accord (grossier et fin), de synchronisation au tempo (à ne pas confondre avec le Hard Sync de l’oscillo 2). Ensuite de moins classiques paramètres de résolution (agissant à la façon d’un bit reducer, en plus subtil) et de Formant (une atténuation des fréquences les plus caractéristiques d’une forme d’onde donnée).
Ensuite, les paramètres dédiés à la lecture des tables d’ondes : d’abord un écran de sélection des diverses tables d’ondes (63, plus une vide). Notons tout de suite que l’on peut importer ses propres fichiers audio, avec les meilleurs résultats obtenus avec des durées comprises entre une et cinq secondes. Qui dit table d’ondes dit lecture, et donc début, fin, voire boucle. Tout cela est bien évidemment possible, programmable à loisir et réuni dans une molette dédiée, rappelant celles des instruments de Logic. Waves a rajouté un point de milieu, à partir duquel la lecture en boucle se fera jusqu’au point End (bouton Loop). La vitesse de lecture est paramétrable, et un Start Sync permet de l’assigner au tempo de l’hôte.
On pourra activer l’un et/ou l’autre oscillos, et ajouter un Sub, du bruit (Noise) et un Ring Modulator. Le tout en poly, mono (avec Retrig ou non des enveloppes) ou Unison, modes auxquels s’ajoute un Portamento débrayable et réglable. Voici quelques exemples sonores de la bête, à partir des très nombreux présets piochés parmi les 14 familles proposées, modifiés si besoin.
Évidemment, ce qui intéresse dans ce type de synthèse est le côté en mouvement continu ou sporadique des sons ; car, même si la lecture de tables d’ondes permet la reproduction du type de sonorités typiques de la synthèse soustractive, c’est bien sûr dans ses spécificités qu’on la juge, et notamment celle-ci. Alors on fera l’impasse volontairement sur les présets reproduisant des classiques de type basses, leads, percussions et autres sons « figés » (ou dont les changements tiennent à un effet de filtre via la molette, ou autres modifications « conventionnelles »), ainsi que sur les programmes utilisant l’arpégiateur pour se concentrer sur les Pads et Polysynths évolutifs, les Motions et autres sons mouvants (aucun des sons de l’exemple suivant n’emploie l’arpégiateur).
On l’entend, le son typique de ce type de synthèse est bien là. Cependant, un peu trop de présets font appel aux effets pour leur construction, et si l’ensemble sonne plus que correctement, il n’y a rien non plus de transcendant, ou qui mette une véritable claque comme quelques récents synthés ont pu le faire.
Précisions enfin que les sons « traditionnels » remplissent parfaitement leur rôle, sans être pour autant renversants. On est là face à un synthé qui fait bien son travail, sans génie certes, avec ses limites, mais sans non plus de défauts majeurs (on aurait aimé un bypass global des effets et EQ ou l’ajout d’une fonction Tie dans l’arpégiateur, par exemple).
Bilan
L’éditeur a clairement voulu occuper un terrain de la synthèse, ce qui pourrait se comprendre s’il n’était déjà passablement encombré, et par des machines et logiciels avec lesquels Codex a du mal à s’aligner. En restant uniquement dans le domaine logiciel, prenons les Massive, Largo, Zebra, Wavestation, Alchemy ou ElectraX (liste non exhaustive…), et l’on doit reconnaître que, au niveau du son global ou en termes de possibilités, le synthé de Waves, s’il n’est pas totalement dépassé et malgré la bonne conception de ses oscillos et sa très bonne ergonomie, ne peut cependant prétendre à l’excellence de ses prédécesseurs.
Les possesseurs des précédents synthés ne gagneront rien à l’acquisition de Codex (au-delà de la collectionnite aiguë). Les possesseurs de Reason peuvent aussi penser à Malmström, avec lequel Codex offre plus que des airs de famille…
Quant à ceux qui sont intéressés par cette synthèse, à 79 euros, l’offre est tentante, la simplicité du logiciel permettant de bien comprendre le fonctionnement de cette technique. Une fois Codex remonté à 159 euros, il vaudra mieux se diriger vers les synthés cités plus haut, dont la prise en main sera certainement plus complexe, mais qui offriront bien plus de plaisir à terme.