Le Quantum est un synthé hors normes disponible au compte-gouttes depuis sa première présentation mi-2017. Nous avons pu emprunter un exemplaire et tester le nouvel OS 2.0 beta… Nous a-t-il atomisés ?

Présenté pour la première fois lors de la Musikmesse 2017 à Red Led et Los Teignos par Rolf Wöhrmann, le Quantum est un synthé hybride sans compromis, dans la droite lignée des somptueux Wave et Q+. C’est fin 2018 qu’il a commencé à combler de joie ses heureux propriétaires, à dose homéopathique, compte tenu de la rareté de la machine en boutique. C’est à l’un d’entre eux, l’ami Clarinette66, fan de beaux synthés, de drones et de saucisses catalanes, que l’on doit ce test. Il a en effet gentiment accepté de se séparer de son exemplaire flambant neuf, le laissant partir à 1 000 kilomètres de ses bases pendant plusieurs semaines. Un grand merci à lui ! Plusieurs semaines, ce n’était pas de trop pour découvrir les multiples synthèses et les vastes territoires sonores de la machine. Avant de passer en distorsion, il reste une énigme que seuls les lauréats du match pain au chocolat contre chocolatine pourront résoudre : doit-on prononcer Qwanteum comme chez Donald, Kantoum comme chez Emmanuel ou Cannetom comme chez Clarinette66 ?
Objet du désir
Cette ergonomie est exceptionnelle sur tous les plans : édition directe, choix des modules à éditer, édition contextuelle, navigation limpide dans les différentes pages, excellente réactivité de l’écran (sélection, tirer-déplacer), indication de la valeur stockée / éditée du paramètre en cours d’édition, graphismes dynamiques aussi beaux que pédagogiques (on voit en temps réel les ondes vibrer, les grains s’égrener, les samples se dérouler, les enveloppes envelopper ; sans oublier les vues 3D des tables d’ondes, les schémas de routage des modules sonores ou les profils de filtrage superposés des VCF). Pour faciliter l’édition, les potentiomètres disposent de diodes arc-en-ciel dont la couleur est paramétrable par section ; elles changent de couleur lors de l’assignation en live des sources et destinations de modulation ; on ne peut plus intuitif !
La connectique, vissée ou sertie avec précision sur le panneau arrière, est très complète : sortie casque (jack 6,35) avec son petit potentiomètre de volume, une paire de sorties audio stéréo principales (jacks 6,35 TS), une paire de sorties audio stéréo directes (non assignées au compresseur et au volume finaux), une paire d’entrées audio stéréo (jacks 6,35 TS pour échantillonner un signal externe ou le traiter via le moteur granulaire, les filtres ou les effets), deux prises pour pédales (maintien et continue assignable), un duo USB vers ordinateur (MIDI uniquement) / USB vers hôte (contrôleur), un connecteur pour carte SD (programmes, samples, oscillateurs, tables d’ondes, tables MIDI, OS) à insérer tête-bêche, un trio MIDI DIN In/Out/Thru et une borne IEC avec interrupteur pour cordon secteur (alimentation interne, merci !). Tout cela est très pro, mises à part les sorties audio asymétriques (comme sur le Schmidt !).
Territoires interplanétaires
Il faut 15 secondes pour que le Quantum soit opérationnel. La machine offre une capacité de 10 000 programmes comprenant un ou deux canaux sonores, dont plusieurs centaines préchargées en usine. On peut les sélectionner par nom de banque, auteur et/ou 4 attributs au choix : ces paramètres sont enregistrables au moment de la sauvegarde des sons. Pour un rappel direct, par exemple en situation live, on peut organiser ses programmes en favoris (6 onglets de 20 sons). Une fonction permet, au chargement, d’initialiser un programme complet ou l’une des deux couches sonores. Par contre, il n’y a pas de fonctions Compare ou Panel… en revanche, on peut recharger la valeur stockée ou initiale de n’importe quel paramètre, mais ce n’est pas pareil.
Pour les exemples sonores de ce test, nous avons mis à contribution deux utilisateurs accomplis de Quantum et amoureux des beaux synthés, qui comptent parmi les premiers propriétaires de la machine : Tinhu et Astrolab. On sent immédiatement le talent et la maitrise de la bête, bravo ! Tinhu est capable de passer tour à tour de riches textures hybrides à des nappes analogiques bien grasses, de jolies berceuses pour enfants à des ambiances qui foutent les jetons (punaise, le son Tinhu 013, brrrr…). Astrolab, qui a réussi à aller chercher son Quantum en VTT sans tomber dans le lac, a ensuite développé des banques sous la marque CO5MA. La première, Stratos, comprend 32 programmes : nappes planantes évolutives, ambiances atmosphériques, textures envoûtantes large bande, cuisinées aux filtres multiples, aux modulations et aux effets. Il nous a également envoyé les premières moutures de deux autres banques en cours de développement, Isolated et QX7, utilisant le nouveau moteur de synthèse à noyaux. Voilà l’homme à embaucher pour la bande son de Blade Runner 3 ! Pour notre part, nous avons concocté quelques sons classiques pour montrer que le Quantum s’en sortait plus que bien dans le « registre analogique », un poil moins pour les basses monodiques qui tabassent.

- Quantum_1audio Tinhu 00100:45
- Quantum_1audio Tinhu 00200:41
- Quantum_1audio Tinhu 00300:36
- Quantum_1audio Tinhu 00400:59
- Quantum_1audio Tinhu 00501:03
- Quantum_1audio Tinhu 00600:29
- Quantum_1audio Tinhu 00700:44
- Quantum_1audio Tinhu 00800:35
- Quantum_1audio Tinhu 00900:33
- Quantum_1audio Tinhu 01000:42
- Quantum_1audio Tinhu 01100:55
- Quantum_1audio Tinhu 01200:40
- Quantum_1audio Tinhu 01300:57
- Quantum_1audio Tinhu 01401:30
- Quantum_1audio Tinhu 01501:10
- Quantum_1audio Tinhu 01601:30

- Quantum_1audio Astrolab 001 STRATOS – AKUA01:36
- Quantum_1audio Astrolab 002 STRATOS – CHILDHOOD01:14
- Quantum_1audio Astrolab 003 STRATOS – DRAGAN01:26
- Quantum_1audio Astrolab 004 STRATOS – GYGER01:03
- Quantum_1audio Astrolab 005 STRATOS – MOROCO02:01
- Quantum_1audio Astrolab 006 STRATOS – NAKEDO01:35
- Quantum_1audio Astrolab 007 STRATOS – SOYL II01:14
- Quantum_1audio Astrolab 008 STRATOS – VINTO01:14
- Quantum_1audio Astrolab 009 STRATOS – VLOATING01:06
- Quantum_1audio Astrolab 010 STRATOS – ZONATOR01:03
- Quantum_1audio Astrolab 011 ISOLATED – VI01:24
- Quantum_1audio Astrolab 012 ISOLATED – VIII01:35
- Quantum_1audio Astrolab 013 ISOLATED – X01:26
- Quantum_1audio Astrolab 014 ISOLATED – XI01:09
- Quantum_1audio Astrolab 015 ISOLATED – XII02:21
- Quantum_1audio Astrolab 016 QX7 – II01:09
- Quantum_1audio Astrolab 017 QX7 – III00:58
- Quantum_1audio Astrolab 018 QX7 – VI00:38

- Quantum_1audio Classic 01 PPG Choir00:57
- Quantum_1audio Classic 02 Bass & Strings00:22
- Quantum_1audio Classic 03 Bass & Poly00:42
- Quantum_1audio Classic 04 Bass & Phase01:04
- Quantum_1audio Classic 05 Sync Bass00:21
- Quantum_1audio Classic 06 Captain Paddock01:05
- Quantum_1audio Classic 07 Pad & Resonator01:10
- Quantum_1audio Classic 08 Arp & Solo01:19
- Quantum_1audio Classic 09 Glory Days00:23
- Quantum_1audio Classic 10 Brass Layer00:20
Générations multiples
Pour chaque voix, on trouve 3 générateurs numériques, 2 filtres analogiques (VCF), 1 module de filtrage numérique (DF), 1 générateur de modulations complexes, 6 enveloppes, 6 LFO et 5 multieffets indépendants. L’OS officiel actuel (1.3) peut produire quatre types de moteurs de synthèse indépendants pour chaque générateur (et pour chaque couche sonore en mode bitimbral) : tables d’ondes, formes d’ondes, particules et résonateurs ; l’OS 2.0.0.4 beta en ajoute un cinquième : la synthèse à noyaux. On sélectionne le type de moteur avec des boutons dédiés (une combinaison de deux boutons pour le dernier) ; le rétroéclairage des boutons, les diodes et la représentation graphique des générateurs dans les menus changent alors de couleur en fonction du moteur choisi (tout cela est re-paramétrable, nous l’avons dit).
Chaque générateur dispose d’une section de commandes directes, le reste se faisant dans les menus en sélectionnant le module à éditer au-dessus de l’écran. On peut directement régler la fréquence (par demi-ton, par 0,2 centième de demi-ton ou par 0,02 centième) ; via le menu, on peut aussi régler le suivi de clavier sur le pitch (bipolaire), le volume (là encore trois niveaux de précision : normale, fine ou superfine), le panoramique, la destination de l’oscillateur (VCF, DF, VCA, balance discrète VCF/DF par paliers de 5%), le volume des modulations en anneau (1 × 2 et 2 × 3), la quantité de pitch bend et la variation de pitch. Ce dernier paramètre permet de simuler les variations aléatoires des oscillateurs analogiques. Les autres paramètres (accessibles en direct ou via les menus) dépendent du moteur de synthèse, nous allons y revenir en détail pour chaque moteur. Au plan global, on peut choisir un tempérament parmi une longue liste de presets ou programmer jusqu’à 8 tempéraments utilisateurs, sympa pour les adeptes des gammes microtonales.
À table !
Entrons maintenant dans le vif du sujet. Waldorf n’en est pas à son premier synthé à tables d’ondes, c’est même la spécialité maison depuis trente ans (premier Microwave, déjà un hybride !), dans la continuité de PPG. Le principe global est d’enchaîner des formes d’ondes plus ou moins proches, de manière plus ou moins lisse, puis de moduler la position de lecture dans la table ainsi créée pour créer des évolutions spectrales plus ou moins rapides. Quand on joue des notes différentes, la vitesse de lecture est constante (sauf si on le décide autrement). Sur le Quantum, on peut directement modifier la transposition du spectre sonore, le niveau de bruit, le début de lecture dans la table, la saturation et la modulation cyclique de lecture.
Une boite à outils est prévue pour ceux qui veulent aller plus loin, c’est-à-dire créer puis exporter leurs propres tables d’ondes : on peut taper des mots avec un clavier virtuel, le Quantum en fait l’analyse et la transformation en table d’onde dès qu’on appuie sur Return ; avec un peu d’exercice en jouant sur les phonèmes (à consonnance anglaise assez neutre), les répétitions et les courbes d’enveloppe de modulation, on arrive à des trucs sympas. On peut aussi demander au Quantum d’analyser un fichier audio importé dans sa mémoire flash et d’en faire une table d’onde. Autre possibilité, créer une table de huit ondes à cycle court à partir d’un extrait audio WAV ou AIFF, avec un maximum de 1 024 samples. Enfin, le Quantum peut convertir un fichier WAV ou AIFF en table d’onde à période constante (entre 64 et 4 096 samples, la plupart des synthés usuels fonctionnant en 2 024 samples). On peut bien évidemment charger ou sauvegarder une table d’onde à partir de la mémoire interne ou de la carte SD. Merci au constructeur d’avoir permis tout cela directement depuis le Quantum, qui décidément se passe fort bien d’un éditeur externe.
En grande forme
Le rôle du paramètre Wrap dépend de l’onde sélectionnée : avec l’onde dent de scie, on passe progressivement d’une double dent de scie à une simple dent de scie, puis à une onde carrée ; avec l’onde sinus, on passe d’une rampe en pente douce à un sinus, puis à une dent de scie adoucie ; avec l’onde triangle, on passe d’une rampe à un triangle, puis à une dent de scie ; avec l’impulsion, on règle la largeur d’impulsion de quasi 0 à quasi 100% ; enfin avec les deux bruits, on passe d’un bruit filtré à un bruit non filtré, puis à un bruit pitché.
Très pédagogique, l’écran central affiche l’onde obtenue en temps réel, au fur et à mesure qu’on la sculpte. Il reste encore quelques paramètres accessibles via le menu et les 7 encodeurs ceinturant l’écran : largeur stéréo des clones, désaccordage par demi-ton de 4 paires de clones (1–5, 2–6, 3–7, 4–8) et phase de l’oscillateur (oscillation libre ou début de phase forcé à chaque note). Un bouton Preset permet de nommer, sauvegarder ou charger des oscillateurs en mémoire, tout comme précédemment avec les tables d’ondes. Typiquement le moteur de prédilection pour se rapprocher des sonorités produites par les synthés analogiques, mais pas que…
Particules fines
Le troisième moteur du Quantum travaille à partir d’échantillons, multiéchantillons ou flux audio. Il peut fonctionner en lecture de samples classique, en synthèse granulaire ou en synthèse granulaire live (traitement direct d’un signal externe). Ainsi, les échantillons proviennent de la mémoire interne, de la carte SD, des enregistrements faits à partir du Quantum ou de l’entrée audio. Au cœur même du moteur de synthèse, on peut éditer les samples comme dans l’éditeur du mode Global (voir encadré) ; on peut aussi les monter en multisamples, pour les utiliser ensuite tels quels en lecture ou via le mode granulaire. Au menu : choix du sample, pitch, tessiture, fenêtre de vélocité. Les samples ayant à la fois la même tessiture et la même vélocité ne sont pas joués simultanément, mais en alternance suivant différentes règles : Round Robin, Robin inversé, ping pong, aléatoire… excellent ! Voilà qui fait du Quantum un sérieux lecteur de multiéchantillons.
Via le menu, toujours en mode granulaire, on accède à d’autres paramètre : facteur aléatoire sur le point de départ de lecture, temps de gate des grains (ou densité), agitation des grains (action aléatoire sur la longueur et la densité des grains), mode de lecture (continu, coup unique, ping pong, global – tout cela modifiable en temps réel sans avoir à redéclencher le son), attaque d’enveloppe, déclin d’enveloppe, largeur stéréo. On peut aussi jouer sur le pitch des grains : dispersion par rapport au pitch central, mode de dispersion (différentes règles dont certaines aléatoires ou fixées par demi-ton…). Là aussi, le Quantum intègre quelques presets servant de base de travail. L’écran se révèle une nouvelle fois didactique dans l’affichage des grains, de leur édition en temps réel et de leur lecture, ce qui rend cette synthèse moins abstraite. Voilà au final un moteur de synthèse très réussi, complémentaire aux autres et peu courant sur un synthé matériel.
Résonateurs excités
Via le menu (donc les 7 encodeurs situés autour de l’écran), on peut, en plus des paramètres directs, varier la quantité de partiels accentués (passer d’un son plutôt boisé à un son plutôt métallique), adoucir le signal (modifier le rapport entre les harmoniques bas et hauts), contrôler l’enveloppe de l’excitation (AD), régler l’accélération des répétitions (pour simuler par exemple une bille qui rebondit de plus en plus vite avant de s’immobiliser), définir la balance de filtrage des partiels, filtrer les hautes fréquences (entre l’excitation et la banque de filtres, pour calmer le premier au cas il s’excite trop dans les aigus), élargir la stéréo ou encore booster la fondamentale. On peut sélectionner un modèle de résonateur, avec là encore possibilité de charger, éditer, nommer et sauvegarder des presets (13 préchargés pour ne pas partir de zéro, merci).
Tout comme dans le moteur à particules, on peut aussi éditer les samples et les monter en multisamples, pour les utiliser ensuite comme signal d’excitation. La seule différence ici est qu’il n’y a qu’un mode Round Robin pour les samples ayant la même tessiture et la même fenêtre de vélocité. Les sons obtenus sont très variés : percussions bois ou métal frappées, tubes soufflés, ruissellements… Ce moteur est extrêmement intéressant quand on utilise ses propres samples pour l’excitation, que l’on joue sur les caractéristiques de la caisse de résonance et que l’on ajoute un délai ping pong et une longue réverbe. À explorer sans retenue !
Noyaux sans pépin
Comme si cela ne suffisait pas, la version 2 de l’OS apporte un cinquième moteur de synthèse, là encore original et balaise, où il est davantage question de noyaux que de pépins… Précisons que nous avons testé une version 2.0.0.4 Beta, donc ce qui est décrit ci-après est susceptible d’évoluer. Le moteur s’engage en appuyant simultanément sur les touches Wavetable et Waveform.
Ceux qui n’ont peur de rien vont alors pouvoir lire ce qui suit… En entrant dans le mode Edit, on accède à l’arrangement des noyaux (algorithme), à l’assignation des 5 potentiomètres (jusqu’à 6 paramètres simultanés par potentiomètre — façon macro — avec pour chacun, choix du paramètre et quantité de modulation bipolaire), puis aux paramètres individuels des noyaux. Les noyaux sont ainsi combinables en algorithmes de 1 à 6 noyaux. Là, on fait ce qu’on veut ou presque : pour chaque noyau, on précise s’il est actif et s’il est assigné à la sortie audio (dans ce cas, un bouton Solo permet d’isoler le noyau pour écouter instantanément sa contribution au son) ; on choisit ensuite par quel(s) autre(s) noyau(x) il est modulé dans l’audio (1 à 3 modulateurs par noyau), puis le type de modulation : Phase FM (modulation de phase type DX7), FM linéaire, Ring Mod, AM ou modulation de lecture de table d’onde (le cas échéant). En Phase ou en AM, on peut définir un niveau de feedback pour chaque noyau. L’écran affiche sous nos yeux émerveillés l’algorithme en direct, un peu comme sur un DX1, mais avec toutes les subtilités des triples modulations, de leur type, des routages multiples entre noyaux, de l’activation des noyaux et de leur assignation à la sortie audio. Le type qui a pondu cette partie du programme du Quantum est un génie !
Tiens, mais alors, au fait, voyons-voyons, si nous pouvons fabriquer des algorithmes de 6 opérateurs FM à ondes sinus (parmi tant d’autres choses plus intéressantes), cela ne nous emmènerait-il pas en terrain connu ? Bingo, le Quantum peut directement importer des banques de 32 programmes de DX7 via Sysex, non pas pour cloner le fameux synthé de Yamaha, mais pour partir de sons déjà construits et voir ce qu’on peut en faire. Et en plus, ça marche bien, la qualité de conversion est bonne, le souffle en moins. Le plus impressionnant dans l’histoire, c’est qu’un seul générateur sonore (un oscillateur) se suffit à lui-même pour générer les 6 opérateurs, leur suivi de clavier et leurs enveloppes de niveau ; les autres modules du Quantum ne sont pas utilisés (mais peuvent l’être bien évidemment). La polyphonie reste toutefois de 8 voix, on se prend alors à rêver à un mode paraphonique entre générateurs sonores, qui irait puiser ses ressources additionnelles dans l’un ou les deux autres générateurs, pour sortir 16 ou 24 voix, et ce quel que soit le moteur d’ailleurs !
Filtres analogiques
Chaque voix dispose de deux VCF et d’un module de filtrage numérique très élaboré DF, placés en série (ordre VCF-DF ou DF-VCF) ou en parallèle. Rappelons que l’on peut doser la balance de chaque oscillateur et de la modulation en anneau entre les VCF et le DF (par pas de 5%, genre VCF 85% / DF 15%). Les VCF sont des filtres passe-bas capables de fonctionner suivant 6 types de réponse : 2 pôles, 2 pôles saturé, 2 pôles sale, 4 pôles, 4 pôles saturé ou 4 pôles sale. Les modes saturé et sale sont obtenus par un étage de saturation en sortie du DAC avant filtrage, alors que les modes classiques utilisent un limiteur de signal. Dommage que ce réglage soit commun aux deux filtres, on aurait aimé pouvoir combiner différentes pentes ou types de saturation.
Chaque filtre, quel que soit le type, peut entrer en auto-oscillation, dès que sa résonance dépasse un certain seuil. Il se met alors à produire une onde sinus maitrisée, qui peut siffler si on pousse le réglage. Tous les réglages continus proposent, ici encore, trois modes de résolution : normal, fin et superfin, garantissant une énorme précision (nous ne le redirons plus). En façade, on peut directement régler les fréquences de coupure, les résonances, le mode et le type. Il n’y a aucun, mais alors vraiment aucun effet de pas sur les fréquences de coupure ; on a essayé en auto-oscillation pure en coupant tout le reste, rien, nada, c’est lisse comme une anguille bien mouillée ; en allant trèèèèèès lentement avec les potentiomètres, on visualise une résolution numérique de l’ordre du millième. Pour chaque filtre, on peut régler le suivi de clavier sur la fréquence, le volume et le panoramique via les menus. L’écran affiche de manière très fluide les courbes de réponse des filtres en temps réel ; il permet également de visualiser le routage des différents composants sonores, oscillateurs, filtres, ampli, effets… très didactique !
Formeur numérique
Puis c’est le tour d’une série complète de filtres tirés des synthés de la marque, déclinés en modes passe-bas, passe-bande, passe-haut et réjection, en 2 ou 4 pôles : ceux du Nave (assurant ainsi la compatibilité avec cette machine) et ceux du Largo. On trouve aussi les filtres passe-bas 2 et 4 pôles du PPG Wave 3.V (modélisation des PPG Wave). Pour tous les filtres, on peut contrôler, depuis la façade, la fréquence de coupure et la résonance ; via le menu, on accède à des paramètres supplémentaires (toujours avec une précision diabolique — zut, nous l’avons redit !), tels que la configuration VCF-DF et le routage des oscillateurs, comme dans le menu VCF, puisque les deux modules de filtrage sont concernés. La qualité sonore de ces filtres est excellente, limpide, colorée et variée ; un excellent complément numérique à la section analogique, un ensemble qui constitue un gros point fort du Quantum, décidément une machine bien à part.
Paire de quinte
Chacun des deux canaux d’un programme dispose d’une chaine de cinq multieffets placés en série. Dommage qu’on ne puisse avoir des configurations plus poussées (série, parallèle, combinaisons…). Autre limitation, il n’y a qu’une seule instance possible par type d’effet dans les cinq blocs (on ne peut pas avoir deux délais, par exemple). En façade, on peut directement éditer deux paramètres pour les trois premiers effets. Cela aurait été sympa de fournir des commandes directes pour les cinq effets, il y avait de la place pour ajouter quatre pauvres potentiomètres, par exemple en repoussant ceux du compresseur et du volume à droite de la section, à la verticale !
En sortie, on peut router chacun des deux canaux vers les sorties de son choix (globale, directe ou les deux en même temps), avec leurs blocs d’effets indépendants. Sympa ! Uniquement sur la sortie principale, on trouve un compresseur global non mémorisable, utile pour renforcer les basses ou créer une forme de ducking entre deux canaux séparés. Il n’a qu’un seul réglage : un potentiomètre d’action. Il ne faut pas en abuser toutefois, car il peut être très étouffant ou pompant ; autant utiliser un compresseur dans les blocs d’effets séparés pour être plus précis.
Modulations abyssales
Passons aux enveloppes, au nombre de six. Les trois premières sont accessibles directement en façade ; elles sont assignées aux deux VCF et au VCA, mais peuvent moduler tout ce qu’on veut ou presque. C’est aussi le cas des trois autres enveloppes, accessibles via les menus. On peut contrôler directement en façade les paramètres ADSR, l’influence de la vélocité sur l’enveloppe et la quantité de modulation bipolaire pour les fréquences de coupure des deux VCF et le VCA (mis à part la quantité de modulation pour ce dernier, l’enveloppe étant branchée en direct). Les autres paramètres et enveloppes sont accessibles par le menu, là encore très clair, avec ses six onglets : délai, variation de phase (pour simuler un synthé analogique), courbe d’attaque (exponentiel, RC pour simuler un synthé analogique, linéaire), courbe de déclin, courbe de relâchement, bouclage (AD ou ADSR), redéclenchement (simple, multiple). Là encore, l’écran affiche la courbe d’enveloppe en temps réel, on peut tirer dessus et on voit chaque voix la parcourir, ludique et pédagogique ! Les temps vont de 0 à 60 secondes, c’est hyper confortable. Sans oublier le bouton Target qui permet d’assigner les enveloppes à différentes destinations. Parlons-en dès à présent !
Nous n’allons pas ici lister toutes les sources et destinations disponibles, mais citer les principales. Parmi les sources : les 6 LFO, les 6 enveloppes, le modulateur complexe, ls différents contrôleurs physiques, les CC MIDI 21 à 33, le numéro de note, la vélocité, le numéro de voix, le générateur aléatoire, une valeur constante, le pad virtuel sur l’écran (X/Y) et les 4 lignes de modulation du séquenceur. Parmi les destinations : le pitch global, le pitch de chaque oscillateur, le niveau de chaque oscillateur, les paramètres de synthèse de chaque table d’onde, les paramètres de chaque grain, les paramètres de chaque résonateur, tous les paramètres des filtres (VCF et DF y compris les niveaux et panoramiques), le volume, le panoramique, les segments de chaque enveloppe, la vitesse de chaque LFO, le gain de chaque LFO, les paramètres du modulateur complexe, le temps de glide, certains paramètres d’effets (2 à 5 suivant le cas) et certains paramètres de l’arpégiateur / séquenceur. Quand on disait abyssal !
Arpèges et séquences
Chaque couche offre un arpège ou une séquence à pas. Commençons par le premier. On peut l’enclencher directement (touche Arp), puis maintenir les accords (touche Chord) et même ajouter des notes à l’accord en cours de maintien (touche Latch). Dans ce dernier mode, appuyer sur une note déjà maintenue la retire de l’accord. Les paramètres disponibles sont le tempo, la division temporelle, le swing, le motif (à choisir parmi 31 types internes, avec différentes accentuations), la durée avant redéclenchement, le temps de porte de relâchement, le sens de lecture (haut, bas, haut et bas, haut et bas avec répétition, bas et haut, bas et haut avec répétition, aléatoire), l’octave (1 à 4), le tri des notes (désactivé, croissant ou décroissant suivant la hauteur de note, croissant ou décroissant suivant la vélocité, accord), le mode de restitution de la vélocité jouée… de quoi se concocter un bon paquet de motifs !
Noble lignée
Nous avons passé un merveilleux moment avec le Quantum. C’est un instrument exceptionnel dans le design, la qualité des matériaux et l’interface utilisateur. Les commandes directes relayées par l’écran tactile graphique hyper réactif apportent une expérience de jeu et de programmation sans équivalent. L’écran n’est pas un gadget, c’est un lieu privilégié d’édition directe et de pédagogie synthétique. À ce niveau, la lutherie électronique reste largement devant les solutions logicielles. En somme, un synthé complexe mais pas compliqué ! Le Quantum est également exceptionnel au plan de la puissance de synthèse et de l’originalité, avec cinq moteurs hors norme : tables d’ondes poussées à l’extrême dans le raffinement, formes d’onde à clones multiples, synthèse granulaire capable d’utiliser des samples utilisateur, résonateurs très évolués et synthèse à noyaux capable de faire interagir des générateurs en réseau dans le domaine audio. Ces différentes sources sont mixées en stéréo et injectées vers deux VCF et un DF très complémentaires, routés en série ou en parallèle, avant de passer dans une grosse section d’effets. N’oublions pas les modulations abyssales, via la matrice surpuissante, le modulateur complexe, l’arpégiateur ou le séquenceur à pas.
De toute cette puissance alliée à cette facilité de programmation, on tire des résultats sonores originaux, très variés, allant parfois jusqu’à chatouiller les textures analogiques classiques, sans pour autant remplacer un pur synthé analo, en particulier pour les basses ou leads percutants ; mais c’est surtout dans les nappes, les atmosphères, les ambiances évolutives que le Quantum excelle. Oyez oyez, illustrateurs à l’image et designers sonores, le Quantum génère des timbres inédits. Que peut-on alors lui reprocher, à part une polyphonie et une multitimbralité logiquement limitées par les huit paires de filtres analogiques ? La section d’effets nécessiterait plus de routages, plus d’instances disponibles et des phasers & flangers plus chauds. Avec la possibilité de lier les pas, le séquenceur atteindrait la perfection. De même, des fonctions globales Panel et Compare formeraient deux cerises sur ce beau gâteau. Sur tous ces points, le Quantum peut facilement progresser, le constructeur est déjà en train de prouver qu’il est dans une logique d’amélioration, en finalisant la V2 de l’OS, qui ajoute le moteur de synthèse à noyaux et améliore l’éditeur audio.
De la même classe que le Wave, partageant sa noble lignée, le Quantum est un concentré d’idées brillantes dans un instrument déjà légendaire, pour le plus grand plaisir des musiciens fortunés. Voilà, le moment est déjà venu de le remettre en boite pour qu’il retrouve son heureux propriétaire sous le soleil catalan (merci Stéphanou !), sans oublier de lui peindre sur le capot un gros Award Audiofanzine Valeur Sûre 2019.