Voilà 7 ans que Blackstar ne cesse de monter dans les charts, au point de s’inviter dans le cercle fermé des marques de référence en matière d’amplification pour guitare électrique.
Jusqu’alors principalement connus pour leurs têtes et pédales à lampes, les Anglais se tournent maintenant vers la modélisation en proposant notamment des petits amplis pour la maison ou les répètes pas trop bruyantes. Au point de faire frémir Roland, VOX, Marshall et consorts ?
La vie moderne
Fidèle à l’esthétique unicolore de la marque, le petit Blackstar est certes sobre mais pourra faire l’unanimité ou presque avec sa façade avant dont le tissu noir à points blancs mêle avec bonheur vintage et modernisme. Son format assez compact (434 × 336 × 185 mm) malgré ses 2 HP de 6.5 pouces le destine avant tout à une utilisation domestique, même si son poids (6,2 kg) permet de l’emmener partout sans risque pour nos chères vertèbres.
Mais la première constatation qui frappe l’amateur d’ampli que je suis se trouve au dos de l’engin avec l’absence de prise pour « schouko ». On est bien loin de l’époque où on se prenait des châtaignes en manipulant son transformateur, ce qui est peut-être moins rock’n’roll mais aussi moins dangereux, et c’est tant mieux. Toutefois, et ce bien que Blackstar ne soit pas le seul fabricant à utiliser ce genre de câblerie, j’en profite pour râler gentiment contre ce système qui oblige un achat spécifique en cas de perte et qui empêche de se faire dépanner par le « zicos du coin ».
Parlons d’ailleurs du côté nomade de la chose avec cette étrange sangle qui fait office de poignée. À la fois trop courte pour être confortable sur l’épaule et trop longue pour le portage à la main sans qu’il ne brinquebale dans tous les sens, on se demande quelle mauvaise cervoise tiède les Anglais ont descendue avant de concevoir une chose pareille… puis l’évidence crève les yeux : les attaches-courroies ressemblent à s’y méprendre à celles présentes sur nos six-cordes ! En bon testeur, je prend ma sangle habituelle pour remplacer l’originale. Finalement, puisqu’on doit généralement emmener sa courroie avec son ampli et que celle-ci n’est pas utilisée simultanément au transport de l’engin, les aller-retour en répète ou mini concerts peuvent s’envisager sereinement, surtout si on remplace les attaches d’origine par des strap-locks.
On regrettera malgré tout l’absence de véritable poignée pour les petits déplacements du type sol-> chaise. On me rétorquera alors que c’est un ampli de salon, et on aura raison puisque ses 2×20 W auront du mal à couvrir un batteur de rock énervé… Il sera alors grandement temps de passer à l’étude du menu sonore de l’ID:CORE pour recentrer le débat.
Avec la sangle d’origine
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Vuitton, c’est surfait, adoptez un style plus rock !
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Vous pouvez aussi opter pour le mode furtif.
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Le menu
Bien que rudimentaires, les réglages indispensables sont présents directement sur l’ampli, sans qu’il soit nécessaire d’avoir un ordinateur à proximité. Le bouton cranté « voice » permet de choisir la modélisation désirée parmi les six proposées aux noms simples et évocateurs : clean warm, clean bright, crunch, super crunch et deux types de grosses saturations OD1&2. Il sera ensuite utilisé pour choisir ses présets, une fois ces derniers sauvegardés dans l’ampli à l’aide du bouton Manual qui se trouve juste en dessous.
Blackstar n’a pas fait l’économie du traditionnel potard de gain et c’est une bonne nouvelle, d’autant que pratiquement toute la course de celui-ci est utile et progressive. Difficile donc de ne pas trouver la bonne quantité de « saturation » avec les différentes modélisations associées au bouton de gain. L’indispensable volume se place juste à côté et la partie « pré-amplification » se termine avec la fierté de la marque, j’ai nommé l’ISF qui promet une traversée transatlantique en un tournemain avec le son US à gauche et le son UK à droite. Quant à la position centrale du potard, elle ne correspond pas au son islandais, mais bien à un mélange des deux patries anglophones.
Des réglages pertinents et réellement utilisables à portée de main, c’est bien, mais pour avoir le droit de trifouiller les fréquences, il faudra brancher l’ampli à l’aide d’un câble mini USB (non fourni) à votre ordinateur. Nous y reviendrons donc ultérieurement.
Passons donc à la partie effets, avec des boutons poussoirs pour sélectionner reverbs (room, hall, spring et plate), modulations (phaser, flanger, chorus et tremolo) et delays (linear, analogue, tape et multi), le tout agrémenté d’un tap (youpi !). Les paramètres des effets se règlent à l’aide de deux potards : un volume associé à un sélecteur non cranté, certes furieusement à la mode, mais aussi peu pratique que précis. Malgré cela, l’ensemble se pilote en un clin d’œil, grâce aux LED qui changent de couleur si l’effet est utilisé et/ou s’il est sélectionné pour être paramétré.
Bien qu’il paraisse absent au premier coup d’oeil, l’accordeur intégré s’active en appuyant simultanément sur les boutons tap et manual, comme indiqué dans la notice ; il est donc possible de jouer juste sans ordinateur, ouf.
Enfin, le système Super Wide Stereo promet un effet spatial saisissant. Autant le dire tout de suite, d’ordinaire réticent à ce genre d’artifices, j’ai été agréablement surpris par le rendu de celui-ci, en l’associant à la reverb room intégrée pour une sensation de « parterre sonore » flatteuse, peut-être un peu « hifi » mais diablement efficace. N’ayant pas de paire de bons statiques sous la main, vous ne pourrez malheureusement pas vous rendre compte de sa juste valeur avec les extraits enregistrés.
On notera également qu’aucun footswitch n’est fourni, et il vous faudra donc ajouter son coût (non connu à ce jour) pour piloter l’engin au(x) pied(s).
À l’épreuve des ordinateurs
Comme pour à peu près tout de nos jours, il existe une application qui permet de gérer les présets et quelques autres joyeusetés. Le soft, baptisé Invader et commun à tous les amplis ID a mauvaise réputation sur les forums : je vais donc vous faire part de mes impressions sur le sujet.
Après un téléchargement rapide et une installation sans souci, je branche le Blackstar sur mon Mac qui me prévient immédiatement qu’une mise à jour du firmware est disponible. Jusqu’ici tout va bien mais seulement 5 secondes s’écoulent avant que la tentative de mise à jour ne se solde par une « erreur fatale » digne des meilleurs écrans bleus de chez Microsoft époque Windows 95. Toujours est-il que le logiciel et l’ampli fonctionnent sans cette mise à jour (après avoir « rebooté » l’ampli comme il se doit), mais ce dernier n’est alors plus reconnu en tant que périphérique USB en dehors de l’appli Blackstar. On m’a alors gentiment prêté un PC sous Windows 7, et là l’upgrade du firmware s’est passée sans encombre. Mais les messages d’erreur continuent de pulluler à chaque fermeture du logiciel sous les deux OS.
Ceci dit, Invader propose donc le pilotage de tous les réglages déjà présents sur la façade, en y adjoignant 3 bandes d’EQ, mais aussi un autre voicing de simulation de lampes nommé TVP, malheureusement inactif pour la série ID:CORE (snif). Viennent ensuite les 3 banques d’effets symbolisées par des pédales qui permettent d’affiner les paramètres comme la profondeur des modulations par exemple.
On déscend ensuite vers l’onglet « Audio », qui offre un métronome avec tap et un « lecteur cassette » virtuel pour importer vos morceaux préférés afin de vous entraîner par dessus. Après plusieurs essais infructueux dus aux plantages répétés, j’ai enfin pu entendre sur le Backstar les morceaux que j’avais importés. J’en profite pour dire que le son délivré peut faire pâlir bon nombre d’enceintes destinées à cet usage, avec un bas certes un peu marécageux, mais des médiums et des aigus tout à fait honorables pour le prix.
L’onglet suivant, nommé Library, liste vos présets enregistrés avec leurs caractéristiques affichées et son successeur, « Online community », permet de glaner des présets d’utilisateur ou de proposer les vôtres aux autres ID:COREistes. À ce propos, j’ai téléchargé quelques présets et me suis retrouvé avec des « .bstar » sur mon bureau. Inutile de double cliquer directement dessus car un nouveau message d’erreur pointera le bout de son nez sous Windows, à moins qu’il ne se passe tout simplement rien si vous êtes sous OS X. Pour pouvoir profiter des présets (j’ai failli écrire tone print, oups), il faut les déplacer manuellement dans le répertoire prévu à cet effet (judicieusement nommé « saved patches »). Le dernier onglet d’Invader dévoile un accordeur clair, lisible et bien plus précis que celui intégré à l’ampli.
Enfin, en fouinant dans les paramètres, on peut désactiver le Super Wide Stereo, choisir les options du noise gate mais aussi définir le mode d’acquisition dont votre STAN bénéficiera entre stéréo émulée, mono émulée à gauche et mono non traitée à droite et même l’utiliser pour du reamping. Il n’y a donc pas d’enregistreur ou de micro séquenceur intégré. Autrement dit, vous devrez obligatoirement passer par un logiciel tiers pour enregistrer en USB. Pour le coup, ce sont les utilisateurs de Macintosh qui seront privilégiés, puisque GarageBand est livré d’office avec leur machine.
En résumé, Insider est une application presque complète, mais son ergonomie manque d’intuitivité et ses multiples plantages minent le moral. Espérons que ces soucis de jeunesse (bien qu’il s’agisse déjà de la version 1.4) se règlent rapidement car l’ensemble est tout de même assez réjouissant ! Et puisque le logiciel est gratuit et ne nécessite pas l’acquisition d’un ampli de la marque, je vous invite à vous faire votre propre opinion en le téléchargeant ici.
À l’épreuve des guitares
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C’est bien gentil tout ça, mais un ampli, ça s’écoute avant tout.
Mon premier réflexe lorsque je teste un ampli, c’est de chercher un beau crunch sans fioritures. Je tourne donc le bouton tout rond et mets le gain, le volume et l’ISF à midi. L’ID:CORE délivre alors quelque chose de tout à fait honorable avec des médiums aigus légèrement nasillards mais un rendu global qui retranscrit assez bien le caractère bourru de cette Telecaster standard, ici en position intermédiaire avec les deux micros ensemble.
La distorsion, c’est comme la pâte à tartiner cacaotée, on est toujours tenté d’en rajouter une louche. Alors tant qu’on y est ajoutons un soupçon de flanger et une lichette de room pour obtenir un son plus travaillé. Et ça marche ! On retrouve le grain typique du lipstick de la Telecaster et le flanger sonne comme un chorus moelleux. Sans compter que la prise de son ne rend pas fidèlement la sensation d’espace ressentie lorsqu’on est devant (ou derrière !) l’ampli.
Après ces bonnes surprises, passons à la Gibson (accordée en open de Si maison), sur le micro chevalet en montant encore d’un cran le bouton vers OD 1 à la recherche de gros son.
Pour sculpter un son orienté metal, la platitude de l’EQ empêche les fautes de goût mais laissera un peu sur leur faim ceux qui veulent des sons extrêmes, le mode OD 2 n’étant pas spécialement plus violent. Néanmoins, le fameux « djent » produit par le Si grave de la SG est présent sans excès et semble, à mon oreille, de bien meilleure facture que ce qu’on peut entendre dans ces tarifs, sans doute grâce aux haut-parleurs qui m’ont paru assez généreux dans les graves et les bas médiums. J’ai laissé le larsen final pour montrer l’efficacité de la « porte de bruit » : on peut laisser le sustain autant de temps qu’on le souhaite mais dès qu’on effleure les cordes, elle se ferme très rapidement. Bravo.
Trêve de saturation, car nous n’avons pas encore essayé le son clair du petit Blackstar ! Je garde la SG et opte pour le micro manche avec l’ampli en mode clean warm (que c’est agréable des appellations simples et claires !) avec une touche de reverb room. L’association modélisation/haut-parleurs fonctionne à plein tube (bien que l’ampli en soit totalement dépourvu) et le son est incontestablement chaud. Rappelons qu’on est en dessous des 200 euros et qu’il n’est évidemment pas question de le comparer à un AC-30 ou un Bassman.
Alléché par le clean warm, j’essaye un P90 Seymour Duncan, toujours en position manche, sur une Telecaster Jim Adkins (une thinline en acajou avec Tune-O-Matic). Je pousse alors la reverb room un peu (trop) fort et martyrise les cordes jusqu’à ce qu’elles rendent l’âme (ou en l’occurrence le filetage). À l’exception du trémolo qui sonne numérique même à faible intensité, les effets et les reverb en particulier sont de bonne qualité mais ne peuvent pas être poussés trop forts sous peine de trahir leur essence binaire. Mais du côté du son de base, on a de la chaleur et de la dynamique tout en gardant le côté claquant avec des aigus feutrés, miam !
Mais ce n’est pas fini puisqu’il y a encore deux modes et une bardée d’effets à explorer. Cette tâche incombera à une Strat Gilmour NOS. Je l’utilise d’abord avec son micro manche pour l’exemple clean bright puis avec son micro chevalet pour l’extrait OD2.
Le premier est obtenu grâce au multi-delay et une bonne dose de reverb hall. On voit que le Blackstar est vraiment polyvalent et peut ratisser très large pour autant qu’on parle de rock (bien qu’il puisse satisfaire les jazzeux armés d’une hollow body en mode clean warm).
Nous finirons par le dernier mode OD2, avec à mon sens le meilleur des effets de cet ampli, j’ai nommé la reverb room (lorsqu’on la dose correctement). Avec le gain aux 2/3, le grain de la guitare est fidèlement respecté avec le cristallin de la Strat qui perce malgré la forte saturation. Encore un son convaincant… et il y en bien d’autres.
À l’épreuve des sorties
Pour vous rendre compte des différentes possibilités d’enregistrement, j’ai joué quelques extraits en utilisant la sortie USB, ainsi qu’une prise en line out.
- clean warm p90 USB 00:41
- crunch tele USB 00:30
- OD1 SG USB 00:35
- OD1 SG USB double mono 00:33
- crunch tele line out 00:30
La différence au niveau des graves est importante, mais il faut pondérer ce constat par le fait que l’enregistrement avec des micros dynamiques, comme sur les extraits précédents, augmente significativement le bas du spectre à l’écoute. On pourrait tout à fait imaginer de belles prises de guitare effectuées simultanément avec l’USB et un ou plusieurs micros devant. Plus simplement, on peut dire que le son est tout à fait exploitable en utilisant cette voie et les possibilités offertes par le double mono raviront les amateurs de reamping.
Quant au rendu de la line out, le bas est réellement anémique et le souffle est important, mais l’impédance étant principalement prévue pour une utilisation au casque (par ailleurs très agréable), on n’attendait pas de miracles provenant de cette prise 3,5 mm.
Une bonne ID ?
L’ID:CORE Stereo 40 est un ampli complet, tout en restant compact et simple à utiliser. Je ne serais pas surpris de voir Blackstar faire un carton sur le créneau des amplis « de salon » et si on parle de sa restitution sonore tout à fait correcte pour écouter des MP3, les Anglais ajoutent alors Line 6, Yamaha et les autres sur la liste de leurs concurrents.
Cependant, si les arcanes du son de guitare rock semblent limpides pour les anciens de chez Marshall, il leur reste à peaufiner soigneusement leur logiciel, notamment la version Mac, afin que l’on puisse pleinement tirer parti des capacités de leur série ID.