Présentée il y a quelques semaines, la deuxième génération Boutique fait renaître trois légendes Roland sous forme de mini-modules numériques. Au programme de ce test, le VP-03, modélisation du célèbre VP-330...
Produit à la fin des années 70, le VP-330 « Vocoder Plus » embarque un clavier, un vocodeur de 10 bandes + HPF optimisé pour la voix, une section Strings et une section Human Voice. Entièrement analogique, il est basé sur des diviseurs d’octave, apportant une polyphonie totale. En bout de chaîne, un effet d’ensemble de type triple chorus analogique stéréo fait des merveilles en modulant des lignes à retard (BBD) avec de subtildes LFO. On trouve aussi un LFO à part entière pour humaniser le son. Prisé par la scène disco-funk pour ses sonorités de voix de robot facilement identifiables, c’est aussi l’un des instruments de prédilection de Vangelis, avec ce mélange spatial de cordes et de chœurs synthétiques, signature du maître. Le VP-330 a été produit en deux versions : la première dotée de sélecteurs à bascule et de BBD de type SAD pour l’effet d’ensemble ; la seconde équipée de boutons poussoirs colorés à LED (comme sur les JP-8/TR-808) et de BBD de type MM. Le son du premier est plus prisé, car plus organique. Le VP-330 a été décliné en SVC-350, version rack 2U de la section vocodeur, avec EQ 11 bandes en sortie. Le VP-330 est aujourd’hui une machine très recherchée et très rare, donc très chère. C’est très certainement ce qui a poussé Roland à en créer une version modélisée pour sa deuxième série Boutique : le VP-03. Il fait partie de la nouvelle trilogie Boutique, avec la TR-09 (modélisation de TR-909) et la TB-03 (modélisation de TB-303), également testées dans nos colonnes.
Mini-Module
Fin 2016, la série Boutique comprend 7 modèles, qui partagent tous la même conception : un module ultra compact (300 × 128 × 46 mm pour moins de 1 kg), pouvant être monté dans une station d’accueil clavier ou boîtier (voir encadré). En dépit de leur petite taille, ils n’ont rien de gadgets : l’avant, la façade et l’arrière sont constitués d’une tôle pliée très solide ; seuls le dessous et les côtés sont en plastique. Les commandes sont de bonne facture et agréables à manier, malgré leur course ou taille réduite. Sur le VP-03, on trouve 11 curseurs linéaires, 3 potentiomètres rotatifs, 6 interrupteurs à LED, 3 sélecteurs simples et 18 boutons lumineux bien francs. On pourrait craindre que l’espacement ou la course des curseurs linéaires soit insuffisants, mais on se rend compte à l’usage qu’ils sont tout à fait jouables, comme sur le JU-06, d’autant que leur bonne résistance limite les fausses manipulations.
Une entrée micro XLR vissée en façade est de la partie, bien utile pour le vocodeur ; elle dispose d’une alimentation 3V (Plug-In Power) pour connecter le micro à col de cygne fourni, désactivable si l’on veut raccorder un micro dynamique du commerce. La prise en main est immédiate, car la très grande majorité des paramètres est directement accessible en façade. Le reste se fait en combinaison avec les touches [Memory] et la rangée de 16 touches lumineuses : accordage maître, choix du canal MIDI, horloge interne/externe, transposition (-6 à +5 demi-tons), courbe de vélocité transmise par le clavier optionnel K-25m, temps de veille, transposition d’octave (-3 à +3), action du ruban de modulation, intervalle du pitch bend, gain de l’entrée micro, point de split du clavier. Dommage que le constructeur n’ait pas sérigraphié ces fonctions en façade, il restait de la place pour cela.
Le VP-03 reprend les fonctionnalités, la plupart des commandes et la charte graphique du VP-303 Mk2 (il manque les doubles commandes pour les zones clavier basse / haute). Les réglages concernent d’abord le mélange des trois sources audio : entrée micro, Human Voice, Strings. Vient ensuite le vibrato appliqué au vocodeur et à la section Human Voice : vitesse, délai et profondeur. Il permet d’humaniser le son généré. Vient ensuite la section vocodeur proprement dite : activation de la section, activation de l’effet d’ensemble sur la section, niveau et brillance. Deux diodes témoins verte et rouge permettent de contrôler le niveau en entrée du micro. Puis vient la section Human Voice, avec activation des sous-sections (voix d’hommes/femmes 4 pieds et voix d’hommes 8 pieds, simultanées si on le souhaite, avec point de split programmable), niveau global, activation de l’effet d’ensemble et attaque de volume. À droite, c’est au tour de la section Strings : activation de section, attaque de volume et brillance. Dans cette section, l’effet d’ensemble est constamment activé, ce qui parait normal (une string machine sans triple chorus sonne stérile). Les sections Vocoder, Human Voice et Strings partagent le même segment de release sur le volume, assigné à un curseur linéaire. Tout à droite, un potentiomètre permet d’accorder la machine.
Pour moduler le son à la main, on peut utiliser les deux rubans de gauche, avec rétro-éclairage latéral suivant la position (très joli). Lorsqu’un clavier est raccordé, le premier ruban fait office de pitch bend traditionnel (avec retour au centre virtuel) ou de pitch-shift (baisse automatique ou manuelle du pitch d’une octave comme sur le VP-330) ; le second ruban permet de moduler un paramètre à définir par combinaison de touches : modulation ou décalage des formants de voix. Lorsque rien n’est raccordé au VP-03, le premier ruban permet de déclencher les sons alors que le second transpose à l’octave. Il existe aussi une position d’autobend, avec temps et point de départ paramétrables à l’aide de deux potentiomètres dédiés. Enfin, un portamento peut être activé par combinaison de touches, avec temps programmable.
Mise à part l’entrée micro XLR solidement vissée en façade, toute la connectique est située à l’arrière : interrupteur secteur, port USB de type micro B (alimentation, MIDI et audio), mini-potentiomètre de volume, sortie casque, sortie ligne et entrée/sortie MIDI au format DIN. La connectique audio positionnée à l’arrière est au format mini-jack stéréo. On note qu’il n’y a pas d’entrée ligne contrairement aux TR-09/TB-03/JP-08/JU-06/JX-03. C’est bien dommage, car cela signifie qu’on ne peut pas entrer de signal audio analogique porteur dans le vocodeur (mais, nous le verrons plus tard, tout n’est pas perdu…).
En dessous du module, on trouve un petit HP (dont nous reparlerons) et une trappe pour insérer les 4 piles AA-LR6 fournies (à défaut d’un cordon micro-USB/alimentation secteur non fourni). Avec son petit HP, ses rubans de modulation et ses piles, le module est totalement autonome, du moins pendant les 6 heures annoncées par le constructeur.
ACB toujours
Nous avons testé l’OS 1.04. Le VP-03 utilise une technologie de modélisation analogique ACB pour simuler le comportement de chaque composant du VP-330. La section Strings possède ce côté soyeux du VP-330, mais le son est plus droit et moins crémeux que celui du VP-330 Mk1 du studio (peut-être est-il plus proche d’un VP-330 Mk2, sur lequel les composants de l’effet d’ensemble sont différents ?). Le timbre de la section Voice est parfaitement reproduit, avec ce côté organique qui caractérise le VP-330. L’effet d’ensemble joue parfaitement son rôle, même s’il nous apparait clairement moins ample et moins chaud que celui du VP-330. Côté vocodeur enfin, on retrouve le grain à la fois rond et métallique caractéristique du VP-330 reconnu pour les voix de robot, ainsi que le comportement sur le traitement du signal et la détection des voyelles/consonnes ; au passage, le micro fourni n’est pas terrible, avec une saturation rapide sur les accords et une intelligibilité limite dans les graves : on lui préférera un micro dynamique genre SM58, avec lequel nous avons réalisé les exemples audio.
Au-delà du timbre, c’est aussi le comportement du VP qui est fidèlement reproduit : par exemple, l’attaque caractéristique de la section Voice est bien là, avec un déclin intégré sur le volume et un vibrato paramétrable. Idem sur le release des Voice et des Strings, avec cet effet de pseudo-réverbération typiquement VP (et d’autres String-machines de l’époque, d’une façon générale).
Pour se convaincre des ressemblances et noter les différences sonores entre les VP d’hier et d’aujourd’hui, un petit tour par le blind-test s’impose (cf. encadré ci-dessous). En tout cas, le caractère de l’ancêtre est bien là ! Pour finir, signalons que le petit HP intégré est incapable de reproduire avec précision le grain des différentes sections du VP-03, en particulier l’effet d’ensemble stéréo qui le fait terriblement souffrir.
- 01 Voices 01:16
- 02 Strings 00:47
- 03 Mixed chords 00:24
- 04 Vocoder1 00:29
- 05 Vocoder2 00:56
- 06 Vocoder3 00:28
- 07 Vocal Seq1 00:53
- 08 Vocal Seq2 00:39
- 09 Vocal Seq3 00:52
- Blind Strings1 00:36
- Blind Strings2 00:31
- Blind Strings3 00:19
- Blind Voc1 00:31
- Blind Voc2 00:37
- Blind Voc3 00:11
Droit au chœur
Le VP-03 est une combinaison vocodeur/string machine/voice machine à modélisation (donc tout numérique). La polyphonie est de 6 voix, ce qui est loin de la polyphonie totale du VP-330. On peut jouer les trois sections en même temps avec un dosage fin de chacune, sans perte de polyphonie. La section Strings modélise les diviseurs d’octave d’antan : douze oscillateurs maîtres généraient des ondes élémentaires à haute fréquence (des impulsions), dont la fréquence était divisée plusieurs fois pour fabriquer les octaves inférieures. Le son obtenu était ensuite égalisé et filtré, avant de passer dans un effet d’ensemble stéréo. Cet effet, un triple chorus, permettait d’élargir considérablement le son en utilisant des lignes à retard (BBD) qui mélangeaient et modulaient les ondes. Le VP-03 modélise chaque élément de cette chaîne sonore.
Pour la section Human Voice, on repart de la génération sonore de la section Strings, avec un signal filtré et égalisé différemment. Ce sont d’ailleurs ces banques de filtres à formants qui ont fait la richesse et le grain caractéristique du VP-330. Le VP-03 modélise donc les filtres et EQ du VP-330. C’est le même principe que le Streichfett, qui utilise des filtres et des EQ pour générer ses registres sonore à partir d’impulsion additionnées de base.
Passons enfin à la section vocodeur, en rappelant quelques principes. Un vocodeur utilise deux signaux audio : un modulateur (signal d’analyse) et un porteur (signal de synthèse). Le signal d’analyse (une voix, une BAR) est découpé en tranches de fréquences par des filtres passe-bande. Les amplitudes des bandes sont alors appliquées en temps réel sur le signal de synthèse (en général un son synthétique riche en harmoniques, ondes en dent de scie ou impulsions fines/larges) via des filtres à fréquences équivalentes. Plus il y a de bandes, plus le signal est intelligible. Certains vocodeurs permettent d’égaliser les bandes de filtres, d’autres de les repatcher (une fréquence basse de la partie analyse va moduler une fréquence haute de la partie synthèse). On trouve aussi un générateur de bruit qui peut être déclenché par les bruits du signal d’analyse (par exemple les sifflantes et les plosives de la voix humaine), pour augmenter l’intelligibilité du signal final. Sur le VP-03, le signal porteur est généré en interne et le signal modulateur provient de l’entrée micro. C’est moins souple que sur le VP-330, où on pouvait entrer ce qu’on voulait comme signaux porteur (un synthé par exemple, via le jack Ext Synth In) et modulateur (une voix, mais aussi une BAR, via des entrées XLR et jack). Nous verrons plus tard que cela est contournable en USB (patience…). Tous ces réglages sont globaux et ne peuvent être mémorisés dans des programmes.
Accords et séquences
À ce stade, on peut se demander à quoi sert la rangée de 16 boutons lumineux situés en partie basse du VP-03, à part pour éditer les réglages globaux. Le premier usage est de déclencher des accords en jouant une seule note, ce qui facilite le jeu, notamment lorsqu’aucun clavier n’est raccordé au VP-03 (on utilise alors le ruban et les boutons lumineux). La machine est livrée avec 16 mémoires d’accords de 4 à 6 notes de polyphonie, mais on peut très bien programmer les siens de manière immédiate.
Le deuxième usage, très original pour le coup, est la programmation d’une séquence vocodée sur 16 pas. Pour chaque pas, on peut jouer sur différents paramètres : activation du pas, entrée de note(s), entrée d’audio, liaison de pas, temps de Gate, suppression de note(s), suppression d’audio.
L’entrée d’audio se fait par échantillonnage via la prise micro, à partir d’un certain seuil programmable (punch in/out automatiques avec temps de pré-échantillonnage pour mieux capturer les transitoires, telles que les débuts de consonnes). Pour chaque séquence, on peut régler le tempo, le temps de Gate, la durée, la signature temporelle (triples-croches, doubles-croches, triolet de doubles-croches, triolet de croches) et le mode de jeu (note seule, voix seule, note + voix). La mémoire renferme 16 séquences de 16 pas. De manière globale, on peut définir l’ordre de jeu des pas (normal, inversion pas pairs / pas impairs, pas impairs, pas pairs, pas pairs puis impairs, pas impairs puis pairs, aléatoire), réglage hélas perdu à l’extinction des feux, en plus d’être global. Les notes séquencées et les modulations des rubans sont transmises en MIDI/USB, excellent ! Ce séquenceur vocodeur est un point fort indéniable du VP-03, novateur et utile !
MIDI et audio
Les modules Boutique ont bien évolué sur le plan du MIDI. Les premiers modèles n’émettaient au départ que des Sysex, ce qui était bien pour cascader plusieurs fois le même modèle, mais moins pratique pour qui voulait les automatiser. Tout cela a été amélioré par la suite, avec la gestion des CC. Le VP-03 émet et reçoit une trentaine de CC MIDI (via les prises DIN ou USB), correspondant à tous les réglages internes et à certains contrôleurs physiques. Ainsi, le CC66 (Sostenuto) permet de geler le son vocodé, ce que faisait la pédale Hold sur le VP-330. La prise USB permet d’effectuer des Backup/Restore de la mémoire.
Mais la bonne nouvelle vient des capacités USB audio du VP-03 héritées de la série Boutique. Via la prise USB, le VP-03 se transforme en interface audio 24 bits/96 kHz stéréo. Les sons du module et de l’entrée micro sont ainsi convertis en numérique et peuvent être envoyés à une STAN. Réciproquement, les sons sortant de la STAN sont convertis et envoyés à la sortie audio analogique du module. Ceci nécessite au préalable d’installer le driver PC/Mac fourni par Roland.
Mieux, nous avions dit que le choix des sources pour les signaux porteurs et modulateurs était plutôt restreint en analogique. Via l’USB, on peut indifféremment router un signal porteur et un signal modulateur au VP-03 à partir d’un PC. Ces signaux s’ajoutent aux éventuels signaux connectés à l’entrée micro analogique. Très bien vu !
Conclusion
La deuxième série Boutique étend le territoire sonore de la première, jusqu’alors dédiée à la modélisation de synthés de légende maison. Désormais, un vocodeur/string machine, une BAR et un séquenceur font partie de l’équipe. Ils ciblent toujours les musiciens/DJ nomades désirant un générateur sonore portable autonome ou les propriétaires de studio/home-studio cherchant un complément sonore peu encombrant. Le VP-03 conserve le concept intelligent de module connectable à une station d’accueil, avec alimentation par pile ou USB. La polyphonie reste toutefois limitée et le petit HP intégré peine à reproduire les subtilités du grain de la machine. Il gère parfaitement les CC MIDI et l’audio via USB passe à la vitesse supérieure, avec accès aux deux signaux d’entrée. Nous avons apprécié sa facilité de prise en main, son excellente modélisation sonore et son séquenceur vocodeur intégré. C’est aussi un module original dans son registre, sans véritable concurrence vu l’ensemble de ses fonctionnalités. Une alternative intéressante au VP-330, sans risque de maintenance à court terme ni de gros découvert bancaire.
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