Fruit de la collaboration de Studio Electronic et Roland, le SE-02 est le premier synthé analogique monodique de la série Boutique...
Studio Electronics est une société américaine qui a fait ses débuts dans les années 80 en montant des Minimoog en rack, les dotant au passage d’une interface MIDI et de fonctionnalités étendues. Puis elle a proposé sa propre vision du synthé analogique monodique à trois VCO en rack : le SE-1. S’en est suivi l’ATC-1, un synthé monodique à filtres interchangeables ; plus tard, la série haut de gamme Omega/Code, des synthés polyphoniques analogiques extensibles. Studio Electronics propose aujourd’hui des BAR, des modules analogiques et de l’audio en classe A. De son côté, Roland a développé la série Boutique sur un concept de modélisation numérique de ses gloires du passé dans un format très compact. La gamme atteint gentiment aujourd’hui la dizaine de modules : synthés, BAR, string machine… mais ce n’est qu’un début ! Sur le site de Studio Electronics, on peut lire que la marque a souhaité se rapprocher de Roland pour intégrer son savoir-faire analogique dans un produit de la société nippone. Le SE-02 est ainsi la première incarnation de cette collaboration.
Format Boutique
Tous les modèles de la série Boutique partagent la même physionomie et la même conception : un module ultra compact pesant moins d’un kg, pouvant être monté dans une station d’accueil (optionnelle pour le SE-02, voir encadré). La construction est bonne, avec une tôle pliée formant la façade et l’arrière, ainsi qu’une coque moulée pour la partie inférieure. Malgré la compacité de la machine, le nombre de commandes est élevé : 37 potentiomètres ou sélecteurs rotatifs, 15 sélecteurs simples et 22 poussoirs lumineux. Sans oublier le petit afficheur à trois diodes de sept segments. Les potentiomètres sont bien ancrés sur leur axe. Par contre, les sélecteurs rotatifs multiposition (formes d’onde des VCO et du LFO) bougent beaucoup ; en fait, il y a un léger jeu de l’axe auquel s’ajoute celui du capuchon ; cela ne nous fait toutefois pas peur pour l’avenir, car l’axe semble solide ; en revanche, ils sont très durs à tourner ; curieux, car sur la TR-08 que nous avons testée en même temps (et le test sera bientôt en ligne), les sélecteurs rotatifs sont parfaits. Autre point désagréable, les marques des potentiomètres sont si fines qu’elles sont la plupart du temps cachées : une petite marque noire sur le capuchon en alu aurait été idéale (à vos marqueurs, prêts, marquez !).
Comme la surface est réduite (300 × 128 mm), les commandes sont petites et assez proches, mais restent manipulables. L’organisation globale est on ne peut plus simple, avec de gauche à droite, les sections de Contrôle, Oscillateurs, Intermodulations audio, Mixage, Filtre/Enveloppes, LFO et Délai. La partie inférieure est dédiée à la sélection des programmes, au séquenceur et à l’accès à des paramètres additionnels. Toute la façade est occupée par les commandes, il n’y a pas de rubans de modulation comme sur les autres synthés Boutique.
La prise en main est très aisée, tout ou presque tombant sous la main. Seule une poignée de paramètres de programme se règlent via des combinaisons de touches : étendue du pitch bend, profondeur de la molette de modulation, action de l’aftertouch sur le LFO contrôlant les VCO, action de la pression sur la coupure du filtre, profondeur du potentiomètre de Contour et volume de patch. Les concepteurs n’ont pas oublié les touches Compare, Manual et Write. On peut même jouer directement les sons de la machine en transformant douze poussoirs de la façade en mini-clavier multicolore (mode Play), ou encore directement transposer par demi-ton ou sur plus ou moins trois octaves. La valeur des paramètres de synthèse ne s’affiche pas à l’écran, dommage.
Le panneau arrière porte l’ensemble de la connectique : mini-potentiomètre de volume, sortie casque, sortie ligne (stéréo avec les mêmes signaux gauche et droit), entrée ligne, entrée CV/Gate (Volt/Octave à fréquence et pente ajustables), entrée CV vers VCF (idéale pour ceux qui veulent piloter le Cutoff à la main avec un lissage parfait), entrée/sortie Trigger pour le séquenceur à pas, entrée/sortie MIDI DIN (notes, changements de programme, CC de tous les paramètres de synthèse transmis/reçus, Sysex, mode Chain pour chaîner plusieurs SE-02), port USB micro-B (MIDI, audio et gestion des mémoires), interrupteur de marche/arrêt et entrée pour alimentation externe (2A 9V DC fournie, l’analo ça suce, donc pas d’alim USB !). Toute la connectique audio est au format mini-jack, il faudra donc se munir d’un cordon adapté (en Y par exemple) pour ne pas détruire la sortie audio. Sous le module, on trouve un petit haut-parleur peu puissant, mais contrairement aux autres modules Boutique, il n’y a pas de trappe pour insérer des piles (l’analo ça suce bis !).
Pur analogique
Niveau synthèse, le SE-02 est largement inspiré du SE-1 de Studio Electronics, lui-même inspiré du Minimoog Model D. On retrouve leur architecture caractéristique, à laquelle une section de modulations audio et un petit délai ont été ajoutés. Du coup, le territoire sonore est plus large que les habituels basses et leads Moog, dont la machine est également capable. Comme le SE-1, il s’agit d’un synthé monodique à chaine VCO-VCF-VCA analogique et modulations numériques (glide, LFO, enveloppes, délai). L’électronique analogique est discrète ; la partie numérique utilise un PIC24 permettant de garantir un temps de réponse ultra rapide et une absence d’aliasing. Tous les composants sont montés en surface. Le SE-02 renferme 384 Presets (trois banques de 128 sons non réinscriptibles) pour ne pas partir de zéro. Notre SE-02 de test était en OS 1.02. La pente du VCO3 n’était pas alignée avec celle des autres VCO, même après une période de chauffe. Manque de bol, la fonction Autotune n’était pas active sur cette version d’OS. Nous l’avons donc passé en 1.05 et recalibré (bon à savoir pour ceux qui reçoivent en SE-02 avec un OS 1.02).
L’écoute des sons d’usine parle immédiatement : du bas, du gras, de la patate, de la chaleur, c’est assez incroyable le son énorme qui sort d’une si petite machine ; ce n’est pas sans nous rappeler le Minitaur de Moog, dans une autre couleur sonore, certes ! Les banques font une part très large aux sons de basses : grasses avec filtre ouvert, arrondies avec résonance ravageuse, acidulées avec résonance médium, hyper saturées (merci le feedback !). On apprécie la variété sonore dans ce registre grave, grâce aux formes d’onde nombreuses, aux intermodulations de VCO et au filtre magnifique. Bien évidemment, le SE-02 est capable de reproduire les leads façon Minimoog : dent de scie flûtée via le filtre, Lucky-square cuisinée au glide, solo coupant grâce aux enveloppes hyper rapides, accord triple de VCO… avec ce feedback caractéristique parfaitement dosable et un petit délai bien sympathique. Le SE-02 va toutefois plus loin que ces standards, grâce aux possibilités d’intermodulations de VCO : synchros énormes ou subtiles, FM entre deux VCO et modulation de largeur d’impulsion des deux premiers VCO par le troisième. Cette dernière montre toutefois ses limites, car le VCO3 ne descend pas assez bas pour produire l’effet PWM habituel : soit on obtient des sons métalliques désaccordés, soit il faut régler les fréquences des VCO très proches ou à l’octave pour avoir un léger balayage venant épaissir le son (VCO3 en triangle). Autre point de satisfaction, de bien belles percussions analogiques qui claquent, tout un arsenal est d’ailleurs présent dans les banques d’usine : vite, un sampleur ! Le séquenceur à pas s’avère un sympathique outil live, car il possède des fonctionnalités en temps réel utiles : modification du sens de lecture, enchaînements de motifs, déclenchement/transposition à la volée (avec le K-25m optionnel ou, moins pratique, via les boutons Transpose et l’encodeur de données).
- SE 02 1audio 01 Bass1 00:18
- SE 02 1audio 02 Bass2 00:22
- SE 02 1audio 03 Bass3 00:44
- SE 02 1audio 04 Bass4 00:49
- SE 02 1audio 05 Bass5 00:28
- SE 02 1audio 06 Bass6 00:30
- SE 02 1audio 07 Bass7 00:21
- SE 02 1audio 08 Bass8 00:21
- SE 02 1audio 09 Seq1 00:39
- SE 02 1audio 10 Seq2 00:45
- SE 02 1audio 11 Seq3 00:31
- SE 02 1audio 12 SeqSync 00:36
- SE 02 1audio 13 LeadSoft1 00:37
- SE 02 1audio 16 Lead3rd 00:27
- SE 02 1audio 14 LeadSoft2 00:28
- SE 02 1audio 15 LeadSoft3 00:30
- SE 02 1audio 17 LeadEcho 00:28
- SE 02 1audio 18 Voice 00:31
- SE 02 1audio 19 Whistle 00:18
- SE 02 1audio 20 Feedback 00:45
VCO intermodulés
Le SE-02 puise ses sources sonores au sein de trois VCO quasi identiques, largement inspirés des oscillateurs du Model D. Ils sont compensés en température, avec accordage automatique en tâche de fond, que l’on ne peut pas désactiver (« stables mais pas stériles », nous dit l’un des concepteurs de Studio Electronics). En plus de l’accordage global de la machine, on peut les régler sur une étendue de 32 à 2 pieds ou les faire fonctionner à basse fréquence (utile pour les modulations, nous y reviendrons). Les VCO2 et 3 peuvent être désaccordés finement en continu sur plus ou moins huit ou neuf demi-tons, ce que le mode d’emploi lapidaire n’énonce même pas. La précision d’accordage n’est pas chose facile avec de si petits potentiomètres. Chaque oscillateur offre six formes d’onde non cumulables : triangle, trapèze, dent de scie, carrée, impulsion fine et impulsion large. Sur le VCO3, l’onde en trapèze est remplacée par une rampe (dent de scie ascendante). Le pitch du VCO3 peut être déconnecté du suivi de clavier, utile pour les modulations à niveau audio dont nous allons tout de suite parler.
À commencer par la synchro du VCO2 par le VCO1. Vient ensuite la section XMod, à savoir trois modulations par la fréquence des VCO : VCO2 vers VCF, VCO3 vers le VCO2 (excellente celle-là !), VCO3 vers la largeur des ondes d’impulsion des VCO1 et VCO2 (lorsqu’une impulsion est sélectionnée). Comme nous l’avons évoqué, le VCO3, même en position Low, est trop rapide pour permettre d’obtenir des modulations de largeur d’impulsion classiques avec balayage lent. Il faut régler le VCO3 proche de la fréquence des autres VCO ou proche de l’octave supérieure, l’affiner avec le Detune, pour obtenir une sorte de balayage épaississant… Les sources sont ensuite mélangées, avec dosage du niveau de chaque VCO, ajout du générateur de bruit blanc et réinjection du signal sortant du VCA dans le filtre (pour des effets de saturation analogique si prisés par les utilisateurs de Minimoog). Le filtre sature quand on pousse le niveau des VCO, tant mieux ! C’est aussi à cette étape que l’éventuel signal audio externe est mélangé pour être filtré, sans réglage interne de niveau (dommage).
VCF en échelle
La résultante est alors envoyée au VCF, de type passe-bas résonant quatre pôles, ce que le manuel vraiment lamentable oublie de préciser. Il s’agit d’un filtre en échelle de transistors, comme on trouve sur le Model D ou le SE-1. Ce filtre apporte la chaleur et la rondeur caractéristiques de ce qu’on aime dans le son Moog. Le potentiomètre de coupure offre une réponse lisse jusqu’à l’approche de l’auto-oscillation du filtre, où l’on entend les pas par demi-tons. Avec l’enveloppe, le LFO ou l’entrée CV vers le filtre, c’est en revanche parfaitement lisse, on s’en serait douté. La résonance est auto-oscillante, mais n’écrase pas trop le signal quand on la pousse. La coupure peut être modulée par le suivi de clavier (1/3–2/3–3/3), une enveloppe dédiée (avec inverseur, merci !), le LFO, la molette de modulation MIDI, la pression MIDI et un CV externe. L’enveloppe claque s’il le faut, le PIC permettant de commencer les temps à deux millisecondes comme sur le Model D. Un sélecteur permet de choisir si l’enveloppe doit ou non être redéclenchée à chaque appui de touche en mode legato. L’enveloppe de VCF peut également moduler la fréquence du VCO2 (utile en synchro du VCO1), avec quantité d’action bipolaire.
On termine le parcours du signal audio par le VCA, modulé par une seconde enveloppe dédiée. Les deux enveloppes sont de type ADS®, mais on ne peut régler que les valeurs ADS, puis choisir d’activer le segment de Release (sur les deux enveloppes ou uniquement sur l’enveloppe de VCA) ; dans ce cas, c’est la valeur du Decay qui s’applique au Release. Au passage, il existe une fonctionnalité intéressante sur l’enveloppe de VCA : la possibilité de la déclencher par le cycle du LFO au lieu du clavier. Sympa !
Modulations supplémentaires
Nous ne reviendrons ici pas sur les deux enveloppes ADS® déjà décrites, mais passerons directement au Glide, permettant de glisser lisse entre deux notes. Outre le temps, on peut en régler la forme de réponse, linéaire (comme le Minimoog) ou exponentielle (comme le Moog 55). Curieusement, lorsque le Glide n’est pas en Off, la position mini envoie toujours une modulation.
Venons-en à l’unique LFO, dont la fréquence peut osciller jusqu’au début de l’audio, offrant rien moins que neuf formes d’onde : S&H, sinus, triangle, dent de scie, rampe, carrée, impulsion fine, impulsion large, aléatoire. On peut en doser l’action sur le pitch et la coupure du filtre. La molette de modulation peut moduler la quantité de LFO (faiblement, fortement ou pas). Le cycle du LFO peut être joué une fois (utile pour créer de l’Autobend avec une onde de type rampe), indéfiniment librement ou déclenché à chaque note. La fréquence peut également être synchronisée à l’horloge MIDI. Perdu dans le section Glide (qui, du coup, est nommée Control), un potentiomètre permet de balancer l’action de la molette de modulation entre le LFO et la XMod.
Terminons ce tour de piste par le délai numérique mono intégré ; rassurons tout de suite les puristes, lorsque la quantité de délai est réglée sur Dry, seul le signal analogique subsiste… outre la quantité, on peut en régler le temps (de très court, pour des effets métalliques, à plus d’une seconde) et la régénération (nombre de répétitions, jusqu’à l’infini ou presque). Tout comme le LFO, on peut synchroniser le délai à l’horloge MIDI. La qualité de ce délai est tout à fait correcte, sans souffle et bien adapté à notre SE-02. Dommage finalement qu’il n’y ait qu’un seul type de délai, on aurait aimé un ping-pong, une simulation de BBD… Tous les réglages de programme et d’effet sont mémorisables au sein de 128 mémoires utilisateur, elles-mêmes exportables/restaurables vers/depuis un ordinateur via USB.
Séquenceur ingénieux
Le SE-02 est doté d’un séquenceur à pas plutôt sympathique, capable d’émettre les notes en MIDI si on le souhaite. Chaque séquence peut comprendre d’un à seize pas. Chaque pas correspond à une note, un silence, une liaison, un glide et une valeur de paramètre de synthèse. On peut ainsi créer des motifs assez complexes en faisant varier la note, la longueur de note ou la couleur sonore. La lecture se fait en boucle, à l’endroit, à l’envers, ou aléatoirement. On peut aussi spécifier entre quels pas la boucle s’opère. On peut enchaîner les séquences à la main et les transposer en utilisant le K-25m (mais pas via MIDI, diantre !).
Pour programmer une séquence, on choisit le pas à programmer avec les 16 poussoirs lumineux prévus à cet effet puis on entre la note au clavier ou avec le potentiomètre de données. On peut allumer plusieurs pas auxquels on veut entrer la même valeur en même temps. Le temps de Gate de chaque pas se règle aussi avec l’encodeur. Pour lier les notes entre les pas, il suffit d’appuyer sur Glide et d’allumer les pas souhaités. Et pour modifier un paramètre de synthèse, on appuie sur la touche PRM, on choisit le pas souhaité, puis on trifouille le paramètre à changer avec les commandes du panneau avant. Il n’y a qu’un paramètre éditable par pas, donc il faut jongler un peu pour créer des séquences dynamiques. Au niveau global de la séquence, on peut modifier la division temporelle, le Shuffle (+/-50%), le Tempo, la synchro (interne, MIDI/USB, Trigger). Chaque séquence est sauvegardée avec son programme (donc 128 séquences en mémoire).
Le SE-02 permet aussi de programmer des enchainements de plusieurs séquences au sein d’une Song. Cette dernière peut contenir jusqu’à seize pas, chacun comprenant un numéro de séquence, un nombre de répétitions (de 1 à 100) et un numéro de programme. En lecture, la Song n’est pas bouclée après le dernier pas, c’est un peu bête de ne pas avoir cette option. En plus d’émettre (ou pas) les notes via MIDI/USB, on peut la déclencher et/ou la transposer avec le clavier du K-25m, mais toujours pas via MIDI. Le tempo peut se caler en MIDI ou suivre un Trigger externe. En édition, on peut insérer/supprimer des pas. Une fois le résultat satisfaisant, on mémorise la Song dans l’un des seize emplacements prévus, bien vu !
Conclusion
Comme on achetait un SE-1 pour retrouver la couleur Minimoog à prix moindre, on pourra acheter un SE-02 pour la couleur Minimoog à prix Boutique. Et quel son ! On en retrouvera en grande partie les caractéristiques et comportements tant convoités, c’est indéniable, mais ce n’est pas non plus un clone. On gagnera au passage des modulations plus développées, le MIDI, l’USB, les mémoires, le séquenceur à pas, le petit délai numérique et surtout une excellente portabilité. On perdra cependant l’aura de la marque, le bois, l’alu et surtout la surface de contrôle généreuse. On oubliera rapidement le mode d’emploi indigne qui nous est livré. Au final, le SE-02 est un excellent mini module au gros son, que ce soit pour ceux qui débutent en synthèse ou ceux qui veulent ajouter à leur arsenal un grain couleur Moog, en y ajoutant les avantages du numérique, sans toutefois se ruiner le portefeuille ou le dos.