Lewitt n'est donc pas là où on l'attendait. La marque autrichienne, bien connue pour ses micros électrostatiques LCT, nous a fait parvenir une petite interface audio surprenante, la Connect 6, pour qu'elle nous révèle ce dont elle est capable. Ce test, nous ne pouvions donc pas lewitter...
C’est promis, c’était le dernier jeu de mot pourri ! La Connect 6, pour en venir à notre interface du jour, tourne donc autour d’une idée simple (un peu comme lewitt les planètes autour du soleil ! Pardon, j’avais promis…) : celle d’offrir une interface multi-usage, dont les qualités sonores la prédisposent aussi bien au travail de l’audio en musique que pour la création de contenu numérique (un sujet que nous avons beaucoup abordé ces derniers temps, c’est la tendance actuelle). Sortie en octobre dernier (c’est dommage, si ça avait été en août, j’aurais pu dire lewittième mois de l’année… tant pis), il ne s’agit pas — comme on pourrait le penser — de la première interface de l’entreprise autrichienne : en effet, il y a eu un précédent, la Stream 4X5, non disponible pour le marché européen, et dont le design externe est similaire à la Connect 6.
Avec cette interface, nous abordons donc un terrain inconnu. Nous savons que le constructeur met en avant la polyvalence de l’interface et du logiciel qui l’accompagne, censés s’adapter à de multiples usages. Nous savons également que Lewitt a annoncé des développements futurs, aussi bien du côté des DSP que d’autres interfaces.
Comme d’habitude, commençons par le déballage.
Déballage
La première chose qui nous frappe, en sortant la Connect 6 de sa boîte c’est, bien entendu, son design très original. Là où la plupart des constructeurs optent pour le parallélépipède rectangle ou la pyramide tronquée (là, je vous renvoie à vos cours de géométrie), Lewitt a choisi une forme complexe, qui marie les surfaces brillantes et mates en un solide à facettes. Au premier abord, elle a un look sorti tout droit d’un film de science-fiction (« Star Wars » ou, pourquoi pas « Alien, Lewittième passager », je suis incorrigible). Toutefois, on comprend rapidement, en observant l’interface sous tous les angles, que son épaisseur varie en fonction de la taille des connectiques qui se trouvent implantées à l’arrière et à l’avant : partout où l’on n’a pas besoin d’épaisseur, l’interface s’amincit. Approche finalement assez rationnelle.
Comme à notre habitude, faisons un petit tour descriptif de l’appareil.
Celle-ci est fournie avec deux câbles : USB-C vers USB-C, ou vers USB-A.
Sur la face arrière on trouve pratiquement l’intégralité des points de connexion, avec de gauche à droite :
- une prise USB-C pour le raccordement à l’ordinateur (compatibilité Mac et Windows)
- une autre pour l’adjonction d’une alimentation (peut être nécessaire pour une meilleure stabilité lors de certaines utilisations de l’interface, par exemple lors de l’utilisation en raccordement avec un appareil mobile servant à diffuser un stream)
- une entrée auxiliaire sur jack TRS 3,5 mm
- une troisième prise USB-C pour le raccordement à un support mobile (qui gère entrée/sortie, et travaille en 48 kHz)
- une sortie stéréo sur jack 3,5 mm TRS pour enceinte portable, deux sorties sur jack TRS 6,35 mm pour le raccordement à des enceintes de monitoring
- et pour finir les deux entrées instrument/micro sur combo XLR Jack TRS 6,35 mm.
À l’avant comme on le voit ci-dessus, on trouve seulement les deux sorties casques, l’une sur jack 3,5 mm, l’autre sur format 6,35 mm. Ces deux sorties peuvent recevoir des mix indépendants.
Sur la face supérieure, un gros encodeur rotatif vous permet de contrôler différentes fonctions : en cliquant dessus, on sélectionne ce que l’on règle : soit les gains d’entrée (pour les entrées 1 et 2 indépendamment), soit le niveau de sortie casque (pour les sorties casques 1 et 2 indépendamment), soit le niveau de monitoring, soit pour finir la commutation de l’alimentation fantôme 48 V (indépendante entre les entrées — très bon point — pour cela on sélectionne l’entrée désirée et on maintient l’encodeur enfoncé pendant 5 secondes). La sélection de ces différents paramètres est signalée par un ensemble de pictogrammes rétroéclairés, placés vers la gauche de la face supérieure. Entre ces pictogrammes et l’encodeur, on trouve un double indicateur de niveau à douze segments : lors du réglage des gains d’entrée, la barre du haut affiche le niveau de gain d’entrée, tandis que la barre du bas indique le niveau du signal audio entrant ; lorsque l’on règle le niveau de sortie (casque ou haut-parleur), celui-ci s’affiche en stéréo sur les deux indicateurs. Bref, c’est très bien fait, et assez instinctif.
Nos premières impressions sont relativement simples : la Connect 6 bénéficie d’un design vraiment original, avec une construction relativement robuste (et l’on remarque au passage qu’une majorité des connectiques d’entrée et de sortie sont fixées sur le châssis, un point toujours bon pour la longévité de l’appareil). Nous tenons à signaler que cette forme, malgré son aspect inattendu, nous a paru ne poser aucun problème au niveau de l’ergonomie.
Deux petits points qui nous ont moins plu :
Pour ce qui est de la répartition des entrées et des sorties, vous le savez si vous lisez ces tests régulièrement, notre préférence personnelle va aux interfaces proposant au moins une entrée à l’avant, en plus des sorties casques (pratique pour les instrumentistes) même si nous savons que dans ce domaine, il y a autant de préférences que d’utilisateurs. Reste qu’une entrée combo XLR/jack à l’avant, une à l’arrière, ç’aurait pu être assez intéressant.
Le système de sélection par encodeur cliquable est bien conçu comme nous l’avons dit, mais la sobriété générale de l’appareil laisse de côté une très grande partie des paramétrages, que l’on retrouvera dans le logiciel. Là aussi, comme nous l’avons fait remarquer, lors des tests des interfaces de la série Revelator de PreSonus, l’inclusion d’écrans permet aujourd’hui d’intégrer le contrôle d’un maximum de fonction directement depuis l’interface, à égalité avec le logiciel, même quand celle-ci est très miniaturisée. On peut aussi songer à l’inclusion de quelques boutons « Fonction » assignables depuis le software… Ici ce n’est clairement pas vers ce choix que Lewitt s’est tourné. Ce n’est pas un manque grave, mais c’est toujours un peu dommage.
Logiciel
Le logiciel fourni par Lewitt est très complet, c’est son grand intérêt !
Quatre entrées (analog 1 & 2, Aux in et Mobile, les tranches de ces deux dernières ne devenant actives que lorsqu’on y connecte quelque chose) : En plus du réglage de gain, on trouve les commutateurs du 48V, d’un filtre passe-haut et d’un inverseur de phase, en plus de trois effets commutables, gérés par un DSP — expandeur et compresseur, et égaliseur (assez simple, mais qui suffit pour débuter — 4 bandes avec Q ajustables plus 5 types de filtrages accessibles). Manque seulement la possibilité de muter une entrée spécifiquement. Peut-être un ajout futur ?
Chaque entrée est assignable à un des deux Master Mix, ou au deux simultanément. On peut également leur assigner les 6 voies numériques (software channels, gérables depuis la STAN), les voies par défaut étant bien entendu 1/2, mais les deux autres couples ouvrent vraiment les possibilités de cette petite interface (plus généreux que la récente BOOM d’Apogee, par exemple). Un système de potard rectiligne virtuel permet de régler le niveau que prend chacune de ces sources dans les Master Mix. Ces deux Master Mix ont ensuite un réglage de master général, avec possibilité d’ajout d’un effet Maximizer permettant d’éviter les écrêtages, et vous fournissant deux mix à des niveaux de master parfaitement similaires.
Pour finir, en bas à droite, quatre sorties (haut-parleur de monitoring, casque 1 & 2 et Mobile) vous permettent d’envoyer indépendamment n’importe quel signal (entrées analogiques, entrée USB-C, voies du software ou master mix) dans n’importe quel dispositif d’écoute ou d’enregistrement. S’ajoute à cela une fonction Loopback intégrée (boucle de retour) qui permet la réinjection de n’importe quel signal dans n’importe quelle entrée, en boucle (en huis clos pourrait-on dire, même en Lewitt-clos… Flûte, ça me reprend).
Sur le logiciel, rien à redire ! C’est excellent, complet et simple. Les possibilités de routage sont très complètes. Pour comparer avec quelques exemples récents, on est à peu près à égal avec ce que propose Audient (si l’on omet les fonctions assignables Mute, Dim…), c’est-à-dire à quelque chose qui rassemble les meilleurs aspects d’un contrôleur numérique bien ergonomique.
Le bundle comprend Steinberg Cubase LE, Steinberg Cubasis LE. Avec un contrôleur aussi bien construit, et un DSP, on ne va pas râler, mais quelques ajouts, quelques banques de sons, quelques partenariats seraient bienvenus dans le futur.
Benchmark
Résolution : La Connect 6 travaille dans une résolution max de 24 bits/96 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
En mettant le buffer sur 256 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 17.098 ms.
En mettant le buffer sur 256 samples en 48 kHz, le logiciel remonte une latence de 16.396 ms.
En mettant le buffer sur 256 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 9.635 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 11.451 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 48 kHz, le logiciel remonte une latence de 10.750 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 6.271 ms.
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Gain max : 86,89 dB en poussant tous les faders dans le logiciel. C’est très bien, parfait même pour des micros qui demandent beaucoup de réserve, et c’est en accord avec ce que promet le constructeur !
N. B. Pour ce test, nous avons utilisé une alim extérieure, pour éviter des imperfections qui auraient pu être générées par notre PC.
Commençons par les entrées instruments :
Déviation : ±0,435 dB, c’est très correct, ça reste en dessous de 0,5 dB.
THD : majoritairement en dessous de 0,005 % avec une remontée en dessous de 50 Hz. Au-dessus de 2 kHz, on remarque une série en peigne (qui ressemble à des harmoniques) perturbation que l’on voit de plus en plus sur les petites interfaces alimentées en USB-C. En augmentant la définition d’entrée de l’analyseur, on a remarqué que l’on saisit plus de pics encore, certains se concentrant vraiment sur une fréquence extrêmement précise. Nous n’avons pas d’explication technique à donner pour ces profils, même s’ils nous semblent, en vérité, assez anecdotiques, et cela d’autant plus qu’ils sont répandus.
Rapport signal/bruit : 93,965 dB.
Passons à l’entrée aux :
Déviation : ±0,251 dB. encore mieux, rien à redire. Pour une desktop, c’est vraiment bien.
THD : Un peu plus élevée, avec une moyenne à 0,006 %, mais en revanche le profil en peigne est moins significatif.
Rapport signal/bruit : 91,420 dB
Et maintenant l’entrée micro :
Déviation : ±0,220 dB. Meilleur résultat du lot, comme souvent.
THD : Des résultats similaires à l’entrée instrument, à peine plus hauts, pile à 0,005 %, avec ce même profil en peigne au-dessus de 2 kHz.
Rapport signal/bruit : 91,592 dB
Qu’en est-il de la sortie casque ?
En restant sur l’entrée micro, qui a donné de meilleurs résultats…
Déviation : ±0,533 dB, on retrouve souvent une petite baisse dans le haut du spectre sur les entrées casque, rien d’étonnant.
THD : c’est un peu plus élevé que sur la sortie monitoring, mais dans la même lignée que l’ensemble.
Rapport signal/bruit : 80,252 dB, moins bon résultat obtenu avec cette interface.
Que dire de ces résultats ? Ce n’est pas mal pour une desktop, la THD est basse (malgré ces perturbations dans le haut du spectre) et la linéarité est correcte. On a vu de meilleurs rapports signal/bruit, encore récemment d’ailleurs, c’est le seul point qui nous chagrine une peu, mais ça reste un détail.
Conclusion
Cette Connect 6 est vraiment une belle découverte.
Pour résumer, vous avez une interface avec des préamplis de plutôt bonne qualité (avec certes un rapport S/B peut-être à améliorer dans le futur) — donc bon point pour les musiciens - sur une interface que vous pouvez utiliser aussi bien avec un ordinateur qu’avec un support numérique portable, voir les deux à la fois bien entendu, avec un routage entièrement assignable depuis le logiciel Lewitt, et avec un loopback — bon point pour les créateurs de contenu numérique — le tout dans un appareil au design original, et qui embarque des effets en DSP (mais un bundle limité).
Certes, à presque 300 euros, la Connect 6 se situe plutôt sur le haut du marché actuel des petites desktops et l’on peut donc espérer, pour le futur, quelques ajouts, soit de fonctions réglables depuis le hardware, soit au niveau du bundle… Mais à n’en pas douter, la Connect 6 trouvera son public, inspirera des musiciens, et les fera même peut-être partir en lewittation. Je ne peux pas m’en empêcher, c’est terrible !