La guerre entre les plus gros séquenceurs du marché fait rage. Alors qu'Apple a dégainé son Logic Pro X, Ableton son Live 9, MOTU son Digital Performer 8, Cakewalk son Sonar X2 et Steinberg son Cubase 7 (sans même parler de FL Studio 11 et Reason 7), AVID tient à garder sa place et contre-attaque avec Pro Tools 11. PT 11 vs le reste du monde, voilà l’affiche tant attendue de l’été !
Certes, mais si on s’en fichait carrément ? Non, parce qu’à part pour ceux qui débutent, les changements de plateforme sont rares et pénibles. Plutôt donc que de rentrer dans un comparatif qui n’a rien d’intéressant pour les producteurs et musiciens professionnels (si j’ai 300 sessions Pro Tools sur mon disque dur, il y a peu de chance que je passe à Logic et vice versa), essayons de voir d’un peu plus près si cette nouvelle version vaut le coup : en tant qu’utilisateur de longue date de Pro Tools et Pro Tools HD, est-ce que je vais travailler mieux, devenir plus créatif, gagner du temps et avoir un meilleur son au final ? Et si oui, à quel prix ? Ah oui, parce que si vous n’aviez pas suivi le feuilleton, il y a du monde qui rue dans les brancards à ce niveau.
Une version démolie avant même sa sortie ?
Évacuons les controverses avant de passer au test à proprement parler : l’upgrade de la version 10 vers la version 11 coûte non seulement cher, mais oblige les détenteurs de cartes HD (plutôt les studios pro donc) à passer aux versions HDX. Pas de choix si l’on veut passer en 64 bit, ce que l’ancienne architecture HD ne permet pas. On a déjà vu ça lors du passage de TDM à HD, le problème étant que ce sont les mêmes qui vont devoir payer, et que ça n’est pas rien. Pas de souci par contre pour les Digi 002, 003 et autres MBox de seconde et troisième générations.
Deuxième chose, le Complete Production Toolkit est abandonné. Ses utilisateurs, qui avaient déboursé environ 2000 euros pour obtenir une bonne partie des fonctionnalités de Pro Tools HD en natif (surround, pistes VCA, etc.), ont le choix de passer sur PT11 comme tout le monde et donc de perdre leur investissement, ou de payer 570 euros de plus pour obtenir une version HD qui fonctionnera en natif et qu’ils seront seuls à pouvoir acheter sans avoir au préalable acquis au moins une carte son AVID. Vu que la plupart de ces utilisateurs sont ceux qui ont également une version HD en studio et veulent pouvoir emporter leur travail à la maison, cela revient à faire payer les mêmes… deux fois, eh oui, et pour le cœur de cible d’AVID en plus. Rappelons que le prix de l’upgrade est le même que pour les détenteurs de PT10 HD.
Troisième chose, et qui concerne tous les utilisateurs cette fois, ce passage s’accommode d’une suppression du format RTAS pour passer au AAX, appelé parfois AAX2 pour marquer le fait qu’il se différencie de l’AAX 32 bit qui fonctionnait déjà sur Pro Tools 10. Le souci tient au fait qu’AVID a lancé la version 11 alors que bien peu d’éditeurs de plug-ins et instruments virtuels étaient prêts. Passons sur les râleurs qui ne pourront pas utiliser leurs plugs piratés, et attardons-nous sur deux choses. D’abord il est franchement pénible d’ouvrir un mix complet pour tester la bête et s’apercevoir qu’il manque la plupart des effets d’origine. Bon, mais à l’heure où ces lignes sont écrites il ne se passe pas un jour sans que la liste des plugs AAX s’allonge (les GRM Tools sont arrivés ce matin par exemple), donc passons sur la frustration, tout venant à point à qui sait attendre… Tout, vraiment ? Mais que dire d’un éditeur comme URS par exemple, qui a annoncé travailler sur le format AAX il y a deux ans et n’a donné aucune nouvelle depuis ? Ou du synthétiseur S1 de McDSP, discrètement délaissé au passage ?
Passer à Pro Tools 11 c’est donc payer cher pour prendre le risque de définitivement perdre certains de ses effets et instruments préférés ? Il vaudrait mieux que ça vaille le coup, et pour adoucir le choc, AVID n’a pas hésité à fournir une installation de Pro Tools 10.3.6 (compatible et rétrocompatible avec la 11) pour tout achat de sa nouvelle mouture, ce afin de pouvoir travailler avec ses anciens plugs… pendant encore quelque temps.
Architecture 64 bit et performances
La liste des doléances ayant été faite, passons aux réjouissances. La première nouveauté concerne l’architecture 64 bit et le nouveau moteur audio, le DAE (Digidesign Audio Engine) devenant au passage AAE (AVID Audio Engine). Quel en est l’intérêt ? Essentiellement de pouvoir utiliser plus de 4 Go de RAM lors d’une session, ce que les systèmes en 32 bit ne permettent pas. Alors certes, les systèmes HD vont pouvoir exploser tranquillement grâce au Disk Playback Cache Size, qui permet de mettre en RAM tout l’audio d’une session avant même de presser la touche de lecture. Quoi qu’il en soit, cela signifie pour tous, plus de plug-ins, plus d’instruments virtuels et de plus grosses sessions ! AVID clamant haut et fort que les performances de son soft ont été de ce fait (ainsi que du fait du passage si décrié au format AAX) augmentées de façon colossale voire exponentielle, il nous fallait bien sûr le vérifier, en l’occurrence sur un MacBook Pro biprocesseur vieux de trois ans, cadencé à 2,53 GHz et équipé de 8 Go de RAM, le tout sur une carte son RME Fireface 400. Pas un cheval de course, donc.
Voici la méthode utilisée. Tout d’abord garder une valeur de buffer fixe, ici de 128 samples et comparer Pro Tools 10 et 11 avec un plug-in natif maison dont chaque fonction est activée, en l’occurrence l’excellent Channel Strip (égaliseur / compresseur / limiteur / expandeur / gate), qui fonctionne également en surround et dont on ne dira jamais assez de bien. Les réglages ne prennent pas en compte le Dynamic processing, dont on reparlera plus tard. En matière de son, on prend du bruit blanc sur une minute, puis on utilise autant d’instances du plug que possible (10 par piste) avant de dupliquer l’ensemble jusqu’à ce que le CPU plante avant une minute en lecture.
Le résultat ? Avec 220 instances du plugin, Pro Tools 11 affiche une erreur occasionnelle due au manque de puissance du CPU. Dans Pro Tools 10, le programme commence à éprouver des difficultés aux alentours de 170 plugs, ce qui était déjà largement suffisant. Avec des buffers de 32 et 1024 samples on obtient des écarts similaires, qui dénotent un gain de performance appréciable.
Ah oui, mais il ne s’agit que d’un plug-in interne, est-ce que tous les effets au format AAX fonctionnent donc comme ça ? Le classique Filterbank E606 de McDSP n’a fait tousser Pro Tools 11 qu’à partir de 500 instances environ au lieu de pour 420 dans Pro Tools 10, dans les mêmes conditions. Bien, mais pour les instruments virtuels, ça donne quoi ? En externe, Blue de Rob Papen (un des premiers à être passé à l’AAX dernière génération) monte à 36 % du CPU pour 10 instances sur un pad bien riche et un accord à 3 sons dans Pro Tools 11, avec les mêmes réglages que précédemment… contre 53 % dans Pro Tools 10. Enfin quid de plug-ins externes franchement voraces ? Avec Ozone 5 Advanced nous n’avons pas même pu utiliser toutes les fonctionnalités du plug dans PT10, même avec 1024 samples de buffer. En le poussant presque à bout de fonctionnalités (pas d’Intersample Detection dans le Maximizer ni d’Oversampling dans l’Harmonic Exciter) on s’est arrêté à 80 % du CPU. La même chose dans Pro Tools 11 avec 128 samples de buffer nous a donné environ 55 % du CPU, et les fonctionnalités manquantes sont passées avec autour de 80 % du CPU sur la même machine, toujours avec 128 samples de buffer.
Bon, bien sûr les paramètres sont pour autant difficiles à quantifier : le CPU est sollicité par d’autres programmes en interne à tout moment, et il y a tant de choses qui peuvent rentrer en considération qu’il semble bon de préciser que tous ces chiffres ne donnent que des ordres de grandeur. Pas de valeur précise, mais il est certain que sans avoir été décuplée (comme l’indique le site) la puissance du soft nous donne entre 20 et 30 % de marge supplémentaire. Le gain est donc bien réel, et nous amène à la réflexion suivante : dans la mesure où l’on retrouve ses plug-ins préférés à un moment donné, un tel gain de puissance ne représente-t-il pas un gain financier à court terme ? Je m’explique : dans les conditions évoquées ci-dessus, si je voulais faire tout mes masterings avec Pro Tools 10 et Ozone 5 Advanced de façon professionnelle, il me faudrait changer de machine. En passant à Pro Tools 11 je m’exonère d’un tel achat, en tout cas pour le moment, et en ce sens il devient difficile de parler de perte sèche !
Dynamic processing et bounce offline
Le nouveau moteur audio d’AVID, outre le fait qu’il semble bel et bien plus efficace, offre également quelques avantages appréciables comparé à l’ancien. D’abord, il est commun à Pro Tools et à Media Composer, ce qui, bien que nous ne l’ayons pas testé, devrait faciliter les transferts entre les deux logiciels respectivement dédiés à l’audio et à la vidéo. Ensuite, il permet d’enregistrer avec une latence quasi nulle grâce à un buffer indépendant en entrée, ce quelle que soit la latence choisie dès lors qu’on a une carte son AVID ou une carte externe possédant un système de mixage propre, tels qu’en ont RME ou MOTU par exemple. La compensation de latence a également été simplifiée, mais dans l’ensemble le changement n’est pas plus bluffant qu’il n’est critiquable. Tout va bien, en somme, passons.
Dans le même ordre d’idée, et bien plus utile à mon sens, l’option Dynamic Plug-in Processing permet enfin d’allouer la RAM uniquement aux effets utilisés en temps réel : en gros, s’il n’y a pas d’audio, le plug est considéré comme inactif. À titre d’exemple, j’ai rouvert la session de mix finale de Miniyamba, un film d’animation de Luc Perez sur lequel j’ai dû mixer la musique, les dialogues et des bruitages exclusivement faits à base d’instruments africains. La session utilise 102 pistes audio, dont 62 stéréos, 13 pistes auxiliaires stéréo, et 88 plugs dont 14 réverbes. En HD ça passe, mais quel cauchemar à mixer en natif sur Pro Tools 10 ! À chaque changement ou ajout de son, il faut faire des sous-mixes pour les diverses parties, désactiver tel ou tel groupe de pistes, et effectuer des corrections en permanence… Ici, avec l’allocation dynamique (j’ai quand même dû remplacer pas mal de plug-ins par d’autres équivalents, en attendant les versions AAX) on ne dépasse pour ainsi dire jamais les 60 % du CPU, vidéo HD comprise : les réverbes, par exemple, représentent divers espaces à divers moments du film, et n’ont que rarement besoin de fonctionner en même temps. Du coup, dans ce cas encore, on a l’impression d’avoir changé de machine.
Parlons maintenant du bounce offline. Certes, il existe depuis longtemps sur TOUS les autres softs du marché, donc pas de quoi en faire un fromage… sauf que pour les utilisateurs de Pro Tools il n’existait pas et que maintenant il existe, et qu’en plus il fonctionne bien. C’est drôle, il faut voir la tête des vieux utilisateurs de Pro Tools lorsqu’on le leur montre pour la première fois, on dirait qu’ils vont pleurer. Plus original même, on peut effectuer des exports directement à partir des sends ou des sorties de piste via clic droit ! Bref. Le bounce de 16 min 52s de Miniyamba en natif a pris 6 min 45s, soit une vitesse de x2.5. Pour un projet de cette envergure c’est bien, surtout quand on sait qu’il s’agit de 3 bounces séparés (un mix complet et deux sous-mixes) plus trois fichiers MP3 équivalents – excellente initiative – ainsi qu’un partage sur SoundCloud et une intégration dans iTunes. Dans d’autres cas, la vitesse peut aller tranquillement jusqu’à x150 (on a vu un max de x50 ici), sonnez trompettes.
OK, mais maintenant, soyons un peu critiques : d’abord le bounce offline ne fonctionne QUE si l’on n’utilise aucun processeur hardware. Exit donc la plupart des projets en studio pro, et ceci est valable pour tous les softs – pas que Pro Tools. Ensuite, tout professionnel doit vérifier son bounce avant de l’envoyer, ce qui implique de l’écouter intégralement… sans parler de l’éternel débat sommation vs. bounce, auquel nous ne donnerons pas suite ici. Bref, ceci sera utile surtout pour des versions intermédiaires et pour éviter les erreurs durant le bounce, qui ont rendu bien des utilisateurs malheureux par le passé. Reste que le multibounce à partir de sources diverses utilisé ici (jusqu’à un maximum de 16 sources en 7.1) est réservé à la version HD. C’est la vie.
Autre chose au passage : on peut effectuer des exports directement sur une vidéo QuickTime, ce qui permet de gagner quelques minutes et quelques euros à ceux qui n’auraient pas encore QuickTime Pro (jamais entendu de cmd+alt+V dans QuickTime Pro, justement ?). Notons qu’ici le multibounce est possible, et qu’on peut modifier jusqu’aux paramètres de compression vidéo comme dans le vrai et indispensable programme à 27 euros, ici apparemment inclus dans Pro Tools 11 et que tout professionnel travaillant avec de la vidéo se doit d’avoir, ne serait-ce que pour modifier le résultat une fois le bounce effectué. Merci tout de même.
Un nouveau moteur vidéo
Pro Tools est souvent associé à la postproduction, du fait de sa quasi-omniprésence dans les studios spécialisés et de sa polyvalence dès lors qu’on touche à la Timeline. Le nouvel Avid Video Engine, qui devra être activé dans l’onglet Playback Engine, va pour sûr renforcer cet état de fait puisque ce moteur est maintenant commun à Pro Tools 11 et Media Composer. On peut dès lors travailler sur un moniteur professionnel externe en DnxHD et QuickTime avec toute la gamme AVID et avec toutes sortes de formats sans transcodage. Reste que les utilisateurs de Pro Tools HD seuls pourront avoir accès à plus d’une piste vidéo à la fois (en l’occurrence 64), avec possibilités d’édition, ce qui était déjà le cas auparavant. On remarquera également que dans la section I/O de la fenêtre d’arrangement de nouvelles possibilités sont apparues. Ainsi, on peut maintenant modifier le format de la vidéo à la lecture, en altérer la qualité pour de meilleures performances audio ou sélectionner et configurer intégralement un périphérique vidéo externe. Dans les options également, on trouve de nouveaux éléments, comme la possibilité de choisir entre le CPU et la carte graphique pour gérer la vidéo. Au passage, le Satellite Link (pour synchroniser jusqu’à 12 systèmes Pro Tools HD) est maintenant inclus dans Pro Tools 11 HD, et le Video Satellite LE (pour gérer la vidéo en synchro sur un autre Pro Tools) dans Pro Tools 11. La capture vidéo, que je n’avais jamais testée, semble elle avoir été supprimée.
Ergonomie générale et metering
Ô faux miracle, on dispose maintenant de 64 Undos au lieu des 32 habituels… On ne s’en plaindra pas trop parce que c’est toujours ça, mais il faut rappeler que la moitié des fonctions du programme ne peuvent toujours pas être annulées de cette façon (genre effacer 3 pistes, ou modifier toutes les sorties d’un coup). Pro Tools a toujours fonctionné de façon étrange à ce niveau-là, et a aussi de bons côtés, comme la possibilité d’annuler une action même après une sauvegarde. Reste qu’on n’oubliera pas de garder l’option de backups automatiques allumée, parce que même 64 undos, dans ces conditions, ne suffisent pas…
Au rayon ergonomie, DigiBase est remplacée par Workspace, un browser qui remplace les trois précédents (Catalogue, Projet et Espace de Travail) de façon pratique, en une seule fenêtre. La recherche est optimisée avec un système de recherche avancée et une meilleure indexation des fichiers, on peut se créer des fenêtres supplémentaires si le besoin s’en faisait sentir et tout se situe à portée de clic droit. Bref, c’est plus intuitif que ça ne l’était jusqu’alors, et plus efficace.
De même pour les indicateurs d’utilisation de CPU, plus complets et précis, pour les nouveaux raccourcis bien pensés (un bypass pour tous les EQ par exemple, ça ne fait pas de mal), ou pour l’automation, apparemment précise à l’échantillon près : tous ces choix sont bienvenus et on ne se plaindra d’aucuns.
Bien plus intéressantes et plus visibles, les visualisations de niveaux sont à l’honneur ! En effet, on a ici accès d’un clic droit (hélas seulement pour Pro Tools HD) à une liste impressionnante de VU-mètres et Pseudo-peak-mètres, sans oublier les mesures K-12, K-14 et K-20 créées par Bob Katz, les Venue RMS et j’en passe, sachant qu’on peut configurer l’ensemble à loisir… sauf qu’il y manque les LUFS et True Peak de la recommandation EBU R128, qui sont aujourd’hui la norme dans le broadcast à travers toute l’Europe ! Ah oui tiens, le cœur de cible d’AVID, sans blague. On peut supposer qu’un prochain update aura à cœur de réparer cet écueil. Pour compléter la donne, et là encore seulement pour Pro Tools HD, un indicateur de réduction de gain apparaît à côté de l’indicateur de niveaux chaque fois qu’on place un compresseur/limiteur/expandeur/gate (au choix) sur la piste.
Enfin, sur la table de mix un indicateur de headroom fait son apparition en bas à droite, cette fois pour toutes les versions du soft, cependant que l’indicateur de clip ne devient rouge que lorsque les convertisseurs en entrée ou en sortie dépassent 0 dB, et pour cause : avec 64 bit float, on approche une dynamique acceptable de 1000 dB en interne…
Pour finir avec l’ergonomie, on citera l’intégration des interfaces Artist Series grâce au protocole Eucon 3, qui apporte quelques améliorations cependant qu’AVID continue son exploration du monde des contrôleurs avec le système haut de gamme S3L pour le live, qui inclut déjà les plugs AAX ainsi qu’une carte HDX et l’ensemble des indicateurs de niveaux précités.
De nouveaux effets/instruments ?
Eh bien non. Rien. À tel point que l’éditeur ose nous annoncer un Click 2. Un métronome, donc. Sans rire, il est aussi parfait que l’ancien était nul, puisqu’il propose une section visuelle et des valeurs, amplitudes et sonorités variables pour le clic accentué et les autres. Merci beaucoup AVID, même s’il n’y a strictement rien d’autre… Ah si, il y a des choses en moins, comme l’antique plug de time stretch TC/E qui a carrément été dégagé, ce qui brisera le cœur des vieux briscards habitués à l’utiliser, mais ne touchera pas outre mesure celui de la grande majorité des utilisateurs. Ceux-ci se servent dorénavant de Time Shift, en attendant le retour d’X-Form suite à son portage en AAX 64 bit (il existe déjà au format Elastic Audio).
Plus non plus de TL Space ni de Phasescope pour le moment… Quoi d’autre ? Les plugs et instruments A.I.R., anciennement Wizoo, sont soit déjà présents et gratuits (AIR Creative Collection) soit en cours de portage (AIR Instrument Pack), de même que ceux de Native Instruments, Waves, Universal Audio, etc. Bref, on peut prévoir que la quasi-totalité du marché va basculer au nouveau format de Pro Tools à court terme, au grand dam des petits éditeurs qui vont au fond devoir bosser gratuitement pour AVID. A priori plus de peur que de mal pour les utilisateurs, donc, et encore une fois une amélioration des performances à venir. Mais tout de même, rien de bien nouveau à se mettre sous la dent du côté créatif !
Pro Tools comme premier séquenceur ?
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Avant de conclure, un petit aparté pour ceux qui justement débutent et ne savent pas comment choisir entre les multiples séquenceurs du marché. Au fond, pourquoi Pro Tools et pas un autre ? Faisons simple : tous les DAWs sur le marché font peu ou prou la même chose, tout dépend des objectifs que l’on a. Si l’on veut s’orienter vers la post-production ou le travail à l’image, alors Pro Tools est la référence incontournable. Comprenez bien, il ne s’agit pas nécessairement du meilleur ou du seul système valable, mais de ce que la grande majorité des professionnels utilise, et qu’il vaut mieux savoir utiliser soi-même si l’on veut intégrer cet univers. De même pour la plupart des grands studios et unités de production, notamment du fait de son orientation hardware et des possibilités hors norme qu’offre son système HD(X).
Pour un musicien qui travaille en home studio et y enregistre et mixe son groupe, il y a honnêtement peu de différences, quoi qu’on en dise : à chaque nouvelle version d’un des grands séquenceurs du marché, les nouveautés qui faisaient la différence chez ses concurrents trois mois plus tôt sont intégrées, de telle sorte que tous font au final la même chose, sauf cas exceptionnels. Même Ableton Live, qui essaye de concurrencer les leaders du marché en studio alors qu’il est à la base fait pour la scène, intègre petit à petit les mêmes fonctionnalités que les autres tout en se faisant repomper les siennes. Un exemple ? Live a pris le concept d’Elastic Audio à Acid de Sonic Foundry, en l’améliorant clairement grâce à la flexibilité de Warp markers flottants. Pro Tools l’a repris en améliorant le concept grâce à des marqueurs quantifiables sur une grille, à tel point qu’Ableton a modifié son propre système pour reprendre celui-ci. Bref, tous pareils.
Conclusion
Je reprendrai ici ma question initiale : en tant qu’utilisateur de longue date de Pro Tools et Pro Tools HD, est-ce que je vais travailler mieux, devenir plus créatif, gagner du temps et avoir un meilleur son au final ?
Ma réponse : oui, je vais travailler mieux et gagner du temps, voire même attendre pour changer de bécane. Non, je ne pense pas que j’aurai un meilleur son, et je ne deviendrai pas plus créatif grâce à Pro Tools 11, parce que l’objectif de cet upgrade ne va clairement pas dans ce sens. Proche de son prédécesseur visuellement, il n’offre des nouveautés qu’en termes de performances, mais il en offre beaucoup sur une version qui paraît d’ores et déjà stable (le seul réel plantage éprouvé durant ce long test a été une mauvaise fermeture du logiciel en fin de session). Du coup Pro Tools 11, malgré son prix, semble incontournable à long terme pour tous ceux qui éprouvent les limites de leur système actuel et ne veulent pas changer d’ordinateur pour autant. Certes il est cher, voire très cher (notamment pour ceux qui doivent passer de HD à HDX), et AVID semble parfois bien porter son nom même si l’éditeur semble réellement écouter ses usagers maintenant, en tout cas sur le plan technique : ils réclamaient plus de performances et un moteur en 64 bit, ils ont eu ce qu’ils voulaient, mais ne pourront plus reculer dorénavant. Tant pis pour les autres, mais au fond est-ce qu’AVID pouvait rester seul en 32 bit face à la concurrence ?
Mais laissons là la polémique. Quoi qu’on en dise, il n’en reste pas moins que cette version, pour peu que les plug-ins non-encore compatibles arrivent au plus vite, représente à elle seule un gain de performance substantiel et que son nouveau moteur audio, qui est somme toute la pierre angulaire du système, nous a tout simplement étonnés, et uniquement en bien. Pour le reste, on ne sera pas dépaysé du tout avec cette nouvelle mouture : au fond, Pro Tools 11, c’est un peu comme si on installait Pro Tools 10 sur un ordinateur plus rapide et plus puissant, à tous les niveaux.
En résumé, Pro Tools 11 marque le passage controversé du séquenceur d’AVID en 64 bit, tout en gardant toutes les fonctionnalités et la maturité de la version 10. Trop cher pour beaucoup de gens et n’apportant pas de nouveautés en matière de plug-ins ou d’instruments virtuels, il offre pour autant une amélioration très nette de performances et d’ergonomie à tous les niveaux. Ce ne sera pas assez pour certains, mais l’ensemble des évolutions constatées, en attendant que tous les éditeurs de plug-ins passent au format AAX, fait de cette version un quasi-sans-faute.
Compatibilité : Mac OSX 10.8+ (Mountain Lion)/Windows 7+ (64 bit)