Présenté au NAMM 2015, le Timbre Wolf intègre un synthé analogique polyphonique, un séquenceur quatre pistes et un clavier compact, à prix très agressif. Parlons donc du loup…
L’année dernière, Akai a marqué son retour dans le milieu des instruments analogiques avec le Rhythm Wolf, une BAR à prix plancher. Ce fut une surprise, car on pensait le constructeur repositionné sur les surfaces de contrôles (claviers/modules MIDI/USB), les systèmes de production audio et les MPC, plusieurs années après son intégration par Numark (groupe inMusic). Au NAMM cette année, la marque a persisté et signé avec deux nouveaux produits analogiques : le Tom Cat (un Rhythm Wolf décliné avec de nouveaux sons) et le Timbre Wolf, un combo synthé-séquenceur-clavier intégrant 4 voix de la basse du Rhythm Wolf. Vu l’accueil mitigé du Rhythm Wolf, dont le son singulier n’avait pas fait l’unanimité, il était bien utile pour Akai de proposer une évolution sonore de sa petite BAR (voir notre test du Tom Cat). Mais baser un produit uniquement sur un son de basse assez peu convaincant et surtout très limité, fût-il analogique, c’est carrément risqué. Prudemment donc, approchons-nous de la petite meute et allumons la bête…
La compagnie des loups
Comme pour le Rhythm Wolf et le Tom Cat, tout commence par une bonne surprise à l’ouverture du carton : le Timbre Wolf est bien plus grand, plus lourd et mieux construit que le prix ne le laisserait supposer. Il mesure 43 × 35 cm et affiche 4 kg sur la balance. La coque est en métal blanc sérigraphié bien costaud, avec 26 potentiomètres à axe métallique vissés sur la façade. Oui, vissés, comme chez Moog et peu d’autres fabricants ! Les potentiomètres ne bougent pas d’un poil et répondent parfaitement aux touillages, c’est vraiment étonnant à ce prix. Les 4 potentiomètres Tune, bipolaires, sont à détente centrale. Les 31 boutons, 5 sélecteurs et l’encodeur cranté de tempo/valeur sont francs. Tout cela inspire confiance.
La prise en main est très facile, puisque la très large majorité des commandes est directe (tous les paramètres de synthèse, la distorsion, le volume), les quelques restantes étant accessibles avec la touche [Shift](#). On appelle/coupe/isole les voix et les pistes avec 4 boutons dédiés dans chaque partie. Juste en dessous, une rangée de 16 boutons à diode permet de programmer les pas du séquenceur, sélectionner les séquences et appeler des fonctions secondaires. Signalons aussi la présence de boutons bien pratiques de Tap tempo, liaison de notes, contrôle de la vélocité, variation de Pattern, Fill, transport du séquenceur…
Le clavier 2 octaves offre des touches de taille standard et répond à la vélocité ; il est assez ferme du ressort, mais on s’y accommode facilement. Il est secondé par des sélecteurs d’octave, permettant une tessiture globale de 4 octaves. Une seule molette (à ressort de rappel assez mou) permet d’agir sur le pitch, tout le pitch, rien que le pitch… ajoutons tout de suite que son action n’est pas mémorisable dans les séquences !
Toute la connectique est située à l’arrière : 6 sorties audio TRS compatibles TS (casque, ligne mono, 4 sorties mono séparées pour chaque voix/piste) vissées sur le panneau, un trio MIDI, une paire d’entrée/sortie Gate Trig au format mini-jack (nous y reviendrons), une prise USB (pour les données MIDI uniquement), une borne pour alimentation externe (fournie, 12 V/2 A, de type bloc à l’extrémité) et un petit interrupteur secteur poussoir.
À quatre pattes
Le Timbre Wolf est une BAR analogique 4 pistes capable de délivrer 4 voix de synthèse sur une tessiture (limitée) de 4 octaves. Chaque voix reprend intégralement le moteur sonore de la partie synthé-basse du Rhythm Wolf. Akai recommande de laisser chauffer la bête quelques minutes après l’allumage pour laisser les circuits analogiques se stabiliser en température ; nous n’avons pas remarqué de problème particulier, même à froid. Au pire, il existe une fonction Autotune qui remet tout dans l’ordre en quelques secondes. Sur le Timbre Wolf, les oscillateurs suivent parfaitement le clavier, contrairement aux premiers modèles de Rhythm Wolf qui avaient un défaut de calibrage, corrigé par la suite… Chaque voix propose les mêmes paramètres de synthèse, très peu nombreux : volume, accordage fin de l’unique oscillateur sur plus ou moins un demi-ton, choix de la forme d’onde (carré fixe/dent-de-scie), fréquence de coupure du filtre passe-bas 2 pôles, résonance, modulation (positive) de l’enveloppe sur le filtre et Decay sur le volume. Donc un seul oscillateur, une plage d’accordage trop limitée, pas de PWM, pas de générateur de bruit, pas de suivi de clavier sur le filtre, une seule enveloppe dépouillée sans accès aux paramètres (Attaque fixe à 0, Sustain fixe à 100 %, Decay / Release communs), pas de LFO (ni même un vibrato)… Pire, on se rend compte à l’usage que la plage d’action des paramètres est faible et que leur impact sur le son est limité. Niveau qualité sonore pure justement, c’est aussi une grande déception : oscillateurs fades, filtre en manque de caractère dont la résonance pince du nez et écrase le reste de l’onde, enveloppe mollassonne… une disto analogique permet de donner un peu de peps et de grain au son, mais elle ne parvient pas à sauver la mise.
Hurlements Le Timbre Wolf est équipé d’une distorsion analogique située avant la sortie audio principale. Baptisée Howl, elle sature le signal tout en boostant les hautes fréquences. Quand on dépasse la mi-parcours, l’effet devient granuleux, détériorant profondément le signal. Dommage qu’il n’y ait pas de compensation de niveau en début de course (après, ça va mieux). Les sorties séparées ne sont pas traitées par la distorsion, ce qui permet de jongler sur certaines voix tout en conservant l’effet sur la sortie principale, bien vu. |
Les 4 voix du Timbre Wolf peuvent être jouées suivant 3 modes : solo (chaque voix est assignée à une piste séparée du séquenceur), unisson (les 4 voix sont assignées à la première piste et jouées ensemble) ou polyphonique (les 4 voix sont disponibles pour des accords et assignées une par une en rotation à la première piste, donc en mono). Dans les modes où seule la première piste pilote le générateur interne, les trois autres continuent à émettre en MIDI. En mode polyphonique, il faut aligner toutes les commandes si on veut avoir le même son sur les 4 voix. On se croirait revenu au temps du Four Voice Oberheim, le son en moins. On aurait préféré que la première voix puisse faire office d’éditeur pour les autres, mais on reste en contrôle 100 % analogique. Nous avons aussi remarqué que lorsqu’on plaque un accord de trois notes et qu’on joue une quatrième note par-dessus (par exemple une basse sur une nappe), on redéclenche les enveloppes des trois notes tenues. Bizarre…
Chaque voix peut être jouée suivant 3 types de priorité de note (haute, basse ou dernière jouée) et un mode legato (l’enveloppe n’est pas redéclenchée). On ne peut pas mémoriser les réglages des paramètres de synthèse. Pire, les commandes n’émettent pas de CC MIDI/Sysex et le Timbre Wolf est incapable de reconnaitre quoi que ce soit d’autre que le numéro de note, la vélocité et le pitch bend. Pas de mémoire, pas de CC, pas de Sysex, pas de dump MIDI, ça fait beaucoup !
A(u) poil…
Avec sa conception « une fonction un bouton », le Timbre Wolf est très intuitif : on lance un motif, on enchaîne les variations à la main ou avec le Fill, on passe de la programmation temps réel à la programmation par grille, on change de signature temporelle, on modifie la longueur de motif, on coupe l’une des quatre pistes, on en isole une autre, on modifie les sons, tout ça sans interrompre le flux créatif. On n’a pas souvent recours au petit mode d’emploi papier fourni en 5 langues, dont le Français.
La mémoire interne renferme 16 motifs composés chacun de 4 séquences de 16 pas : variation A, variation B, Fill A, Fill B. On peut lier les variations A et B pour obtenir un motif de 32 pas et un Fill de 32 pas. La fonction Last Step permet de définir à la volée la longueur globale du motif (de 1 à 16 ou de 17 à 32 pas). Elle s’applique hélas aux 4 pistes simultanément, ce qui empêche quelques délires de bouclage. La touche [Fill](#) fonctionne comme sur un arrangeur, en restant sur la variation en cours ou en basculant vers la variation alternative suivant la durée pendant laquelle elle est maintenue.
Chaque piste dispose de son propre canal MIDI : on le choisit pour la première (de 1 à 13), les autres suivant par incrémentation. Chacune possède un mode Local (On/Off), ce qui permet de piloter des machines externes en déconnectant le générateur interne, les notes séquencées étant émises en MIDI, nous l’avons dit. Les pistes sont hélas monodiques, y compris en mode polyphonique où il faut les programmer une par une si on veut une séquence polyphonique, ballot…
La machine fonctionne sans interruption entre la lecture (avec enchaînements), l’enregistrement en temps réel (avec le clavier ou le MIDI) et l’enregistrement par grille (avec la rangée de 16 touches de pas). La division temporelle des motifs varie de 1/4 à 1/32, avec les valeurs ternaires intermédiaires. Pour chaque piste, on peut accentuer chaque pas suivant 3 niveaux de vélocité ; c’est en fait le générateur sonore interne qui est limité à 3 niveaux de réponse, car le clavier émet bien sur 128 valeurs de dynamique, le séquenceur les enregistre toutes bien et l’émission MIDI (via le clavier ou les séquences) se fait bien sur 128 valeurs ; en mode grille (avec les 16 touches), une touche [Velocity](#) dédiée permet d’alterner les niveaux de vélocité souhaités ; une petite LED tricolore indique alors la valeur de l’accentuation : verte pour une vélocité basse, orange pour une vélocité moyenne et rouge pour une vélocité haute. Comme nous l’avons déjà dit, le niveau de vélocité affecte uniquement le volume, c’est bien dommage. Il nous semblait d’ailleurs que sur le Rhythm Wolf, l’accentuation modifiait aussi l’action de l’enveloppe sur le filtre, mais pas là…
En meute Il est possible d’interfacer le Timbre Wolf de différentes manières. Au plan MIDI/USB, seules les notes, le transport (Start / Stop / Continue, Song Position Pointer) et l’horloge (interne, externe, USB) peuvent être transmis/reçus. Donc pas de CC MIDI ni Sysex au programme pour les paramètres de synthèse (comme déjà dit, on reste dans le monde analogique pur). Il est toujours impossible de dumper les séquences, ce qui est un comble vu leur nombre limité. Pour s’interfacer avec le monde des modulaires analogiques, nous avons aussi les prises Gate Trig (entrée et sortie) permettant de faire avancer les pas du séquenceur un par un, par impulsions de tension. |
Lorsqu’on programme un pas, la durée de note est réduite à la longueur du pas, même pour les notes entrées au clavier. La fonction Tie permet alors d’allonger la durée sur plusieurs pas consécutifs. Remarque au passage, soit notre timing de jeu est vraiment très mauvais (on le savait mauvais…), soit il y a un problème de scan sur l’auto-quantisation, car on tombe très souvent à côté du pas visé ; du coup, il faut repositionner le pas au bon endroit avec la rangée de 16 touches… Un facteur Swing permet de décaler les notes (volontairement cette fois). Grosse déception dont on avait un peu parlé, on ne peut pas enregistrer le mouvement des potentiomètres ni de la molette de Pitch bend. Au niveau global, on peut copier/coller/effacer un motif. Le sens de lecture se fait uniquement à l’endroit, il est impossible de programmer un enchaînement de plusieurs motifs (une Song) et on ne peut pas transposer les séquences au clavier en temps réel. Tout cela est très limitant…
- T1 mono 00:40
- T2 multi A 00:59
- T3 multi AB 01:00
- T4 unisson 01:15
- T5 monopoly 00:41
- T6 poly 00:12
Crions au loup
Le Timbre Wolf nous laisse donc un goût amer dans les oreilles. Autant la qualité de construction est exceptionnelle (surtout dans cette gamme de prix) et l’ergonomie très réussie, autant les fonctionnalités sont limitées et les sonorités peu convaincantes. La pauvreté des paramètres de synthèse et leur manque d’efficacité n’arrangent rien. Tout comme l’absence de mémoires pour les programmes ou la transmission de CC MIDI/Sysex hypothèquent une éventuelle utilisation en tant que contrôleur MIDI/USB. On ajoutera en bon point l’émission de notes MIDI par le séquenceur pour ceux qui veulent piloter des modules externes, mais c’est un peu réducteur comme utilisation, surtout qu’on reste en monodie sur chaque piste et qu’on ne peut pas transposer en temps réel. Comme quoi la qualité de construction ou l’ergonomie ne suffisent pas ; un synthé-séquenceur, c’est d’abord des fonctionnalités minimales et avant tout une question de son !
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