En 1982, le Juno-60 offre une alternative abordable au Jupiter-8, fleuron de la marque. Doté d’un son généreux malgré une architecture très basique, il devient rapidement une référence incontournable.
![Test du Juno-60 de Roland : Action directe](https://img.audiofanzine.com/img/fr/article/cover/3309.jpg?fm=pjpg&w=704&h=396&fit=fill&s=46a6f6906c17d9f283cb4ebd864a9e53)
Le Juno-60 se présente alors comme le Jupiter-8 du peuple, avec moins de voix, un seul timbre, moins de mémoires et beaucoup moins de réglages en façade. Pourtant, avec une approche directe et un excellent chorus, il va rivaliser sur les scènes et les studios du monde entier, marquant cette époque de sa signature sonore indélébile. Les Juno-106 et Alpha Juno sortis par la suite ne terniront jamais sa réputation… Quarante ans plus tard, après des années de revival analogique, le Juno-60 se replace au cœur de l’histoire. Alors que la cote du Jupiter-8 vient de quitter définitivement le système solaire, celle du Juno-60 commence à atteindre une altitude significative, pas loin de l’affranchir de la gravitation terrestre. Tentons d’en trouver des raisons rationnelles…
Grand gaillard
Située à gauche du clavier statique 5 octaves, la section de modulation temps réel dispose d’un pitchbend horizontal et d’un bouton poussoir à ressort pour la modulation. Le premier peut être dosé vers le pitch et le VCF alors que le second déclenche simplement le LFO. N’oublions pas le sélecteur +/- 1 octave programmable, palliant l’absence de réglage de pitch sur le DCO. Sur le plan de la connectique, tout est situé à l’arrière : sorties audio gauche/droite avec sélecteur de niveau à trois positions, sortie casque stéréo, entrée CV vers le VCF, entrée pour pédale de Sustain, entrée pour pédale d’incrémentation de programme (cycle dans la banque activée), entrée synchro pour l’arpégiateur, tout cela au format jack 6,35. On poursuit avec le potentiomètre d’accordage global, l’interface K7, l’interrupteur de protection mémoire et le port DCB. Ce dernier permettait en son temps de piloter le Juno-60 avec des appareils compatibles de la marque. Avec le module MD-8, le synthé pouvait s’intégrer dans un environnement Midi de manière assez basique (notes, changements de programme avec certains synthés maison). Enfin, l’alimentation est interne et utilise un câble secteur captif, cher à la marque japonaise.
Gros son
Il est très facile de créer des déclinaisons des sons d’usine ou de repartir de zéro, compte tenu du nombre restreint de réglages. Nous ne retrouvons toutefois pas la polyvalence du JX-3P, en particulier les sons de cloches et les effets spéciaux métalliques, par manque d’interaction d’oscillateurs et de possibilités de modulation. Avec le Juno-60, on peut se prendre pour Carpenter, planer avec Enya, passer en revue l’ensemble de la production italodisco des 80’s, avant de retourner vers le futur avec Huey Lewis & The News. Chaque son évoque un artiste, un album, un film, une époque. Il va sans dire que le son est très typé, difficile de sortir de certains clichés sans traitements externes anachroniques.
Règle de six
Le signal attaque ensuite le VCF, à savoir un filtre passe-bas 4 pôles résonnant généré par le célèbre circuit intégré maison IR3109 (équipant la seconde série de JP-4, le JP-8, le JP-6 et le JX-3P). On peut régler sa fréquence de coupure (réponse du curseur assez lisse, bravo) et sa résonance (jusqu’à l’auto-oscillation). La fréquence de coupure est modulable par l’enveloppe (avec inversion de polarité bienvenue), le LFO (dosage fin) et le suivi de clavier (0 à 100 %). Le HPF est de type 1 pôle statique. On peut régler la fréquence de coupure sur 4 positions seulement ; c’est donc surtout un EQ utile pour éliminer les basses, notamment sur certains ensembles trop pesants. Le signal passe enfin dans le VCA où il est modulé par l’unique enveloppe, sauf si on choisit la position Gate (niveau constant). Un réglage de VCA permet d’harmoniser le niveau sonore entre les différents programmes, notamment ceux qui utilisent le chorus. Ce dernier offre deux positions de modulation (I : lente et légère – II : rapide et intense) et une position de type tremolo plus anecdotique (I+II). Stéréo en sortie, il élargit et colore considérablement le son, ce qui rend le Juno-60 inimitable dans ce domaine.
Modulations basiques
Pour moduler le son en temps réel, il n’y a que le pitchbend (assigné au pitch et au VCF avec deux curseurs de dosage), le bouton-poussoir de modulation (simplement assigné à l’activation du LFO sur ses destinations) et l’entrée pour pédale continue sur le VCF. On pourra en partie se consoler du peu de modulations avec l’arpégiateur. Il peut agir de 1 à 3 octaves, suivant 3 motifs : vers le haut, alterné ou vers le bas ; donc pas de mode aléatoire. Sa fréquence varie de 1,5 à 50 Hz (ce qui donne des effets intéressants à fréquence rapide). On ne peut pas le synchroniser avec le cycle du LFO, mais avec une horloge externe. Quand les notes sont arpégées, l’enveloppe se poursuit jusqu’à la fin de segment de déclin, un comportement type Gate qui diffère du comportement habituel des arpégiateurs, agissant par simple trigger.
Extensions Midi
Plus sophistiquée et toujours commercialisée, l’interface Juno-66 de Tubbutec. Outre la synchro de l’arpégiateur et l’émission des notes par la sortie Midi, elle apporte de nouveaux modes de voix (poly, duo, triphonique), un portamento sophistiqué, 2 LFO, une seconde enveloppe ADSR sur le filtre et un petit séquenceur. Par contre, elle n’intervient pas sur les mémoires internes et ne gère pas les CC Midi ou Sysex. De plus, elle est assez intrusive. Enfin, on trouve le kit Minerva de MidiPolis. Toujours disponible, il apporte une seconde enveloppe ADSR globale pour le filtre (modulation bipolaire), un second LFO avec synchro Midi (assignable aux pitch bend, DCO, PWM, niveau du sous-oscillateur, niveau de bruit, FC, résonance, VCA), une mémoire étendue à 80 programmes, l’émission/réception de CC Midi pour les commandes en façade et le transfert des mémoires par Sysex. De quoi faire du Juno-60 un synthé moderne, sans en changer le caractère sonore. Par contre, il n’apporte pas le Portamento ou les modes de voix du kit Tubbutec. Il sacrifie l’interface cassette, alors devenue inutile. Plutôt intrusif, mais pas totalement irréversible, il se fixe via un support soudé en miroir au processeur principal (conservé) et la connectique Midi In/Out prend la place du port DCB d’origine. Cette intervention nécessite beaucoup de soin. Il faut idéalement dessouder et nettoyer les contacts du processeur puis souder le support en miroir avec le même flux d’étain. On peut lire des horreurs sur la toile, liées à une mauvaise installation.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/488673.png)
- 01 Dark Strings00:46
- 02 Huge Strings00:27
- 03 Perc Organ00:38
- 04 True Brass00:25
- 05 Saved Prayer00:45
- 06 Flash Night00:55
- 07 Sub Rez00:21
- 08 Low Phatt00:40
- 09 Soft Pad01:08
- 10 Chants Electriques00:40
- 11 Funk Clav00:22
- 12 Vocal Pad01:03
- 13 Soft Bee00:37
- 14 Sad Strings01:11
- 15 Filter Flow01:03
Conclusion
Le Juno-60 a su s’imposer sur de nombreuses productions depuis sa sortie au début des 80’s. Il a grandi dans l’ombre du Jupiter-8, déjà inabordable à l’époque. La sortie du Juno-106 quelques années plus tard n’a pas amoindri l’engouement pour l’ancêtre. Conséquence directe aujourd’hui, la cote du Juno-60 s’envole chaque jour et rien ne semble pouvoir arrêter ce délire. On comprend un peu pourquoi dès qu’on plaque les premiers accords ou qu’on bouge les curseurs : ça sonne bigrement large, gras, généreux, punchy et même très doux si on le souhaite. Bref, difficile de faire des sons pourris sur un Juno-60 ou de détester la machine. C’est un synthé simpliste, cantonné à un certain registre très 80’s, monotimbral, mono DCO, mono LFO et mono enveloppe, mais d’une redoutable efficacité. Avec sa PWM mythique, son sous-oscillateur pesant, son filtre signature, son enveloppe punchy, son chorus énorme et ses mémoires, on comprend qu’il ait fait le tour du monde des plus grands studios et des plus grandes scènes. Vite, vite, avant qu’il ne devienne inabordable !