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Test de l'Ensoniq Fizmo - Drôle de bestiole

Déclinant sa technologie à Transwaves dans une machine orientée temps réel, Ensoniq renoue avec les synthétiseurs pure race. Le nouveau Fizmo demande plein d’attention : le garder loin de la lumière, ne pas le mouiller, ne pas le nourrir après minuit...

Depuis le Mirage en 1985, Enso­niq s’est forgé une solide répu­ta­tion auprès des amateurs d’échan­tillon­neurs (EPS, ASR), de synthé­ti­seurs (VFX, TS, MR) et d’ef­fets dédiés (DP). Un des points commun des synthé­ti­seurs et échan­tillon­neurs Enso­niq est leur grain très parti­cu­lier, genre gros son made in USA, pas toujours hyper clean mais toujours très origi­nal. Une autre de leur spéci­fi­cité est leur excel­lente section effets, bien souvent citée en exemple. Avant son rachat par Crea­tive Labs et sa fusion avec E-mu, la société de la côte Est améri­caine a lancé le Paris, une station de montage numé­rique. Plus récem­ment, Enso­niq a annoncé le FIZMO, un synthé­ti­seur à Trans­waves basé sur le contrôle en temps réel. Nous allons nous concen­trer sur cette machine qui, à l’ins­tar de l’E-mu Audity 2000, s’adresse à une niche de marché : les musi­ciens blasés à la recherche d’un son tota­le­ment nouveau et de commandes temps réel. Ouvrons la cage ! 

Moog way

Ensoniq Fizmo

Dans sa version clavier, le FIZMO est une machine embarquée dans un châs­sis métal­lique robuste couvert de commandes en son centre, comme ses ancêtres Moog. Pas moins de 23 poten­tio­mètres rota­tifs et 34 inter­rup­teurs surplombent un clavier 5 octaves sensible à la vélo­cité et à la pres­sion, bordé à gauche par une paire de molettes. Le clavier a un toucher plas­tique assez agréable, dommage qu’En­so­niq ait aban­donné la pres­sion poly­pho­nique comme sur les ASR, TS et VFX. Le FIZMO n’aime pas la lumière, 4 pauvres diodes 7 segments ont remplacé les écrans fluo­res­cents bleus des précé­dents modèles. Les poten­tio­mètres sont large­ment dimen­sion­nés mais leur trop grande proxi­mité rend l’ac­cès à certains inter­rup­teurs périlleux. Si le choix est justi­fié par une écono­mie d’échelle avec le modèle en rack sur lequel les commandes sont reprises telles quelles, il prive la version clavier d’une ergo­no­mie supé­rieure. De plus, l’or­ga­ni­sa­tion des commandes est assez empi­rique, avec assez peu de respect pour la logique du parcours du signal (effets à gauche, tona­lité en haut, ondes en bas, enve­loppes de nouveau en haut, filtres de nouveau en bas, LFO à droite). Bref, diffi­cile de suivre la bête à la trace. Le panneau arrière est plus clas­sique : sorties casque, audio gauche / droite, entrée audio mono (avec réglage de niveau) en jack 6.35, trio Midi, prise pour pédales doubles et alimen­ta­tion hélas externe. Dommage qu’En­so­niq n’ait pas été appâté par l’in­ter­face pour carte mémoire et les sorties sépa­rées. 

Il chante

Le FIZMO est une machine poly­pho­nique à 48 oscil­la­teurs capable d’émettre en perma­nence sur 4 canaux multi­tim­braux perma­nents. En mémoire interne résident 64 programmes, dans lesquels les quatre sons sont arran­gés en couches ou sépa­rés sur le clavier. Les programmes d’usine comportent des sono­ri­tés évolu­tives à souhait, des timbres cris­tal­lins, des nappes très riches, quelques formants de voix et un ensemble de percus­sions élec­tro­niques. Certains sons ressemblent beau­coup aux textures des Waves­ta­tion Korg et Micro­wave Waldorf. La dyna­mique est remarquable, grâce notam­ment aux conver­tis­seurs N/A 20 bits et à la fréquence de lecture des échan­tillons à 44,1 kHz sur 16 bits.

Ensoniq Fizmo

L’ori­gi­na­lité du FIZMO réside dans sa source de produc­tion sonore, tirée de formes d’ondes échan­tillon­nées arran­gées en Trans­waves. Une Trans­wave est une onde évolu­tive obte­nue par resyn­thèse, conte­nant de multiples images plus simples d’ondes échan­tillon­nées qui peuvent avoir un contenu harmo­nique très proche ou radi­ca­le­ment diffé­rent. La grande force de la machine est de pouvoir modu­ler à outrance et à vitesse constante le passage entre ces ondes ou sein d’une même Trans­wave, par un LFO ou une enve­loppe par exemple. Une fois qu’on empile plusieurs Trans­waves, on obtient alors des textures très riches et inédites. La machine convient donc a priori aux musi­ciens défi­ni­ti­ve­ment blasés des lecteurs d’échan­tillons et capables de domp­ter une horde de sono­ri­tés sauvages. 

Trans­for­ma­tion

Ensoniq Fizmo

Chacune des 4 couches d’un programme peut compor­ter 2 oscil­la­teurs indé­pen­dants que l’on sélec­tionne ou que l’on mute grâce à 2 inter­rup­teurs dédiés. Chaque oscil­la­teur possède sa propre Trans­wave envoyée dans un filtre, un pano­ra­mique et un départ effet. Une modu­la­tion très souple vient complé­ter le tout, nous y revien­drons.

La machine renferme 58 Trans­waves stockées dans une Rom de 4 Mo. Les trois premières Trans­waves sont de simples ondes dent de scie, carrées et un Kit dépouillé de percus­sions élec­tro­niques très marqué TR-909. Les 55 autres sont de véri­tables Trans­waves, parmi lesquelles un ensemble d’ondes rectangles à largeur variable, une série de réso­nances évolu­tives, un passage continu entre plusieurs voyelles, des morphings de cloches et des effets spéciaux plus ou moins chao­tiques. On retrouve certaines ondes qui ont fait les beaux jours des VFX, SD et TS. Comme sur ces machines, on peut choi­sir de ne lire qu’une portion fixe de Trans­wave ou de la balayer large­ment en quelques coups de poten­tio­mètre dédié. Une fois accor­dée, la Trans­wave passe dans un filtre passe-bas réso­nant quatre pôles. La réso­nance est une première chez Enso­niq, bravo ! Par contre, nous préfé­rions la souplesse du double-filtre deux pôles à réponse variable des précé­dents modèles. Notons que le réglage du poten­tio­mètre de réso­nance ne s’opère pas en temps réel, alors que tous les autres mouve­ments de poten­tio­mètres le font (hélas en mode « saut » unique­ment). Globa­le­ment, le filtre est très effi­cace et dispose d’un réglage de Tracking bipo­laire. Pour termi­ner, il reste à défi­nir pour chaque oscil­la­teur le niveau et le pano­ra­mique avant de reve­nir complè­te­ment à gauche pour le réglage des effets. La chasse est ouverte !

Grem­lins

Les facul­tés de modu­la­tion du FIZMO peuvent litté­ra­le­ment méta­mor­pho­ser la bête. Pas de doute, il a du être nourri après minuit, avec notam­ment une magni­fique matrice permet­tant d’as­si­gner 22 sources à 8 desti­na­tions. Parmi les sources, on trouve trois enve­loppes, un LFO, les molettes, le numéro de note Midi, quatre contrô­leurs Midi assi­gnables et un géné­ra­teur de bruit produi­sant des temps de modu­la­tion aléa­toires. Les enve­loppes, de type ADSR, sont affec­tées par défaut à la tona­lité, au filtre et au volume. Elles peuvent fonc­tion­ner selon les modes « clas­sique », « dérou­le­ment total » ou « boucle ». La vélo­cité permet de modu­ler sépa­ré­ment leurs niveaux globaux. Le LFO possède 7 formes d’ondes et peut se synchro­ni­ser à l’hor­loge Midi. Quant au géné­ra­teur de bruit, il peut fonc­tion­ner en mode abrupt ou adouci.

Ensoniq Fizmo

Passons aux desti­na­tions, dispo­sant chacune d’un poten­tio­mètre de réglage du niveau de modu­la­tion, pour la posi­tion dans la Trans­wave, la tona­lité de l’onde et la fréquence de coupure du filtre. Un porta­mento mono ou poly­pho­nique complète le tableau. Et voilà, c’est tout ce que permet la machine direc­te­ment, sachant qu’une version dédiée gratuite d’Uni­syn en cours de déve­lop­pe­ment est promise par le construc­teur sur simple envoi du bon de garan­tie. Celui-ci permet­tra notam­ment un accès direct à tous les para­mètres de la machine, notam­ment toutes les desti­na­tions de modu­la­tions (volume, pano­ra­mique…), les segments d’en­ve­loppes au grand complet, le LFO global et les para­mètres d’ef­fets. Frus­trant, ce choix initié depuis la série MR, de la part d’un construc­teur qui nous a livré des machines aussi profondes qu’une fosse aux lions.

Bien mouillé

Pour donner encore plus de vie au FIZMO, il suffit de le mouiller avec une section effets et un arpé­gia­teur. La première comprend un multief­fets d’in­ser­tion et une réver­bé­ra­tion. Chaque oscil­la­teur peut être routé sur un des cinq bus dispo­nibles : l’in­ser­tion, l’un des trois départs réver­bé­ra­tion (fort / moyen / faible) ou le bypass, ce qui n’est pas très souple en regard de produits de même gamme. Tout aussi rigide, l’ac­cès aux para­mètres se résume au choix d’un algo­rithme parmi 41 effets d’in­ser­tion / 8 réver­bé­ra­tions et à la sélec­tion d’une varia­tion, à savoir un programme d’usine. Par contre la quan­tité et la qualité sont au rendez-vous, grâce au VLSI 24 bit maison ESP-2 qui a fait la répu­ta­tion de la marque.

Ensoniq Fizmo

Dans la liste du multief­fets d’in­ser­tion, on trouve tous les effets clas­siques et leurs combi­nai­sons, ainsi qu’une Chat­ter Box, un effet de formant de voix, un compres­seur / délai / tremolo et un voco­deur. Ce dernier permet de trai­ter un signal de synthèse interne (de préfé­rence riche en harmo­niques) avec un signal d’ana­lyse connecté à l’en­trée audio, telle que la voix ou une boîte à rythmes. Tous les para­mètres de synthèse restent alors actifs sur le signal de synthèse mais l’ac­cès aux bandes de fréquence est impos­sible. En revanche, les résul­tats obte­nus sont assez convain­cants avec une intel­li­gi­bi­lité correcte et une tran­si­tion voyelles / sifflantes maîtri­sée.

Passons main­te­nant à l’ar­pé­gia­teur, basé sur une centaine de Presets d’usine. Outre le tempo et la fenêtre de jeux (1 à 4 octaves), on peut accé­der à une quin­zaine de para­mètres : numéro de Preset, réso­lu­tion ryth­mique, durée de note, swing, notes hautes et basses, réponse au toucher et tenue. En outre, on peut créer des tierces mineures ou majeures, des quartes, des quintes et des octaves. Voilà un outil complet qui fait honneur à son espèce.

Gizmo

Au global, le FIZMO est une machine origi­nale qui ne laisse pas indif­fé­rent. Ceux qui possèdent d’an­ciens synthé­ti­seurs de la marque connaissent la richesse des Trans­waves. L’avan­tage du FIZMO par rapport à ses ancêtres, c’est son panneau couvert de commandes qui le prédis­pose pour le temps réel. On regrette simple­ment leur proxi­mité diffi­ci­le­ment justi­fiable sur le modèle clavier.

Autre reproche ergo­no­mique, le fait qu’à part les cinq poten­tio­mètres assi­gnables « FIZMO » qui trans­mettent des CC Midi, les autres commandes se contentent d’émettre des NRPN. Le Midi n’est d’ailleurs pas le point fort de la machine, avec un seul canal d’émis­sion et une récep­tion globale sur six canaux prédé­ter­mi­nés. En revanche, les modu­la­tions, l’ar­pé­gia­teur et les effets sont superbes, même si un éditeur est néces­saire pour en tirer plei­ne­ment partie. Autre point appré­cié, l’OS est gravé en Flash­Ram. Notre ultime ques­tion concerne en fait la spécia­li­sa­tion du FIZMO dans la produc­tion presque exclu­sive de Trans­waves. Ceci le rend très pointu, sans doute trop. Au final, le FIZMO est une bestiole très atta­chante et tout à fait origi­nale dont la garde néces­si­tera pas mal de précau­tions et de matu­rité.

Glos­saire

Flash­Ram : mémoire réins­crip­tible dont les données sont conser­vées par pile. Utili­sa­tion : sauve­garde des programmes, OS.

Voco­deur : filtre capable de calquer la réponse des bandes de fréquences d’un signal d’ana­lyse sur un signal de synthèse.

Formant de voix : réso­nances carac­té­ris­tiques du timbre de la voix, constantes quelle que soit la fréquence fonda­men­tale.

  • L’originalité des sons
  • Le concept temps réel
  • Le vocodeur avec entrée audio
  • La matrice de modulations
  • L’arpégiateur, très complet
  • Le processeur d’effets, superbe
  • L’OS évolutif en FlashRam
  • L’afficheur, réduit au minimum
  • L’accès réduit aux paramètres
  • La mémoire un peu chiche
  • La proximité des commandes
  • L’implémentation Midi limitée

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