Nouveau clavier de scène conçu par Kurzweil, le Forte rassemble de nombreux atouts, tout du moins sur le papier. Voyons ce qu’il en est en situation.
On ne présente plus les instruments Kurzweil. Et si l’on doit les présenter, autant se reporter aux différents tests parus ici chez Audiofanzine. Et notamment aux tests du PC3K et de l’Artis, puisque Forte, le clavier présenté aujourd’hui, emprunte aux deux, tout en proposant autre chose, sinon à quoi bon ? L’histoire du créateur de ces instruments incroyables, Ray Kurzweil, est tout aussi intéressante, et l’on pourra consulter, si vous ne l’avez pas fait lors de la lecture du test de l‘Artis, sa page Wiki et son site.
Introducing Kurzweil Forte
Dans le carton, un cordon d’alimentation, une pédale de sustain, un câble USB, des mini pieds autocollants et un manuel papier (en anglais) accompagnent le clavier de 88 notes, moins lourd qu’on aurait pu le croire (22 kg).
Installation, branchement, et mains sur le clavier : déjà un très bon point, ce clavier. Car il s’agit d’un des hauts de gamme de chez Fatar, le TP/40L (le même que sur les PC3K). Ce clavier, le plus léger des lourds chez Fatar, permet aussi bien un jeu de piano que la maîtrise des sons d’orgue et de synthés, même si rien ne vaut réellement un waterfall ou un semi-weighted pour ces deux derniers.
Ensuite, si le look est assez proche de l’Artis (sans la bande alu de ce dernier, mais c’est vraiment un détail), le nouvel écran couleur saute aux yeux : enfin, Kurzweil passe le cap, et nous offre une visualisation agréable et fonctionnelle (482 × 272 pixels). Le tactile viendra certainement bientôt…
À l’arrière, la connectique est complète : un trio MIDI (avec interrupteur Thru/Out), deux paires de sorties symétriques en jack TRS 6,35 (avec convertisseurs N/A 24 bits), une entrée mini-jack pour flux audio (lecture uniquement, hélas, ni traitement, ni échantillonnage), deux entrées pour contrôleurs continus MIDI, trois entrées pour contrôleurs switch (avec support du jeu demi-pédale) et deux ports USB, l’un pour l’insertion d’un périphérique de stockage, l’autre pour la liaison avec l’ordinateur (afin de profiter de l’éditeur Mac/PC fourni, une véritable centrale de sound design, très puissante et très bien conçue par l’éditeur SoundTower, puisque l’on peut synthétiser pratiquement n’importe quel son et le sauvegarder dans l’un des emplacements utilisateurs du Forte).
La prise casque est en façade (les fabricants ont enfin compris…), et les commandes sur la face supérieure sont légion : les deux classiques molettes, neuf tirettes (avec LED blanches du plus bel effet sur scène), neuf boutons assignables, deux boutons (Variation et Tap Tempo), deux pour la transposition, un EQ trois bandes (medium semi-paramétrique), un Compressor Master, tous deux dotés d’un bypass. L’écran est flanqué de plusieurs boutons de navigation et sauvegarde, dont six sous l’écran dont les fonctions sont affichées sur ce dernier. En dessous, on trouve une rangée de dix boutons Favorites, permettant d’appeler une sélection de… favoris, parmi 16 banques programmables. À droite, un pavé regroupant les familles de sons ainsi que le gros rotatif de sélection et ses boutons + et -, une constante de la marque. Bref, tout ce qui fait la force des claviers Kurzweil en termes de commandes : accessibilité, ergonomie, foisonnement et programmation.
|
On retrouve les 128 voix de polyphonie avec allocation dynamique, les 16 Parts MIDI, les quatre Zones programmables et les plus de 1000 configurations d’effets, composées des 32 fournis. Concernant les sons, du nouveau (on y revient) et du connu : une sélection de sons des PC3 et et de l’extension Kore 64, répartis en Programs (332 présets d’usines, 1024 emplacements utilisateur) et Multis (186 d’usine, 1024 emplacements utilisateur). Les différents tests, notamment ceux de l’ami synthwalker, ont fait entendre ces sonorités et leurs effets, nous n’y reviendrons pas, nous contentant de passer en revue ce qui est nouveau.
Un comparo de poids…
Retour du protocole de mesure de l’envoi de la vélocité : courbe de réponse à la vélocité linéaire (quand c’est possible), neuf lâchers d’un poids de 100 grammes sur la même touche blanche (le bord du poids est à la verticale de celui de la touche, le poids est posé sur la touche sans le laisser peser, suivi d’un lâcher brusque), puis moyenne des neuf, avec indication des valeurs les plus faible et plus forte.
Voici tous les résultats déjà mesurés :
- Kurzweil Forte : 25–38 (32,2).
- Arturia KeyLab 49 : 36–66 (56).
- Arturia The Laboratory 61 : 56–73 (64,4).
- Kurzweil K2500X : 37–39 (37,8).
- Novation Launchkey 61 : 43–52 (48,6).
- Yamaha SY99 : 19–24 (21,7).
Non seulement du German, mais aussi du Japan
Kurzweil a précédemment réussi à faire tenir ses sons dans quelques Mo d’échantillons, en utilisant au mieux les principes de l’échantillonnage (au moins la fréquence double de la plus haute fréquence échantillonnée), même si l’Artis voyait une (mini) révolution avec ses 128 Mo de stockage. Autant dire que l’annonce d’un stockage de 16 Go est, elle, une vraie révolution. Deux nouveaux pianos, un German 9’ (oh, mais de quelle marque peut-il bien s’agir ?) et un Japan (oh, mais de quelle marque peut-il bien s’agir ?) sont constitués chacun de 4 Go d’échantillons.
Commençons par le test habituel, celui du passage d’une couche de vélocité à l’autre. On entendra dans l’ordre le Rich 9Ft Grand, puis le Rich 7ft Grand et enfin le Rooftop 73 Rhds, les effets ayant été désactivés pour tous les instruments. Chaque piano dispose d’un nombre de layers confortable, puisque dans l’ordre, on en compte 18, 20 et 14. Il faut cependant savoir que ces programmes ne sont pas constitués uniquement de layers de vélocité : on y compte aussi les layers d’échantillons de pédale, de release, de bruits divers. En suite, tout comme pour l’Artis, l’éditeur crée ses programmes en n’utilisant pas uniquement des échantillons de l’instrument : par exemple le programme Rooftop 73 Rhds inclut trois layers de Celeste (la synthèse VAST fait le reste), une excellente idée pour figurer les brillances des tines de l’instrument. Il faut absolument rentrer dans l’éditeur afin de comprendre comment les sons sont conçus, tant les possibilités sont vastes (ha, ha…).
Certes, cela ne sonne pas aussi lisse qu’avec les super pianos constitués de plusieurs dizaines d’échantillons, certes. Mais quel est le résultat en situation ? À l’attention des lecteurs découvrant ce test et n’ayant pas lu les précédents (pianos virtuels ou pseudo-virtuels), je rappelle que j’utilise toujours les mêmes fichiers afin de permettre la comparaison entre les produits, sans modification aucune de la vélocité ni de la réponse des instruments.
Commençons par la « Romance en La b Majeur » de Rimsky-Korsakov, avec les programmes Solo 9 ft Grand, puis Solo 7 ft Grand.
On continue avec les programmes New Orleans, puis Soul Piano, pour le « Triplets Boogie ».
Puis le plus cinématique « Emotional », avec le programme Elegant Grand.
Ensuite, un extrait d’une impro, avec les programmes Rich 9Ft Grand, puis Rich 7ft Grand.
Il faut reconnaître que les instruments s’en tirent très bien, mieux que ceux de l’Artis et des générations précédentes de produits Kurzweil, sans forcément rivaliser avec un Ivory II ou les True Keys, notamment pour tout ce qui est résonance sympathique, production d’harmoniques, etc., mais en mobilisant beaucoup moins de ressources. Et, une fois sur scène, le son sera là, peut-être plus pertinent qu’un instrument extrêmement détaillé, tant les façades et les conditions live sont totalement différentes du travail en studio.
Mais ce travail en studio pourra tout à fait être effectué, si l’on ne cherche pas à jouer des œuvres classiques en solo, mais que l’on intègre ces pianos dans un contexte pop, rock, voire jazz sous certaines conditions.
Quelques reproches : malgré l’allocation dynamique des voix, il arrive que les tenues ne… tiennent pas. Et les stéréos sont parfois un peu larges, un problème assez courant sur les versions virtuelles des pianos, pouvant entraîner des problèmes de phase. On y remédiera via une gestion appropriée des pans et des effets (réverbe, etc.).
On continue avec les autres nouveautés, d’abord les clavinets et clavecins.
Plutôt réussis, on entend clairement le bois sur quelques présets à certaines hauteurs. Et ensuite, les nouveaux pianos électriques.
Là aussi, le fabricant fait assez fort. J’ai la chance de jouer deux fois par semaine sur un Rhodes en parfait état, via DI, amplifié, ou trafiqué par le Flux:FX d’Adrian Belew ou le VKFX d’Overloud (en attendant de réinstaller le mien), et je dois dire que le Forte est assez bluffant : brillance, saturation, étouffement, équilibre timbral, dynamique, on s’y croirait. Les présets sont de plus très bien réalisés (mais c’est une constante chez Kurzweil), faisant un judicieuse utilisation des effets (les Drive sont très réussis). Seule différence notable, comme d’habitude, la réponse du clavier. Il faudrait, tout comme pour le Clavinet d’ailleurs, produire un jour un clavier-maître reprenant exactement les sensations des originaux, et l’illusion serait quasi parfaite.
Et, enfin, un petit bonus, juste pour le plaisir.
Un reproche, tout de même. Lorsque l’on change de programme, il y a une petite baisse du volume, visiblement de façon à ce que les effets soient appliqués. C’est parfois gênant, mais on prend vite le coup. Et puis l’implémentation de Flash Play permet malgré tout une rapidité assez phénoménale dans les chargements (c’est instantané, sauf ce petit saut de volume), quand on pense au poids de certains programmes.
Bilan
Indéniablement, Forte est une belle réussite. On trouvera tout ce que l’on peut souhaiter pour se produire sur scène, tout en disposant d’une puissante station sonore en studio, grâce aux nombreuses fonctions de synthèse dont l’édition est possible via l’application de SoundTower (il semble de plus qu’un éditeur sous iOS soit en cours de développement). Les seuls réels défauts sont le petit décalage lors du passage d’un son à l’autre. Mais il est bien plus court que le temps d’attente lors du chargement d’un programme d’un poids équivalent dans Kontakt ou Mach Five. L’autre étant la zone de 5 mm entre le La –1 et le support des molettes, non protégée, et propice à laisser entrer la poussière, voire pire.
Certes, la machine affiche un certain prix. Mais un clavier avec un tel toucher, l’aftertouch, une banque de sons très réussie dont les pianos, tant acoustiques qu’électriques, n’ont pas à rougir face aux autres claviers de scène (sans parler du KB3, qui, même ancien, fait toujours l’affaire), autant de commandes sous les doigts d’un coup, plus des connexions très complètes, bref, on est ici face à un instrument haut de gamme, et le haut de gamme, eh bien, ça coûte, ce n’est pas plus compliqué que ça (pensez au prix d’achat d’une guitare…). En tout cas, si je ne disposais pas déjà d’un K2500X, nul doute que le Forte aurait trouvé sa place sur le support clavier du studio. Un Award Valeur Sûre, pour sûr.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)